CA Paris, 3e ch. A, 13 novembre 2007, n° 06/16518
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Nancéienne Varin Bernier (SA), Bred Banque Populaire (Sté), Forum Immobiliare (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Chagny
Conseillers :
M. Le Dauphin, Mme Moracchini
Avoués :
SCP Grappotte-Benetreau, SCP Petit Lesenechal, SCP Garnier, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Me Corrado, Me Gillet
Vu le jugement en date du 11 septembre 2006 par lequel le tribunal de commerce de Melun a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme Imelda A...en date du 7 novembre 2005 et donné acte à la société Forum Immobiliare de ce qu'elle porte son offre d'acquisition de l'immeuble sis à Villesse dépendant de la liquidation judiciaire de Mme A...à la somme de 100. 000 euros ;
Vu l'appel formé par M. Mario X...à l'encontre de cette décision ;
Vu les conclusions en date du 6 septembre 2007 par lesquelles l'appelant demande à la cour :
- de le déclarer recevable et fondé en son appel nullité,
- de prononcer la nullité pour excès de pouvoir du jugement déféré,
- " évoquant " sur le fond,
. d'ordonner le rabat de l'ordonnance prononcée le 7 novembre 2005 par le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme A...,
. de constater que l'ordonnance prononcée le 6 décembre 2004 par ce magistrat est nulle et non avenue,
. d'autoriser la cession de gré à gré à son profit, au prix de 140. 000 euros, frais d'acte en sus, des biens et droits immobiliers dont la désignation est mentionnée aux conclusions susvisées,
. de condamner toutes parties succombantes, in solidum, à lui payer la somme de 4. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 21 septembre 2007 par lesquelles la société de droit italien Forum Immobiliare, intimée, demande à la cour de déclarer M. X..." irrecevable et non fondé en son appel nullité ", de confirmer le jugement déféré et de condamner l'appelant à lui payer la somme de 4. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 15 mai 2007 par lesquelles la SCP Perney Angel, agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Mme Imelda Z..., divorcée A..., intimée, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes formées en appel et, en tout état de cause, de fixer un nouveau délai pour permettre la signature de l'acte de cession ;
Vu les conclusions en date du 6 mars 2007 par lesquelles la société BRED Banque Populaire, intimée, demande à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur l'appel nullité de M. X...et, dans l'hypothèse d'une évocation sur le fond, de ce qu'elle s'associe à la demande de ce dernier visant à autoriser la cession de gré à gré à son profit de l'immeuble appartenant en indivision à Mme Imelda A...et à Louis J..., situé à Villesse (province de Gorizia, Italie) au prix de 140. 000 euros, frais en sus, et de condamner toutes parties succombantes à lui payer la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu l'assignation de Mme A..., ayant donné lieu à l'établissement, le 1er mars 2007, d'un procès-verbal dressé en application des dispositions de l'article 659 du nouveau Code de procédure civile, de sorte que le présent arrêt sera rendu par défaut ;
Vu l'assignation délivrée le 7 février 2007 à la société Nancéienne Varin Bernier (la SNVB) selon les modalités prévues à l'article 655 du nouveau Code de procédure civile, non suivie de constitution d'avoué ;
Vu l'assignation délivrée à la personne de M. K..., conformément aux dispositions du règlement (CE) no 1348 / 2000 du Conseil relatif à la signification et la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile et commerciale ;
Sur ce :
Considérant que la cour n'est pas saisie de l'appel en tant qu'il vise Mme Ariella F..., laquelle n'a pas été régulièrement citée à comparaître devant la juridiction du second degré ;
Considérant que par jugement du 3 avril 1989, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Mme Imelda A..., en sa qualité de dirigeante de fait de la société Sud Est Travaux de Bâtiments (SETB), la date de cessation des paiements étant fixée au 6 mai 1987 ; que par arrêt du 14 décembre 1993, devenu irrévocable, cette cour a confirmé le jugement susvisé en ce qu'il avait ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de Mme A...mais a infirmé un second jugement du 14 décembre 1990 ayant étendu à diverses sociétés et personnes physiques dont Mme A..., pour confusion des patrimoines, la procédure collective ouverte à l'encontre de la société SETD ;
Considérant que sur requête de Me Yves L..., administrateur du redressement judiciaire de Mme A..., cette procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 1er octobre 2001 lequel a désigné la SCP Perney Angel en qualité de liquidateur ;
Considérant que par un autre jugement du 1er octobre 2001, le tribunal de commerce de Melun a converti en liquidation judiciaire la procédure de redressement judiciaire ouverte à l'égard de Louis José J..., décédé entre temps ; que la SCP Perney Angel a également été désignée en qualité de liquidateur ;
Considérant qu'avant l'ouverture des procédures collectives les concernant, Mme A...et M. J...étaient propriétaires indivis, chacun pour moitié, de divers biens immobiliers sis à Villesse (Province de Gorizia) en Italie ;
Considérant que par ordonnance du 6 décembre 2004, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme A...a, sur la requête du mandataire liquidateur de cette dernière :
- autorisé " la cession amiable de l'immeuble sis à Villesse en Italie dépendant de l'actif de la liquidation judiciaire de Mme Imelda A...au profit de la société Forum Immobiliare représentée par M. Gianpaolo Postir moyennant le prix de 65. 000 euros (...) ",
- dit que l'acte de cession devra être signé au plus tard le 30 juin 2005,
- dit que son ordonnance sera " considérée comme non avenue en cas de non respect de ce délai ",
- nommé la SCP M..., titulaire d'un office notarial, comme rédacteur d'acte ;
Considérant que par ordonnance du 7 mars 2005, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Louis José J...a, sur la requête du mandataire liquidateur de cette procédure :
- autorisé " la cession de la part indivise de l'immeuble sis à Villesse (Italie), dépendant de la liquidation judiciaire de Feu Monsieur Louis José J..., pour le prix de 65. 000 euros au profit de la SRL Forum Immobiliare ",
- dit que le prix sera payé à la signature de l'acte et au plus tard le 30 juin 2006,
- dit que l'acte de cession sera reçu par Me M..., notaire à Melun ;
Considérant que par ordonnance du 7 novembre 2005, rendue sur la requête de la SCP Perney Angel, ès qualités, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme A...a :
- désigné M. Damjan K..., demeurant à Monfalcone (Italie) " en qualité de rédacteur d'acte dans la cession de l'immeuble sis à Villesse en Italie, dépendant de la liquidation judiciaire de Mme Imelda A...",
- dit que la signature de l'acte de cession devra intervenir " au plus tard avant le 31 mars 2006 " ;
Considérant que l'ordonnance du 7 novembre 2005 a été notifiée aux " créanciers hypothécaires " mentionnés dans la requête du liquidateur, à savoir la Banca Di Credito Cooperativo di Villesse, la BRED Banque Populaire et la société SNVB ;
Considérant que par ordonnance du 18 novembre 2005, le juge tabulaire du tribunal de Gorizia a rejeté la demande d'inscription sur les livres fonciers du transfert de propriété des biens immobiliers sis à Villesse au profit de la société Forum Immobiliare ;
Considérant que par lettre recommandée avec A. R. du 16 février 2006, M. Mario X..., déclarant venir aux droits de la Banca di Credito Cooperativo di Villesse pour avoir acquis le 15 juin 2005 la créance que celle-ci détenait sur Mme A...au titre d'un prêt du 15 septembre 1986 et qui avait donné lieu à une inscription d'hypothèque grevant la moitié indivise des biens immobiliers sis à Villesse, a formé opposition à l'ordonnance du 7 novembre 2005 ;
Considérant que le jugement déféré a confirmé cette ordonnance après avoir relevé que ce n'est que le 16 juin 2006 que M. X..., subrogé dans les droits de la banque italienne, a déclaré la créance entre les mains de la SCP Perney Angel, ès qualités, que la procédure collective visant Mme A...avait été ouverte par jugement du 3 avril 1989, que la créance en cause était en conséquence éteinte et que l'opposition formée par M. X..., n'ayant plus la qualité de créancier, était irrecevable ;
Considérant que le 18 septembre 2006, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme A..., a, à la requête du liquidateur, rendu une ordonnance visant celles ci-dessus mentionnées des 6 décembre 2004 et 7 novembre 2005, qui a :
- nommé Maître Chiara N...comme rédacteur de l'acte de cession en remplacement de M. K...,
- prolongé " le délai de signature de l'acte de cession à 4 mois suivant l'ordonnance ",
- dit que ladite ordonnance " sera considérée comme non avenue en cas de non respect de ce délai ",
- confirmé le prix de cession pour un montant de 100. 000 euros net vendeur ;
Considérant que le même jour, le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de la succession J..., a, sur la requête du liquidateur de cette procédure collective, rendu une ordonnance rédigée dans des termes identiques à ceux de l'ordonnance susvisée intervenue dans le cadre de la procédure collective de Mme A...;
Considérant que la société Forum Immobiliare, faisant valoir que M. X...ne caractérise aucun excès de pouvoir, en déduit que l'appel nullité de ce dernier, dirigé contre un jugement ayant statué sur le recours formé contre l'ordonnance rendue par le juge-commissaire, le 7 novembre 2005, dans la limite de ses attributions est irrecevable ;
Mais considérant, en premier lieu, que l'appelant fait justement valoir que le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme A...a excédé ses pouvoirs en chargeant M. K...de rédiger, dans un délai déterminé, l'acte de cession " de l'immeuble sis à Villesse (...) dépendant de la liquidation judiciaire de Mme A..." alors que cette dernière n'est pas propriétaire dudit immeuble mais est seulement, et ce dès avant l'ouverture de la procédure collective la concernant, titulaire d'une quote-part indivise portant sur des biens en particuliers et non sur une universalité ;
Considérant, en second lieu, que l'appelant fait encore justement grief au juge-commissaire d'avoir excédé ses pouvoirs en se prononçant comme il a fait le 7 novembre 2005 par une ordonnance privée de fondement juridique dès lors qu'elle se rattache par un lien de dépendance nécessaire à l'ordonnance du 6 décembre 2004 ayant autorisé la cession de gré à gré de l'immeuble sis à Villesse et que cette dernière ordonnance, dont le dispositif énonce qu'elle sera non avenue à défaut de signature de l'acte de cession à la date du 30 juin 2005, se trouvait frappée de caducité puisque cette exigence n'avait pas été satisfaite ;
Et considérant qu'en refusant d'examiner les griefs formulés à l'encontre de l'ordonnance du 7 novembre 2005, alors que M. X..., qui était subrogé dans les droits de la Banca Di Credito Cooperativo di Villesse, à qui ladite ordonnance avait été notifiée en tant que titulaire d'une hypothèque inscrite conformément à la législation italienne sur la part indivise de Mme A...et qui avait saisi le liquidateur, le 27 février 2006, d'une offre d'acquisition concurrente de celle de la société Forum Immobiliare, avait régulièrement formé un recours visant ladite ordonnance, le tribunal de commerce a à son tour commis un excès de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'appel est recevable ;
Considérant qu'il y a lieu, pour les motifs ci-dessus énoncés, de constater la caducité de l'ordonnance du 6 décembre 2004 et d'annuler l'ordonnance du 7 novembre 2005 ;
Considérant qu'il résulte de ces mêmes motifs que la demande de M. X...tendant à ce que la cour, saisie de l'appel du jugement ayant statué sur son recours visant l'ordonnance du 7 novembre 2005, autorise la cession de gré à gré à son profit des biens et droits immobiliers sis à Villesse, au prix de 140. 000 euros, ne saurait être accueillie, étant ici rappelé que les immeubles en cause ne dépendent pas de l'actif de la liquidation judiciaire de Mme A...qui n'a que des droits demeurés indivis ;
Considérant qu'il appartiendra, en conséquence, à l'organe de la procédure collective de Mme A..., qui est aussi celui de la procédure concernant la succession J..., laquelle n'apparaît avoir été déclarée vacante, de poursuivre conformément aux dispositions qui leur sont applicables, eu égard à la nature ci-dessus rappelée des droits de la débitrice et à la situation géographique des biens sur lesquels ils s'appliquent, la réalisation des opérations de la liquidation judiciaire ;
Considérant qu'il convient de rejeter l'ensemble des demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Et considérant que les circonstances de la cause justifient que chaque partie conserve la charge des dépens par elle exposés en première instance et en cause d'appel ;
Par ces motifs :
Déclare l'appel recevable ;
Annule le jugement déféré et statuant à nouveau :
Constate la caducité de l'ordonnance rendue le 6 décembre 2004 par le juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme A...;
Annule l'ordonnance du 7 novembre 2005 du juge-commissaire de la liquidation judiciaire de Mme Imelda A...;
Dit que les opérations de la liquidation judiciaire devront se poursuivre conformément à la loi ;
Dit que chaque partie conservera la charge des dépens par elle exposés en première instance et en cause d'appel ;
Rejette toute autre demande.