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Décisions

CA Orléans, ch. com. économique et financière, 14 janvier 2016, n° 15/00978

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Holding Guillaudrale (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Raffejeaud

Conseillers :

Mme Hours, M. Monge

T. com. Tours, du 20 févr. 2015

20 février 2015

Prononcé le 14 JANVIER 2016 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

Par acte sous seing privé en date du 31 décembre 2010, les consorts P. ont cédé à la société Holding Guillaudrale l'intégralité des titres de la société Rubex pour le prix de 2'775'000 euros.

Par acte du même jour, Monsieur Xavier P. et Madame Élisabeth R. épouse P. ont consenti une garantie d'actif et de passif.

Enfin, par un troisième acte, ils ont souscrit à l'émission d'un emprunt obligataire émis par la société Holding Guillaudrale pour un montant de 300'060 euros, à raison de 66 % par Monsieur P. et de 34 % par Madame P..

Au motif que la société Holding Guillaudrale n'aurait pas respecté ses obligations contractuelles, les époux P. ont exigé le remboursement anticipé des sommes versées dans le cadre de l'emprunt obligataire, et, se heurtant au refus de la société Holding Guillaudrale, ont alors saisi le tribunal de commerce de Tours.

Par jugement en date du 20 février 2015, le tribunal a dit que la société Holding Guillaudrale n'avait pas respecté ses obligations légales relatives à l'arrêté des comptes annuels, à la tenue des assemblées et à l'information des actionnaires et obligataires, a dit Monsieur et Madame P. recevables et bien fondés dans leur demande de remboursement anticipé, a condamné en conséquence la société Holding Guillaudrale à payer à Monsieur P. 66 % et à Madame P. 34 % de la somme de 200'040 euros, outre intérêts au taux contractuel de 4 % l'an à compter du 1er janvier 2013, intérêts de retard au taux légal majoré de trois points à compter du 25 janvier 2013, soit trois mois après réception de la demande de remboursement anticipé, et 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Holding Guillaudrale a régulièrement interjeté appel de cette décision le 16 mars 2015.

Contestant les fautes que lui reprochaient les époux P. et ne voyant dans leur action qu'une vengeance en réponse à l'action que sa filiale, la société Rubex, avait dû engager contre son ancienne bailleresse, la société Exp Expansion, dont le capital était détenu par les époux P., elle a conclu à l'infirmation du jugement entrepris, au débouté des époux P. de toutes leurs demandes et elle leur a réclamé deux sommes de 3000 euros pour ses frais de procédure de première instance et d'appel.

Les époux P. ont conclu à la confirmation de la décision entreprise, sauf à fixer le montant des condamnations principales aux sommes de 132'039,60 euros au bénéfice de Monsieur P. et de 68'020,40 euros au bénéfice de Madame P..

Ils ont, en outre, sollicité chacun une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE,

Attendu que l'article 14 du contrat d'émission d'obligations convertibles dispose :

'Sur simple demande de l'investisseur, la totalité des sommes dues (principal, intérêts, frais et accessoires)

' soit deviendra immédiatement et en totalité exigible et fera l'objet d'un remboursement anticipé, total ou partiel au gré de l'investisseur ;

' soit donnera lieu à conversion immédiate en actions totalement ou partiellement au gré de l'investisseur ;

ce à quoi la société s'engage expressément dans les cas suivants :

...........................................

' non ' respect par la société ou par une de ses filiales des obligations légales relatives à l'arrêté des comptes annuels, à la tenue des assemblées et à l'information des actionnaires et obligataires,

...........................................

' non ' respect des dispositions relatives à la protection des obligataires figurant dans le présent contrat’ ;

Attendu que les époux P. reprochent, en premier lieu, à la société Holding Guillaudrale de ne pas leur avoir transmis de façon régulière tous les éléments de nature à les informer sur la situation de la société Rubex, notamment les tableaux de bord trimestriels de la société, ainsi qu'elle y était tenue par l'article 13 du contrat ;

Que, dès lors que les premiers juges ont exactement relevé qu'il n'avait pas été satisfait à cette obligation, à tout le moins pour le premier trimestre 2012, l'infraction est constituée ;

Attendu que les époux P. font grief, en second lieu, à la société Holding Guillaudrale de ne pas avoir respecté ses obligations légales relatives à l'arrêté des comptes annuels, à la tenue des assemblées et à l'information des obligataires ;

Attendu qu'il importe peu que ce grief n'ait pas été évoqué dans le courrier du 17 octobre 2012 par lequel les époux P. indiquaient entendre mettre en œuvre l'article 14 précité ;

Que ce courrier ne constituait pas, en effet, une mise en demeure préalable nécessaire à toute action en justice, puisque l'infraction était d'ores et déjà constituée et n'était pas susceptible d'être effacée par une régularisation tardive ;

Que toute analogie avec la procédure de licenciement n'est par ailleurs pas pertinente ;

Que les premiers juges ont dès lors pu valablement examiner l'ensemble des griefs articulés par les époux P. et sur lesquels la société Holding Guillaudrale a pu s'expliquer ;

Attendu qu'il est manifeste que la société Holding Guillaudrale n'a pas respecté son obligation relative au dépôt des comptes annuels pour les exercices clos les 31 mars 2011 et 31 mars 2012, puisqu'elle a dû y être contrainte par une ordonnance de référé en date du 5 avril 2013 ;

Que, de plus, elle n'a pas justifié avoir régulièrement convoqué les époux P. aux assemblées générales, ni leur avoir communiqué les documents sociaux auxquels ils avaient droit en application des dispositions de l'article L 228 ' 105 du code de commerce ;

Qu'ainsi, la seconde infraction est caractérisée et c'est donc à juste titre que les premiers juges ont fait droit aux demandes des époux P. ;

Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris, sauf à préciser que la condamnation prononcée l'est en deniers ou quittances, dès lors qu'il apparaît que la seconde tranche a été versée en cours de procédure conformément aux dispositions contractuelles ;

Et attendu que la société Holding Guillaudrale qui succombe, paiera une somme de 2000 euros à chacun des époux P. par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et supportera les dépens ;

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement entrepris ;

Y AJOUTANT,

PRÉCISE que les condamnations prononcées le sont en deniers ou quittances ;

CONDAMNE la société Holding Guillaudrale à payer à chacun des époux P. une somme de deux mille (2000) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens, et accorde à la SCP d'avocats Arcole le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.