Cass. 2e civ., 27 février 2014, n° 13-13.411
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'ordonnance attaquée rendue par le premier président d'une cour d'appel, statuant en matière de rémunération des techniciens (Toulouse, 15 janvier 2013) que dans un litige relatif à une succession opposant Mme Claire X... à MM. Michel et Gilles X..., un jugement a ordonné le partage de l'indivision existant entre M. Michel X..., Mme Claire X... et M. Gilles X... et a désigné deux experts à l'effet de procéder à une expertise judiciaire sur le partage et qu'après dépôt du rapport, les honoraires ont été fixés à une certaine somme ;
Attendu que Mme Claire X... fait grief à l'ordonnance de confirmer la décision déférée quant à l'évaluation des honoraires des experts judiciaires et en conséquence, de la débouter de sa demande tendant à voir dire et juger n'y avoir lieu à taxation des frais et honoraires des experts à la somme de 16 803, 93 euros alors, selon le moyen :
1°/ que Mme X... avait, dans ses conclusions devant le juge de la mise en état, saisi ce magistrat, chargé du contrôle de l'expertise, de sa demande de caducité de l'expertise, le juge de la mise en état ayant renvoyé devant le juge du fond sur ce point ; qu'en énonçant dès lors que Mme X... ne justifiait pas avoir saisi le juge du fond d'une demande sur le fondement de l'article 271 du code de procédure civile, le premier président a dénaturé les conclusions précitées et l'ordonnance de mise en état du 25 février 2011, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
2°/ que le technicien doit respecter les délais qui lui sont impartis et ne peut dépasser le délai initialement fixé que s'il y est autorisé par le juge qui décide de proroger ce délai ; que le respect des délais est un des critères à prendre en considération pour apprécier la rémunération due à l'expert ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats comme résultant de l'ordonnance elle-même que l'expert n'avait déposé son rapport que le 10 août 2011, soit plus d'un an et demi après le délai accordé par le tribunal sans qu'aucune ordonnance de prorogation n'ait été rendue ; qu'en se plaçant à la date à laquelle il statuait pour retenir que les dépassements des délais accordés étaient « parfaitement justifiés » quand l'expert n'avait obtenu aucune prorogation du délai initialement fixé, le premier président a violé l'article 284 du code de procédure civile, ensemble les articles 239 et 279 du même code ;
3°/ que Mme X... avait, dans ses conclusions devant le juge de la mise en état, chargé du contrôle de l'expertise, saisi ce magistrat du moyen tiré de l'expiration de la mission de l'expert pour dépassement du délai de l'expertise, le juge de la mise en état ayant renvoyé devant le juge du fond sur ce point ; qu'en retenant que Mme X... ne justifiait pas de ce qu'elle avait attiré l'attention du juge chargé du contrôle des expertises sur la durée excessive de celle-ci, le premier président a encore dénaturé les conclusions de Mme X... devant le juge de la mise en état et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que le technicien doit respecter le principe du contradictoire ; qu'en l'espèce, Mme X... avait soutenu que le 25 janvier 2010, son frère, Michel, avait interrompu la visite du château et de ses dépendances, obligeant sa soeur et son frère à quitter les lieux de sorte que les opérations d'expertise s'étaient poursuivies non contradictoirement ; cet incident ayant été dénoncé par les experts eux-mêmes au juge chargé du contrôle des expertises par lettre du 27 janvier 2010 ; qu'en retenant dès lors que Mme X... soutenait que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté à l'égard de M. Michel X..., quand elle faisait valoir au contraire que c'était de son fait qu'il avait été méconnu, le premier président a dénaturé les conclusions de Mme X... et, partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile, ensemble les articles 160 et 237 du même code ;
5°/ que Mme X... avait invoqué la méconnaissance du principe du contradictoire en soulignant que les experts avaient procédé à la visite de l'immeuble parisien hors la présence des parties ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef péremptoire de conclusions, le premier président a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
6°/ que le technicien est tenu d'accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ; qu'en l'espèce, Mme X... avait soutenu que l'expert avait fait montre de partialité et de subjectivité tant en poursuivant les opérations d'expertise du 25 janvier 2010 sans sa présence ni celle de son frère qu'en conduisant les opérations d'expertise sur l'immeuble sis rue de Paradis et hors indivision successorale à la seule demande de M. Michel X... ; qu'en se bornant à énoncer qu'il ne peut être fait grief aux experts d'avoir procédé à l'évaluation de l'immeuble parisien parce que l'expertise était utile sur ce point, le premier président n'a encore pas répondu aux conclusions de Mme X... et a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que le juge fixe la rémunération de l'expert en fonction des diligences accomplies du respect des délais impartis et de la qualité du travail ; qu'en se bornant à énoncer que les observations de Mme X... ne justifiaient aucune réduction d'honoraires motif pris « du très grand nombre de diligences (...) accomplies », sans préciser la nature de ces diligences, le premier président a privé sa décision de base légale au regard de l'article 284 du code de procédure civile ;
8°/ que le motif dubitatif équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, en retenant que le rapport d'expertise « apparaît répondre à des standards de qualité en rapport avec la nature et la difficulté de l'affaire » pour refuser de réduire la rémunération de l'expert, le premier président a statué par un motif dubitatif et a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 284 du code de procédure civile ;
Mais attendu que selon l'article 284 du code de procédure civile, le juge fixe la rémunération de l'expert en fonction, notamment, des diligences accomplies, des délais impartis et de la qualité du travail fourni ;
Et attendu qu'ayant relevé le caractère contentieux et minutieux de l'expertise, les nombreuses réunions et les transports, les caractéristiques de la procédure de par le grand nombre de pièces échangées, les incidents de procédure et les diligences accomplies justifiées par l'importance de la succession, c'est en vertu de son pouvoir souverain d'appréciation que le premier président, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de l'argumentation, a statué comme il l'a fait ;
Et attendu enfin que c'est par motifs exclusifs de toute dénaturation des conclusions des parties et de l'ordonnance du juge de la mise en état, que le premier président, qui a compétence pour statuer en qualité de juge d'appel de la taxation des frais et honoraires des experts, a statué comme il l'a fait ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Claire X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. A..., ès qualités ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille quatorze.