Cass. 1re civ., 4 juillet 2007, n° 06-13.770
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pluyette
Rapporteur :
M. Chauvin
Avocat général :
M. Sarcelet
Avocats :
SCP Richard, SCP Capron
Attendu que Henri et Fernande X..., mariés sous un régime de communauté, sont décédés respectivement les 15 juillet 1973 et 7 novembre 1989, en laissant pour leur succéder leurs deux filles, Andrée et Suzanne, épouse Y... ; que, par acte sous seing privé du 1er janvier 1970, Mme Andrée X... avait reconnu devoir solidairement avec ses parents à sa soeur la somme de 85 000 francs avec intérêts ; que, par acte notarié du 12 décembre 1985, la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Var, devenue la caisse régionale de crédit agricole mutuel Provence-Côte d'Azur (la CRCAM), avait consenti aux époux Y... un prêt d'un montant de 250 000 francs ; que, par acte sous seing privé du 20 septembre 1988, Fernande X... et sa fille Suzanne étaient convenues des modalités du partage, entre la mère et les deux filles, du prix de vente d'un appartement parisien dépendant de la communauté ayant existé entre les époux X... ; qu'un jugement du 3 juillet 1989 avait condamné solidairement les époux Y... seuls ou avec Fernande X... à payer diverses sommes à la CRCAM au titre de plusieurs prêts, hors celui du 12 décembre 1985 ; que, le 27 janvier 1993, Mme Y... a été placée en liquidation judiciaire, la société Christine Rioux étant désignée liquidateur ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Christine Rioux fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le notaire liquidateur remettra, avant tout partage, à la CRCAM les fonds séquestrés provenant de la vente de l'appartement parisien, revenant à Mme Y..., dans la limite de la créance de la banque admise au passif de la liquidation judiciaire de Mme Y..., alors, selon le moyen, que seuls les créanciers qui auraient pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision et ceux dont la créance résulte de la conservation ou de la gestion des biens indivis peuvent être payés par prélèvement sur l'actif avant le partage ; que les créanciers personnels d'un indivisaire ne peuvent saisir, avant le partage, sa part dans les biens indivis, meubles ou immeubles ; qu'en décidant néanmoins que le crédit agricole pouvait être payé sur l'actif de la succession de Fernande X..., avant tout partage, dans la limite de sa créance résultant du prêt qu'il avait consenti par acte notarié le 12 décembre 1985 à M. et Mme Y..., au motif inopérant que la date de la déchéance du terme et de l'exigibilité de cette créance était antérieure à l'indivision, sans constater soit que cette créance aurait résulté de la conservation ou de la gestion des biens indivis, soit que Fernande X... aurait garanti le remboursement de ce prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 815-17 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que, par acte du 12 décembre 1985, la CRCAM avait consenti un prêt aux époux Y..., ce dont il résultait que celle-ci disposait, sur le patrimoine de ses débiteurs, d'un droit de gage général lui conférant la qualité de créancier de l'indivision comme ayant pu agir sur les biens indivis avant qu'il y eût indivision au sens de l'article 815-17, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 815-17, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 ;
Attendu que, pour débouter le liquidateur de Mme Y... de sa demande tendant au prélèvement, avant tout partage, de la somme de 85 000 francs avec intérêts au profit de Mme Y..., l'arrêt attaqué énonce que les dispositions de l'article 815-17 ne concernent que les créanciers d'un indivisaire ou de l'indivision et non pas les créances que les coïndivisaires peuvent avoir entre eux ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'un coïndivisaire qui est créancier de l'indivision peut être payé par prélèvement sur l'actif avant le partage, la cour d'appel a violé le texte susvisé, par refus d'application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le liquidateur de Mme Y... de sa demande tendant au prélèvement, avant tout partage, la somme de 85 000 francs avec intérêts au profit de Mme Y..., l'arrêt rendu le 8 décembre 2005, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.