Cass. 3e civ., 6 juillet 2005, n° 01-03.590
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Weber
Rapporteur :
Mme Gabet
Avocat général :
M. Bruntz
Avocats :
SCP Jacques et Xavier Vuitton, Me Capron, Me Copper-Royer, SCP Boré et Salve de Bruneton
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 11 janvier 2001) que le 12 juillet 1993, Mme X..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Y... a vendu à M. Z..., par acte de M. A..., notaire, un fonds de commerce de café-restaurant-hôtel ainsi que les murs dans lesquels le fonds était exploité ; que le 14 septembre 1993 la commission départementale de sécurité a informé M. Z... de ce que l'exploitation ne pouvait être poursuivie, les travaux de sécurité prescrits par l'administration n'ayant pas été réalisés depuis 1988 ; que M. Z... a cessé son exploitation et sollicité la résolution de la vente ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, qu'il résulte des mentions de l'arrêt que les débats ont eu lieu devant un magistrat, sans opposition, que ces mentions suffisent à établir qu'il a été satisfait aux exigences de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, d'autre part, que les contestations afférentes à la régularité de la composition de la juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ou dès la révélation de l'irrégularité si celle-ci survient postérieurement ; qu'il ne ressort pas de l'arrêt que M. B..., ès qualités, ait soulevé l'irrégularité de la désignation du magistrat composant la juridiction lors des plaidoiries ;
Que le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. B..., ès qualités, fait grief à l'arrêt d'annuler les ventes du 12 juillet 1993 et de le condamner au paiement de certaines sommes, alors, selon le moyen :
1 / que statue par simple affirmation la cour d'appel qui affirme, sans motif ni précision quant aux pièces sur lesquelles elle se fonde, que l'administrateur connaissait les prescriptions administratives touchant l'immeuble en cause et viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / qu'en statuant ainsi, bien que la mention "en leur état" figurant dans l'acte de vente impliquait nécessairement que l'acquéreur qui était un professionnel renonçait à se plaindre ultérieurement de l'état du bien cédé, quels qu'en soient les vices éventuels et acceptait le risque de leur existence, la cour d'appel a dénaturé le contrat de vente et violé l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il était constant que l'immeuble vendu à M. Z... faisait l'objet de prescriptions administratives de sécurité à réaliser dans les trois ans depuis le 28 juin 1988 et que Mme X... ne les avait pas portées à la connaissance de M. Z... et retenu que M. Z... ne pouvait, en sa qualité de professionnel de la restauration, se convaincre seul de ces non-conformités à des normes de sécurité, qu'il n'aurait pas, eu égard au coût des travaux de mise en conformité, formulé d'offre d'achat pour l'immeuble litigieux ou tout le moins en aurait proposé un prix moindre et que la mention suivant laquelle l'acheteur prendrait l'immeuble "en l'état" ne dispensait pas le vendeur de l'informer des vices qui l'affectaient et qu'il connaissait, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation, que le dol de Mme X..., ès qualités, était caractérisé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :
Attendu que M. B..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause M. A..., notaire, alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel, qui rappelle que le notaire est tenu de vérifier la réalité des déclarations des parties mais le dispense d'avoir à opérer les investigations nécessaires pour s'assurer que le bien vendu était conforme aux prescriptions administratives, quand bien même elle n'aurait pas été publiées, a violé l'article 1147 du Code civil ;
2 / que le notaire qui participe à la rédaction d'actes de vente est tenu, au titre de son devoir de conseil, de prendre toutes dispositions utiles pour en assurer l'efficacité eu égard au but poursuivi par les parties ; que l'efficacité des actes de vente d'un établissement dont le droit d'exploitation dépend notamment d'une autorisation d'ouverture au public impose au notaire de vérifier l'existence d'une telle autorisation prise par arrêté du maire après avis de la commission de sécurité ; que M. A..., en ne vérifiant pas auprès de la mairie si le bar-hôtel-restaurant des époux Y... bénéficiait bien d'une autorisation d'ouverture au public, laquelle vérification l'aurait informé de la précarité de ladite autorisation en raison de prescriptions administratives de sécurité non publiées, n'a pas respecté son devoir de conseil envers l'acheteur ; que la cour d'appel, en écartant néanmoins la responsabilité du notaire a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que s'il entrait dans les obligations de M. A..., qui avait reçu en sa qualité de notaire, les actes de vente, de s'assurer de la conformité des biens vendus aux déclarations des vendeurs, ce professionnel n'était pas tenu de rechercher si ces biens étaient soumis, pour leur exploitation, à des prescriptions administratives qui n'étaient soumises à aucune publicité, la cour d'appel en a exactement déduit que la responsabilité du notaire ne pouvait être recherchée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :
Attendu que M. B..., ès qualités, fait grief à l'arrêt de le condamner à payer des sommes à M. C..., ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Z..., alors, selon le moyen :
1 / que la cour d'appel, qui ne précise pas sur quelles pièces elle se fonde pour évaluer le passif en lien avec l'annulation de la vente, bien que le bénéficiaire de ces sommes se soit contenté dans ses écritures d'appel d'une appréciation forfaitaire exempte de toute justification, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que le préjudice "personnel" de M. Z... n'est justifié par la cour d'appel ni dans son principe ni dans son montant ni dans son lien de causalité avec l'annulation de la vente, bien que l'on voit mal en quoi il consiste dès lors que le préjudice lié au passif de la liquidation et à celui tenant dans le remboursement du prêt finançant la vente ait été réparé distinctement ; qu'en statuant ainsi la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la fermeture du commerce de bar-hôtel-restaurant objet de la vente litigieuse, sis à Mugron, avait été la cause de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire à l'encontre de M. Z... puis de sa liquidation judiciaire, son activité de cafetier-restaurateur dans un autre fonds de commerce ne permettant pas d'assurer le paiement de la totalité de ses charges et notamment du remboursement des mensualités de prêts accordés par la Caisse régionale de Crédit agricole du Sud-Ouest, pour l'acquisition de l'immeuble et du fonds de commerce en cause, alors que l'activité de M. Z... lui permettait de réaliser un bénéfice comptable d'environ 110 000 francs par an et que M. C... justifiait du montant du passif résultant directement de l'activité du commerce de Mugron, la cour d'appel a pu en déduire qu'il convenait de faire droit aux demandes de réparation résultant directement de la fermeture du fonds acquis et d'indemniser le préjudice personnel de M. Z... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.