Cass. com., 23 septembre 2014, n° 12-26.203
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Espel
Avocats :
SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 11 mai 2012), que M. X... ayant fait délivrer à la société Saint Charles négoce et représentation (la société SCNR) un commandement de payer visant la clause résolutoire pour un local qu'il lui avait donné à bail, cette société a quitté les lieux en y laissant diverses marchandises ; que M. X... ayant fait pratiquer une saisie-vente sur celles-ci, la société Bred Banque populaire (la banque), se prévalant d'un droit de gage, les a fait vendre ; que M. X... a assigné la banque devant un juge de l'exécution pour obtenir la restitution du prix de vente ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de sa condamnation à signifier à M. X... le procès-verbal de vente et à lui restituer le prix de vente dans la limite d'une certaine somme, le tout sous astreinte, alors, selon le moyen, qu'en application des articles 87 et 99 du décret du 31 juillet 1992, la saisie peut être faite en tout lieu où se trouvent les biens mobiliers appartenant au débiteur et l'huissier de justice peut notamment saisir entre les mains d'un tiers les biens que celui-ci détient pour le compte du débiteur ; qu'en se bornant à relever que « le débiteur n'étant plus dans les lieux, donc plus détenteur des biens saisis, ceux-ci sont donc, comme prévu par l'article 87 du décret du 31 juillet 1992, saisis entre les mains d'un tiers qui se trouve être M. X..., propriétaire des lieux », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le propriétaire des lieux avait bien la qualité de tiers détenteur au sens des articles 87 et 99 du décret du 31 juillet 1992, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ces textes ;
Mais attendu qu'il résulte des conclusions de la banque que celle-ci avait demandé à la cour d'appel de juger que M. X... ne pouvait cumuler les qualités de créancier et de tiers détenteur, de sorte qu'elle ne l'avait pas invitée à rechercher si celui-ci avait la qualité de tiers détenteur ; que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré le gage et sa réalisation inopposables à M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ qu'en application de l'article 2337 du code civil, le gage est opposable par la dépossession entre les mains du créancier ou d'un tiers convenu du bien qui en fait l'objet ; qu'en se bornant à énoncer que, s'il est exact que les parties ont institué la société Segage comme tiers détenteur, « cette dernière a déclaré détenir les biens gagés dans les magasins du constituant, ce qui a pour effet d'annuler l'effet de publicité de la dépossession, en rendant celle-ci fictive », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si les mentions apposées aussi bien sur les lieux où étaient entreposées les marchandises gagées que sur ces marchandises, mentions qui avaient été expressément constatées par huissier, ne suffisaient pas à donner à la dépossession un caractère d'apparence suffisant destiné à informer les tiers du dessaisissement de celui qui avait constitué le gage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2337 du code civil ;
2°/ que le contrat de bail signé entre M. X... et la société SCNR énonçait, en son article 7, que « le Preneur ne pourra dans aucun cas et sous aucun prétexte céder son droit au présent bail, ni sous-louer tout ou partie les locaux loués, sans le consentement exprès et par écrit du Bailleur » ; qu'en énonçant, pour juger que la présence d'un affichage dans et sur les locaux repris par le bailleur constituait un acte intervenu en fraude des droits du bailleur, que la société SCNR avait contrevenu aux dispositions de son bail pour avoir mis à la disposition une partie des locaux loués à la société Segage, acte qui n'était pourtant nullement interdit par le contrat de bail signé le 22 février 2008, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce contrat et a, dès lors, violé les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que, selon l'article 128 du décret du 31 juillet 1992, le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peu demander au juge de l'exécution d'en ordonner la distraction ; qu'en énonçant, pour juger que M. X... n'avait aucun moyen de douter de l'efficacité de sa saisie, que le texte précité ouvrait une action en distraction devant le juge de l'exécution à la banque, qui ne revendiquait pourtant pas la qualité de propriétaire des biens, mais seulement celle de créancier gagiste, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de ce texte ;
4°/ que la banque avait produit aux débats le procès-verbal d'expulsion du 30 septembre 2009, établi à la demande de M. X..., dans lequel était expressément constatée la présence de marchandises stockées au profit de la société Segage en sa qualité de tiers détenteur, ainsi que le procès-verbal de constat du 15 octobre 2009, établi par la SCP Parent et Desneuf, dans lequel cet huissier de justice, également rédacteur de l'acte de saisie vente du 20 octobre 2009, avait procédé aux mêmes constatations et, enfin, la lettre qu'elle avait adressée, le 17 novembre 2009, à ce même huissier de justice en lui précisant sa « qualité de créancier inscrit titulaire d'un gage spécial sur le stock de marchandises objet de cette saisie » ; que la cour d'appel qui, après avoir rappelé que l'article 130 du décret du 31 juillet 1992 permettait à la banque de saisir de sa contestation sur la saisissabilité des biens au regard de son droit de gage, l'huissier qui lui-même devait saisir le juge de l'exécution de cette difficulté d'exécution, a néanmoins jugé qu'à défaut de toute manifestation de la banque en vertu, notamment, du texte rappelé, M. X... n'avait aucun moyen de douter de l'efficacité de sa saisie, a dénaturé les pièces régulièrement versées aux débats par l'exposante, en violation de l'article 1134 du code civil ;
5°/ que la procédure d'opposition prévue par les articles 118 et 119 du décret du 31 juillet 1992 n'est applicable qu'aux créanciers visés par l'article 50 de la loi du 9 juillet 1992 et ne s'applique pas, en conséquence, aux créanciers bénéficiaires d'un droit de gage avec dépossession lesquels peuvent, en application de l'article 2347 du code civil, se voir attribuer le bien en pleine propriété ; qu'en énonçant, par motifs adoptés des premiers juges, qu'à défaut d'avoir dénoncé à M. X... une opposition dans les formes des articles 118 et 119 du décret du 31 juillet 1992, la banque ne pouvait participer à la distribution du prix des marchandises vendues, la cour d'appel a violé, par fausse application, les dispositions de ces textes ;
Mais attendu qu'ayant retenu que c'est en contrevenant aux dispositions de son titre locatif, qu'elle n'a pas dénaturées, que la société SCNR avait mis à la disposition de la société Segage une partie des locaux que lui donnait à bail M. X... afin d'y détenir les marchandises gagées au profit de la banque, la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain, considéré que c'est en fraude des droits du bailleur que la société SCNR avait ainsi consenti à cette modalité d'exécution du gage ; que, par ce seul motif, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir sur le premier moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait condamné la banque à signifier à M. X... le procès-verbal de vente et à lui restituer le produit de la vente dans la limite de 48 125,56 euros, le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé un délai de huit jours suivant la signification du jugement, entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile la censure de ce chef de l'arrêt ;
2°/ que la cassation à intervenir sur le deuxième moyen qui s'attaque au chef de l'arrêt ayant confirmé le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré le gage et sa réalisation inopposables à la procédure de saisie-vente initiée par M. X..., entraînera, également par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile la censure de ce chef de l'arrêt ;
Mais attendu que les deux premiers moyens ayant été rejetés, le moyen qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.