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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 22 septembre 2016, n° 15/25086

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

L'immobilière Hôtelière (SA)

Défendeur :

BTSG (SCP)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franchi

Conseillers :

Mme Picard, Mme Rossi

T. com. Paris, du 30 nov. 2015, n° 20120…

30 novembre 2015

Le 24 juillet 1994, la société L'immobilière Hôtelière - cotée en bourse et dont le cours est aujourd'hui suspendu - a émis un emprunt obligataire convertible en actions, ci-après dénommé OCA, pour un montant de 89.170.972 euros représenté par 2.249.520 obligations rémunérées au taux de 5% et à échéance du 1er janvier 2001.

Depuis 2003, la société L'immobilière Hôtelière a été confrontée à de nombreuses difficultés financières qui l'ont conduite, d'une part, à réduire le nombre d'obligations en circulation par compensation avec une créance sur le groupe H. qui était détenteur de 1.291.426 obligations et, d'autre part, à reporter plusieurs fois la date d'échéance.

Le dernier report a été fixé au 31 janvier 2021 par décision d'une assemblée générale des obligataires du 29 décembre 2011.

Cependant, les consorts P., qui détiennent ensemble 28.857 obligations, ont contesté cette décision au motif que le vote favorable de la société Saint-Exupéry Finance, porteur de 88 % des OCA, aurait été obtenu par un moyen déloyal.

Par jugement en date du 24 janvier 2014, le tribunal de commerce de Paris a annulé la résolution concernant le report de la date d'échéance, décision confirmée en appel par un arrêt du 27 novembre 2014. La société L'immobilière Hôtelière a alors formé un pourvoi en cassation à l'encontre de cette décision.

Sur requête de la société L'immobilière Hôtelière, par ordonnance du président du tribunal de commerce de Paris du 27 mars 2015, la Selarl Aj Associés M., G., D., B., B., prise en la personne de maître Charles G., a été nommée conciliateur, pour une durée de deux mois, avec pour mission d'assister le dirigeant afin de favoriser la conclusion d'un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés de la société L'immobilière Hôtelière.

Cette mission a été prorogée de trois mois par ordonnance du 28 mai 2015.

En présence du conciliateur, une nouvelle assemblée générale des obligataires s'est tenue le 29 juin 2015. Les différents intervenants ont exposé que la société L'immobilière Hôtelière n'avait plus d'activité mais seulement des projets hôteliers importants, l'un à Paris, l'autre à Rome, et ont précisé que ces projets hôteliers ne pouvaient être finalisés que dans la durée, et qu'en l'absence de report de l'échéance de l'emprunt la société devrait se déclarer en état de cessation des paiements et au mieux bénéficier d'un redressement judiciaire avec un plan de remboursement des obligataires sur dix années.

L’assemblée générale des obligataires a ainsi voté à la majorité qualifiée des 2/3 des voix, le report de l'échéance de l'emprunt, en principal et intérêts, au 31 décembre 2021. L’assemblée générale des obligataires a en outre adopté une résolution visant à 'étudier les solutions de conversions des obligations au mieux des intérêts des porteurs'.

Dans le prolongement de cette assemblée générale des obligataires, un protocole d'accord a été signé le 25 août 2015 entre la société L'immobilière Hôtelière et la société Saint-Exupéry Finance. Ce protocole prévoyait une augmentation de capital de la société L'immobilière Hôtelière, la transformation des OCA en billets à ordre permettant de souscrire par compensation à l'augmentation de capital, la reprise de l'activité et la reprise de la cotation en bourse. La transformation des OCA, acceptée par la société Saint-Exupéry Finance, serait proposée, le cas échéant dans le cadre d'une sauvegarde financière accélérée, à tous les obligataires avec en option le remboursement à l'échéance du 31 décembre 2021 aux conditions initialement prévues dans le contrat d'émission.

C'est ainsi que la société L'immobilière Hôtelière a sollicité du tribunal le bénéfice d'une procédure de sauvegarde financière accélérée, le plan présenté reprenant les dispositions du protocole d'accord et pouvant ainsi s'imposer aux minoritaires dans le cadre de l’assemblée générale des obligataires .

Par jugement du 28 septembre 2015, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de sauvegarde financière accélérée à l'égard de la société L'immobilière Hôtelière, représentée par son président, monsieur Nicolas S..

Par ordonnance du 30 octobre 2015, le tribunal de commerce de Paris a désigné maître Gilles G., en qualité de représentant de la masse des obligataires '5% juillet 1994'.

Compte tenu des observations et des réserves formulées par l'administrateur et le mandataire judicaires, la société L'immobilière Hôtelière a proposé un plan modifié comprenant, d'une part, l'engagement de la société Saint-Exupéry Finance d'apporter la somme de 250.000 euros à la condition que toutes les obligations soient converties en actions, et, d'autre part, la conversion totale de la créance obligataire en actions, avec abandon de l'option de remboursement à échéance du 31 décembre 2021.

Ce nouveau plan a été' soumis aux obligataires lors d'une assemblée générale tenue le 13 novembre 2015 et a été approuvé par celle-ci à l'unanimité des présents, soit plus de la majorité des deux tiers du montant des créances obligataires détenues par les porteurs ayant exprimé leur vote, conformément à l'article L. 626-32 du code de commerce.

C'est dans ces conditions que le projet de plan a été soumis à l'homologation du tribunal de commerce qui dans un jugement en date du 30 novembre 2015, assorti de plein droit de l'exécution provisoire, a :

- rejeté le plan de sauvegarde de la société L'immobilière Hôtelière approuvé par l’assemblée unique des obligataires du 13 novembre 2015, en relevant, d'une part, que les conditions formelles lui permettant d'arrêter un plan de sauvegarde au bénéfice de la société L'immobilière Hôtelière n'étaient pas réunies, et, d'autre part, que le délai maximal de deux mois prévu à l'article L. 828-10 du code de commerce pour la procédure de sauvegarde financière accélérée était terminé,

- prononcé la fin de la procédure de sauvegarde financière accélérée, prévue par les dispositions de l'article L. 628.1 et suivants du code de commerce, à l'égard de la société L'immobilière Hôtelière,

- mis fin à la mission de la scp BTSG, prise en la personne de maître G., comme mandataire judiciaire ainsi qu'à la mission de la selarl AJ Associés M., G., D., B., B., prise en la personne de maître Charles G., comme administrateur judiciaire,

La société L'immobilière Hôtelière a interjeté appel de cette décision le 10 décembre 2015.

***

Dans ses conclusions auxquelles il est expressément référé notifiées par voie électronique le 14 avril 2016, la société L'immobilière Hôtelière demande à la cour d'appel, au visa des articles L. 620-2, L. 626-3, L. 626-31, L. 626-32, L. 628-9, L. 228-59 alinéa 2, R. 626-18, R. 626-63 alinéa 1er et R. 628-17 du code de commerce, d'infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau, d'arrêter le projet de plan approuvé par l' assemblée unique des obligataires en date du 13 novembre 2015 et de statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses écritures auxquelles il est expressément référé notifiées par voie électronique le 14 avril 2016, maître Gilles G., ès qualités demande à la cour d'appel d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau, d'arrêter le projet de plan approuvé par l’assemblée unique des obligataires en date du 13 novembre 2015 et de statuer ce que de droit sur les dépens.

Bien que régulièrement avisés de leur assignation devant la cour d'appel de Paris par remise du procès-verbal à personne se disant habilitée à recevoir l'acte en date du 14 mars 2016, la selarl AJ Associés M., G., D., B., B., prise en la personne de maître Charles G., ès qualités d'administrateur provisoire et la scp BTSG prise en la personne de maître G. ès qualités de mandataire judiciaire n'ont pas constitué avocat.

***

SUR CE,

Aux termes de l'article L. 628-9 du code de commerce : 'Lorsque les comptes du débiteur font apparaître que la nature de l'endettement rend vraisemblable l'adoption d'un plan par les seuls créanciers ayant la qualité de membres de comité des établissements de crédit et, s'il y a lieu, ceux mentionnés à l'article L. 626-32, le débiteur peut, s'il répond aux conditions de l'article L. 628-1, demander l'ouverture d'une procédure de sauvegarde financière accélérée. Celle-ci n'aura d'effet qu'à l'égard des créanciers.'

Aux termes de l'article L. 626-32 alinéa 1er du même code 'Lorsqu'il existe des obligataires , une assemblée générale constituée de l'ensemble des créanciers titulaires d'obligations émises en France ou à l'étranger est convoquée dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat, afin de délibérer sur le projet de plan adopté par les comités de créanciers.'

Ainsi, et à titre liminaire, il convient de retenir que le caractère exclusivement obligataire du passif ne constitue pas un obstacle à la mise en oeuvre de la procédure de sauvegarde financière accélérée, et dans ce cadre à l'adoption du plan, n'étant pas contestable qu'un tel endettement est de nature financière, l'obligation convertible constituant un produit financier. Il sera observé sur ce point que le tribunal ne s'est pas prononcé dans un sens différent s'étant seulement limité à constater le caractère exclusivement obligataire de la dette.

En effet, le tribunal pour rejeter l'homologation du plan modifié qui lui était soumis a relevé, d'une part, le non-respect du délai de convocation de l'article R. 628-17 du code de commerce. Aux termes de ces dispositions 'Le délai entre la date soit de l'insertion ou de la dernière des insertions contenant un avis de convocation, soit de l'envoi des lettres, soit de la transmission de la convocation par voie de communication électronique, et la date de l’assemblée des actionnaires est au moins de dix jours sur première convocation .'

Or, les dispositions applicables aux obligataires sont celles de l'article R. 628-16 du code de commerce qui prévoit que : '(...) Le délai minimum prévu à l'article R. 626-60 [de 15 jours] est alors réduit à dix jours et le droit conféré à chaque obligataire par l'article R. 626-61 de prendre connaissance du projet de plan s'exerce dans les dix jours qui précèdent la réunion de cette assemblée.'

L’assemblée des obligataires initialement fixée au 23 octobre 2015 s'est finalement tenue le 13 novembre suivant. Un avis de convocation électronique a été émis le 2 novembre 2015, précédé d'un avis par voie postale le 30 octobre 2015 et suivi le 6 novembre d'un avis publié au Bulletin des Annonces Légales Obligatoires.

Il ne peut toutefois qu'être constaté que les dernières modifications introduites par la société Saint Exupéry Finance n'ont été délivrées à l'administrateur judiciaire que le 9 novembre 2015 et que le projet de plan modifié ne comportant plus - celle de la conversion des obligations en actions - qu'une unique option n'a été soumis à l’assemblée que le jour de sa tenue le 13 novembre 2015. Il n'y a pas lieu de retenir que cette modification était suffisamment importante pour impliquer le respect d'un nouveau délai de dix jours, étant observé que la loi n'impose pas de soumettre à l' assemblée générale des obligataires le texte ayant fait l'objet d'un protocole d'accord lors de la conciliation, les dites modifications ayant résulté des discussions menées entre la débitrice, l'administrateur judiciaire et les obligataires en application de l'article L. 626-30-2 alinéa 3 du code de commerce. En tout état de cause, aucune contestation de la régularité de ladite assemblée n'a été élevée dans le délai de 10 jours à compter de sa tenue, imparti par l'article R. 626-63 du code de commerce. Dès lors, la nullité encourue étant relative et ne faisant pas grief pour être sans incidence sur le vote, c'est à tort que le tribunal l'a soulevée d'office en l'absence de toute contestation émanant des obligataires.

Pour refuser l'homologation du plan, le tribunal a relevé, d'autre part, qu'en application de l'article L. 628-10 du code de commerce, la période d'observation ne pouvait être prorogée au-delà de deux mois et qu'en application de l'article L. 628-8 devait être prononcée la fin de la procédure de sauvegarde accélérée. Cependant, en application de cette disposition en son second alinéa 'Lorsqu'il n'est pas présenté de projet de plan en temps utile, le Tribunal peut être saisi aux fins de clôture de la procédure par le ministère public, par tout créancier ou par les mandataires de justice ; il statue, le débiteur ayant été entendu ou appelé. (...).' Il en résulte qu'aucune sanction n'assortit ce délai de deux mois et qu'est uniquement prévue la faculté pour le tribunal de clôturer la procédure s'il est saisi à cette fin ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Dès lors, et en application de l'article L. 626-31 du code de commerce, il importe de vérifier si tous les intérêts des créanciers sont suffisamment protégés.

De l'avis de l'ensemble des intervenants, outre que le rejet du plan risquerait très fortement de conduire la société à la cessation des paiements puis à la liquidation judiciaire, la conversion de la totalité des obligations en actions emportera l'extinction du passif et la poursuite de l'activité, répondant en cela aux objectifs fixés par la loi. Mais encore, cette conversion entraînera l'augmentation du capital et la reconstitution des fonds propres et permettra, sous réserve de l'accord de l'Autorité des Marchés Financiers, la reprise de la cotation en bourse de la société qui devrait bénéficier de nouveaux investisseurs. Sont ainsi en vue deux projets d'importance pour lesquels la société Saint Exupéry Finance s'engage à apporter la première année la somme de 250.000 euros comme fonds de roulement.

Pour l'ensemble de ces motifs, il convient d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et, sera en conséquence arrêté le plan de sauvegarde financière accélérée approuvé par l’assemblée unique des obligataires en date du 13 novembre 2015.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 30 novembre 2015 par le tribunal de commerce de Paris ;

Y substituant,

Arrête le plan de sauvegarde financière accélérée approuvé par l’assemblée unique des obligataires en date du 13 novembre 2015 ;

Dit que les dépens seront employés en frais de procédure collective.