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Décisions

CA Metz, 1re ch., 19 avril 2011, n° 10/01736

METZ

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Koch (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Staechele

Conseillers :

Mlle Ott, M. Ruff

Avocats :

Selarl Cabinet Zachayus, Me Belhamici

CA Metz n° 10/01736

18 avril 2011

Saisi par requête en date du 25 février 2010, déposée par Me Koch en sa qualité de liquidateur de M. Ralph B. en vue de la vente aux enchères publiques d'une maison d'habitation située sur le ban de Spicheren appartenant pour moitié indivise au débiteur, le juge commissaire , désigné dans le cadre de cette procédure, a par ordonnance du 17 mars 2010 ordonné la vente aux enchères de cet immeuble par Me Bastien, notaire à Sarreguemines et en a fixé la mise à prix à 240 000 € ;

pour statuer ainsi, le juge commissaire a notamment fait état de l'accord donné à cette vente au prix de 240 000 € par Mme Patricia B. selon courrier du 18 février 2010.

Par déclaration remise au greffe de la cour le 16 avril 2010, M. B. relevé appel de cette décision.

Par conclusions du 17 juin 2010, M. B. a demandé à la cour :

-- de juger cette ordonnance nulle en application des dispositions des articles 456 et 458 du code de procédure civile,

-- de juger que la déclaration notariée d'insaisissabilité en date du 2 décembre 2008 est opposable aux organes de la procédure collective,

-- de juger que la requête de Me Koch est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir,

-- d'infirmer l'ordonnance entreprise,

-- de statuer ce que dans ce que de droit quant aux frais.

Par conclusions du 22 novembre 2010, Me Koch, ès qualités, a demandé à la cour :

-- de confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

-- subsidiairement, si la cour devait annuler cette ordonnance, de juger que la demande d'autorisation de vendre aux enchères publiques de la maison indivise est recevable et bien fondée,

-- de juger que la déclaration notariée d'insaisissabilité du 2 décembre 2008 est nulle ou à tout le moins inopposable à la procédure collective,

-- d'ordonner la vente aux enchères publiques de cet immeuble sur une mise à prix de 240 000 €,

-- de juger que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de justice.

Par acte d'huissier du 6 décembre 2010, Mme Patricia B. a été rendue destinataire de la déclaration d'appel et des conclusions justificatives d'appel du 16 juin 2010 , avec assignation d'avoir à comparaître devant la cour ;cette signification n'ayant pu s'opérer compte tenu de ce que le domicile de Mme B. demeure inconnu , l'huissier a établi un procès-verbal de recherches infructueuses en application de l'article 659 du code de procédure civile ;

Il y aura lieu ainsi de statuer par arrêt par défaut

Motifs de la décision :

Vu les conclusions des parties en date des 17 juin 2010 et 22 novembre 2010, les énonciations du jugement attaqué et les pièces versées aux débats :

Sur la régularité de l'ordonnance déférée :

Attendu que pour se prévaloir de la nullité de la décision dont appel M. B. invoque les dispositions des articles 456 et 458 du code de procédure civile imposant à peine de nullité que le jugement soit signé par le président et par le secrétaire, alors que ces prescriptions sont incluses dans le chapitre I du titre XIV, chapitre intitulé « dispositions générales », tandis que les ordonnances sur requête sont régies par les articles 493 et suivants du code de procédure civile inclus dans le chapitre II sous le titre « dispositions spéciales » ;

Que l'article 493 énonce que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ;

Que l'article 495 dispose que l'ordonnance sur requête est motivée, qu'elle est exécutoire au seul vu de la minute et qu'une copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ;

Que sur la base de ses dispositions la jurisprudence retient que l'ordonnance sur requête n'a pas être signée par le greffier ;

Qu'en l'espèce M. B. a été rendu destinataire de l'ordonnance querellée, signée par le magistrat dont elle émane, par l'intermédiaire du greffier qui lui en a délivré copie conforme, cette conformité étant attestée alors par la signature du greffier à l'occasion de la délivrance du document ;

Que ce moyen de nullité ne peut être admis ;

Sur l'intérêt à agir du liquidateur :

Attendu que le liquidateur, faisant suite au représentant des créanciers, a en charge la protection des intérêts de l'ensemble des créanciers du débiteur et qu'en cette qualité il lui appartient de mettre en oeuvre toutes les actions et procédures propres à éviter qu'il soit porté atteinte au gage des créanciers que représente le patrimoine du débiteur en liquidation judiciaire ;

Que la jurisprudence invoquée par l'appelant dans ses écritures d'appel et dans ses pièces n'est pas transposable au cas présent , dès lors que l'inégalité entre les créanciers qui y est invoquée et qui préside aux décisions prises dans ces conditions a pour origine la nature de la créance en cause et des garanties profitant à certains créanciers, alors qu'en l'espèce l'inégalité qui peut être rencontrée ici provient de la décision prise par le débiteur lui même

d'instituer l'insaisissabilité d'un de ses biens et de créer ainsi une différence entre les créanciers dont la dette est née antérieurement à la publicité de la déclaration d'insaisissabilité et les créanciers dont la dette est né postérieurement à cette publicité, alors surtout que, comme il sera dit ci après, le mandataire judiciaire avait à protéger les intérêts des créanciers des conséquences d'une attitude frauduleuse du débiteur faisant l'objet de la procédure collective ;

Que ce moyen ne peut davantage prospérer ;

Sur la validité de l'accord donné par Mme B. :

Attendu que , quand bien même M. et Mme B., de nationalité allemande, ont contracté en Allemagne un mariage soumis aux règles allemandes des régimes matrimoniaux, il est constant qu'ils avaient fixé en France leur domicile familial, de sorte que leurs droits et devoirs étaient régis par la loi territoriale , savoir la loi française et qu'ainsi ce domicile familial pouvait prétendre bénéficier de la protection instituée par l'article 215 alinéa 3 du code civil ;

Qu'il est néanmoins décidé que les dispositions de ce texte doivent, hors les cas de fraude, être considérées comme inopposables aux créanciers sous peine de frapper les biens d'une insaisissabilité contraire à la loi et que , précisément dans l'hypothèse qui occupe la cour, ce texte ne peut faire échec à la vente forcée d'un bien sur demande du mandataire judiciaire après un jugement de liquidation de biens sur le fondement de l'article L. 622 -- 16, à présent article L. 642 -- 18 du code de commerce ;

Que d'autre part il ressort des propres écritures de M. B. que celui-ci a entamé une procédure en divorce, sur l'avancement de laquelle il ne donne au demeurant aucun renseignement, et que les époux résident à présent séparément, le consentement expressément donné par Mme B. à la vente de l'immeuble lui appartenant indivisément avec son mari démontrant que cette habitation ne constitue plus le domicile familial ;

Que ce moyen doit être écarté ;

Sur les effets de la déclaration d'insaisissabilité :

Attendu que l'article L. 526 -- 1 du code de commerce permet effectivement, par dérogation aux articles 2092 et 2093 du Code Civil, à une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante de déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble dans lequel est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel, cette déclaration devant être publié dans les départements du Bas Rhin , du Haut Rhin et de la Moselle au livre foncier et n'ayant d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication à l'occasion de l'activité et professionnelle du déclarant ;

Que le texte suivant précise que la déclaration reçue par un notaire sous peine de nullité contient la description détaillée des biens et l'indication de leur caractère propre, commun ou indivis et que l'acte est publié dans les départements du Bas Rhin, du Haut Rhin et de la Moselle, au livre foncier ;

Attendu qu'il convient de rappeler que le bien a été acquis litigieux a été acquis conjointement et indivisément par M. et Mme B. suivant acte notarié du 9 juillet 2007 au prix de 283 000 € ;

Que la déclaration d'insaisissabilité en cause a été effectuée par M. B. suivant acte notarié du 2 décembre 2008 , comprenant l'indication que cet immeuble constitue sa résidence principale, qu'elle n'est pas affectée à usage professionnel et qu'il en est propriétaire pour moitié indivise ;

Attendu, sur les conséquences de cet acte, qu'il est nécessaire de relever à nouveau que M. B. , qui ne fournit aucun document sur la procédure de divorce d'avec son épouse , n'apporte pas la moindre démonstration de ce qu'il serait toujours titulaire de droits indivis sur la maison concernée, puisqu'en cas de dissolution du régime matrimonial le bénéfice de la déclaration d'insaisissabilité ne subsiste que si son auteur est resté attributaire des biens visés par une telle déclaration ;

Que cette déclaration d'insaisissabilité ne peut en tout état cause , en vertu du texte susvisé, avoir d'effets à l'égard créanciers dont la créance a pris naissance antérieurement à sa publication ou à l'égard de créanciers domestiques, d'où il suit que les biens déclarés insaisissables dans ces conditions peuvent être inclus dans la procédure collective ouverte du chef du débiteur ;

Qu'il faut également prendre en compte que le jugement ouvrant la procédure de liquidation judiciaire de M. B. a été prononcée le 25 août 2009, la date de cessation des paiements étant fixée au 25 février 2008, de sorte que le liquidateur est bien fondé à se prévaloir de ce que cet acte est intervenu de façon frauduleuse, alors que l'intéressé ne pouvait ignorer qu'il se trouvait en état de cessation des paiements, et ce dans le but de faire échapper son bien au gage des créanciers ;

Qu'il s'en déduit qu'en application de l'article L. 632 -- 1 du code de commerce la déclaration d'insaisissabilité du 2 décembre 2008 doit annulée , devant être rappelé cet acte ne peut être de toute façon opposé aux créanciers antérieurs et privés de M. B. , créanciers qui suivant l'état du passif produit aux débats représentent un ensemble de créances d'un montant de 309 613,84 €, ainsi supérieur au montant de la mise à prix arrêtée par le juge commissaire pour la vente forcée de cet immeuble ;

Attendu qu'il y a lieu par suite de confirmer l'ordonnance dont appel et de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de la procédure collective ouverte du chef de M. Ralph B. ;

Par ces motifs :

Par arrêt par défaut, prononcé publiquement :

* juge l'appel recevable en la forme ;

* rejette le moyen de nullité de l'ordonnance rendue le 17 mars 2010 par le juge commissaire désigné dans le cas de la procédure de liquidation judiciaire ouverte du chef de M. Ralph B. ;

* rejette également le moyen tiré du défaut de qualité à agir du liquidateur, ainsi que le moyen fondé sur l'article 215 du code civil ;

* déclare nulle la déclaration d'insaisissabilité effectuée par M. Ralph B. selon acte notarié du 2 décembre 2008 ;

* confirme l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;

* ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective concernant M. Ralph B.