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Décisions

Cass. 1re civ., 14 décembre 2016, n° 15-21.876

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Batut

Avocats :

SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Waquet, Farge et Hazan

Nancy, du 1 juin 2015

1 juin 2015

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 1er juin 2015), que, par acte notarié publié au bureau des hypothèques le 24 mars 2006, M. et Mme X... ont déclaré insaisissables leurs droits indivis dans un immeuble ; que, M. X... ayant été placé en liquidation judiciaire le 14 décembre 2006, la société Bruart Pierre, agissant en qualité de mandataire liquidateur, a exercé l'action paulienne aux fins d'inopposabilité de cette déclaration à la procédure collective ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :

1°/ qu'un créancier ne saurait arguer de fraude un acte soumis à publicité effectué avant la naissance de ses droits ; qu'en retenant, pour déclarer frauduleuse la déclaration d'insaisissabilité publiée le 24 mars 2006 par M. X..., qu'en poursuivant une activité déficitaire, il savait qu'il allait se constituer de nouveaux créanciers dont il diminuait volontairement les droits, bien que, leurs droits étant nés postérieurement à la publication de cet acte, les créanciers concernés n'aient eu aucun droit sur le patrimoine rendu insaisissable et aient nécessairement eu connaissance de cette circonstance au moment de contracter avec le débiteur, de sorte qu'ils ne pouvaient arguer de fraude la déclaration d'insaisissabilité litigieuse, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil ;

2°/ que ne constitue pas une fraude la recherche des effets légaux d'une institution ; qu'en retenant, pour déclarer frauduleuse la déclaration d'insaisissabilité publiée le 24 mars 2006 par M. X..., qu'en poursuivant une activité déficitaire, il savait qu'il allait se constituer de nouveaux créanciers dont il diminuait volontairement les droits, quand l'institution avait précisément pour objet de lui ménager cette possibilité de restreindre le droit de gage général de ses créanciers futurs, de sorte que le recours à un tel mécanisme ne pouvait être argué de fraude, la cour d'appel a violé l'article 1167 du code civil ;

3°/ que le créancier qui n'est pas investi de droits particuliers sur certains biens de son débiteur ne peut faire révoquer les actes accomplis en fraude de ses droits que s'il établit, au jour de l'acte litigieux, l'insolvabilité au moins apparente du débiteur ; qu'en déclarant inopposable à la procédure collective de M. X..., donc aux créanciers chirographaires dont le droit était né postérieurement à sa publication, la déclaration d'insaisissabilité publiée le 24 mars 2006, sans établir l'insolvabilité au moins apparente de M. X... au jour de cette publication, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1167 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir exactement énoncé que les dispositions de l'article 1167 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, peuvent s'appliquer si la créance est postérieure à l'acte litigieux dans le cas d'une fraude organisée en vue de porter préjudice à un créancier futur, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la déclaration d'insaisissabilité litigieuse pouvait participer d'une telle fraude ;

Attendu, ensuite, qu'ayant relevé que M. X... avait rencontré, dès 2005, des difficultés financières l'ayant contraint à solliciter des délais de paiement auprès des organismes fiscaux et sociaux, et énoncé que sa situation ne s'était pas améliorée jusqu'à sa liquidation judiciaire prononcée en décembre 2006, la cour d'appel a implicitement mais nécessairement considéré qu'il était en état d'insolvabilité apparente au jour de l'acte litigieux, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.