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Décisions

CSA, 27 janvier 2004

CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)

Avis

sur le litige opposant Iliad et Free à TF1, France Télécom et Métropole Télévision

CSA

26 janvier 2004

Par courrier du 10 décembre 2003, le Conseil de la concurrence a communiqué au Conseil supérieur de l’audiovisuel copie de la plainte déposée par les sociétés Iliad et Free tendant à faire constater et sanctionner des pratiques constitutives d’entente illicite, d’abus de position dominante et d’abus de dépendance économique de la part des sociétés TF1, France Télécom et Métropole Télévision sur divers marchés et à prononcer des mesures conservatoires. 

Saisi pour avis conformément à l’article 35 du décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d’application du livre IV du code de commerce, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) porte à la connaissance du Conseil de la concurrence les observations qui suivent. 

Le CSA a limité ses observations aux éléments du litige concernant le secteur audiovisuel, à l’exclusion des faits et pratiques relatifs à la gestion des infrastructures des réseaux de télécommunications, à l’accès à Internet haut débit et à la téléphonie vocale. 

1 – Rappel des éléments de la saisine 

1.1 – Les faits tels qu’énoncés dans le mémoire des plaignants 

Free commercialise depuis octobre 2002 une offre d’ADSL au prix de 29,99 euros par mois. Aux abonnés dont la ligne téléphonique est distante de moins de 2,5 km par rapport à l’un des 162 répartiteurs téléphoniques dégroupés à ce jour par le groupe Iliad, un modem Freebox développé par le groupe est fourni : en sus de l’accès à Internet haut débit, il permet de disposer, sans supplément de prix, d’un service de téléphonie vocale fixe sous IP (depuis le 25 août 2003) et d’un service de télévision multichaînes (depuis le 1er décembre 2003). Pour fournir ces deux derniers services, Iliad doit dégrouper la ligne téléphonique de l’abonné et relier à celle-ci, au sein du répartiteur, un DSLAM développé en interne par le groupe. Aux autres abonnés au service ADSL (ceux situés à une distance supérieure à 2,5 km du répartiteur), il est fourni un modem Sagem qui ne peut offrir qu’un service d’accès à Internet haut débit. 

Depuis juin 2001, Iliad et Free sont en contact avec TF1 en vue de la reprise dans leur offre des chaînes du groupe ; une lettre d’intention pour la réalisation d’une expérimentation à Paris et l’étude de faisabilité du service a été signée entre TF1 et Free le 25 avril 2002. Iliad et Free constatent que depuis janvier 2003 ils ont demandé formellement, en vain, à TF1 de présenter des propositions tarifaires et commerciales pour la distribution des chaînes du groupe sur la Freebox. Par lettre du 30 juin 2003, TF1 a signifié que la conduite d’une expérimentation (avec LDCom) à Paris et à Boulogne, « rend donc totalement prématurée la transmission de tarifs de reprise de nos chaînes au sein d’un bouquet ADSL. (…) si nos conclusions sur la faisabilité technique et économique de cette exploitation s’avéraient positives, nous étudierons votre demande. » 

Le 4 septembre 2003, France Télécom et TPS, dont le capital est détenu à hauteur des deux tiers par TF1 et d’un tiers par Métropole Télévision, rendent public leur « accord stratégique » pour le lancement, en décembre 2003, d’un service commercial de télévision distribué par la ligne téléphonique au moyen de la technologie ADSL, l’abonné pouvant en même temps disposer, auprès de France Télécom, du service téléphonique, d’un accès à Internet haut débit et de la vidéo à la demande. 

Free estime que, par ses exigences, TF1 a cherché à obtenir le maximum d’informations sur le service que Free concevait, tout en préparant la mise en place de son propre service via TPS. Les plaignants soulignent que TF1 ne les a pas informés que TPS étudiait la création de son propre service en partenariat avec France Télécom. 

Free dénonce également le refus de Métropole Télévision, co-actionnaire de TPS avec TF1, exprimé, selon les plaignants, par une lettre du 19 novembre 2003. 

Cependant, ultérieurement à la saisine du Conseil de la concurrence, par lettre du 23 décembre 2003, le président-directeur général de TPS a proposé au président d’Iliad et de Free « de discuter dès maintenant en vue d’établir un accord dans le cadre duquel l’offre de TPS sur la ligne téléphonique (TPS L Prestige,…) serait commercialisable auprès des clients du groupe Iliad/Free. » La lettre expose certaines exigences de qualité et de sécurité techniques attendues de la part de Free pour la distribution des chaînes de TPS (cryptage Viaccess, garantie de débit de bout en bout, capacité de transport dédiée, mise à disposition d’un terminal compatible, fourniture des services interactifs de TPS). 

1.2 – L’objet de la plainte et les demandes des plaignants 

Les plaignants jugent que les refus par TF1 et Métropole Télévision de fournir les chaînes de leur groupe pour une distribution sur la Freebox constituent une discrimination abusive à leur encontre. Ils visent à priver Free des chaînes de télévision les plus attractives, ces chaînes étant considérées par les plaignants comme « une ressource essentielle pour l’exercice de leur activité dans des conditions raisonnables » (p. 35 du mémoire), ce qui les place en situation de dépendance économique vis-à-vis de TF1.

Ces refus seraient aggravés par l’entente illicite probable entre TF1 et France Télécom, voire également Métropole Télévision, pour protéger leur propre offre de télévision par ADSL (lancée le 18 décembre 2003 à Lyon).

Ces refus appauvriraient donc l’offre Freebox, ce qui, non seulement, limiterait la concurrence sur le marché émergent de la télévision par ADSL ainsi que ses marchés connexes, mais serait contraire à l’intérêt des consommateurs et porterait une atteinte grave aux entreprises Iliad et Free. La sensibilité du marché émergent, l’importance des opérations de communication en cours et des moyens logistiques mis en oeuvre eainsi que la situation des opérateurs historiques TF1 et France Télécom rendraient urgente l’adoption de mesures conservatoires. 

Les caractères grave et immédiat des atteintes justifieraient donc, pour les plaignants, que soit enjoint à TF1, voire à Métropole Télévision, de communiquer dans les quinze jours les conditions contractuelles et tarifaires de la fourniture des chaînes éditées par leur groupe, de communiquer dans les quinze jours au Conseil de la concurrence les offres présentées afin d’en vérifier le caractère raisonnable et proportionné et de suspendre l’offre commerciale de TF1 et France Télécom (TPSL / MaLigne TV) et toute communication à son sujet. 

L’ouverture de négociations entre Free et TPS L, si elle était confirmée et effective, devrait ôter tout objet aux mesures conservatoires demandées par Free. Le CSA estime cependant que les conditions de reprise des chaînes hertziennes gratuites TF1 et M6, proposées en exclusivité par TPS à l’intérieur d’un bouquet payant, ainsi que les conditions de distribution des chaînes gratuites et payantes françaises par l’ensemble des opérateurs, méritent un examen attentif à l’occasion de l’émergence d’un nouveau mode de diffusion de la télévision. 

*** 

Le litige, en ce qui concerne l’avis demandé au CSA, se place principalement sur le marché amont de la commercialisation des chaînes thématiques pour la télévision payante où se confrontent les demandes de chaînes des distributeurs et les offres des éditeurs. Compte tenu de l’évolution des pratiques observées par le CSA à l’occasion de ce litige, le Conseil propose d’inclure dans ce marché la commercialisation des services de télévision pour la télévision payante. En effet, le CSA constate que sur ce marché de la télévision payante se confrontent également les offres et les demandes de distribution des chaînes hertziennes terrestres généralistes et gratuites. 

Le litige soulève cependant, en premier lieu, la question de la détermination d’un nouveau marché aval émergent que les plaignants dénomment « marché de la télévision par ADSL ».  

2 – La « télévision par ADSL »

Le CSA constate que la télévision par ADSL proposée au consommateur résulte de la convergence de deux logiques distinctes : 

- celle des distributeurs de télévision, dont les chaînes peuvent bénéficier, à travers leur diffusion par ADSL, d’un relais de croissance afin de recruter de nouveaux abonnés ; 

- celle de certains opérateurs de télécommunications, dont les réseaux ADSL, déployés dans un premier temps pour commercialiser un service d’accès à Internet haut débit, permettent aujourd’hui de proposer une offre multiservices1 (téléphone, télévision, Internet haut débit). 

Afin de se positionner par rapport à ce nouveau service, chaque opérateur met en place une stratégie qui dépend des positions qu’il occupe déjà et qui vise à lui permettre de tirer parti des potentialités de la technologie ADSL : 

– les opérateurs alternatifs de réseaux ou de services de télécommunications (Club Internet, Free) enrichissent leur service d’accès à Internet haut débit par la fourniture d’un ensemble de chaînes de télévision et, éventuellement, d’un service de téléphonie vocale fixe sous IP. Ils conçoivent l’offre de télévision comme un service complémentaire (qui peut être en partie gratuit) de leur offre d’accès haut débit. La stratégie de ces opérateurs est de proposer des ensembles multiservices ;

– les distributeurs de service de télévision par câble (Noos) pourraient utiliser la télévision par ADSL pour s’étendre au-delà de leur réseau. Ils pourraient également, comme sur leurs réseaux câblés, fournir des services d’accès à Internet avec leur bouquet de chaînes ADSL ;

– enfin, les distributeurs de services de télévision par satellite, adossés à des groupes propriétaires d’éditeurs de chaînes (TPS, CanalSatellite), conçoivent la télévision par ADSL comme un mode de diffusion complémentaire pour atteindre des consommateurs en zone urbaine, concurrençant ainsi directement le câble.  

Ces logiques d’opérateurs divergentes – susceptibles d’ailleurs d’évoluer rapidement – ont pour conséquence paradoxale que les deux parties au litige, Free et TPS, présentent sur le marché des offres significativement différentes (voir annexe 1), qui ne s’adressent pas directement au même public. Le tableau ci-après en témoigne. 

IMG1.png

Les offres peuvent, en fait, être analysées de deux façons différentes : 

– elles peuvent initier un marché émergent à terme de l’« offre multiservices » (Internet haut débit,  téléphone, télévision) ;

– elles peuvent également marquer plus simplement l’arrivée à maturité technique d’un nouveau support de diffusion audiovisuelle – le réseau d’accès cuivre du réseau téléphonique – à côté du réseau hertzien terrestre, du câble ou du satellite. 

2.1 – L’émergence des offres multiservices  

2.1.1 – Les « offres convergentes » actuelles 

La télévision par ADSL est susceptible d’être commercialisée conjointement avec d’autres prestations directement liées à la technologie ADSL : accès à Internet haut débit, téléphonie vocale à prix réduit ou forfaitaire, vidéo à la demande, services interactifs (jeux, paris, sites commerciaux,…), radio. Cette convergence de services n’est pas une nouveauté absolue ; elle existe déjà sur le câble qui peut, sur certains réseaux, faire l’objet d’un abonnement conjoint à Internet haut débit, ou, plus rarement, à la téléphonie. 

Les offres multiservices distribuées par le câble ont été commercialisées à partir de fin 1999 après l’ouverture à la concurrence de la téléphonie et la mise à niveau technique des réseaux2. L’AFORM3 recensait, au 30 septembre 2003, 348 000 abonnés à l’Internet haut débit via ce support et 56 000 abonnés à la téléphonie. Parmi ces abonnés, environ 235 000 étaient également abonnés à une offre de télévision du câble (sur un total de 3,664 millions d’abonnés au câble, seuls 169 000 ne sont pas abonnés à la télévision). A ceux-ci s’ajoutent une partie des 170 000 abonnés à l’Internet haut débit recevant un bouquet de chaînes de télévision via Internet.

Les foyers abonnés à Internet, et parmi ceux-ci les foyers abonnés à la fois à Internet et à la télévision, constituent le segment le plus dynamique du marché du câble (croissance de 50 % en 2002, et de 23 % de janvier à septembre 2003). Il semble raisonnable de tabler sur une progression d’au moins 40 à 50 % de leur effectif d’ici fin 2005, soit un parc d’environ 500 000 abonnés.  

Les offres répondant à cette caractéristique se sont multipliées récemment. L’annexe 2 les présente de façon détaillée. Actuellement, on peut recenser les offres suivantes :  

- La plupart des opérateurs du câble proposent un abonnement couplé télévision + Internet à un prix préférentiel (par exemple, Noos propose un abonnement haut débit 640 kbits couplé avec le bouquet Noos Pass pour 38,90 €/mois) ;

- Noos et NC Numéricable proposent, via le câble, une offre « pure » haut débit (baptisée respectivement Noosnet et NC Web TV) comprenant un abonnement Internet haut débit et une sélection de chaînes payantes (une dizaine) accessible uniquement  sur le PC ; 

- UPC possède, sur certains de ses réseaux câblés, Chello, une offre couplée de télévision, d’Internet et de téléphonie ; 

- Club Internet, fournisseur d’accès, propose via l’ADSL une offre haut débit (Pack Live Pass) comprenant un abonnement Internet haut débit et une sélection de chaînes payantes (une dizaine) accessibles sur PC. 

2.1.2 – L’offre de Free  

Free donne accès à Internet, à 10 heures de communications téléphoniques gratuites par mois et à la télévision sur ADSL, pour un prix débutant à 29,99 € par mois. Il s’agit de la première véritable offre « triple play », destinée à être disponible dans des conditions identiques dans la plus grande partie des agglomérations. 

Le plan de service de Free comporte, au 6 janvier 2004, 54 chaînes4 : 36 chaînes gratuites et 18 chaînes payantes5 (vendues soit en bouquet, soit à l’unité, sans durée d’engagement : voir annexes 1 et 2), ainsi qu’un guide des programmes édité par TV Magazine (groupe Socpresse). Si Free joue sans ambiguïté un rôle de diffuseur technique (en acheminant le service de télévision au domicile de l’abonné) et de multiplexeur (les signaux de chaque chaîne sont réencodés en tête de réseau pour une diffusion en débit de 3,5 Mbps), l’opérateur exerce également le métier de distributeur de service (distributeur commercial), bien que celui-ci apparaisse moins nettement :

  • Free a noué des relations contractuelles avec des éditeurs de chaînes. Ces accords prévoient notamment : la gratuité pour les éditeurs du transport du signal de leurs chaînes (depuis la tête de réseau de Free jusqu’au domicile de l’abonné), ce qui n’est jamais le cas pour les distributeurs du câble et du satellite ; dans le cas des chaînes payantes, la possibilité pour Free d’effectuer la facturation pour le compte de l’éditeur6 (en contrepartie d’une commission) ; éventuellement, une rémunération versée par Free pour le droit de diffuser la chaîne. En revanche, les accords signés par Free et les éditeurs ne contiennent pas de clause de diffusion exclusive ;
  • en acceptant de diffuser par ADSL toute chaîne qui le souhaiterait (que celle-ci soit diffusée de façon « isolée » ou intégrée à un pack), Free constitue de fait une offre de chaînes avec pour objectif de la rendre la plus riche possible ;  
  • Free ne procède pas à la promotion spécifique de l’offre de chaînes qu’il a constituée, l’information sur ce nouveau mode d’accès à la télévision étant relayée par des articles de presse. Free effectue toutefois des campagnes publicitaires, y compris à la télévision, en faveur de sa Freebox, mais contrairement aux distributeurs de télévision payante ne réalise aucune promotion tarifaire (essai gratuit, prix cassé). 

Le rôle d’intermédiation joué par Free correspond à la définition du distributeur de services donnée par l’article 2-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication : « toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à disposition auprès du public par voie hertzienne terrestre, par câble ou par satellite. Est également regardée comme distributeur de services toute personne qui constitue une telle offre en établissant des relations contractuelles avec d'autres distributeurs »7

2.2 – Le modèle mis en oeuvre epar les opérateurs audiovisuels  

2.2.1 – Les projets connus du CSA  

a) L’offre de France Télécom et TPS 

L’accord rendu public le 4 septembre 2003 par les groupes France Télécom et TPS s’est traduit par le lancement à Lyon le 18 décembre suivant d’une offre commerciale de télévision par ADSL. Cette offre, TPS L Prestige, apparaît différente de celle de Free dans la mesure où elle ne fait pas partie d’une offre combinée (elle ne correspond qu’à une prestation de télévision par ADSL) : l’abonné ne dispose pas, avec TPS L, d’un service de téléphonie vocale fixe supplémentaire (qui, avec la Freebox, est un service de voix sous IP).  

Pour avoir accès à TPS L, le consommateur doit souscrire :  

  • auprès de France Télécom et en plus de son abonnement au service téléphonique fixe, un abonnement au service d’accès TV / Vidéo MaLigne TV (16 euros par mois8),
  • auprès de TPS, un abonnement au bouquet TPS L Prestige composé, au 8 janvier 2004, de 50 chaînes (21 euros par mois9).  

Cette offre est disponible dans de nombreux points de vente (boutiques France Télécom, distributeurs et installateurs agréés, grandes surfaces,…) et pas seulement en ligne, comme c’est le cas de Free.  

France Télécom joue ici un rôle de diffuseur technique, puisqu’il effectue :  

  • le transport des chaînes depuis de la tête de réseau de TPS jusqu’aux abonnés ;  
  •  la gestion technique de la plate-forme de services et du contrôle d’accès ;  
  • la fourniture de l’offre d’accès TV / Vidéo et sa gestion commerciale. 

France Télécom, en fournissant le décodeur, exerce partiellement une fonction technique habituellement assumée par les distributeurs de télévision payante.  France Télécom assure également la gestion de la plate-forme de diffusion de vidéo à la demande (distincte de l’offre TPS L).  TPS intervient pour sa part dans les domaines suivants :

  • la constitution du bouquet multichaînes ;  
  • le marketing, la distribution commerciale et la gestion de la relation avec les abonnés de l’offre TPS L ;  
  • la numérisation des chaînes et la production des informations associées ;  
  • la gestion des droits d’accès à TPS L.

b) Groupe Canal+

Le 18 décembre 2003, Bertrand Méheut, président du directoire de Groupe Canal+, a annoncé l’arrivée du groupe Canal+ sur le marché de la télévision par ADSL. Un premier accord a été conclu avec LDCom pour le lancement à Marseille en mars 2004 d’une offre de programmes de télévision comprenant la chaîne hertzienne Canal+, ses trois déclinaisons (Canal+ Cinéma, Sport, Confort) et un bouquet de CanalSatellite. Un second accord a été conclu avec Cégétel pour assurer le transport de cette offre sur son réseau.  

Canal+ envisage de proposer jusqu’à 80 chaînes. Cette offre sera proposée à la vente par le réseau de distribution de Canal+ et CanalSatellite. Pour accéder à l’offre, il faudra s’abonner au service d’accès ADSL de LDCom ou Cégétel et louer un décodeur développé par Canal+ Technologies et Thomson qui assurera les mêmes fonctions que les décodeurs Médiasat fournis par CanalSatellite (avec le branchement sur le modem ADSL en plus). Les services seront cryptés avec le système d’accès conditionnel Médiaguard. Comme pour toutes les offres de télévision par ADSL, l’offre sera nationale et les chaînes seront diffusées après multiplexage numérique depuis un centre national.

Groupe Canal+ aurait également signé en janvier 2004 avec France Télécom un accord pour la fourniture de son offre ADSL via MaLigne TV, selon des modalités identiques ou comparables à celles de TPS L (sur Paris et les Hauts-de-Seine dans un premier temps). 

c) Noos 

De manière informelle, Noos a fait connaître au CSA son intention de proposer une offre de télévision par ADSL dans les zones périphériques de ses réseaux câblés et dans les zones où les réseaux câblés ne permettent pas de fournir des accès Internet haut débit. Noos étudie la possibilité de fournir les bouquets numériques commercialisés sur ses réseaux mais se heurterait à des clauses d’exclusivité récemment imposées par TPS et Canal+ aux éditeurs des chaînes thématiques. Il semblerait, en effet, que les plates-formes satellitaires aient fait pression sur les éditeurs de chaînes avec lesquels ils avaient une clause de distribution satellitaire exclusive afin d’étendre à l’ADSL cette exclusivité.  

Noos concevrait donc l’ADSL vidéo comme une prolongation des réseaux câblés ou un substitut à leur mise à niveau technique très onéreuse pour la fourniture des accès Internet haut débit.

2.2.2 – La concurrence entre le câble et l’ADSL  

Compte tenu de l’architecture des réseaux ADSL, du marché visé par les opérateurs qui les déploient et du mode de consommation proposé aux abonnés, la télévision par ADSL apparaît surtout comme une offre concurrente de celles commercialisées sur les réseaux câblés.  

A l’instar de la télédistribution par câble, la télévision par ADSL utilise une infrastructure filaire. En effet, l’accès par ADSL s’appuie sur le réseau d’accès cuivre du réseau téléphonique (réseau de télécommunications dont le régime juridique est, jusqu’à présent, distinct de celui des réseaux câblés).  

Les zones géographiques concernées par la télévision par ADSL correspondent assez bien à celles couvertes par la télédistribution par câble et partagent comme caractéristique d’être des zones urbaines à forte densité démographique. L’ADSL devrait cependant couvrir, à terme, une aire plus vaste que le câble, notamment en s’étendant aux zones péri-urbaines, touchant ainsi plus de 60 % de la population contre environ 30 % pour le câble.

Contrairement cependant au réseau câblé, qui nécessite de lourds investissements, il convient de noter que les trois opérateurs audiovisuels TPS, Canal+ et Noos ont souligné la faiblesse relative des investissements exigés pour la fourniture de leur offre ADSL10.

Sur le plan du mode de consommation, on ne relève pas non plus de différence entre la télévision diffusée par ADSL et celle disponible par le câble. Selon le procédé du « plug and play », c’est-à-dire sans autre manipulation technique de sa part que le raccordement initial du décodeur au téléviseur (par un cordon Péritel), l’abonné ADSL regarde les chaînes directement sur son poste de télévision11 et utilise une télécommande pour changer de chaînes et, plus largement, utiliser les fonctions interactives. Pour le consommateur, la télévision par ADSL bénéficie même d’atouts concurrentiels indéniables par rapport à la télévision par câble :  

– en s’appuyant sur un réseau de télécommunications déjà existant, elle permet aux opérateurs de s’exonérer des contraintes financières et réglementaires auxquelles les câblo-opérateurs sont soumis (investissements en infrastructure, accomplissement de formalités administratives liées à l’occupation du domaine public), ce qui a des effets pour le consommateur tant sur la formation des prix que sur le délai d’abonnement12 ;  

– elle semble davantage prometteuse en ce qui concerne l’interactivité, dans la mesure où la voie de retour des réseaux ADSL permet un débit plus important que celle des réseaux câblés français (pour ce faire, ces derniers nécessitent la plupart du temps un raccordement du décodeur à la prise téléphonique) ;  

– elle permet de proposer de la vidéo à la demande, sans investissement supplémentaire en infrastructure, comme l’offre de MovieSystem commercialisée via MaLigne TV de France Télécom ;  

– elle ne nécessite pas de travaux d’installation particuliers au domicile du consommateur (en particulier, elle ne s’accompagne d’aucune suppression de la réception hertzienne, câblée ou satellitaire) alors que la télévision par câble suppose au préalable la pose d’un câble coaxial dans le logement ;

– elle accorde au consommateur une liberté de choix du distributeur de services13, liberté qui contraste fortement avec le monopole géographique de fait dont disposent les câblo-opérateurs (les communes n’ayant délivré qu’une seule autorisation d’installation de réseau câblé sur leur territoire) ; 

IMG2.png

L’annexe 1 des observations présente une comparaison complète des tarifs de Free et MaLigne TV / TPS L  

Ce tableau suscite deux commentaires :  

- pour les consommateurs intéressés seulement par l’accès à la télévision payante, l’offre Free n’est évidemment pas attractive ;  

- pour ceux intéressés par une offre multiservices, elle représente une alternative économique à Noos (sous réserve des conditions de qualité et de fiabilité du service). L’offre TPSL couplée à Wanadoo apparaît, en revanche, particulièrement onéreuse.  

2.2.3 – Conclusion : la difficulté de définir le marché en l’état  

Il ne semble pas possible à l’heure actuelle de se prononcer de façon définitive sur la nature du marché aval concerné par la naissance de la télévision sur ADSL. Celle-ci, en devenant un service complémentaire de l’accès à Internet haut débit et demain de la téléphonie, peut déclencher l’essor du marché des offres multiservices de communication. Mais elle peut tout autant ne constituer qu’un prolongement du développement du marché de la télévision par câble.  

Enfin, un troisième schéma – peut-être le plus probable – pourrait voir le développement concurrent de ces différentes offres :  

– le développement d’offres multiservices attractives et concurrentes sur le câble et l’ADSL, de la part des câblo-opérateurs et des opérateurs de réseaux alternatifs ou de services de télécommunications utilisant le dégroupage ; 

– le développement d’une offre de télévision en zones urbaines sur un nouveau support, tantôt concurrent, tantôt complémentaire du câble, permettant éventuellement l’émergence de nouveaux distributeurs en liaison avec les opérateurs alternatifs.  

A l’heure actuelle, dans la mesure où les différentes offres présentes sur le marché n’ont guère rencontré de demandes identifiables, il n’est guère possible d’aller plus loin dans l’analyse.  

3 – Le marché amont de la commercialisation des services de télévision pour la télévision payante  

Quelle que soit la forme que prendra à l’avenir le marché de la télévision sur ADSL, le CSA relève que les pratiques dénoncées se placent sur le marché amont de la commercialisation des services de télévision.  

3.1 – La jurisprudence  

La jurisprudence a identifié à plusieurs reprises un marché de la commercialisation des chaînes thématiques pour la télévision payante. Sur ce marché, les chaînes proposent leurs grilles de programmes aux différents distributeurs commerciaux d’offres multichaînes qui les assemblent en bouquets afin d’être commercialisées. Ce marché constitue la partie amont du marché de la télévision payante.  

Free intervient en tant que distributeur, comme expliqué au point 2.1.2.  

Le Commission européenne (décision du 3 mai 2002 déclarant la compatibilité avec le marché commun d’une concentration (Affaire N IV/M.2766 - Vivendi Universal / Hachette / Multithematiques14) puis le Conseil de la concurrence (décision n° 03-D-59 du 9 décembre 2003 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés I-Télé et Groupe Canal+ : la possible existence d’un marché des chaînes d’information générale en français et en continu) ont admis la possibilité de segmenter ce marché selon des thématiques de service. Le marché a en effet atteint un certain degré de maturité tant au regard de la richesse de l’offre que du point de vue des attentes des consommateurs et des modes de consommation de la télévision payante. Si, au lancement des premières offres multichaînes, les téléspectateurs recherchaient sur le marché de la télévision payante à consommer avant tout « de la télévision », aujourd’hui ils attendent des plates-formes certains types de programmes et des thématiques particulières et s’abonnent pour consommer des programmes spécifiques15.  

3.2 – L’évolution du périmètre du marché  

Le marché amont de la commercialisation des chaînes de télévision a été a priori identifié comme un marché de la télévision payante puisqu’il confronte la demande des distributeurs de télévision par câble et par satellite à l’offre des éditeurs de chaînes thématiques, dont le modèle de financement est assis sur une redevance (abonnement) payée par les usagers. Les chaînes gratuites hertziennes, présentes dans l’offre de base accessible quasiment partout au moyen d’une antenne râteau, ne semblaient donc pas concernées par ce marché.  

L’évolution du paysage de la télévision payante a cependant fait apparaître le caractère sensible de l’inclusion des chaînes gratuites dans la composition d’un bouquet de chaînes payantes :  

– d’abord, parce que le développement de l’offre de câblo-distribution s’est accompagné de l’enlèvement des antennes râteau de nombreux immeubles, ce qui empêche toute réception directe des chaînes hertziennes ;  

– certains foyers urbains sont en « zone d’ombre » et ont donc une mauvaise réception des signaux de TF1 et M6 ;  

– pour les foyers qui ont toujours accès dans de bonnes conditions aux chaînes gratuites par une antenne de réception hertzienne, il est plus commode de passer d’une chaîne à l’autre avec la même télécommande que d’avoir à éteindre le décodeur ou à faire une manipulation pour le neutraliser afin de passer aux chaînes hertziennes ;

– enfin, les chaînes gratuites restent de très loin les plus regardées (65,9 % de part d’audience chez les abonnés multichaînes)16.  

Le CSA constate d’ailleurs que la « commercialisation » des chaînes généralistes gratuites est déjà intégrée dans ce marché. En effet, d’ores et déjà, les abonnés à TPS ou CanalSatellite n’ont accès aux chaînes gratuites qu’en souscrivant un abonnement à un bouquet de chaînes payant. Les câblo-opérateurs orientent leurs offres vers le même modèle de commercialisation17.  

La commercialisation du bouquet exclusif TPS L Prestige accentue cette logique. Comme le président-directeur général de TPS et le secrétaire général de TF1 l’ont indiqué lors de leur audition par le CSA le 5 janvier 2004, Free ne pourra fournir à ses abonnés les chaînes TF1 ou M6 que s’il commercialise le bouquet TPS L Prestige.  

Il convient de souligner le caractère apparemment paradoxal de cette situation. En effet, le modèle de la télévision privée gratuite, financée exclusivement par la publicité, implique pour l’éditeur la nécessité de diffuser sa chaîne par tous les moyens possibles afin de garantir à ses annonceurs le public le plus large possible.  

Si donc les deux chaînes hertziennes privées – à la différence des chaînes de service public – ont adopté une stratégie de distribution payante contraire au modèle économique de la télévision gratuite, c’est que la porosité entre les marchés de la télévision gratuite et de la télévision payante, déjà soulignée par le CSA dans ses précédents avis au Conseil de la concurrence, gagne du terrain sur les marchés aval et amont de la commercialisation des chaînes.  

En effet, il semble que sur le marché de la commercialisation des chaînes de télévision, les distributeurs cherchent non seulement à composer une offre comportant toutes les thématiques fortes de la télévision payante (cinéma, fiction, jeunesse, sport, documentaire, information, notamment) mais à acheter des « marques » afin de composer une offre de télévision payante attractive comportant des chaînes à forte audience et des chaînes à marque identitaire forte et populaire. Cette dernière préoccupation ne passe pas par une distinction entre le caractère gratuit ou payant pour l’abonné de l’accès à ces chaînes.  

Incontestablement, l’offreur TPS renforce sa puissance sur le marché amont de la commercialisation en incorporant les chaînes généralistes de TF1 et Métropole Télévision (mais également les chaînes gratuites du service public) dans son offre de chaînes.  Le CSA estime donc que le marché amont sur lequel se confrontent les demandes et les offres de Free et de TPS-TF1-Métropole Télévision est le marché de la commercialisation payante des services de télévision (marché de la fourniture de chaînes thématiques payantes et généralistes gratuites aux distributeurs).  

3.3 – Les positions des opérateurs sur le marché  

Le Conseil de la concurrence n’a pas déterminé l’existence d’une position dominante d’un opérateur sur le marché amont de la commercialisation des services de télévision. Cependant, dans sa décision n° 03-D-59 du 9 décembre 2003 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés I-Télé et Groupe Canal+, le Conseil de la concurrence n’a pas exclu l’existence d’une position dominante de TF1 sur le segment de marché des chaînes d’information générale en français et en continu.

L’ensemble TF1-TPS-M6, qui intègre les chaînes généralistes hertziennes et les chaînes thématiques, représentait un chiffre d’affaires éditeur en 2002 (hors activité de distribution de TPS) de « secret des affaires » milliards d’euros18, soit environ « secret des affaires » % du chiffre d’affaires de l’édition de chaînes nationales, tous revenus confondus (voir annexe 3). Les groupes Canal+ et Lagardère, actionnaires de CanalSatellite, réalisaient, pour leur part, un chiffre d’affaires éditeur de « secret des affaires » milliard d’euros, et France Télévision avec Arte 2,4 milliards.  

Le poids respectif de TF1 et de Métropole Télévision sur le marché de la commercialisation des services de télévision pour la télévision payante doit également être analysé en termes d’attractivité pour les distributeurs soucieux de composer un bouquet de chaînes susceptible d’intéresser des consommateurs de télévision payante. Plusieurs indicateurs peuvent contribuer à mesurer cette attractivité.  

1° Leur audience globale, qui permet d’apprécier l’intérêt potentiel du futur abonné.

L’audience de TF1 et M6 et des chaînes thématiques appartenant à ces deux groupes représentait, en 2003, 42,7 % de l’audience de la télévision des individus de 4 ans et plus dans l’ensemble des foyers français équipés de télévision et abonnés à une offre élargie de télévision (réception de quinze chaînes ou plus) (voir annexe 3).  

Au sein de cette part d’audience de 42,7 %, les deux chaînes hertziennes TF1 et M6 totalisent à elles seules 34,2 % (26,0 % pour TF1 et 8.2 % pour M619). Ces deux chaînes conservent donc une audience élevée auprès des foyers multichaînes, qui ne consacrent que 34,1 % de leur écoute aux chaînes du câble et du satellite, dont les plus populaires dépassent rarement 1 % d’audience, ce qui les situe loin derrière les chaînes hertziennes comme TF1 et M6 (voir annexe 4). TF1, en particulier, dépasse de 11 points la chaîne suivante, France 2, qui réunit 14,8 % de part d’audience.  

Le téléspectateur multichaînes, bien que bénéficiant d’un choix abondant, considère donc toujours les chaînes hertziennes, et notamment TF1, comme un service essentiel de l’offre de télévision.  

2° Leur image et leur notoriété, qui leur permettent de réaliser les plus fortes écoutes de la télévision sur leur cible de public et « créer l’événement » susceptible de déclencher des décisions d’abonnement et concentrer les audiences.

Les chaînes thématiques éditées par les groupes TF1, Métropole Télévision et TPS sont, en termes d’audience, d’image et de notoriété, parmi les mieux positionnées sur le marché (voir annexe 4).  

Les résultats du Médiamat20 montrent, en outre, que TF1 a réalisé 95 des 100 plus fortes audiences21 de la télévision sur 2003, contre 4 pour France 2, une pour France 3 et aucune pour M6. L’absence de TF1 (mais également de M6, dont la structure d’audience, plus jeune, se rapproche du public des internautes) dans une offre de télévision affaiblit donc substantiellement son attractivité.  

L’absence de chaînes hertziennes ne condamne cependant pas nécessairement commercialement l’offre d’un distributeur, comme le montre le succès de CanalSatellite depuis 1996. Mais cette absence rend impossible pour Free de se positionner comme service alternatif d’offre de télévision multichaînes « de base » (notamment en concurrence par rapport au premier prix du câble) puisqu’il n’a pas accès à ces chaînes leader en audience. Son offre, limitée aux chaînes du service public et à quelques chaînes gratuites, reste ainsi condamnée à rester un « gadget » offert en plus de l’offre haut débit.  

Par ailleurs, contrairement aux actionnaires de CanalSatellite, Free ne dispose pas de multiples chaînes thématiques en exclusivité dont la diversité, la notoriété et la qualité des programmes lui permettraient de présenter une offre haut de gamme très attractive de télévision payante. 

Quel que soit le type d’offre envisagé, Free se voit ainsi privé, en l’état actuel des choses, de la possibilité de construire un bouquet susceptible d’exister sur le marché.  

4 – Analyse des pratiques de TPS  

4.1 – La stratégie commerciale de TPS  

Les pratiques mises en oeuvre par TPS visent à étendre à la distribution audiovisuelle sur réseau téléphonique les exclusivités dont dispose TPS pour la diffusion satellitaire de services de télévision. En outre, TPS, à cette occasion, élargit le périmètre des droits exclusifs de diffusion à des chaînes qui ne bénéficiaient pas d’exclusivité sur le câble (notamment TF1 et M6) ou même sur le satellite (LCI, Eurosport, TV Breizh et Téva).  

En effet, le président directeur général de TPS et le secrétaire général de TF1, auditionnés le 5 janvier 2004 par le CSA, ont indiqué que TPS avait l’exclusivité de la vente des chaînes du bouquet TPS Prestige sur l’ADSL, sous la dénomination de TPS L Prestige22, pour leur distribution par ligne téléphonique. Ce bouquet comporte non seulement les chaînes thématiques de TF1, TPS et Métropole Télévision mais également les chaînes hertziennes TF1 et M6.  

Il n’est pas exclu que le groupe Canal+ adopte un comportement comparable. Dans un entretien paru dans l’édition du 18 décembre 2003 de La Tribune, Bertrand Méheut, président du directoire de Groupe Canal+, a déclaré que « le décodeur de Free ne permet pas de crypter les programmes. A ce stade, il est donc exclu que nous leur confions nos chaînes. » Canal+ aurait, en outre, imposé, au mois de décembre 2003, des clauses d’exclusivité pour une distribution sur ADSL à tous les éditeurs distribués exclusivement sur CanalSatellite.  

Les dirigeants de TPS considèrent en effet que, contrairement au câble, en situation de monopole naturel du fait de la lourdeur des investissements nécessaires, le nouveau support de diffusion qu’est l’ADSL est un support ouvert à la concurrence, plusieurs offres étant susceptibles d’être présentées aux consommateurs sur une même ville. Dans ces conditions – et bien que l’ADSL soit, physiquement, indéniablement un support filaire assimilable au câble – c’est au régime actuel du satellite qu’il importerait, à leurs yeux, de se référer, ce qui impliquerait :  

– la similitude de prix entre l’abonnement TPS par satellite et par ADSL ;  

– l’extension quasi automatique à l’ADSL des exclusivités consenties par les éditeurs de chaînes thématiques au profit des distributeurs du satellite ;  

– l’extension dans les mêmes conditions de la disposition du pacte d’actionnaires de TPS prévoyant la distribution satellitaire exclusive sur la plate-forme TPS des chaînes coactionnaires TF1 et M623.

On notera avec intérêt, à ce propos, que les chaînes gratuites du service public semblent éprouver des difficultés réelles à se faire distribuer par France Télécom indépendamment de la commercialisation de TPSL , ce qui signifie qu’à l’heure actuelle ces chaînes n’auraient d’autre perspective qu’une distribution payante au profit du distributeur TPS L, et à terme CanalSatellite, sur le modèle de ce qui existe également actuellement sur le marché du satellite.  

Cette stratégie commerciale est évidemment conçue pour protéger les positions tenues par le distributeur TPS (et peut-être également CanalSatellite) sur le marché de la télévision par satellite. Ce marché pourrait être en effet directement menacé à terme dans les zones péri-urbaines par l’extension du parc de lignes susceptibles d’être raccordées à l’ADSL.  

4.2 – Analyse du droit de l’audiovisuel applicable  

4.2.1 – Les obligations de reprise de services audiovisuels  

La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication a fixé des obligations de reprise et de diffusion par les distributeurs de certaines chaînes (« must carry ») :  

– article 34, II, 1° : obligation de reprise par les réseaux câblés des services hertziens normalement reçus dans la zone et de TV5. Cette obligation de reprise s’appliquera également aux chaînes gratuites de la télévision numérique de terre à compter de leur diffusion (ce sont les chaînes hertziennes terrestres actuelles, Arte, La Chaîne parlementaire, Direct 8, iMCM, M6 Music, NRJ TV, NT1, TMC, le canal supplémentaire réservé à France Télévision) ;  

– article 34-3 : obligation de distribution par satellite de France 2, France 3, La Cinquième, Arte et Réseau France Outre-mer.  

Le I de l’article 3 du décret n° 92-881 modifié du 1er septembre 1992 prévoit que « tout distributeur de services par câble est tenu d'assurer la fourniture en mode analogique à tous ses abonnés des services de télévision suivants : [services hertziens analogiques normalement reçus dans la zone et TV5] ». Cette formulation a conduit le CSA, mais également la direction du développement des médias24, à considérer que le must carry vaut must offer : dès lors que le câblo-opérateur est tenu de fournir les chaînes, les éditeurs de chaînes ne peuvent s’opposer à cette distribution, contrairement au satellite, afin de satisfaire à l’obligation de résultat définie par le Parlement et le Gouvernement.

L’obligation de reprise vise à compenser la perte par les raccordés ou les abonnés à un réseau câblé de leur moyen de réception hertzienne terrestre (la plupart du temps les câblo-opérateurs ont retiré les antennes collectives hertziennes et le câblage interne des immeubles collectifs). Le must carry a, en fait, été imposé pour la câblo-distribution en mode analogique afin de couvrir l’ensemble des abonnés (qu’ils soient en analogique ou en numérique).  

4.2.2 – Les régimes du câble et de l’ADSL  

Le CSA s’est interrogé sur l’assimilation du régime de la distribution audiovisuelle par ADSL au régime du câble. L’application du must carry aurait en effet résolu le problème de Free. Cependant, par lettre du 13 janvier 2004 (voir annexe 7), en réponse à la sollicitation du CSA sur cette question, le Premier ministre a estimé que la distribution de services de télévision sur réseau téléphonique au moyen de la technologie de l’ADSL ne pouvait être assimilée à la distribution par câble régie par l’article 34 de la loi du 30 septembre 1986 ; les obligations d’autorisation et de reprise (must carry) ne peuvent donc être étendues, en l’état, à l’ADSL.  

Le projet de loi relatif aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle harmonisera prochainement cependant les régimes juridiques des deux réseaux. Son article 58 étend les obligations de reprise des services diffusés par voie hertzienne terrestre normalement reçus dans la zone, de TV5 et des services communaux, actuellement prévues pour le câble, à « tout distributeur de services par un réseau autre que par satellite, n’utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ». Les réseaux téléphonique et du câble seront donc placés sous le même régime des « réseaux de communications électroniques » qui sont définis par le nouvel article L. 32 du code des postes et télécommunications (article 2 du projet de loi). Mais ce même article 58 fixe une condition supplémentaire d’application de l’obligation de reprise : le réseau doit être « utilisé par un nombre significatif de téléspectateurs comme un de leurs modes principaux de réception de la télévision sur sa zone de desserte ». Les nouvelles conditions d’application du must carry dépendront de l’interprétation de ces termes faits par le Parlement lors des débats mais également des « limites et conditions des obligations » qui seront fixées par le décret d’application prévu par le même article de loi.  

4.3 – La position du CSA vis-à-vis de la reprise des chaînes hertziennes terrestres gratuites  

Si TF1 et Métropole Télévision ont pu légalement refuser à CanalSatellite la distribution de leurs deux chaînes hertziennes grâce à une exemption communautaire (voir annexe 8), la situation des réseaux téléphoniques ADSL ou câblés ne saurait être assimilée à celle de la diffusion satellitaire.  

Comme l’a considéré la Commission européenne, une clause d’exclusivité constitue un avantage concurrentiel permettant de soutenir l’implantation d’un nouvel entrant sur le marché dominé par un opérateur. Sur un marché émergent, cette restriction de concurrence ne se justifierait donc pas. Elle est d’autant moins justifiée que les investissements consacrés au nouveau mode de diffusion par ADSL ne sont pas si considérables pour les opérateurs qu’ils justifieraient une telle restriction de concurrence (voir note 10 au point 2.2.2).  

Par ailleurs, le CSA estime que l’attribution, à titre gratuit, d’une ressource rare – le réseau national de fréquences hertziennes terrestres – justifie pleinement que les titulaires d’une autorisation hertzienne terrestre ne mettent aucun obstacle à la diffusion la plus large possible de leur chaîne en France. Dans son avis sur le projet de loi sur les communications électroniques, le CSA a ainsi recommandé « que les réseaux filaires et satellitaires soient soumis à un régime identique [de « must carry – must offer », c’est-à-dire de reprise obligatoire], en vertu du principe de neutralité technologique et en raison de la similitude du nombre de foyers atteint par chacun des supports » (voir annexe 9). 

4.4 – La position du CSA vis-à-vis de la reprise des chaînes payantes du câble et du satellite  

Les chaînes conventionnées ou déclarées pour une distribution par câble ou une diffusion par satellite relèvent d’une économie marchande classique. Aucune ressource rare ne leur est affectée. Aucune obligation de reprise n’est imposée aux distributeurs par la loi ou les règlements.  

Toutefois, les chaînes francophones d’information générale en continu (LCI, I-Télé, Euronews) posent un problème particulier. Le CSA considère que les exigences de pluralisme, qui rejoignent les intérêts des consommateurs protégés par le droit de la concurrence, comme l’a exprimé le Conseil de la concurrence dans sa décision n° 03-D-59 du 9 décembre 2003 relative à la saisine et à la demande de mesures conservatoires présentées par les sociétés I-Télé et Groupe Canal+, rendent nécessaire la reprise des chaînes LCI et I-Télé et leur fourniture à tous les distributeurs qui les demanderaient, y compris Free.  

Par ailleurs, le CSA s’interroge sur la pratique mise en oeuvre e par TPS et CanalSatellite, au mois de décembre 2003, visant à étendre à l’ADSL les exclusivités consenties en faveur du satellite. Afin de laisser se développer ce marché émergent de la façon la plus efficace, et également dans le souci de maintenir et développer le pluralisme de l’offre présentée aux  téléspectateurs, le CSA estime qu’il serait souhaitable que les éditeurs de chaînes thématiques conservent leur liberté de commercialiser leurs chaînes comme ils l’entendent sur un nouveau support.  

Le CSA prend acte avec satisfaction de la disponibilité marquée par la lettre du 23 décembre 2003 du président-directeur général de TPS pour la commercialisation de son bouquet de chaînes payantes, sous réserve d’un certain nombre de conditions techniques.  

TPS a, en effet, demandé à Free d’utiliser le cryptage Viaccess pour le contrôle d’accès. Cette technologie, propriété de France Télécom, est celle utilisée par la plate-forme satellitaire de TPS. En outre, TPS demande que soit fourni un terminal compatible (terminal muni de carte à puce pour le contrôle d’accès) et les services interactifs de TPS.

Actuellement la Freebox ne fait appel à l’emploi d’aucune carte à puce pour la vérification des droits d’accès alors que TPS demande d’utiliser cette technologie de carte à puce pour assurer la gestion du contrôle des accès (« terminal et plate-forme technique compatible avec l’offre TPS »). La Freebox permet peut-être la mise en place d’un système de contrôle d’accès.  

Free estime, pour sa part, que les conditions de distribution des services de télévision sont parfaitement sécurisées.  

En effet, sous réserve des technologies et matériels utilisés, la télévision diffusée sur ligne téléphonique ADSL peut présenter des garanties de protection des droits d’accès égales ou supérieures au câble et au satellite dans la mesure où :

– les droits d’accès peuvent être gérés par le DSLAM et/ou par le décodeur (dans le schéma MaLigne TV / TPS L il y a une double gestion) ;  

– les chaînes sont transmises aux DSLAM par le réseau national de transport filaire non accessible aux particuliers (Free possède son propre réseau) : l’ensemble des flux audiovisuels ne va pas jusqu’au terminal de l’abonné mais est stocké dans le DSLAM, lui-
même transmettant au terminal les chaînes une à une selon la demande ;  

– le décodeur (Freebox) ne peut fournir les chaînes demandées que s’il est connecté à la ligne téléphonique prévue.  Le réseau de distribution de Free permet probablement d’acheminer le signal crypté par le contrôle d’accès de TPS jusqu’à l’abonné. Dans ce cas, il serait nécessaire de modifier ou de remplacer les quelque 100 000 Freebox déjà en service.  

Si la nécessité d’assurer une parfaite protection des oeuvres set des ayants droit justifie certainement les exigences de sécurité des éditeurs de chaînes, le CSA s’interroge sur les caractéristiques du niveau de protection exigé. Il constate en effet que les chaînes du service public n’ont pas élevé d’objection en ce qui concerne les conditions techniques de leur reprise par Free. C’est pourquoi le CSA, en conclusion, souhaite que les conditions techniques posées pour la distribution des chaînes thématiques payantes n’aient pas pour conséquence de fermer l’accès des demandeurs au marché.  

5 – La demande de mesures conservatoires  

5.1 – Sur l’existence d’une atteinte grave et immédiate aux intérêts d’Iliad et Free

Comme il a été analysé supra, l’absence des deux chaînes hertziennes TF1 et M6 ne permet pas à Free de présenter une offre attractive de télévision sur le marché émergent de la télévision par ADSL.  Les exigences techniques de TPS pourraient devoir se traduire par une modification de la Freebox, donc une modification de la chaîne industrielle de fabrication et le remplacement de toutes les Freebox installées chez les consommateurs. Cela pourrait entraîner la sortie de Free du marché de la télévision par ADSL pour une durée plus ou moins longue.  

5.2 – Sur l’existence d’une atteinte grave et immédiate au marché et aux intérêts des consommateurs  

La reproduction sur le marché émergent de la télévision par ADSL du système d’exclusivités portant sur les chaînes hertziennes gratuites privées tel qu’il existe en matière de distribution satellitaire interdit l’entrée de nouveaux acteurs dans la distribution susceptibles de proposer aux consommateurs des offres nouvelles et économiquement intéressantes.  

Le CSA juge que cette pratique pourrait entraîner une fermeture du marché de la télévision par ADSL au profit du distributeur TPS et de France Télécom, au détriment des intérêts des consommateurs, des éditeurs et des autres distributeurs, notamment nouveaux entrants.  

5.3 – Sur la nature des mesures conservatoires demandées  

Pour les raisons exposées ci-dessus, le problème se pose de façon particulière sur les chaînes hertziennes terrestres gratuites.  

C’est pourquoi, il paraît nécessaire de dissocier la fourniture des chaînes gratuites TF1 et M6 de la commercialisation du bouquet TPS L. Tout distributeur de services de télévision par ligne téléphonique devrait pouvoir avoir accès gratuitement à ces chaînes, et TPS devrait se voir ordonner de ne pas faire jouer les clauses de distribution exclusive de ces services sur un support qui ne serait pas celui du satellite. La fourniture à Free des chaînes gratuites TF1 et M6 pourrait constituer un préalable à l’extension géographique au-delà de l’agglomération lyonnaise de l’offre TPS L.  

Concernant la fourniture des chaînes du câble et du satellite éditées par les groupes TF1, Métropole Télévision et TPS, l’ouverture actuelle des discussions entre les parties, si elle se confirmait, rendrait inutile de prononcer des mesures conservatoires. Il pourrait cependant être opportun de prévoir un suivi des conditions de cette négociation en vue de son utile conclusion.

***

Le CSA réaffirme, en conclusion, son attachement, dans l’intérêt du téléspectateur, à la plus large diffusion des chaînes comme des programmes diffusés en clair par voie hertzienne terrestre. 

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Le must carry proprement dit  L’article 3 du décret n° 92-881 du 1er septembre 1992 pris pour l'application de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et concernant l'autorisation d'exploitation des réseaux distribuant des services de radiodiffusion sonore et de télévision par câble, décret notamment modifié par le décret n° 2002-125 du 31 janvier 2002, précise que :  

« Article 3 : I. - Tout distributeur de services par câble est tenu d'assurer la fourniture en mode analogique à tous ses abonnés des services de télévision suivants :  

1° Services diffusés en mode analogique par voie hertzienne terrestre en application des articles 30 et 44 de la loi du 30 septembre 1986 et du traité du 2 octobre 1990 et normalement reçus dans la zone de desserte du réseau câblé ;  

2° Service à vocation internationale mentionné au 1° du II de l'article 34 de la loi du 30 septembre 1986.  

La retransmission en mode numérique du signal sonore des services mentionnés aux deux alinéas précédents est assurée si le signal est diffusé dans ce mode.  

II. - En outre, lorsque le distributeur propose une ou plusieurs offres de services en mode numérique, il est également tenu d'assurer la fourniture, en mode numérique, à tous les abonnés à une telle offre, des services de télévision suivants normalement reçus par voie hertzienne terrestre dans la zone de desserte du réseau câblé et dont le financement ne fait pas appel à une rémunération de la part des usagers :  

1° Services autorisés en application de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, à l'exception des services mentionnés au deuxième alinéa du III de cet article et des services dont l'objet principal est d'assurer l'information sur les programmes ;  

2° Services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique par la chaîne culturelle européenne issue du traité du 2 octobre 1990 et par les sociétés mentionnées à l'article 44 de la loi du 30 septembre 1986, à l'exception de ceux consistant en la reprise intégrale et simultanée des services diffusés par voie hertzienne terrestre en mode analogique par les sociétés nationales de programme France 2 et France 3.  

Le distributeur est tenu à la même obligation à l'égard des abonnés à une offre analogique qui demandent à recevoir ces services en mode numérique et s'équipent des terminaux nécessaires à la réception de ceux-ci.   Les données associées aux services de télévision qui font appel au dispositif mentionné au septième alinéa de l'article 25 de la loi du 30 septembre 1986 ne sont pas couvertes par l'obligation définie aux alinéas précédents.  

III. - Pour l'application du II, les autorisations d'exploitation sont modifiées au plus tard deux mois après la date de disponibilité effective en mode numérique des services concernés normalement reçus dans la zone de desserte du réseau câblé. »  

En mode analogique, les réseaux câblés doivent donc offrir l’ensemble des chaînes hertziennes analogiques, publiques ou privées, normalement reçues dans leur zone de desserte ainsi que TV5 et La Chaîne parlementaire.  

Lorsqu’ils diffusent une offre numérique, les réseaux câblés doivent offrir en outre, en mode numérique, l’ensemble des chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre à l’exception de la rediffusion intégrale et simultanée en numérique (simulcast) de TF1, France 2, France 3, M6 et, le cas échéant, de la rediffusion en numérique des chaînes locales analogiques hertziennes.  

Ni la loi ni son décret d’application ne précisent les modalités financières de ces reprises, tant de la part des éditeurs de chaîne (compensation éventuelle des coûts de reprise) que des distributeurs (versement éventuel d’une redevance aux éditeurs). Dans la pratique, ces reprises s’effectuent gratuitement.  

Le service antenne  

On entend par service antenne le raccordement d’un immeuble au réseau câblé pour la seule réception des chaînes hertziennes. Ce mode de réception, qui se substitue ainsi à la réception par une antenne individuelle ou collective, est proposé par les câblo-pérateurs aux copropriétés ou aux gestionnaires de parcs immobiliers locatif, moyennant le versement des frais de maintenance qui sont intégrés aux charges collectives des immeubles. Les foyers qui bénéficient de ce service peuvent également souscrire auprès du câblo-opérateur un abonnement pour la réception d’autres chaînes.  

Ce service est régi par l’article 3-1 du décret modifié n° 92-881 du 1er septembre 1992 aux termes duquel :  

« Article 3-1 : Lorsqu’un distributeur de services par câble qui exploite un réseau interne raccordé à un réseau câblé ne propose pas d’offre numérique, il adresse à la personne qui lui en confie l’exploitation, lorsqu’elle en fait la demande, une proposition commerciale de distribution en mode analogique des services mentionnés au I de l’article 3. Cette proposition prend en compte les frais d’installation, d’entretien ou de remplacement du réseau et n’est pas conditionnée à la souscription d’un abonnement à un ou plusieurs services.  

Lorsqu’un distributeur de services par câble qui exploite un réseau interne raccordé à un réseau câblé propose une offre numérique, il adresse à la personne qui lui en confie l’exploitation, lorsqu’elle en fait la demande, une proposition commerciale de distribution en mode analogique des services mentionnés au I de l’article 3 et en mode numérique des services mentionnés au II du même article. Cette proposition doit être conforme aux règles définies au premier alinéa. Elle mentionne en outre les conditions de location ou de vente aux personnes qui en feraient individuellement la demande des terminaux nécessaires à la réception de ces services. » 

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ANNEXE 8  

La distribution exclusive des chaînes hertziennes terrestres françaises gratuites sur TPS  

Par une décision de la Commission européenne du 3 mars 1999, TPS a pu bénéficier de l’exclusivité de la diffusion satellitaire de TF1, France 2, France 3 et M6.

La création de TPS a été soumise au contrôle des concentrations de la Commission européenne en raison de la dimension de l’opération (les marchés belge et luxembourgeois étaient visés) et du fait que TPS ne constituait pas une entreprise commune compte tenu que ses associés n’en assuraient pas le contrôle conjoint. Dès lors, les accords passés entre ces derniers pour la constitution de TPS25 ont dû être notifiés et une exemption d’interdiction d’entente anticoncurrentielle a été sollicitée26.  

Parmi les dispositions contractuelles restrictives de concurrence nécessitant une exemption figurait la clause de diffusion satellitaire en exclusivité sur TPS de TF1, France 2, France 3 et M627 en mode crypté et numérique (article 6 de la convention des 11 et 18 avril 1996). L’exclusivité portant sur Arte et La Cinquième a été écartée par TPS par avenant du 17 septembre 1998.  

La Commission a considéré que la clause d’exclusivité (d’une durée de 10 ans à la signature de la convention de 1996) constituait une restriction de concurrence du fait qu’elle privait les concurrents de l’accès à des programmes très attractifs, attrait renforcé par la qualité numérique de la diffusion pour les foyers ayant une réception hertzienne terrestre médiocre.  

La Commission a jugé que TPS permettrait l’arrivée d’un nouvel acteur sur le marché, élargirait l’offre de services de télévision payante et entraînerait le développement de nouvelles chaînes thématiques et de nouveaux services. La concurrence serait ainsi stimulée, y compris au bénéfice du câble dont les contenus disponibles se trouveraient élargis. Pour les consommateurs, TPS serait d’un intérêt indéniable du fait des offres promotionnelles et tarifs avantageux qui seraient proposés sur le marché.  

Pour bénéficier d’une exemption, la clause d’exclusivité n’en devait pas moins être indispensable à la création et la commercialisation de TPS. La Commission a jugé que, compte tenu

  • de la « position de force de Canal+ » en matière d’acquisition des droits relatifs au cinéma et au sport en paiement à la séance,
  • de la situation d’infériorité de TPS par rapport à Canal+ vis-à-vis des studios américains (constat d’un rapport de 85 % – 15 % sur la détention des droits),
  • du coût d’entrée élevé sur le marché de la télévision payante, 
  • de la détention des droits sur le football par Canal+, l’exclusivité des chaînes généralistes permettait à TPS de « constituer une offre attrayante, différente de celle de ses concurrents, et contourner la difficulté d’accès aux droits relatifs au cinéma et au sport ». L’exclusivité, conçue comme produit d’appel, était apparue comme l’élément différentiateur du bouquet TPS sous lequel TPS n’aurait pas pu pénétrer avec succès le marché de la télévision payante et s’y implanter. 

Mais la Commission a remarqué que « le caractère indispensable de cette exclusivité va logiquement s'amenuiser au cours du temps, dans la mesure où TPS va recruter des abonnés, acquérir de l'expérience dans le domaine de la télévision à péage qui lui permettra d'améliorer son offre, de façon à satisfaire les attentes de ses téléspectateurs et les fidéliser, et accroître sa notoriété. Les bons résultats obtenus par TPS au cours des 18 premiers mois d'activité, se situant au-dessus des prévisions initiales (457000 abonnés en juillet 1998 contre une prévision initiale de [...] confirment, d'une part, l'efficacité de la présence exclusive des quatre chaînes généralistes comme élément différenciateur et produit d'appel et, d'autre part, la capacité de TPS de s'implanter sur le marché plus tôt que prévu, il est vrai face à ses concurrents Canal+ et CanalSatellite, ce dernier atteignant lui aussi des résultats qui se situent nettement au-dessus des prévisions initiales » (point 133). L’exemption a été octroyée jusqu’au 15 décembre 1999, soit pour 3 ans à compter du début de la commercialisation de TPS.  

Cette restriction de concurrence non accessoire, néanmoins exemptée formellement sur la base du 3 de l’article 81 du traité de Rome, a été par la suite couverte par une lettre administrative de classement du 20 décembre 1999 après l’expiration de l’exemption accordée par la décision du 3 mars 1999. Elle a ensuite été réexaminée par la Commission à l’occasion de la sortie de France Télévision et de France Télécom du capital de TPS ; cette opération a été qualifiée d’opération de concentration. A l’approche de l’exemption au titre des ententes anticoncurrentielles la Commission a donc substitué à cette occasion un examen de la clause d’exclusivité au titre du droit des concentrations.  

La décision de la Commission du 30 avril 2002 valide l’opération de concentration sans restriction, ce qui constitue une acceptation de la clause d’exclusivité de la distribution satellitaire de TF1 et M6.  

La Commission a cependant relevé, dans sa décision (note 23), que « TPS ne dispose plus d'aucun droit de priorité sur les chaînes thématiques commercialisées par ses mères. Ce droit de priorité avait été admis pour une durée de trois ans par la Commission dans le cadre du lancement de TPS (Cf. 100, 121 et 122 de la décision d'exemption du 03.03.1999 susmentionnée), puis supprimé par les parties. » Le président directeur général de TPS et le secrétaire général de TF1, auditionnés le 5 janvier 2004 par le CSA, ont cependant indiqué au Conseil que TPS avait l’exclusivité de la vente des chaînes du bouquet TPS Prestige sur l’ADSL, sous la dénomination de TPS L Prestige28. Ce bouquet comporte non seulement les chaînes thématiques de TF1, TPS et Métropole télévision mais également les chaînes hertziennes TF1 et M6. Non seulement l’exclusivité dont dispose TPS pour la diffusion satellitaire est ainsi étendue aux modes de distribution filaire, mais le périmètre des droits exclusifs est étendu à des chaînes qui ne bénéficiaient pas d’exclusivité sur le câble (notamment TF1 et M6) ou même sur le satellite (LCI, Eurosport, TV Breizh et Téva).  

La décision du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie notifiée le 12 septembre 2002 autorisant l’opération de concentration au profit de TF1 et Métropole Télévision par le retrait de Suez du capital de TPS et de TPS Gestion n’a pas traité la question de l’exclusivité dont bénéficie la plate-forme pour la diffusion satellitaire de TF1 et M6. La lettre de notification relève simplement que « TPS exploite une plate-forme numérique de commercialisation de chaînes et services télévisuels payants diffusés par satellite en France. Les accords relatifs à sa création ont fait l’objet d’une attestation d’exemption de l’application des dispositions de l’article 81 du Traité CE, adoptée par la Commission européenne le 3 mars 1999, et confirmée par le TPICE. Comme la Commission l’a observé dans sa décision du 30 avril 2002 précitée, TPS agit comme un opérateur à part entière sur le marché de la télévision payante et accomplit de manière durable toutes les fonctions d’une entité économique autonome. » 

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Notes :

A l’inverse des réseaux câblés qui, d’abord déployés pour le transport de programmes de télévision, ont ensuite été mis à niveau pour fournir des services d’accès à Internet et éventuellement de téléphonie vocale.

2 Environ 20 % des réseaux câblés dont l’exploitation est autorisée par le CSA proposent, en plus de l’offre audiovisuelle, une offre complémentaire (soit d’accès à Internet, soit de téléphonie, soit des deux à la fois).  On notera que les offres « triple play » des opérateurs de télécommunications et des câblo-opérateurs ont été constituées de façon chronologiquement inversée : les réseaux ADSL ont été développés dans un premier temps pour commercialiser un service d’accès à Internet haut débit et permettent aujourd’hui de proposer une offre multiservices (parmi laquelle des programmes de télévision), alors que les réseaux câblés ont d’abord été déployés pour le transport de programmes de télévision avant d’être mis à niveau pour fournir des services d’accès à Internet et éventuellement de téléphonie vocale.

3 L’Association française des opérateurs de réseaux multiservices regroupe les principaux câblo-opérateurs.

4 La Chaîne parlementaire – Assemblée nationale et Public Sénat sont comptées pour deux chaînes distinctes pour Free comme pour TPS L.

5 La gratuité de certaines chaînes résulte d’une offre promotionnelle limitée dans le temps et liée au lancement du service de télévision de Free.

6 Free indique que l’éditeur de chaînes peut choisir de procéder lui-même à cette facturation.

7 On relèvera que l’objectif de neutralité technologique et de convergence des différents réseaux de communications électroniques contenu dans les directives européennes relatives aux communications électroniques impose de ne plus distinguer la diffusion par réseau câblé et la diffusion par réseau filaire de télécommunications : ce sont désormais tous deux des réseaux de communications électroniques devant être soumis à la même réglementation concernant leur installation et leur gestion technique.

8 Auxquels s’ajoutent au préalable, hors remises promotionnelles, des frais de mise en service dont le montant est actuellement de 64 euros (cf. annexe 1).

9 Auxquels s’ajoutent au préalable, hors remises promotionnelles, des frais d’accès dont le montant est actuellement de 40 euros (cf. annexe 1).

10 Dans un entretien paru dans l’édition du 18 décembre 2003 de La Tribune, Bertrand Méheut, président du directoire de Groupe Canal+, a déclaré que « l’investissement pour l’instant est assez faible. Outre les décodeurs commandés, nous avons équipé notre centre de diffusion numérique d’encodeurs adaptés à la transmission sur ADSL [il faut 80 encodeurs pour diffuser 80 chaînes, d’un coût unitaire de quelques dizaines de milliers d’euros, Ndlr]. Quant au marketing, il sera commun à celui de CanalSatellite. Les coûts de diffusion, eux, baissent et seront rapidement proches de ceux du transport par satellite. Aujourd’hui, ils sont environ deux fois plus élevés pour une chaîne. » Dans un entretien paru dans l’édition du 15 janvier 2004 de Stratégie, Patrick Le Lay, président-directeur général de TF1, a déclaré que « l’investissement [pour lancer l’offre ADSL à Lyon] est de moins de 10 millions d’euros. »

11 Il peut également regarder les chaînes sur un écran informatique si celui-ci est équipé d’un tuner. 12 Sous réserve pour les opérateurs alternatifs que le client potentiel soit domicilié dans une zone dégroupée.

13 Sous réserve pour les opérateurs alternatifs que le client potentiel soit domicilié dans une zone dégroupée, et sous réserve des conditions de désabonnement.

14 « 11. La Commission a déjà eu l'occasion a de nombreuses reprises de se prononcer sur un marché séparé de la commercialisation et de l'édition de chaînes thématiques de dimension nationale. La question d'une segmentation plus en avant peut en l'espèce rester ouverte (en distinguant entre sport, cinéma, information) dans la mesure où elle n'a pas d'incidence sur les conclusions de l'analyse concurrentielle. » (souligné par nos soins).

15 Voir notamment les études sur les motivations d’abonnement au câble et au satellite que publie régulièrement

16 Source : Médiamétrie – MédiaCabSat, vague 5 (période du 30 décembre 2002 au 15 juin 2003), mesure sur les individus de 4 ans et plus abonnés à une offre élargie de télévision (réception de 15 chaînes ou plus).

17 A la réserve près du million d’abonnés à un « service antenne » réduit donnant accès seulement aux chaînes hertziennes gratuites et à quelques chaînes supplémentaires pour un prix très modique.

18 Y compris la chaîne Paris Première, pour laquelle Métropole Télévision vient de faire jouer son droit d’option pour le rachat de la participation de 89,34 % mise en vente par Suez, mais hors TV Breizh (voir annexe 3).

19 Tous modes de réception confondus, sur l’ensemble des individus de 4 ans et plus disposant d’une télévision, TF1 a obtenu, sur l’ensemble de l’année 2003, 31,5 % de parts d’audience et M6 12,6% (enquête Médiamétrie-Médiamat, voir annexe 5)

20 Enquête Médiamétrie-Médiamat sur 2003, résultats des parts d’audience (tous modes de réception confondus) sur la cible des individus de 4 ans et plus disposant d’au moins un poste de télévision.

21 Les meilleures audiences de la télévision sont réalisées le soir de 19h à 22h (le pic d’audience est atteint vers 21h40-21h50).

22 Le président-directeur général de TPS et le secrétaire général de TF1 ont indiqué au CSA que cette exclusivité ne résultait pas d’un accord écrit entre les éditeurs et TPS mais du pacte d’actionnaires de TPS. Le CSA s’interroge sur la conformité au droit de cette extension du pacte d’actionnaires au support téléphonique dans la mesure où l’exclusivité examinée et validée par la Commission européenne ne portait que sur la diffusion satellitaire. Cette exclusivité pour l’ADSL et les réseaux téléphoniques en général constitue une restriction de concurrence nouvelle non notifiée (à la date du 5 janvier 2004, et en tous les cas avant le lancement du service).

23 Le CSA s’interroge sur la conformité au droit d’une extension du pacte d’actionnaires de TPS et des pratiques d’exclusivité satellitaire à la distribution par ADSL alors que toutes les exemptions au titre du droit des ententes puis les déclarations de conformité au titre du droit des concentrations ont été prononcées au bénéfice de TPS et de ses actionnaires au titre du seul marché satellitaire.

24 Voir texte en annexe 6 tiré du site Internet de la direction du développement des médias (www.ddm.gouv.fr).

25 Convention des 11 et 18 avril 1996 définissant les principes de fonctionnement de TPS ; pacte d’associés du 19 juin 1996 ; statuts de TPS et TPSG du 19 juin 1996.

26 Un accord de création d’entreprise n’est jamais en soi-même restrictif de concurrence du point de vue du droit des ententes. 27 Il est à noter que la Commission a entendu écarter toute exclusivité sur les droits de diffusion pour la limiter aux seuls services et chaînes édités et exploités par les associés de TPS.