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Décisions

CA Montpellier, 2e ch., 15 mars 2016, n° 15/07105

MONTPELLIER

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Dauverchain (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bachasson

Conseillers :

Mme Olive, Mme Ferranet

Avocats :

Me Bertrand, Me Chaton

T. com. Montpellier, du 28 août 2015, n°…

28 août 2015

FAITS et PROCEDURE ' MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

M. C., qui exerçait en nom personnel une activité d'artisan menuisier, a été placé, sur déclaration de son état de cessation des paiements du 28 février 2014, en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 17 mars 2014 ayant désigné Mme Dauverchain liquidateur judiciaire.

Le liquidateur judiciaire ayant constaté, dans le cadre de ses opérations de liquidation, que la maison à usage d'habitation sise à Lunel dont le débiteur était propriétaire avec son épouse avait fait l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité le 9 juillet 2008, il l'a fait assigner, selon exploit du 24 avril 2015, devant le tribunal de commerce de Montpellier en inopposabilité de cette déclaration à la liquidation judiciaire.

Par jugement contradictoire du 28 août 2015, le tribunal a rejeté la demande et alloué à M. C. la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

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Mme Dauverchain, ès qualités, a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation, sollicitant le bénéfice de son assignation introductive d'instance et la condamnation de M. C. à lui payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à agir en vue du prononcé de l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité afin d'appréhender l'actif du débiteur et de régler les créanciers,

- c'est à tort que M. C. soutient qu'elle n'agit que pour certains de ses créanciers et non dans l'intérêt collectif des créanciers alors qu'il ressort de l'ensemble des déclarations de créances qu'elle produit que leur exigibilité est postérieure à la déclaration d'insaisissabilité, de telle sorte que tous les créanciers représentés par le liquidateur judiciaire sont concernés par cette déclaration,

- le débiteur ne justifie pas d'une inscription de sa déclaration d'insaisissabilité au répertoire des métiers,

- le débiteur s'étant radié du répertoire des métiers le 28 février 2014, il ne répondait plus, lors de l'ouverture de sa liquidation judiciaire, à la condition posée par l'article L. 526-1 du code de commerce relative à une activité professionnelle obligeant à une inscription audit registre.

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M. C. a conclu :

- à titre principal, à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il n'a pas répondu à la fin de non-recevoir qu'il avait soulevée, demandant à la cour de déclarer le liquidateur judiciaire irrecevable, pour défaut de qualité et d'intérêt à agir,

- à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement entrepris,

- en toutes hypothèses, à la condamnation de Mme Dauverchain, ès qualités, à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de dommages intérêts pour appel abusif et 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il réplique que :

- le liquidateur judiciaire n'a pas intérêt à agir, à titre préventif, en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité, faute de litige entre les créanciers de la liquidation judiciaire et le débiteur,

- le liquidateur judiciaire, qui défend l'intérêt collectif des créanciers, n'a pas non plus qualité à agir pour un créancier ou un groupe de créanciers, soit ceux dont les droits naissent postérieurement à la publication de la déclaration d'insaisissabilité à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant,

- le liquidateur judiciaire n'établit pas que l'ensemble des créances déclarées, même postérieures à la déclaration d'insaisissabilité, concernerait des créances nées à l'occasion de l'activité professionnelle du débiteur, notamment concernant la créance déclarée par la Banque populaire du Sud au titre de soldes débiteurs de comptes bancaires sans qu'il soit précisé s'il s'agit de comptes personnels ou professionnels, ou encore concernant la créance déclarée par l'administration fiscale relative à un arriéré d'impôt dont M. C. est redevable à titre personnel,

- l'intérêt collectif des créanciers ne résulte pas de l'irrégularité de la publicité de la déclaration d'insaisissabilité,

- la déclaration d'insaisissabilité est régulière et a été régulièrement publiée,

- l'action du liquidateur judiciaire est abusive, de même que son appel, et lui a causé un préjudice en ce qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de disposer de son bien immobilier et a dû renoncer à le vendre.

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Le ministère public a donné, le 1er octobre 2015, son avis consistant à s'en rapporter.

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C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 3 février 2016.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu que l'action introduite par le liquidateur judiciaire le 24 avril 2015 ne tend qu'à « entendre juger inopposable à la liquidation judiciaire de M. C. et à Maître Dauverchain, ès qualités, la déclaration d'insaisissabilité faite par M. C. par devant Maître Lhubac, notaire, en date du 09/07/2008 portant sur le bien immobilier ['] », et non à apprécier les effets de cette déclaration d'insaisissabilité ;

Qu'en l'absence de litige entre les créanciers de la liquidation judiciaire et le débiteur, le liquidateur judiciaire n'a pas d'intérêt à agir au sens de l'article 31 du code de procédure civile ;

Attendu, en outre, qu'il résulte des articles L. 641-4 et L. 622-20 du code de commerce que le liquidateur judiciaire ne peut légalement agir que dans l'intérêt de tous les créanciers et non dans l'intérêt personnel d'un seul créancier ou d'un groupe de créanciers ;

Qu'en application de l'article L. 526-1 du même code, la déclaration d'insaisissabilité n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant ;

Attendu qu'en l'espèce, Mme Dauverchain, ès qualités, qui se borne à cet égard à une affirmation inopérante et ne verse aux débats qu'une partie des déclarations de créances, ne rapporte pas la preuve que toutes les créances déclarées se rapportent à l'activité professionnelle du débiteur ;

Qu'ainsi, la liste des créances mentionne une créance déclarée par le service des impôts des particuliers et plusieurs créances ont été déclarées par la Banque populaire du Sud sans qu'il soit précisé si elles concernent des soldes débiteurs de comptes personnels ou professionnels ;

Attendu, en outre, que l'intérêt collectif des créanciers ne résulte pas de l'irrégularité de la publicité de la déclaration d'insaisissabilité ;

Attendu qu'il s'ensuit que, faute d'intérêt et de qualité à agir, le liquidateur judiciaire est irrecevable en sa demande ;

Attendu qu'à l'appui de sa demande de dommages intérêts, M. C. invoque l'impossibilité où il s'est trouvé de disposer de son bien immobilier et de donner suite à l'acquisition d'un bien immobilier en Espagne ;

Que s'il produit à cet égard un compromis de vente daté du 9 avril 2015 et une promesse d'achat datée du 15 mai 2015, il ne rapporte pas la preuve que ces opérations immobilières n'ont pas abouti ou encore que leur éventuelle non réalisation résulte de l'action lancée par le liquidateur judiciaire ;

Que cette demande de dommages intérêts sera rejetée ;

Attendu que le liquidateur judiciaire, qui succombe, sera condamné à payer à M. C. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande de ce chef rejetée et supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et après débats en chambre du conseil,

Infirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a condamné Mme Dauverchain, ès qualités, à payer à M. C. la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Et, statuant à nouveau, déclare irrecevable la demande du liquidateur judiciaire faute d'intérêt et de qualité pour agir.

Rejette la demande de dommages intérêts.

Condamne Mme Dauverchain, ès qualités, à payer à M. C. la somme de deux mille euros (2 000) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme Dauverchain, ès qualités, de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme Dauverchain, ès qualités, aux dépens d'appel, dont distraction au bénéfice des avocats de la cause.