Livv
Décisions

Cass. com., 7 novembre 2018, n° 16-25.860

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mouillard

Avocats :

Me Le Prado, SCP Ortscheidt

Douai, du 15 sept. 2016

15 septembre 2016

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 septembre 2016), que par un acte du 1er juin 2011, la société CIC Nord Ouest (la banque) a consenti à la société Cookea (la société) un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce ; que ce prêt était garanti par un nantissement sur des comptes bancaires ouverts par la société dans ses livres ; que le 13 décembre 2012, la banque a accordé à la société un autre prêt, devant financer l'acquisition d'un véhicule utilitaire ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société, le 8 octobre 2013, la banque a fait part au mandataire judiciaire, M. X..., de son refus de maintenir le compte bancaire de la société ; que celle-ci ayant trouvé un nouveau partenaire bancaire, M. X... lui a demandé d'y transférer les soldes créditeurs des deux comptes de la société ; que, se prévalant de la clause de nantissement de compte, la banque lui a opposé un refus, déclarant sa créance pour une somme correspondant pour l'essentiel aux sommes à échoir au titre des deux prêts ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société le 3 décembre 2013, M. X..., en qualité de liquidateur judiciaire, a assigné la banque en responsabilité pour avoir retenu abusivement les soldes créditeurs des comptes de la société ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande et de la condamner à remettre entre les mains de M. X..., ès qualités, la somme de 47 902,21 euros, correspondant aux soldes créditeurs des comptes de la société à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, et à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que la règle spéciale déroge à la règle générale ; que si l'article 2287 du code civil précise que les dispositions relatives aux sûretés ne font pas obstacle à l'application des règles prévues en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, l'article 2360 du même code relatif au nantissement de meubles incorporels précise que lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s'entend du solde créditeur provisoire ou définitif au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution et précise, sous cette même réserve, qu'en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidateur judiciaire ou procédure de surendettement des particuliers contre le constituant, les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture ; que pour imputer une faute au CIC Nord Ouest consistant à avoir abusivement retenu les soldes créditeurs des comptes bancaires de la société Cookea, s'élevant à 47 902,21 euros au jour de son redressement
judiciaire et condamner la banque, pourtant bénéficiaire d'un nantissement
conventionnel sur ces comptes, à en restituer le montant au liquidateur judiciaire du constituant, la cour d'appel se fonde sur les dispositions précitées de l'article 2287 du code civil ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application, et l'article 2360 du code civil pour refus d'application ;

2°/ qu'un contrat de prêt consenti par une banque avant l'ouverture du redressement judiciaire de l'emprunteur n'est pas un contrat en cours au sens de l'article L. 622-13 du code de commerce ; qu'en affirmant que la rétention des soldes créditeurs des comptes bancaires, régulièrement nantis au profit du CIC Nord Ouest en garantie du remboursement des prêts souscrits par le constituant avant l'ouverture de son redressement judiciaire, aboutissait à une résiliation unilatérale du prêt, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

3°/ qu'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les pièces régulièrement versées aux débats ; que la déclaration de créances du 14 octobre 2013 effectuée par le CIC Nord Ouest au passif du redressement judiciaire de la société Cookea porte sur les montants, à échoir, en capital et intérêts au titre des prêts litigieux, soit un total de 84 542,20 euros outre intérêts, pour lesquels la banque a sollicité son admission à titre privilégié nanti, et précise, conformément à l'article 2360 du code civil, le montant, à la date du jugement d'ouverture, des soldes créditeurs des deux comptes courants nantis à son profit en garantie du paiement des prêts consentis à l'emprunteuse ; qu'en affirmant que par «la rétention des soldes des comptes courants bancaires, la banque entend se garantir du remboursement d'un prêt au titre duquel l'emprunteur n'a pas été défaillant au jour d'ouverture de la procédure collective et lui permet, par voie de compensation de prélever une partie substantielle du capital restant dû », la cour d'appel a dénaturé la teneur même de la déclaration de créances, laquelle était exclusive d'une quelconque compensation effectuée par la banque et, partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que lorsque la créance nantie porte, comme en l'espèce, sur un compte bancaire, en cas d'ouverture d'un redressement judiciaire à l'égard du constituant, les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture ; que la mise en oeuvre de ce principe n'est pas subordonnée à une défaillance préalable de l'emprunteur dans le remboursement de la créance nantie ; qu'en affirmant que la rétention des soldes des comptes bancaires à la date d'ouverture du redressement judiciaire de la société Cookea permettait à la banque nantie, par voie de compensation, de prélever une partie substantielle du capital restant dû au titre d'un prêt dans le remboursement duquel l'emprunteuse n'avait à aucun moment été défaillante au jour du jugement d'ouverture, la cour d'appel a violé l'article 1360 du code civil ;

5°/ que la cassation à intervenir du chef de l'arrêt ayant imputé une faute au CIC Nord Ouest constituée par la prétendue rétention abusive des soldes créditeurs des comptes courants de la société Cookea entraînera, conformément à l'article 625 du code de procédure civile, l'annulation par voie de conséquence du chef de l'arrêt l'ayant condamnée à payer à Me X..., es-qualités, la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que, selon l'article 2287 du code civil, les dispositions relatives aux sûretés ne font pas obstacle à l'application des règles prévues en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, et que selon l'article 2360, alinéa 2, du même code, au cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire, de liquidation judiciaire ou d'une procédure de traitement des situations de surendettement des particuliers contre le constituant, les droits du créancier nanti portent sur le solde du compte à la date du jugement d'ouverture, l'arrêt retient, par motifs propres, qu'à la date de l'ouverture du redressement judiciaire de la société, les échéances du prêt accordé par la banque étaient régulièrement payées de telle sorte que la déchéance du terme n'était pas intervenue et, par motifs adoptés, que la banque ne pouvait pas procéder à la réalisation de la sûreté par la rétention des soldes créditeurs des comptes nantis ; que par ces seuls motifs, abstraction faite de ceux critiqués par les deuxième et troisième branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.