Cass. com., 13 avril 2023, n° 21-23.076
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
SDR Rhône-Alpes (SARL)
Défendeur :
Aesio santé sud Rhône-Alpes (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
M. Regis
Avocat général :
M. Douvreleur
Avocats :
SARL Le Prado-Gilbert, SCP Marc Lévis
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 30 mars 2021), le 30 avril 2004, l'Association départementale des amis et parents d'enfants inadaptés de l'Ain (l'ADAPEI) a conclu une convention tripartite avec, d'une part, la société l'Atelier protégé Drôme Pack, aux droits de laquelle est ensuite venue la société Eovi handicap (la société Eovi), lui conférant, en qualité de franchisé, la distribution exclusive des produits qu'elle fabriquait sur quatre départements et, d'autre part, la société SDR Rhône-Alpes (la société SDR), lui donnant mandat de représenter ce franchisé, en qualité d'agent commercial, sur le même territoire.
2. Le 23 janvier 2015, la société Eovi a notifié à la société SDR la résiliation, avec effet immédiat, du contrat, pour manquements graves à ses obligations contractuelles.
3. La société SDR a assigné la société Eovi en paiement d'une indemnité de fin de contrat. En cours de procédure, la société Aesio santé sud Rhône-Alpes (la société Aesio) est venue aux droits de la société Eovi.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. La société SDR fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « qu'en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que par exception, l'indemnité n'est pas due si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial ; que le mandant doit établir l'existence d'un lien de causalité entre la faute grave invoquée et sa décision de rompre le contrat, lien qui ne peut être constitué lorsque le manquement invoqué ne lui a été révélé que postérieurement à la rupture du contrat ; que la cour d'appel a constaté que la lettre de rupture du contrat d'agence commerciale par la mandante invoquait un manque de dynamisme de l'agent et l'absence de moyens suffisants affectés à la distribution de ses produits ; qu'en retenant que la faute grave privative de l'indemnité de fin de contrat était caractérisée en l'état d'actes de concurrence, après avoir relevé que l'existence d'une faute grave privant l'agent de son droit à indemnité pouvait être révélée postérieurement à la rupture dès lors qu'elle lui préexistait et que constituait une faute grave des manquements distincts des motifs invoqués par la mandante lors de la rupture, sans constater qu'ils en aient été la cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-13 du code de commerce, interprété à la lumière de l'article 18, a) de la directive 86/ 653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 134-12, alinéa 1, et L. 134-13 du code de commerce :
5. Aux termes du premier de ces textes, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. Selon le second, la réparation prévue à l'article L. 134-12 n'est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial.
6. Il résulte de ces textes que l'agent commercial, qui a commis un manquement grave, antérieurement à la rupture du contrat, dont il n'a pas été fait état dans la lettre de résiliation et qui a été découvert postérieurement à celle-ci par le mandant, de sorte qu'il n'a pas provoqué la rupture, ne peut être privé de son droit à indemnité.
7. Pour rejeter les demandes de la société SDR, après avoir énoncé que, pour s'opposer au principe de l'indemnisation de cette société à la suite de la rupture de son mandat d'agent commercial, il appartenait à la société Aesio de démontrer l'existence d'une faute grave imputable à cette société, à l'origine de la rupture, cette faute pouvant avoir été révélée postérieurement à la notification de la rupture, du moment qu'elle lui préexistait, l'arrêt relève que, par une lettre du 23 janvier 2015, la société Eovi a résilié le contrat, avec effet immédiat, pour manquements graves de la société SDR à ses obligations contractuelles, au titre d'un manque de dynamisme et de l'affectation insuffisante de moyens à la distribution de ses produits. Il ajoute qu'au mépris de ses obligations contractuelles, la société SDR a contribué à développer une activité directement concurrente de celle qui constituait l'objet de son contrat de représentation et en déduit que ce manquement constituait une faute grave rendant impossible, par son caractère déloyal et la perte de confiance qui en résultait, le maintien du lien contractuel.
8. En statuant ainsi, alors qu'il n'avait pas été fait état de ce manquement de la société SDR à son obligation de loyauté dans la lettre de résiliation de son mandat d'agent commercial et que ce manquement, qui était distinct de celui exposé dans cette lettre, avait été découvert postérieurement à la notification de la rupture du contrat, de sorte qu'il n'avait pas pu la provoquer, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble autrement composée.