CA Douai, 2e ch. sect. 1, 23 septembre 2010, n° 08/09697
DOUAI
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parenty
Conseillers :
M. Deleneuville, Mme Cagnard
Avoués :
SCP Deleforge Franchi, SCP Thery Laurent
Avocats :
Me Robert, Me Campagne
Vu l'arrêt avant dire droit du 22 octobre 2009 qui a ordonné la réouverture des débats en vue de recueillir les observations des parties sur l'irrecevabilité, pour défaut d'intérêt à agir, de la démarche de la SELARL DUQUESNOY ET ASSOCIÉS visant à être autorisée à réaliser l'immeuble à usage d'habitation sis ..., et du terrain en dépendant, en dépit d'une déclaration d'insaisissabilité publiée antérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de l'un des époux commun en biens ;
Vu les conclusions déposées le 8 mars 2010 par la SELARL DUQUESNOY ET ASSOCIÉS, en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Adolphe W. ;
Vu les conclusions déposées le 2 février 2010 par M. Adolphe W. et Mme Laurence C. épouse W. ;
Vu l'ordonnance de clôture du 18 février 2010 ;
SUR CE :
Attendu que les époux W., mariés depuis le 25 novembre 1978 sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, ont, en 2004, acquis un immeuble destiné à leur habitation principale sis ..., qu'ils ont, par déclaration publiée le 11 avril
2005 à la conservation des hypothèques, déclaré insaisissable ; que la liquidation judiciaire de M. Adolphe W. a été prononcée le 17 février 2006 ; que son liquidateur, la SELARL DUQUESNOY ET ASSOCIÉS, a, par requête du 17 janvier 2007, sollicité du juge commissaire qu'il ordonne la vente aux enchères publiques dudit immeuble ; que ce magistrat s'étant déclaré incompétent au profit du tribunal de la procédure collective, celui-ci a, par le jugement entrepris du 10 septembre 2008, autorisé le requérant à agir en vue de réaliser l'immeuble en spécifiant que le prix de vente devra être réservé aux créanciers auxquels la déclaration d'insaisissabilité n'est pas opposable et que le surplus éventuel sera reversé au débiteur ;
Attendu que la SELARL DUQUESNOY ET ASSOCIÉS, ès qualités, invoque l'existence de créances antérieures à la déclaration d'insaisissabilité à hauteur de 130 780,15 € , représentant 87 % du passif déclaré, pour en déduire qu'elle est habilitée à agir au nom de ces derniers en réalisation dudit bien ;
Attendu que les époux W. lui opposent la déclaration d'insaisissabilité pour faire échec à la demande de réalisation de leur immeuble émanant du liquidateur judiciaire au motif que ce dernier ne représente pas les créanciers antérieurs à ladite déclaration d'insaisissabilité et qu'il se trouve sans qualité pour réaliser un immeuble dont le produit ne lui profitera pas ;
Attendu que l'article L. 526-1 du code de commerce a introduit une dérogation au principe énoncé aux articles 2284 et 2285 du code civil selon lequel l'ensemble du patrimoine du débiteur garantit le paiement de ses dettes ; qu'il s'ensuit que, sauf à priver cette disposition de toute portée, une déclaration d'insaisissabilité régulièrement publiée ne permet pas aux organes de la procédure collective d'incorporer l'immeuble concerné dans le périmètre de la saisie des biens appartenant au débiteur ; que les créanciers antérieurs ou extra professionnels ont seuls qualité pour appréhender et réaliser ce bien ; que la règle de la suspension des poursuites individuelles, visant à interdire aux créanciers les plus diligents, ou les mieux informés, de réaliser certains actifs du débiteur et de s'approprier le produit de leur vente, ne peut leur être opposée dès lors que le bien déclaré insaisissable n'entre pas dans le gage commun de l'ensemble des créanciers de la procédure collective ;
Attendu que le liquidateur judiciaire a qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers lequel ne se confond pas avec la somme des intérêts individuels de ceux-ci ; qu'il s'en déduit qu'il ne peut invoquer les droits propres de certains d'entre eux (les créanciers antérieurs et les créanciers extra professionnels postérieurs à la déclaration d'insaisissabilité) pour entreprendre la vente de l'immeuble dont s'agit ;
Attendu que le jugement déféré doit être infirmé et la SELARL DUQUESNOY ET ASSOCIÉS, ès qualités, déboutée de sa demande de réalisation de l'immeuble ci-dessus identifié ;
Attendu qu'il est équitable de condamner la SELARL DUQUESNOY ET ASSOCIÉS, ès qualités, à payer aux époux W. la somme de 2 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que les dépens seront mis à la charge de la liquidation judiciaire, s'agissant de frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure comme prévu aux articles L. 622-17 et L. 641-13 du code de commerce ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris, statuant à nouveau,
Dit que la SELARL DUQUESNOY ET ASSOCIÉS, en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Adolphe W., n'a pas qualité pour agir en réalisation de l'immeuble à usage d'habitation sis ...,
Condamne la SELARL DUQUESNOY ET ASSOCIÉS, en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. Adolphe W., à payer à M. Adolphe W. et Mme Laurence C. épouse W. la somme de 2 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire, avec faculté de recouvrement, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.