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Décisions

Cass. com., 10 mars 2004, n° 00-22.783

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Rapporteur :

M. Cahart

Avocats :

Me Balat, SCP Ancel et Couturier-Heller, Me Foussard, SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez

Paris, du 10 oct. 2000

10 octobre 2000

Donne acte à M. X..., liquidateur de la société Immo Best Est, de son désistement partiel à l'égard du syndicat des Copropriétaires 24-26-28 rue Arthur Rozier 75019 Paris ;

Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Paris, 10 octobre 2000), que la société Immo Best Est (la société) a été déclarée adjudicataire, à la barre du tribunal, de deux immeubles dont l'un vendu à la requête de la banque Woolwich ; qu'elle n'a pas réglé les frais de poursuite, les émoluments et les droits d'enregistrement relatifs à l'adjudication ; qu'elle a été mise en redressement judiciaire le 9 juillet 1998, puis en liquidation judiciaire ; que, le liquidateur ayant demandé les titres d'adjudication afin de les publier aux bureaux des hypothèques et de vendre les immeubles, le greffier en chef du tribunal lui a opposé le non-paiement des sommes en cause ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que le liquidateur reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit fait injonction à M. le greffier en chef du tribunal de grande instance de Paris de lui remettre sans délai les grosses des jugements d'adjudication, alors, selon le moyen :

1 / que le jugement ouvrant la procédure collective emporte de plein droit l'interdiction de payer toute créance née antérieurement à ce jugement, et que la créance des frais de poursuites, celle des déboursés et celle des émoluments naissent au jour du jugement d'adjudication ; que l'ouverture du redressement judiciaire de l'adjudicataire postérieurement à l'adjudication empêche donc le paiement de ces créances et que le greffier du tribunal de grande instance ne peut dès lors s'opposer à la délivrance du titre, à défaut de règlement de ces créances dont le paiement est interdit ; qu'ainsi la cour d'appel, en considérant que M. X..., liquidateur de la société, adjudicataire ayant fait l'objet ensuite d'un redressement et d'une liquidation judiciaires, devait néanmoins avoir réglé le prix, les frais et déboursés pour obtenir le titre du greffier, a violé les articles 713 du Code de procédure civile et L. 621-24 du Code de commerce ;

2 / que la créance du Trésor public sur l'adjudicataire au titre des doits d'enregistrement naît au jour de l'adjudication ; que la cour d'appel, en estimant que cette créance prenait naissance au jour de la formalité et échappait par suite à l'interdiction de payer des créances nées antérieurement au jugement d'ouverture pour en déduire que le greffier en chef était fondé à refuser de délivrer le titre, a violé les articles 712 et 713 du Code civil, l'article 862 du Code général des Impôts et l'article L. 621-24 du Code de commerce ;

3 / que M. X..., ès qualités, soutenait dans ses conclusions d'appel que le paiement de la créance du Trésor public était prohibé en vertu de l'article 33 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en énonçant dès lors que M. X... ne faisait pas valoir qu'il ne pourrait plus procéder à la formalité de l'enregistrement, la cour d'appel a donc dénaturé ces conclusions en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;

4 / que ni le créancier saisissant, ni le greffier du tribunal de grande instance, ni le Trésor public n'ont la qualité de créancier gagiste ou de rétenteur pour obtenir paiement des frais de poursuite, des déboursés, des émoluments et des droits d'enregistrement ; que la cour d'appel, en énonçant par motifs adoptés et propres que la situation s'analysait comme une rétention de la grosse du jugement d'adjudication tant que les frais, émoluments et droits d'enregistrement n'étaient pas payés, et que le liquidateur pouvait se faire autoriser par le juge-commissaire pour payer les droits d'enregistrement, a violé les articles L. 621-24 et L. 622-21 du Code de commerce, ainsi que les principes généraux qui régissent le droit de rétention ;

5 / que la créance du Trésor public sur l'adjudicataire au titre des droits d'enregistrement naissant au jour de l'adjudication, il appartenait à celui-ci, en l'état d'adjudications du 19 juin 1997 et de l'ouverture du redressement judiciaire de l'adjudicataire, la société, le 9 juillet 1998, de déclarer sa créance à la procédure collective, laquelle à défaut était éteinte, en sorte que le greffier ne pouvait s'opposer à la délivrance des titres ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a donc violé les articles 713 du Code de procédure civile (ancien), 862 du Code général des impôts et L. 621-43 du Code de commerce ;

Mais attendu, en premier lieu, que les jugements d'adjudication sont soumis à la formalité de l'enregistrement par l'article 635, 2, 1 du Code général des impôts ; qu'il résulte de l'article 662 du même Code que l'exécution de cette formalité les rend passibles des droits d'enregistrement ; que l'arrêt retient exactement que la créance naissant de la formalité n'avait pas à être déclarée ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir énoncé que, suivant l'article 713 du Code de procédure civile, le titre d'adjudication ne peut être délivré que s'il est justifié du paiement des frais de poursuite et de l'accomplissement des conditions du cahier des charges, l'arrêt retient à bon droit par motifs adoptés que le greffier est fondé à refuser de délivrer le titre d'adjudication faute du paiement de sommes dues ; qu'au demeurant le retrait des documents retenus est possible sur autorisation du juge-commissaire et moyennant le paiement de ces sommes ;

D'où il suit qu'abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la troisième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 559 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner M. X..., ès qualités, à verser à la banque Woolwich la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'intéressé, en réitérant purement et simplement en appel ses moyens de première instance, a commis un abus de procédure ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la réitération en appel des moyens soutenus en première instance ne constitue pas un abus en soi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné M. X... à verser à la banque Woolwich la somme de 5 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 10 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.