Cass. com., 10 décembre 1991, n° 89-22.023
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Le Dauphin
Avocat général :
M. Raynaud
Avocat :
SCP Rouvière, Lepître et Boutet
Sur le moyen unique, pris en ses quatre branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 27 septembre 1989, que, par acte du 15 mai 1987, les époux X... ont vendu à Mme Y... un fonds de commerce de chaussures créé par Mme X... le 1er avril 1986 ; que Mme Y... a assigné les vendeurs en nullité de la vente ; qu'après sa mise en liquidation judiciaire, le mandataire-liquidateur a déclaré se substituer à elle dans cette action ;
Attendu que les époux X... font grief à l'arrêt d'avoir annulé la vente du fonds de commerce et de les avoir condamnés à payer des dommages-intérêts, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la nullité de la vente ne pouvant être prononcée que pour omission matérielle des renseignements obligatoires, et non pour leur inexactitude, la cour d'appel ne pouvait déclarer nulle la vente intervenue entre les parties en se fondant exclusivement sur le chiffre d'affaires réalisé, dès lors que l'acte de vente faisait apparaître le montant de ce chiffre d'affaires, fût-il incomplet ou inexact ; qu'ainsi, en prononçant la nullité de la vente sur le fondement de l'article 12 de la loi du 29 juin 1935, tout en estimant que le chiffre d'affaires porté à l'acte était multiplié par trois par rapport au chiffre réel, ce qui est exclusif d'une omission, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; alors, d'autre part, et à supposer que les indications portées à l'acte de vente soient constitutives d'une omission, cause de nullité, il appartenait à Mme Y... de prouver que, du fait de cette omission, son consentement avait été vicié et qu'elle avait subi un préjudice ; que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait considérer une telle preuve rapportée en se fondant exclusivement sur le chiffre d'affaires réalisé par Mme Y... durant ses 9 mois d'exploitation, sans rechercher si l'intéressée n'avait pas été suffisamment renseignée avant la vente, puisque, comme le faisaient valoir les consorts X..., il ressortait expressément de l'acte de vente établi par son propre notaire qu'elle avait visé les livres de comptabilité, ce qui excluait tout vice du consentement ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché d'un manque de base légale au regard de l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 ; alors, en outre, que la cour d'appel ne pouvait prononcer la nullité de la vente qu'en se situant au moment de la signature de l'acte notarié ; que, dès lors, elle ne pouvait considérer que le chiffre d'affaires figurant à l'acte de vente était trois fois supérieur au chiffre d'affaires réel en se fondant exclusivement sur le chiffre d'affaires réalisé par Mme Y... durant ses 9 mois d'exploitation et insuffisant à démontrer le vice invoqué ; qu'ainsi, l'arrêt est entaché à nouveau d'une violation de l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 ; et alors, enfin, que la cour d'appel ne pouvait, sans contradiction, affirmer que le consentement de Mme Y... avait été vicié, tout en constatant qu'elle avait acquis le fonds de commerce à un prix raisonnable ; que, dès lors, l'arrêt a violé l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que la période de temps envisagée par l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 doit être calculée de quantième à quantième en remontant dans le passé à partir du jour de la conclusion de la vente ; qu'ayant constaté que l'acte litigieux n'énonçait le chiffre d'affaires que pour la période du 31 mars au 31 décembre 1986, la cour d'appel a fait l'exacte application du texte précité en retenant l'omission d'une mention imposée par la loi ;
Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que les époux X... tenaient une comptabilité unique pour les trois magasins exploités par eux et ne produisaient pas de documents comptables opérant une ventilation pour chacun de ces magasins, l'arrêt retient que Mme Y... a procédé à une évaluation erronée de la future exploitation du fonds litigieux et qu'elle n'aurait pas contracté si elle avait eu connaissance du chiffre d'affaires réel de ce fonds ; que, dès lors que Mme Y... était en droit de se servir d'éléments postérieurs à la vente pour prouver l'existence d'un vice du consentement au moment de celle-ci, la cour d'appel a ainsi, sans se contredire, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.