CSA, 2 avril 2007
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)
Avis
relatif à la saisine de Towercast à l’encontre de TDF concernant le renouvellement de la convention d’occupation du site de la tour Eiffel
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boyon
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; Vu les articles L. 420-1 et L. 464-1 du code de commerce ;
Vu la décision n° 06-160 de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en date du 6 avril 2006 portant sur la définition du marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels et sur la désignation d’un opérateur exerçant une influence significative sur ce marché ;
Vu la décision n° 06-161 de l’ARCEP en date du 6 av ril 2006 portant sur les obligations imposées à TDF en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels ;
Vu les observations du CSA en réponse à la saisine de l’ARCEP concernant le marché 18 (marché de gros des services de diffusion audiovisuelle) adoptées lors de l’assemblée plénière du 6 décembre 2005 ;
Vu les observations du CSA relatives à la demande d’avis du Conseil de la concurrence portant sur la saisine d’Emettel à l’encontre de TDF adoptées lors de l’assemblée plénière du 13 février 2007 ;
Vu la saisine du Conseil de la concurrence par la société Towercast en date du 15 février 2007 ;
Vu la demande d’avis du Conseil de la concurrence en date du 6 mars 2007, reçue le 9 mars 2007, sur la saisine reçue de la société Towercast à l’encontre de pratiques de la société TDF ;
Après en avoir délibéré le 3 avril 2007, Emet l’avis suivant :
Par courrier en date du 6 mars 2007, le Conseil de la concurrence a saisi le CSA pour avis, dans les conditions prévues par l’article 35 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002, d’une saisine de la société Towercast à l’encontre de la société TDF.
A l’appui de sa demande, Towercast invoque deux pratiques qui constitueraient des abus de la position dominante de TDF :
- TDF aurait refusé de transmettre à Towercast les éléments d’information tarifaire relatifs à la reprise des équipements de diffusion hertzienne installés sur le site de la tour Eiffel, « dont une partie [constituerait] une infrastructure essentielle », et, ce faisant, l’aurait empêchée de présenter une offre dans le cadre de l’appel à candidatures en vue du renouvellement de la convention d’occupation domaniale de ce site ;
- Par la suite, TDF aurait fixé unilatéralement et arbitrairement une valorisation « exorbitante, injustifiée et inéquitable » du prix de rachat de ces équipements.
Towercast demande par conséquent au Conseil de la concurrence de constater que « TDF a abusé de sa position dominante en violation de l’article L. 420-2 du Code de Commerce ». La société sollicite, au titre des mesures conservatoires, que le Conseil de la concurrence suspende « les effets de l’appel d’offres, ainsi que tout contrat ou clause contractuelle permettant à TDF d’exploiter de façon durable les infrastructures essentielles ».
Au regard des faits qui sont rapportés, et en considération des prérogatives mises en oeuvre par la ville de Paris dans le cadre de la gestion du domaine public, il n’appartient pas au CSA, dans le cadre du présent avis, de se prononcer sur la recevabilité de la demande ainsi formulée.
Après une présentation des enjeux spécifiques présentés par la diffusion audiovisuelle depuis le site de la tour Eiffel, le présent avis porte sur la délimitation du marché pertinent, sur la détermination de la part de marché des acteurs sur ce marché, puis présente l’analyse du CSA en termes de pratiques mises en cause d’une part, de mesures conservatoires d’autre part.
Par ailleurs, il pourra éventuellement être complété ultérieurement par le CSA dans le cadre de l’examen au fond de la saisine par le Conseil de la concurrence.
1. LA DIFFUSION AUDIOVISUELLE DEPUIS LE SITE DE LA TOUR EIFFEL
Le cadre général de la diffusion audiovisuelle a été présenté, notamment en ce qui concerne ses aspects techniques, dans la première partie de l’avis du CSA en date du 13 février 2007 relatif à la saisine d’Emettel à l’encontre de TDF.
Le site de la tour Eiffel
Parmi les principaux sites de diffusion audiovisuelle, celui de la tour Eiffel se distingue par la couverture particulièrement étendue qu’autorise sa hauteur. Il permet ainsi de couvrir environ 11 millions d’habitants de l’Ile-de-France, soit 18% de la population métropolitaine. Le site est utilisé pour la diffusion de l’ensemble des services de télévision analogique et de TNT ainsi que de 30 fréquences radiophoniques. En comparaison, le deuxième site d’émission de services radiophoniques en importance, la tour des Mercuriales à Bagnolet, ne diffuse que dix fréquences. Par ailleurs, le site de la tour Eiffel est utilisé par la Défense nationale et doit servir aux communications du Gouvernement en temps de crise.
Il présente donc une très grande importance, pour les pouvoirs publics comme pour les éditeurs de services, au regard de la nécessité de continuité de réception des services audiovisuels.
Par ailleurs, pour les opérateurs de diffusion, le site de la tour Eiffel se caractérise par des contraintes d’exploitation spécifiques.
Celles-ci sont d’abord liées à l’activité touristique du monument, confiée par la Ville à une société d’économie mixte. La fréquentation importante du monument contraint fortement l’espace susceptible d’être utilisé par les diffuseurs et oblige ceux-ci à protéger et masquer leurs équipements. Toute modification des installations susceptible d’avoir des conséquences, mêmes minimes, sur le bâtiment nécessite l’autorisation de la Ville.
En outre, l’occupant du site d’émission est soumis à des sujétions liées aux usages précédemment évoqués de défense nationale et de communication gouvernementale en temps de crise.
L’ensemble de ces contraintes entraîne des charges d’exploitation, qui, par répercussion, peuvent impliquer elles-mêmes des coûts de diffusion plus élevés pour les services de communication audiovisuelle.
Les problèmes de réception radiophonique dans l’Est parisien
L’accès aux sites de diffusion de services de télévision en mode numérique, parmi lesquels celui de la tour Eiffel, est régulé par l’ARCEP dans les conditions, notamment tarifaires, prévues par sa décision n° 06-161 en date du 6 avri l 2006 portant sur « les obligations imposées à TDF en tant qu'opérateur exerçant une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels ».
En revanche, aucune disposition n’encadre la diffusion technique des services de radio. Sur l’agglomération parisienne, la diffusion radiophonique présente cependant des difficultés qu’un aménagement des modalités d’accès au site de la tour Eiffel pourrait contribuer à résoudre.
Le Conseil rappelle en effet qu’en matière de services de radiodiffusion FM, l’agglomération parisienne dispose de l’un des paysages radiophoniques les plus riches et diversifiés d’Europe avec 57 services publics ou privés diffusés sur 48 fréquences. Cette situation a pour corollaire une pleine occupation de la bande FM.
Dans ce cadre, le CSA a été alerté sur des difficultés de réception persistantes qui affectent un nombre substantiel de foyers situés dans l’est de l’agglomération parisienne, […].
Lors de la consultation publique préalable à l’appel général aux candidatures portant sur l’Ile- de-France et sur l’Oise, lancée le 21 février 2006, le CSA a notamment invité l'ensemble des acteurs concernés à faire part de leurs préconisations pour améliorer la réception dans les zones où celle-ci n'est pas satisfaisante, comme l’Est parisien.
En réponse à la consultation, deux pistes d'amélioration ont été suggérées :
D'une part, l'exploitation de sites de diffusion alternatifs à la tour Eiffel a été évoquée. Toutefois, la mise en œuvre et l'effectivité de cette solution apparaissent incertaines.
D'autre part, selon un nombre important de contributeurs, la solution la plus efficace consisterait à faire diffuser le plus grand nombre possible de radios depuis la tour Eiffel. Toutefois, ce regroupement supposerait une concurrence effective et, pour ce faire, l'ouverture des infrastructures de diffusion radio du site à plusieurs prestataires techniques. Il impliquerait également d'assurer, par la société d'exploitation du monument, la mise à disposition de surfaces et de locaux supplémentaires afin d'implanter les émetteurs et de permettre un accès mutualisé aux conduits d'acheminement des signaux (« feeders ») et aux antennes émettrices implantées sur le pylône de la tour Eiffel.
Sur la base de ces contributions, le CSA a estimé souhaitable que le plus grand nombre possible de radios puissent être diffusées depuis la tour Eiffel et qu’à cet effet, l'ouverture à plusieurs prestataires techniques des infrastructures de diffusion radiophonique en mode FM du site soit garantie, comme c’est déjà le cas pour les équipements de diffusion télévisuelle en mode numérique. […]
Le CSA relève que la convention d’occupation du domaine public du site de la tour Eiffel prévoit, dans son article 11, que « la société occupante s’engage à répondre favorablement à toute demande d’accès […] par une offre adaptée […] intégrant l’hébergement dans les locaux émanant d’un opérateur tiers ».
Le CSA note également que TDF, en sus de l’article 11 de la convention d’occupation susmentionnée, s’est engagée auprès de lui, dans une lettre du 31 octobre 2006, à « répondre à toute demande d’accès qui serait faite par un de ses concurrents à des fins de diffusion de programmes radio en FM sur le site de la tour Eiffel dans le cadre d’une offre sur mesure adaptée aux conditions particulières du site ».
Il importe toutefois au CSA qu’une telle offre soit formulée dans des conditions équitables, transparentes et non discriminatoires, ce qui suppose la publication des conditions, y compris financières, d’accueil sur le site de la tour Eiffel des autres prestataires de diffusion de services de radio.
Bien que cette intervention du CSA ne soit que connexe à l’objet de la saisine, elle illustre le caractère pratiquement irremplaçable du site de la tour Eiffel pour l’ensemble des radios FM parisiennes.
2. ANALYSE EN TERMES DE DELIMITATION DU MARCHE PERTINENT
Dans sa saisine, Towercast indique que deux marchés seraient affectés par les pratiques qu’elle met en cause :
- le marché de la diffusion de programmes de radio et de télévision (il s’agit plus exactement de trois marchés : celui de la diffusion radio, celui de la diffusion de télévision analogique, et celui de la diffusion de télévision numérique),
- le « marché » de la concession du site de la tour Eiffel, qui serait un « marché » connexe au premier.
Le marché de la diffusion de programmes de radio et de télévision
Le premier marché identifié par Towercast, « le marché de la diffusion de programmes de radio et de télévision », a fait l’objet d’une analyse de l’ARCEP dans sa décision n° 06-0160. Le CSA n’estime pas nécessaire de revenir sur cette analyse dans le cadre du présent avis.
Ce marché fait l’objet d’une régulation sectorielle ex ante de l’ARCEP dans les conditions prévues par sa décision n° 06-161. Dans son analyse , l’ARCEP n’a pas jugé nécessaire de segmenter le marché géographiquement et n’a pas identifié de marché correspondant au site de la tour Eiffel.
Ce marché n’est toutefois pas le plus directement affecté par la demande de Towercast.
Le marché de la concession du site de la tour Eiffel
Le CSA constate que le renouvellement de la convention d'occupation domaniale du site de diffusion de la tour Eiffel met effectivement en relation la Ville de Paris et l’occupant actuel, TDF. En outre, l'attribution de la convention a pour objet explicite la diffusion audiovisuelle et implique un certain nombre d'obligations liées à cette activité (mentionnées notamment aux points 2.5.2 et 2.6.2 du cahier de consultation de la Ville de Paris et aux points 11.1 et 11.2 du texte de la convention signée par l’occupant du domaine public), ce qui constitue un élément de connexité important avec le marché de gros de la diffusion audiovisuelle.
En outre, le CSA constate que le Conseil de la concurrence a rappelé que, « s’agissant de l’activité des collectivités locales, chaque appel d’offres donnant lieu à la confrontation concrète de la demande d’un maître d’ouvrage avec les offres des candidats intéressés doit être considérée comme constituant un marché de référence pour l’examen d’éventuelles pratiques anti-concurrentielles »1. Il n’est donc pas exclu qu’il existe un marché connexe de la concession du site de diffusion de la tour Eiffel.
3. ANALYSE EN TERMES DE PARTS DE MARCHE DES ACTEURS
L’ARCEP a démontré, dans la décision n° 06-0160, que TDF dispose d’une influence significative sur le marché pertinent de gros des offres de diffusion hertzienne terrestre de programmes télévisuels, comme le CSA l’a rappelé dans son avis du 13 février 2007.
La part du marché de la diffusion de télévision en mode numérique détenue par TDF s’est en outre renforcée avec le rachat d’Antalis. Sur ce marché, Towercast, à l’issue de la phase 5 de déploiement de la TNT, diffuse […] fréquences à partir de […] sites.
En matière de radio, Towercast assure près de […] de la diffusion des radios privées.
4. ANALYSE DES PRATIQUES DENONCEES
L’article L. 420-2 du code de commerce dispose qu’« est prohibée […] l'exploitation abusive par une entreprise […] d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. »
Towercast invoque deux pratiques à l’appui de sa saisine :
- TDF aurait refusé de transmettre les informations demandées par Towercast, qui étaient nécessaires à l’établissement d’une offre ;
- TDF aurait proposé à Towercast, pour la reprise de ses équipements, dont « une partie [constituerait] une infrastructure essentielle », un tarif « exorbitant, injustifié et inéquitable ». Ce tarif aurait empêché Towercast de présenter une offre compétitive et l’aurait donc évincée de l’appel.
Ainsi, selon la requérante, en l’empêchant de répondre dans des conditions satisfaisantes à l’appel à candidatures de la Ville de Paris, TDF aurait abusé de sa position dominante.
La réplicabilité du site et des équipements de diffusion
Towercast considère, sur la base d’une analyse économique2, que certains équipements de la tour Eiffel, notamment les systèmes antennaires, « constituent une infrastructure essentielle ».
Le CSA rappelle en premier lieu que la tour Eiffel reste un site de diffusion audiovisuelle difficilement réplicable.
Dans ses observations en réponse à la saisine de l’ARCEP concernant le marché 18, le CSA a indiqué que la « réplicabilité des sites est fonction de trois facteurs : les hauteurs d‘antennes, le caractère de site d’altitude, les contraintes environnementales. De ce fait, n’apparaissent pas réplicables les sites de plaine à grande hauteur d’antenne, comme ceux du Mans ou de la tour Eiffel, cette hauteur d‘antenne et des contraintes environnementales faisant fortement obstacle à la réplication. »
Concernant la diffusion sur la région parisienne, le CSA constate que :
- Les chaînes de télévisions analogiques nationales et les multiplex numériques recourent systématiquement à la tour Eiffel3. Dans ce cadre, l’orientation des antennes et les contraintes de planification rendent difficile la mise en œuvre de solutions alternatives.
- En outre, si les futures chaînes de télévisions numériques locales d’Ile-de-France ont la possibilité de recourir à des diffuseurs utilisant d’autre sites que la tour Eiffel, la zone sur laquelle porte l’appel aux candidatures lancé par le CSA reste très proche de la zone de desserte de la tour Eiffel.
- De plus, s’il existe en région parisienne d’autres sites de diffusion audiovisuelle, utilisés notamment par certaines radios parisiennes ou franciliennes, la grande majorité des fréquences FM est diffusée depuis la tour Eiffel.
- Enfin, le site de la tour Eiffel apparaît indispensable à la résolution des problèmes de réception radiophoniques dans l’Est parisien, comme exposé dans la première partie du présent avis.
Cependant, la présente affaire soulève surtout la question de la réplicabilité des équipements de diffusion installés par TDF sur le site de la tour Eiffel.
La requérante fonde sa proposition sur le rachat des équipements qu’elle estime non réplicables, à savoir les systèmes antennaires. En effet, leur remplacement ou leur reproduction serait impossible en raison d’une part de l’exiguïté des locaux et surfaces concernés, d’autre part de la nécessité d’assurer la continuité du service de diffusion. Dès lors, leur cession au nouvel occupant serait indispensable.
Les équipements de climatisation, d’alimentation électrique, de télésurveillance et de détection incendie, […], apparaîtraient à l’inverse réplicables.
Selon TDF, dont la position est notamment exposée dans les courriers adressés à Towercast les 18 septembre et 20 novembre 2006, la nécessité de continuité du service n’impliquerait nullement la cession des équipements déjà installés. D’autres solutions seraient envisageables, en particulier « au travers d’offres d’hébergement ».
Le CSA constate que TDF a elle-même procédé au remplacement de certains des équipements jugés non réplicables par la requérante (antennes, « feeders »…) en 2000 et 2002. Il estime toutefois qu’au regard de la nécessité de continuité de service et de la nature des locaux (exiguïté, contraintes d’exploitation), le remplacement des systèmes antennaires par un nouvel occupant ne peut se faire que par étapes et nécessite donc de disposer d’un délai suffisant, probablement de l’ordre de deux ans.
La location des équipements existants par TDF pendant la période correspondante aurait pu être une solution envisageable. Or, le CSA relève que, si TDF a évoqué des solutions alternatives à la cession dans les courriers précités, elle n’a en revanche formulé aucune offre correspondante.
L’absence de transmission d’informations demandées par Towercast
Il ressort des éléments communiqués au Conseil de la concurrence par Towercast que celle- ci a sollicité auprès de TDF, dans une lettre du 13 septembre 2006, la transmission d’informations relatives à la reprise des équipements de diffusion du site de la tour Eiffel. Dans un courrier du 18 septembre 2006, TDF a estimé que « la responsabilité de l’information des candidats [relevait] de la seule responsabilité de la Ville ». Par la suite, Towercast a sollicité l’intervention de la Ville de Paris, qui a obtenu auprès de TDF les informations demandées.
Le cahier de consultation transmis par la Ville de Paris à l’ensemble des candidats spécifie d’une part que « l’occupant prendra les lieux libres de toutes les installations appartenant à l’occupant précédent sauf accord passé avec ce dernier », d’autre part qu’« il est attendu du précédent occupant [du site] qu’il négocie de bonne foi la cession des actifs dont il entendrait se défaire dans des conditions permettant la continuité du service public sans aucune interruption ».
Le CSA constate que ces deux stipulations semblent avoir pour effet de renvoyer à la négociation entre l’occupant du site et les autres candidats la responsabilité de déterminer s’il y a lieu de reprendre ou non une partie des matériels existants. Or cette question apparaît indissociable de la formulation d’une d’offre en vue d’obtenir la concession d’occupation du domaine public. Des négociations de bonne foi étaient donc indispensables, notamment de la part de l’acteur occupant une « position significative » sur le marché concerné.
Le caractère inéquitable du prix demandé par TDF
Au regard des informations dont il dispose, le CSA constate qu’une partie significative des équipements de diffusion installés sur le site de la tour Eiffel présente un caractère spécifique essentiellement lié aux contraintes particulières de l’édifice détaillées dans la première partie. Il n’est pas exclu que cette spécificité entraîne un surcoût par rapport aux équipements utilisés sur d’autres sites de diffusion.
Toutefois, dans la mesure où la valorisation des équipements relève de la régulation économique des réseaux de communications électroniques, le CSA ne souhaite pas se prononcer sur l’éventuel caractère « exorbitant, injustifié et inéquitable » de la valorisation des équipements à 27 millions d’euros.
5. ANALYSE EN TERMES DE MESURES CONSERVATOIRES
Outre la condamnation de TDF au fond, Towercast demande, au titre des mesures conservatoires, que le Conseil de la concurrence suspende les effets de l’appel d’offres de la Ville de Paris ainsi que tout contrat ou clause contractuelle permettant à TDF d’exploiter de façon durable des infrastructures essentielles, dans l’attente d’une décision de l’autorité de concurrence sur le fond.
L’article L. 464-1 du code de commerce dispose que « le Conseil de la concurrence peut […] prendre les mesures conservatoires qui lui sont demandées ou celles qui lui apparaissent nécessaires. Ces mesures ne peuvent intervenir que si la pratique dénoncée porte une atteinte grave et immédiate à l'économie générale, à celle du secteur intéressé, à l'intérêt des consommateurs ou à l'entreprise plaignante. »
En ce qui concerne l’atteinte grave et immédiate à l’économie du secteur, le CSA relève que l’article 11 de la convention d’occupation évoqué précédemment prévoit que « la société occupante s’engage à répondre favorablement à toute demande d’accès […] par une offre adaptée […] intégrant l’hébergement dans les locaux émanant d’un opérateur tiers ».
L’accès au site pour des diffuseurs techniques concurrents de l’occupant du domaine public apparaît donc assuré pour la télévision et la radio, ce qui permet à ces derniers de proposer des offres de diffusion à leurs clients éditeurs depuis le site de la tour Eiffel.
Au regard de ces dispositions, les pratiques visées par la saisine ne semblent pas de nature à constituer une atteinte grave et immédiate au secteur.
En ce qui concerne l’atteinte à la société requérante, le CSA constate qu’elle ne démontre pas que les pratiques de TDF l’empêcheraient d’offrir des prestations de diffusion de télévision et de radio à ses clients éditeurs depuis le site de la tour Eiffel. S’il est possible que ces prestations soient moins rémunératrices pour Towercast que si la société avait obtenu la convention d’occupation du site, l’atteinte grave et immédiate à son activité n’est pas démontrée par la saisine.
CONCLUSION
Le site de diffusion audiovisuelle de la tour Eiffel présente des caractéristiques spécifiques, en particulier au regard de la population qu’il couvre (18% de la population métropolitaine). En outre, il est utilisé pour la diffusion de l’ensemble des services de télévision analogique et de TNT ainsi que de 30 fréquences radiophoniques. Il revêt donc, pour le secteur de l’audiovisuel, une importance majeure en termes de continuité de réception des services.
Il résulte de l’analyse précédemment exposée qu’il n’est pas établi que les pratiques visées par la saisine causeraient une atteinte grave et immédiate à l’économie du secteur ou à l’activité du requérant. Le CSA n’estime donc pas démontrée la nécessité d’imposer des mesures conservatoires.
Notes :
1 Avis 03-A-02 du 18 mars 2003 relatif aux conditions propres à assurer le libre jeu de la concurrence entre les candidats lors d’une procédure de délégation de service public.
2 Annexe 16 de la saisine du Conseil de la concurrence.
3 Ainsi qu’à des émetteurs de complément, […].