CA Orléans, 15 septembre 2008, n° 07/01684
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Institut Pasteur (Fondation), Comité de Paris de la Ligue Nationale Française Contre le Cancer
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bureau
Conseillers :
Mme Nollet, Mme Hours
Avoués :
SCP Laval-Lueger, Me Garnier
Avocats :
Me Postel-Vinay, Me Vinet
Madame X, née le 14 avril 1918, célibataire, est décédée à BLOIS, le 13 mars 2004, ne laissant à sa succession aucun héritier réservataire.
Aux termes d'un testament olographe du 16 mars 1987, déposé au rang des minutes de maître Y, notaire à PARIS, le 5 mai 2004, elle a consenti à la FONDATION INSTITUT PASTEUR et à la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER, un legs décrit dans les termes suivants :
"Je soussignée X, demeurant <adresse>, désire qu'en cas de décès, ses biens mobiliers et immobiliers :
Maison et jardin situés <adresse>
studio, <adresse>,
Soient vendus au bénéfice des oeuvres suivantes :
Institut Pasteur <adresse>
Comité de PARIS de la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER <adresse>.
En aucun cas, une part ne doit être attribuée aux familles A, ses cousins, et B.
Elle demande à être enterrée à CLAMEREY (21 390), tombeau famille XX.
Fait à PARIS, le 16 mars 1987".
Les consorts Z, auxquels sont venus se joindre en cours d'instance les consorts W, ont saisi le tribunal de grande instance de BLOIS, aux fins de voir dire que, aux termes du testament susvisé, la de cujus n'avait entendu léguer à L'INSTITUT PASTEUR et à la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER que les immeubles cités et les meubles meublants, l'argent devant revenir à la famille, à la seule exception des personnes exhérédées.
L'INSTITUT PASTEUR et la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER se sont opposés à cette demande, soutenant qu'ils avaient bénéficié d'un legs universel conjoint.
Par jugement du 5 avril 2007, le tribunal a :
- dit que le testament du 16 mars 1987 avait institué L'INSTITUT PASTEUR et la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER, légataires à titre particulier,
- dit que les biens de X, hormis les biens mobiliers et immobiliers visés au testament, revenaient aux successibles de la défunte,
- débouté L'INSTITUT PASTEUR et à la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER de leurs demandes,
- condamné ces derniers à verser aux intimés une indemnité de procédure de 2.000 €, ainsi qu'à supporter les dépens.
L'INSTITUT PASTEUR et la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER ont interjeté appel de la décision.
Par conclusions du 29 avril 2008, ils sollicitent l'infirmation de cette dernière et demandent à la cour, statuant à nouveau, de :
- dire qu'ils sont légataires universels conjoints de X,
- les envoyer en possession de leurs legs respectifs, chacun pour moitié du patrimoine de la succession,
- débouter les intimés de leurs demandes,
- les condamner, in solidum, au paiement d'une indemnité de procédure de 10.000 € et aux dépens.
Ils soutiennent que, bien que la défunte ait expressément désigné les biens immobiliers objets du legs et qu'elle n'ait pas employé dans son testament le terme 'universel', il s'agit bien, en l'occurrence, d'un legs universel, puisque celui-ci porte sur les 'biens mobiliers et immobiliers' de la testatrice, ce qui recouvre l'ensemble de l'actif mobilier et immobilier, au sens juridique du terme, en ce compris les avoirs financiers, étant observé que les biens immobiliers nommément désignés sont les seuls dont X était propriétaire.
Ils font valoir qu'il ne peut être déduit de l'exhérédation des familles A et B que la testatrice aurait entendu réserver une partie de ses biens aux intimés, ces derniers, cousins au 4e degré, n'étant manifestement pas présents à son esprit au moment de la rédaction du testament, puisqu'ils ont été recherchés et identifiés ultérieurement par une étude de généalogistes, qui leur a fait signer des procurations pour agir en justice dans le cadre de la succession.
Selon conclusions du 23 avril 2008, les consorts Z W sollicitent la confirmation du jugement déféré, le rejet des demandes formées par L'INSTITUT PASTEUR et la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER, la condamnation de ces derniers à leur payer 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et leur condamnation aux dépens.
Ils font valoir qu'ils sont les seuls héritiers par le sang de la testatrice, que, en exhérédant seulement les familles A et B, celle-ci a entendu laisser à ses autres héritiers à tout le moins ses avoirs financiers, le legs consenti aux associations ne portant que sur les biens immobiliers identifiés et les meubles meublants les garnissant, que, dans le cas contraire, X leur aurait légué l'ensemble de ses biens, sans autre précision, et que, en indiquant que les biens légués devaient être 'vendus' au profit des appelants, la testatrice a nécessairement exclu les liquidités financières.
SUR CE, LA COUR :
Attendu que le legs universel est la disposition testamentaire par laquelle le testateur donne à une ou plusieurs personnes l'universalité des biens qu'il laissera à son décès ;
Que l'institution de légataire universel n'est liée à aucune formule sacramentelle, étant entendu qu'il convient de s'attacher à la disposition même, et non à la dénomination employée par le testateur, pour en reconnaître la nature ;
Que la circonstance que X n'ait pas expressément employé dans son testament la formule 'legs universel' ou une formule similaire est donc inopérante ;
Attendu que la formule 'biens mobiliers et immobiliers' désigne indiscutablement l'ensemble du patrimoine de la défunte, les titres et autres valeurs mobilières constituant des biens mobiliers au sens des articles 529 et 535 du code civil ;
Qu'il est sans conséquence que la testatrice ait précisément identifié les biens immobiliers concernés, dès lors qu'il est acquis qu'elle ne possédait aucun bien de cette nature, autre que les deux immeubles nommément désignés ;
Que l'on ne peut s'attacher à l'expression 'soient vendus' pour considérer que seraient seuls soumis au legs les immeubles et les meubles meublants, les titres et valeurs mobilières étant susceptibles également de cessions, l'emploi du terme 'vendu' en ce qui les concerne apparaissant alors comme une simple maladresse de langage ;
Attendu qu'il ne peut être déduit de ce que X a précisé qu'en aucun cas une part de son héritage ne devrait être attribuée aux familles A et B qu'elle ait eu la volonté de laisser à disposition de ses autres héritiers, en l'occurrence les intimés, une partie de son patrimoine, dès lors qu'il apparaît que la testatrice n'a eu aucune conscience de l'existence de ces derniers, lorsqu'elle a rédigé son testament, lesdits héritiers n'ayant manifestement aucun contact avec elle, puisqu'ils ont dû être recherchés, après son décès, par une étude de généalogistes, dont, seul, le travail a révélé leur existence ;
Que l'exhérédation des familles A et B apparaît alors comme la manifestation d'une volonté affirmée d'exclure de sa succession les seuls héritiers dont elle avait connaissance et d'expliquer ainsi, de manière surabondante, le choix de laisser aux deux associations concernées la totalité de son héritage ;
Attendu que c'est, en conséquence, par suite d'une interprétation erronée des termes du testament, que le premier juge a qualifié de legs à titre particulier le legs consenti à L'INSTITUT PASTEUR et la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER ;
Que le jugement sera infirmé et les appelants déclarés bénéficiaires conjoints d'un legs universel, chacun pour moitié du patrimoine de la défunte ;
Attendu qu'il convient, en application des dispositions des articles 1006 et 1008 du code civil de faire droit à la demande des appelants aux fins de se voir envoyer en possession de leurs legs respectifs, chacun pour moitié du patrimoine de la succession ;
Attendu que les consorts Z et W, qui succombent, supporteront les dépens de première instance et d'appel, ainsi que le paiement d'une indemnité de procédure de 1.500 € ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
INFIRME le jugement entrepris et, STATUANT A NOUVEAU,
DIT que, en vertu du testament olographe rédigé le 16 mars 1987 par X, L'INSTITUT PASTEUR et la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER sont bénéficiaires d'un legs universel conjoint,
ORDONNE leur envoi en possession de leurs legs respectifs, chacun pour moitié du patrimoine de la succession de X, pour en disposer comme légataires universels conformément à la loi,
CONDAMNE, in solidum, les consorts Z W à payer à L'INSTITUT PASTEUR et à la LIGUE NATIONALE CONTRE LE CANCER, ensemble, la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €), sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE, in solidum, les consorts Z W aux dépens de première instance et d'appel et, pour ces derniers, accorde à la SCP C, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.