CA Paris, 3e ch. A, 25 novembre 2008, n° 07/14331
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Lagardère (SCA)
Défendeur :
ABN Amro Bank NV (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cabat
Conseillers :
M. Le Dauphin, Mme Moracchini
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Hardouin
Avocats :
Me Martin, Me de Barthes de Montfort
Vu le jugement en date du 19 juin 2007, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société de droit néerlandais ABN Amro Bank NV (la société ABN Amro) de s demande de convocation des masses de porteurs de bons de souscriptions d'actions (les BSA) et d'obligations convertibles,
- débouté la société ABN Amro des demandes formées pour le compte des masses de porteurs de BSA et d'obligations convertibles,
- dit recevable l'action de la société ABN Amro pour compte propre,
- dit que la prescription n'est pas acquise pour tous les BSA souscrits et pour toutes les obligations convertibles converties après le 31 mai 1996,
- dit que la société en commandite par actions Lagardère SCA (la société Lagardère), en effectuant des distributions de dividendes au titre des exercices 1993 et 1994 partiellement par prélèvement sur les primes liées au capital sans procéder à l'ajustement des parités d'échange prévu dans les contrats d'émission, a manqué à ses obligations contractuelles et a causé à la société ABN Amro un préjudice certain dont elle doit réparation,
- condamné la société Lagardère à payer à la société ABN Amro :
. une indemnité égale à la contre-valeur des actions Lagardère correspondant à l'absence d'ajustement des conditions d'exercice des obligations convertibles et des BSA émis par la société Lagardère,
. une indemnité égale à la privation de jouissance de ces mêmes actions résultant de l'absence de perception des dividendes mis en distribution, le montant de ces indemnités étant calculé pour les BSA et les obligations convertibles pour lesquels la prescription n'est pas acquise par application de la méthodologie énoncée par cette cour dans son arrêt du 19 mai 1999 dans le cadre de la procédure ayant opposé la société ABC Arbitrage à la société Lagardère,
- ordonné à la société ABN Amro de communiquer toutes informations détaillées nécessaires à l'évaluation des préjudices qu'elle invoque, et notamment les dates d'exercices des obligations convertibles et des BSA dont elle était titulaire, ainsi que les dates et volumes de revente de ses actions Lagardère issues de l'exercice de ces valeurs mobilières,
- renvoyé l'affaire à l'audience du 27 septembre 2007 pour communication des pièces et conclusions,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- réservé les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Lagardère aux dépens ;
Vu l'appel formé par la société Lagardère à l'encontre de cette décision ;
Vu les conclusions en date du 16 septembre 2008 par lesquelles l'appelante demande à la cour :
- de réformer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré non prescrite l'action engagée à titre personnel par la société ABN Amro à son encontre et en ce qu'il l'a condamnée à réparer le préjudice prétendument subi par la société ABN Amro, et en conséquence, de déclarer la société ABN Amro irrecevable en toutes ses demandes formées à l'encontre de la société Lagardère,
- très subsidiairement, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que la société ABN Amro ne pouvait prétendre qu'à une réparation par équivalent du préjudice qu'elle invoque au titre de l'absence d'ajustement des conditions d'exercice des obligations convertibles et BSA émis par la société Lagardère,
- de dire que cette réparation ne saurait être supérieure à 3.318.357 euros en capital et intérêts légaux, lesdits intérêts légaux ne pouvant courir, au plus tôt, qu'à compter de la mise en demeure adressée le 20 mai 2006 par la société ABN Amro à la société Lagardère, toute capitalisation de ces intérêts légaux étant par ailleurs écartée,
- en tout état de cause, de condamner la société ABN Amro à verser à la société Lagardère la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions signifiées le 6 octobre 2008 par lesquelles la société ABN Amro, intimée et appelante incidemment, demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu que la société Lagardère avait manqué à ses obligations contractuelles et lui avait causé un préjudice certain,
- de l'infirmer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de convocation des masses et de son action pour le compte de ces masses et en ce qu'il a rejeté sa demande d'exécution forcée des contrats d'émission,
et statuant à nouveau :
- avant dire droit :
. de condamner la société Lagardère sur le fondement de l'article L. 228-58 du code de commerce à convoquer une assemblée générale de la masse des titulaires de BSA issus du démembrement des actions à bons de souscription d'actions et des obligations convertibles à bons de souscription d'actions émises sur décision de l'assemblée générale mixte du 8 avril 1994,
. de dire que cette assemblée générale devra statuer sur l'opportunité de reprendre à son compte la présente procédure introduite par ABN Amro à l'encontre de la société Lagardère en application de l'article 1375 du code civil,
. de condamner la société Lagardère sur le fondement de l'article L. 228-58 du code de commerce à convoquer une assemblée générale de la masse des titulaires d'obligations convertibles issues de l'émission réalisée en avril 1993 en vertu de l'autorisation de l'assemblée mixte du 30 décembre 1992 et, par assimilation, de l'opération ci-dessus mentionnée,
. de dire que cette assemblée générale devra statuer sur l'opportunité de reprendre à son compte la présente procédure introduite par ABN Amro à l'encontre de la société Lagardère en application de l'article 1375 du code civil,
- au fond, à titre principal, de condamner la société Lagardère à délivrer une action Lagardère à chacune des deux masses dans l'intérêt desquelles ABN Amro agit à la présente instance,
- au fond, à titre subsidiaire,
. d'évoquer le quantum du préjudice subi par ABN Amro,
. de condamner la société Lagardère à délivrer 169.585 actions Lagardère à ABN Amro,
. de condamner la société Lagardère à délivrer le nombre d'actions Lagardère approprié à chacun des membres de chacune des deux masses parties à l'instance,
. de condamner à défaut la société Lagardère à verser à ABN Amro la somme de 5.852.439,03 euros à titre de contre-valeur des 169.585 actions,
- dans tous les cas, de condamner la société Lagardère à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur ce :
Considérant que sur autorisation de son assemblée générale mixte du 30 décembre 1992, la société Lagardère, société holding du groupe éponyme, a émis, en avril 1993, des obligations convertibles en actions Lagardère au titre d'un emprunt de 301.246.673 francs ; qu'ayant initié début 1994, une offre publique d'échange sur les actions et les obligations de sa filiale Matra Hachette, la société Lagardère a émis en avril 1994, afin de rémunérer les titres apportés à l'offre d'échange, des actions et des obligations convertibles auxquelles était attaché un bon de souscription d'actions Lagardère ; que ces actions et obligations convertibles ont par la suite fait l'objet de démembrements, les bons de souscription d'actions qui y étaient initialement attachés en ayant été détachés ;
Considérant que les contrats d'émission de ces valeurs mobilières, respectivement publiés au Balo le 22 février 1993 et le 13 avril 1994, prévoyaient qu'il serait procédé à un ajustement, selon des modalités précisées par le contrat, des bases de conversion ou des droits de souscription attachés aux bons en cas de réalisation par la société Lagardère de différentes opérations énumérées auxdits contrats : émission comportant un droit préférentiel de souscription, augmentation de capital par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d'émission, incorporation au capital de réserves, bénéfices ou primes d'émission par majoration de la valeur nominale des actions, distribution de réserves en espèces ou en titres de portefeuille, absorption, fusion, scission ;
Considérant que l'assemblée générale des actionnaires de la société Lagardère réunie le 28 juin 1994 et celle réunie le 23 juin 1995 ont décidé la mise en paiement, au titre des exercices clos les 31 décembre 1993 et 31 décembre 1994, de dividendes unitaires s'élevant respectivement à 2,50 franc et 2,80 par action, correspondant à une quote-part du bénéfice consolidé, mais excédant le bénéfice social réalisé au titre des exercices considérés ; que ces distributions ont été partiellement réalisées par prélèvement sur le compte prime d'apport ;
Considérant que ces deux opérations n'ont pas donné lieu à un ajustement des bases de conversion ou des droits de souscription des obligations convertibles et des BSA ci-dessus mentionnés ;
Considérant que la société d'arbitrage MFK contrepartie, aux droits de laquelle se trouve la société ABN Amro, détenait 5.842.350 BSA et 1.421.101 obligations convertibles ; que les obligations convertibles ont été converties en un nombre équivalent d'actions Lagardère le 8 juillet 1996 et que la faculté de souscrire des actions attachée aux BSA, à raison de deux actions pour cinq BSA, a été exercée le 4 mars 1997 ; qu'il a été alors remis à ABN Amro 2.336.940 actions ;
Considérant que, faisant valoir que les opérations de distribution de dividendes prélevés pour partie sur le compte primes d'apport rendaient obligatoire un ajustement des modalités de souscription des BSA et de conversion des obligations convertibles, la société ABN Amro, qui avait, par lettre du 20 avril 2006, mis en demeure la société Lagardère de lui remettre 169.585 actions au titre de l'absence d'ajustement, a, par acte du 31 mai 2006, assigné ladite société devant le tribunal de commerce de Paris ;
Considérant que la société ABN Amro demandait, avant dire droit, la condamnation de Lagardère à convoquer une assemblée générale de la masse des titulaires de BSA issus du démembrement des actions et des obligations convertibles à bons de souscription d'action émises en avril 1994 et une assemblée générale de la masse des titulaires d'obligations convertibles issues de l'émission réalisée en avril 1993 afin que ces assemblées statuent sur l'opportunité de reprendre à leur compte la procédure par elle introduite à l'encontre de la société Lagardère en application de l'article 1375 du code civil, au fond, à titre principal, la condamnation de Lagardère à verser une action et un euro, sauf à parfaire, à chacune des deux masses, et, à titre subsidiaire, la condamnation de Lagardère à délivrer à ABN Amro 169.585 actions et 2.135.273 euros ;
Considérant que c'est dans ces circonstances qu'a été rendu le jugement déféré, dont le dispositif est ci-dessus reproduit ;
Considérant que l'ensemble du litige a été dévolu à la cour par l'appel non limité de la société Lagardère ;
Considérant que la société ABN Amro réitère, en cause d'appel, les demandes présentées en première instance pour le compte des masses de porteurs de BSA et d'obligations convertibles ; qu'après avoir exposé 'qu'elle n'entend pas remettre en cause l'habilitation exclusive des représentants de la masse pour agir en justice dans l'intérêt commun des porteurs de titres et qu'elle entend encore moins se substituer à ces derniers pour agir en leur lieu et place', et indiqué que sa demande apparaît nécessaire dans la mesure où les représentants de la masse des obligations convertibles sont restés inactifs après le prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation du 27 février 2001 rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt de cette cour du 19 mai 1999 et qu'aucun représentant de la masse des BSA Lagardère n'a été désigné à l'issue du même arrêt ensuite des nouvelles dispositions issues de l'ordonnance du 24 juin 2004, la société ABN Amro précise qu'elle agit sur le fondement de l'article 1372 du code civil ;
Mais considérant, d'une part, que la gestion d'affaires ne peut jouer au profit d'une personne qui n'existe ni en fait, ni en droit ; qu'il s'ensuit que la société ABN Amro se prévaut vainement des dispositions des articles 1372 et suivants du code civil en ce qui concerne la prétendue masse des porteurs de BSA litigieux dès lors que selon le contrat d'émission, ces valeurs mobilières devaient être exercées au plus tard le 1er juillet 1997, que celles qui ne l'auraient pas été à cette date ne sont plus valides et que, dans ces conditions, les dispositions de l'ordonnance nº 2004-604 du 24 juin 2004, d'où sont issues celles de l'article L. 228-103 du code de commerce, déclarant celles-ci applicables aux valeurs mobilières composées déjà émises à la date de son entrée en vigueur, n'ont pu avoir pour effet de faire naître une masse des porteurs de BSA ;
Considérant, d'autre part et en toute hypothèse, que l'invocation des règles relatives à la gestion d'affaires par la société ABN Amro ne saurait lui permettre de s'affranchir des dispositions impératives de l'article L. 228-54 du code de commerce selon lesquelles les représentants de la masse, dûment autorisés par l'assemblée générale des porteurs des valeurs mobilières concernées, ont seuls qualité pour engager, au nom de ceux-ci, toutes actions ayant pour objet la défense de leurs intérêts communs, toute action intentée contrairement aux dispositions de cet article devant être déclarée d'office irrecevable, ainsi qu'en dispose son alinéa 3 ;
Considérant, encore, que, devrait-on admettre l'analyse de la société ABN Amro (concl. p. 9) selon laquelle la masse des porteurs d'obligations convertibles émises en avril 1993 a survécu à l'échéance, antérieure à l'acte introductif d'instance, de leurs dates limites d'amortissement et de conversion, dès lors qu'il existe des intérêts communs à défendre, ces mêmes dispositions conduisent à déclarer irrecevable l'action exercée par la société ABN Amro pour le compte de ladite masse et tendant à sa convocation en vue de la défense d'intérêts communs des porteurs de titres ;
Considérant cependant que la société ABN Amro, qui demande la confirmation du chef du jugement énonçant que la société Lagardère, en effectuant des distributions de dividendes au titre des exercices 1993 et 1994, partiellement par prélèvement sur les primes liées au capital, sans procéder à l'ajustement des parités d'échange prévues dans les contrats d'émission, déclare agir, à titre subsidiaire, pour son propre compte, en réparation du préjudice qu'elle a personnellement subi de ce fait ;
Considérant que l'appelante soutient que cette prétention se heurte à la prescription décennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 ; qu'elle expose à cette fin que l'action étant fondée sur un défaut d'ajustement des conditions d'exercices des obligations convertibles et des BSA à la suite des distributions de dividendes votées au titre des exercices 1993 et 1994, le point de départ du délai de prescription, laquelle n'a été interrompue que le 31 mai 2006, date de la délivrance de l'assignation, doit être fixé, au plus tard, à la date de publication des rapports annuels de la société Lagardère afférents à ses exercices 1994 et 1995 ;
qu'en effet, Lagardère était tenue, en application des dispositions de l'article 174-1, alinéa dernier, du décret du 23 mars 1967, dans sa rédaction applicable en la cause, de rendre compte dans le prochain rapport annuel des ajustements aujourd'hui invoqués par ABN Amro ; qu'elle précise que le rapport annuel afférent à l'exercice 1994 a été mis à la disposition des actionnaires au plus tard le 2 juin 1995 et que le document de référence de Lagardère afférent à l'exercice 1995 a été enregistré à la Commission des opérations de bourse le 14 mai 1996 ; qu'ainsi, à ces dates, les porteurs d'obligations convertibles et de BSA, au nombre desquels figurait ABN Amro, étaient en mesure de constater qu'il n'avait pas été procédé à de tels ajustements, dont les rapports annuels ne rendaient pas compte et de demander, le cas échéant judiciairement, qu'il y soit procédé ; que l'appelant ajoute que le caractère négociable des obligations convertibles et des BSA leur conférait dès l'origine une valeur qui, faute d'ajustement, se trouvait nécessairement et immédiatement affectée en cas de cession ;
Mais considérant que, comme le rappelle l'appelante, la prescription court à compter du jour où celui contre lequel on l'invoque a pu agir valablement ;
Qu'en l'espèce, les conditions de l'action en responsabilité exercée contre la société Lagardère se sont trouvées réunies lors de la conversion des obligations, le 8 juillet 1996, et de l'exercice des bons, le 4 mars 1997, dès lors que ce n'est que par l'exercice de son droit d'accès au capital de la société émettrice que la société ABN Amro a pu tenir pour certain que cette dernière n'avait pas procédé aux ajustements des parités d'échange en raison de la délivrance d'un nombre d'actions inférieur à celui qu'elle prétend lui être dû ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de la société ABN Amro ne se heurte pas à la fin de non-recevoir tirée de la prescription, peu important à cet égard que les obligations convertibles et les BSA soient négociables ;
Considérant que, sur le fond, la société Lagardère ne conteste pas avoir engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de la société ABN Amro en s'abstenant, en méconnaissance des dispositions impératives des articles 194-5 et 196 de la loi du 24 juillet 1966, applicables en la cause, de procéder à la suite de la distribution de dividendes pour partie prélevés sur les primes liées au capital au titre des exercices 1993 et 1994, à l'ajustement des parités de conversion ou de souscription des obligations convertibles et des BSA émis en avril 1993 et avril 1994 ;
Considérant que la société Lagardère est en conséquence tenue de réparer le préjudice né de ces manquements ;
Considérant qu'en cause d'appel, la société ABN Amro ne forme aucune demande au titre de la réparation d'un dommage, au demeurant inexistant, qui serait lié à la privation de jouissance des actions manquantes ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement en sa disposition condamnant la société Lagardère à payer une indemnité égale à la privation de jouissance de ces actions résultant de l'absence de perception des dividendes mis en distribution ;
Considérant que la société ABN Amro entend obtenir la remise d'actions Lagardère au titre du dommage lié au défaut d'ajustement ;
Mais considérant que la réparation par équivalent de ce préjudice est appropriée aux circonstances de l'espèce, observation étant faite que les valeurs mobilières litigieuses, qui donnaient droit à l'attribution d'actions, ne sont plus en cours de validité, que la société ABN Amro a exercé, en 1996 et 1997, l'intégralité de ses obligations convertibles et de ses BSA, et que ladite société, qui admet qu'elle aurait immédiatement cédé les titres dont elle a été privée, comme elle a cédé ceux effectivement obtenus au moyen de l'exercice des obligations et des BSA, ne saurait tirer profit, ni d'ailleurs souffrir, de la variation du cours de l'action Lagardère ni imposer aux actionnaires actuels de la société Lagardère une dilution de leur participation qu'ils n'ont pu anticiper ;
Considérant qu'il y a donc lieu d'allouer à la société ABN Amro une indemnité égale à la contre-valeur des actions dont elle a été privée du fait de l'absence d'ajustement des droits de souscription attachés aux bons qu'elle a exercé le 4 mars 1997 ;
Considérant que l'intimée indique (concl. p. 20) que 'compte tenu de la nature et de la multiplicité des opérations de gestion de portefeuille diligentées par ABN Amro dans le cadre de ses activités pour compte propre, la concluante propose de valoriser son préjudice a minima, en retenant comme 'date de revente' (...) les dates mêmes de conversion et d'exercice des BSA' ; que la prise en considération de la date d'exercice des BSA est au demeurant en accord avec l'activité d'arbitragiste sur les marchés financiers de la société ABN Amro, celle-ci conduisant à une revente très rapide des titres acquis dans son exercice ;
Considérant que l'intimée fait pertinemment valoir qu'en application des stipulations du contrat d'émission des BSA fixant les modalités de l'ajustement nécessaire au maintien des droits des titulaires de bons, selon lesquelles le nouveau nombre d'actions pouvant être obtenu par l'exercice d'un bon pourra comporter, le cas échéant, une fraction exprimée en centièmes, l'arrondissement, s'il y a lieu, ayant préalablement été fait au centième supérieur, le coefficient d'ajustement est de 2,06 et le nombre d'actions manquantes de 70.108 ; que l'indemnité due correspond à la multiplication de ce nombre par le cours de l'action Lagardère au 4 mars 1997 (27,06 ), soit 1.897.122,48 euros ;
Considérant qu'il y a lieu de fixer au 20 avril 2006, en application des dispositions de l'article 1153-1 du code civil, le point de départ des intérêts au taux légal produits par cette indemnité ; que lesdits intérêts, s'ils sont dus au moins pour une année entière, seront capitalisés dans les conditions prévues à l'article 1154 du code civil ;
Considérant, sur la demande relative aux obligations convertibles émises par la société Lagardère en avril 1993, que la société ABN Amro fait elle-même valoir que la masse des obligataires, personne morale, existe toujours nonobstant le fait que la totalité des obligations convertibles ont été échangées et remboursées dès lors qu'il subsiste des intérêts à faire valoir (concl. p. 9 et 10) ; que, soutenant en outre que la faute imputée à la société Lagardère concerne l'ensemble des obligataires, dès lors que le préjudice lié à la perte de substance des actions Lagardère est commun à l'ensemble des porteurs (concl. p. 2, p. 14) et prétendant agir pour le compte de la masse, sans pour autant disposer 'des informations utiles lui permettant de chiffrer le préjudice correspondant aux intérêts communs ' (concl. p.19), la société ABN Amro a demandé la condamnation de la société Lagardère, sur le fondement de l'article L. 228-58 du code de commerce, à convoquer une assemblée générale de la masse des titulaires d'obligations convertibles (concl. p. 24) ;
Considérant que par le présent arrêt, la cour a déclaré cette demande irrecevable en application des dispositions de l'article L. 228-54 du code de commerce ;
Qu'en effet, ce texte, comme il a été dit, impose de déclarer irrecevable, au besoin d'office, toute action ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires exercée par une personne autre que le représentant de la masse ;
Considérant que ces mêmes dispositions conduisent la cour à inviter les parties à s'expliquer sur la recevabilité de la demande que la société ABN Amro présente à titre personnel aux fins de réparation d'un préjudice lié à l'absence d'ajustement des obligations convertibles, préjudice qui a été selon elle subi par l'ensemble des porteurs de titres, réunis en masse ;
Qu'il y a lieu de renvoyer l'affaire à la mise en état, avant dire droit sur ces demandes ;
Considérant que la société ABN Amro obtenant partiellement gain de cause, il y a lieu d'accueillir partiellement la demande de l'intimée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de mettre à la charge de l'appelante tous les dépens exposés à ce jour ;
Par ces motifs :
Confirme le jugement déféré, sauf à préciser que les demandes formées par la société ABN Amro pour le compte des masses sont déclarées irrecevables ;
L'infirme en ses dispositions relatives aux demandes formées par la société ABN Amro Bank pour son propre compte au titre des obligations convertibles et en ses dispositions relatives au préjudice ;
Y ajoutant et statuant à nouveau :
Déclare la société ABN Amro Bank recevable en sa demande formée à titre personnel au titre du défaut d'ajustement des droits de souscription attachés aux bons de souscription d'actions ;
Condamne la société Lagardère à lui payer à ce titre la somme de 1.897.122,48 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2006, lesdits intérêts étant capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;
La condamne à payer à la société ABN Amro Bank la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Avant dire droit sur la demande formée par la société ABN Amro Bank, à titre personnel, aux fins de réparation d'un préjudice lié à l'absence d'ajustement des obligations convertibles,
Invite les parties à s'expliquer sur la recevabilité de cette demande au regard des dispositions de l'article L. 228-54 du code de commerce ;
Renvoie l'affaire à la mise en état de ce seul chef ;
Condamne la société Lagardère au paiement des dépens exposés à ce jour ;
Dit que les dépens pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.