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Décisions

Cass. com., 12 janvier 2010, n° 08-17.420

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Avocats :

Me Le Prado, Me Spinosi, SCP Richard, SCP Vier, Barthélemy et Matuchansky

Reims, du 19 mai 2008

19 mai 2008

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 19 mai 2008), que la banque SNVB aux droits de laquelle vient le CIC Est (ci-après le CIC), a consenti le 7 septembre 1998 à la société Champagne Bricout & Koch (la société) une ligne de crédit d'un montant de 32 000 000 francs (4 878 368, 50 euros), assortie d'un engagement de garantie sur récoltes portant sur 800 000 bouteilles de vins d'appellation champagne, ayant donné lieu à l'établissement de deux billets régulièrement inscrits et renouvelés auprès de l'administration des contributions indirectes ; que, le 16 avril 2002, il a été substitué aux bouteilles un stock de 6 000 hectolitres de vins clairs d'appellation champagne, lesquels, gagés au profit du CIC, ont été confiés en tierce-détention à la société Auxiliaire de garanties (la société Auxiga) et entreposés dans des magasins prêtés à cette dernière par la société puis par la société Pem services appartenant au même groupe ; que parallèlement, le 17 avril 2002, la banque Bruxelles Lambert aux droits de laquelle vient la banque ING Belgique (ci-après la société ING Belgique) a consenti à la société et à la société Champagne Delbeck, engagées solidairement, une ouverture de crédit d'un montant de 1 200 000 euros garantie par l'affectation en gage de différentes marchandises avec dépossession, suivant acte souscrit par la société, la société Champagne Delbeck et les sociétés Pem Productions et SAS Vinicole Martin et fils appartenant au même groupe ; qu'à la suite de substitutions de gage convenues entre les parties, la société Auxiga s'est trouvée tiers détentrice pour le compte de la société ING Belgique de 174 000 bouteilles de champagne et de 1 625, 69 hectolitres de vin en cuve entreposés dans des locaux mis à sa disposition par la société ; que la société, les sociétés Champagne Delbeck, PEM services, PEM productions et d'autres sociétés du même groupe ont été mises en redressement judiciaire le 24 avril 2003, MM. Y... et Z... étant désignés en qualité d'administrateurs judiciaires, et la SCP B... (la SCP DMT) représentant des créanciers ; que par arrêts du 18 novembre 2003, les sociétés ont fait l'objet de plans de cession, MM. Y... et Z... étant nommés commissaires à leur exécution ; que la SCP A... F... représentée par M. A..., ès qualités, a été nommée le 7 février 2006 mandataire ad hoc de la société et de la société PEM services ; que M. X... et le GFA Claude Michel ont déposé une requête en revendication portant sur différents stocks de vins clairs et de bouteilles entreposés dans les locaux de la société et de la société Champagne Delbeck ; que le CIC et la société ING Belgique leur ont opposé les gages souscrits à leur profit ; que M. X... en a contesté la validité ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, pris en leur seconde branche rédigée en termes identiques :

Attendu que M. X..., MM. Y... et Z... et la SCP DMT, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir dit que le gage constitué par la société au profit du CIC, et portant sur 6 000 hectolitres de vins clairs d'appellation champagne, confiés en tierce détention à la société Auxiga dans la cuverie de Tours sur Marne est régulier et opposable à M. X... et que le CIC est bien fondé à exercer son droit de rétention sur ledit stock, et d'avoir dit que le gage constitué par la société et les sociétés Champagne Delbeck, PEM productions et vinicole Martin et fils au profit de la société ING Belgique et portant sur 174 000 bouteilles de champagne et sur 1 625, 69 hectolitres de vin en cuve initialement détenus pour son compte par la société Auxiga à Avize et à Mareuil sur Aÿ et aujourd'hui en collective par MM. Y... et Z..., ès qualités, est régulier et opposable à M. X... et que la société Ing Belgique est bien fondée à exercer son droit de rétention sur ledit stock, alors, selon le moyen, que le privilège du créancier gagiste ne subsiste sur le gage qu'autant que le bien gagé a été mis et est resté en la possession du créancier ou d'un tiers convenu entre les parties ; que lorsque le débiteur conserve, concurremment au tiers convenu, la possession de la chose gagée, serait-ce par l'intermédiaire d'un de ses salariés, le créancier gagiste ne peut se prévaloir d'une possession continue sur cette chose ; que le mandat donné par le tiers convenu à un salarié du débiteur constituant pour la gestion des magasins dans lesquels sont entreposées les marchandises gagées, qui ne peut suffire, quels qu'en soient les termes, à écarter le lien de subordination liant ce salarié à son employeur, est exclusif d'une dépossession du débiteur ; que la société Auxiga, tiers convenu mandaté par la société Ing Belgique et par le CIC pour détenir en leur nom les vins donnés en gage par la société, a donné mandat à deux salariés de ce débiteur constituant pour gérer les magasins dans lesquels les vins gagés étaient stockés ; que pour juger néanmoins que la société Auxiga avait conservé une possession effective et continue des vins gagés pour le compte des banques, la cour d'appel a considéré que le mandat donné aux salariés prévoyait que ces derniers étaient, en ce qui concerne son objet, soustraits à l'autorité de la société ; qu'en statuant ainsi, tandis que le lien de subordination des salariés envers la société ne pouvait être écarté par une convention contraire, la cour d'appel a violé les articles 2076 du code civil et L. 121-1, alinéa 1, du code du travail, en leur rédaction applicable à l'espèce ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que le mandat confié à deux salariés du groupe Bricout par le tiers détenteur a été accepté par l'employeur qui a reconnu qu'ils étaient sous l'autorité exclusive de ce dernier pour l'ensemble des questions afférentes aux marchandises gagées et qu'ils n'avaient à rendre compte qu'au tiers détenteur pour la gestion des magasins mis à sa disposition et que le fait de constituer mandataire une personne par ailleurs salariée du constituant n'enlève rien au caractère effectif de la dépossession, l'arrêt retient que la société Auxiga, intervenue en qualité de mandataire des banques en vue de détenir en leur nom et pour leur compte les biens gagés à leur profit, a assuré une dépossession effective et continue des biens gagés faisant obstacle à toute revendication de tiers ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que le gage était resté opposable aux tiers, la dépossession du constituant gagiste ayant été effective et continue, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi incident, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que M. X..., MM. Y... et Z... et la SCP DMT, ès qualités, font grief à l'arrêt d'avoir dit que le gage constitué par la société au profit du CIC et portant sur 6 000 hectolitres de vins clairs d'appellation champagne, confiés en tierce détention à la société Auxiga dans la cuverie de Tours sur Marne est régulier et opposable à M. X... et que le CIC est bien fondé à exercer son droit de rétention, alors, selon le moyen, qu'est nul le gage donné en substitution d'un nantissement nul, garantissant une créance antérieure du débiteur en état de cessation des paiements ; que seul un producteur viticole est susceptible de donner un engagement de garantie sur récoltes de vins ; qu'est ainsi nul le gage donné par un négociant en vins en état de cessation des paiements, en substitution d'un engagement de garantie sur récoltes de vins précédemment donné par ce négociant, nul pour n'avoir pas été constitué par un producteur ; que le gage donné par la société au CIC s'est substitué à une succession de warrants viticoles dont les premiers ont été souscrits en décembre 1998 ; que la société, négociante en vins, ne pouvait valablement constituer les warrants initiaux, n'étant pas producteur de vin, nonobstant la délimitation de son objet social statutaire ; que les warrants constitués en décembre 1998 étaient donc nuls ; qu'en jugeant néanmoins valable le gage substitué à ces warrants, la cour d'appel a violé les articles 56 à 59 du code du vin, en leur rédaction applicable à l'espèce ;

Mais attendu que la qualité de commerçant du débiteur ne fait pas obstacle à la souscription par lui d'engagements de garantie sur récoltes, dès lors qu'il a la qualité de producteur au sens des articles 59 et 60 du code du vin devenus les articles 661 et 662 du code rural ancien ; qu'ayant retenu que la notion de " producteur de vin " est plus large que celle de viticulteur et qu'il résultait des statuts de la société que son activité portait sur toute opération de fabrication, achat, vente de vin, la cour d'appel n'a pas encouru les griefs du moyen ; que celui-ci n'est pas fondé ;

Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident.