CA Toulouse, 2e ch., 24 juillet 2019, n° 17/05186
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Egide (Selas)
Défendeur :
Caisse de Crédit Mutuel Saint Gaudens (SCOP), Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Toulous E 31 (SCOP), Société Générale (SA), Sofigarant (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Penavayre
Conseillers :
M. Delmotte, M. Sonneville
Exposé du litige
La société Ediloisir exerçait une activité de fabrication, de commerce de détail de produits, matériels et de toutes prestations se rapportant aux loisirs et à la nature.
Le 1er mars 2012, elle a consenti un gage sur stocks de marchandises au profit de la Société Générale, de la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de Toulouse(le Crédit Agricole) et de la caisse de Crédit Mutuel de Saint Gaudens(le Crédit Mutuel), en garantie du remboursement des ouvertures de crédit consenties par ces trois banques; les stocks ont été entreposés dans partie des locaux de la société, mis à la disposition d'un tiers détenteur, la société Sofigarant, suivant conventions de commodat.
Par jugement du 29 septembre 2015, le tribunal de commerce de Toulouse a ouvert le redressement judiciaire de la société Ediloisir, ce redressement étant converti en liquidation judiciaire par jugement du 30 mars 2017, la Selarl B. et associés, devenue la Selas Egide (le liquidateur) étant désignée liquidateur judiciaire.
Le liquidateur a engagé une action en inopposabilité à la procédure collective des gages sur stocks constitués au profit des trois banques.
Par jugement du 27 septembre 2017, le tribunal de commerce de Toulouse, qui a joint différentes instances,
- a débouté la Société Générale de sa 'demande d'irrecevabilité à agir' du liquidateur
- a débouté le liquidateur de ses demandes
a débouté la société Ediloisir et l'administrateur de leurs demandes
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile
Par déclaration du 30 octobre 2017, le liquidateur a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 26 avril 2018, le magistrat chargé de la mise en état a dit n'y avoir lieu à prononcer la caducité de la déclaration d'appel.
Vu les conclusions du 29 décembre 2017 du liquidateur demandant à la cour
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à voir déclarer le gage inopposable à la procédure collective
- de déclarer inopposables à la procédure collective les gages sur stocks constitués au profit du Crédit Mutuel, du Crédit Agricole et de la Société Générale à concurrence de 2 010 000€
- de condamner in solidum la société Sofigarant, le Crédit Mutuel, le Crédit Agricole et la Société Générale à lui payer la somme de 6000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions du 29 janvier 2018 du Crédit Mutuel demandant à la cour
- de confirmer le jugement
- de dire que la dépossession du gage constitué à son profit est effective
- de dire que son gage est opposable à la procédure collective
- de débouter le liquidateur de ses demandes
- de condamner le liquidateur à lui payer la somme de 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions du 29 janvier 2018 du Crédit Agricole demandant à la cour
- de confirmer le jugement
- de dire que la dépossession du gage constitué en sa faveur est effective
- de dire que son gage est opposable à la procédure collective
- de débouter le liquidateur de ses demandes
- de condamner le liquidateur à lui payer la somme de 3000e en application de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions du 26 janvier 2018 de la Société Générale demandant à la cour
A titre principal,
de constater la nullité de la déclaration d'appel, faute d'énonciation des chefs du jugement expressément critiqués en application de l'article 901-4° du code de procédure civile
A titre subsidiaire,
- de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile
- de condamner le liquidateur à lui payer la somme de 2000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance
- de condamner le liquidateur, au titre de l'instance d'appel, à lui payer la somme de 3000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les conclusions du 23 janvier 2018 de la société Sofigarant demandant à la cour
- de confirmer le jugement
- de dire que le liquidateur ne rapporte pas la preuve d'une dépossession équivoque des stocks gagés sur les sites de la société Ediloisir
- de déclarer irrecevables les attestations des salariés de la société Ediloisir comme moyens de preuve, ceux-ci ne pouvant justifier d'aucune indépendance au regard de leurs qualités de salariés et en l'état de la procédure collective dont fait l'objet leur employeur
- de dire que la dépossession des stocks sur lesquels portent les gages, conclus en faveur des banques, est réelle et apparente par l'apposition sur les locaux de la société Ediloisir de plaques au nom de la société Sofigarant, tiers détenteur et bénéficiaire d'un prêt à usage des magasins en vue d'assurer une dépossession des marchandises, objet du gage
- de dire que la faculté de substitution des stocks gagés, conventionnellement stipulée et faisant l'objet d'un contrôle de la part des délégués désignés d'un commun accord entre le tiers détenteur et le constituant du gage ne rend pas la déposession équivoque
- de rejeter les demandes adverses
- de condamner le liquidateur à lui payer la somme de 5000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile
Assigné par acte d'huissier du 3 janvier 2018, M. L., pris en sa qualité de dernier dirigeant de la société LPI Finance, société en liquidation judiciaire, elle-même dernier dirigeant de la société Ediloisir et la SCP C.Baron F., ès qualités, n'ont pas constitué avocat.
Vu l'avis du 25 janvier 2018 du ministère public, transmis aux parties via le RPVA, estimant que la cour doit confirmer le jugement.
La clôture de l'instruction du dossier est intervenue le 25 juin 2018.
Motifs
Attendu qu'en application de l'article 914 du code de procédure civile, la Société Générale n'est plus recevable à invoquer la nullité de la déclaration d'appel du liquidateur ; qu'il lui aurait appartenu de saisir préalablement le magistrat de la mise en état, exclusivement compétent, s'agissant d'une demande, susceptible d'entraîner, si elle était admise, des conséquences sur la recevabilité même de l'appel et constituant donc une question ayant trait à la recevabilité de l'appel au sens de l'article précité ; que la demande formée par la Société Générale sur le fondement de l'article 901, 4°, du code de procédure civile sera déclarée irrecevable.
Attendu qu'il convient toutefois d'observer que le liquidateur ayant formé un appel dénommé partiel, ce recours ne peut porter que sur les dispositions du jugement critiqué qui lui font grief soit celles qui le déboutent de l'ensemble de ses demandes et laissent à sa charge ses propres dépens.
Attendu au fond, que c'est par des motifs que la cour adopte qu'après avoir analysé les conventions intervenues entre les parties, le jugement, qui a relevé qu'en annexe de chaque convention de commodat figurait un plan définissant la zone prêtée à usage et réservée à la Société Sofigarant, ainsi que des photographies indiquant les emplacements sur lesquels figurent des plaques portant la mention''magasin prêté à usage à Sofigarant' en a déduit que ces informations permettaient aux tiers d'identifier l'occupant et de caractériser la dépossession ; qu'après avoir constaté que les contrats de gage litigieux incluaient une clause de substitution, le jugement retient que les conventions de gage prévoient que toute sortie de marchandises gagées est soumise à autorisation du tiers détenteur de même que toute entrée simultanée de marchandises de même nature et de même valeur en substitution ; que des salariés de la société Ediloisir ont été désignés par la société Sofigarant en accord avec leur employeur pour assurer la surveillance et la garde des marchandises gagées tandis que la société Sofigarant justifie que ces délégués ont exécuté leurs missions en contrôlant les mouvements de stocks et en éditant régulièrement des états des stocks qui lui étaient transmis.
Attendu que la faculté de substitution des marchandises gagées n'est pas de nature à contrecarrer la dépossession effective du gage ; que cette pratique, courante en matière de gage sur stocks portant sur des choses fongibles, permet au contraire de faciliter la vie de l'entreprise, s'agissant comme en l'espèce d'une société qui vendait du matériel, objet, par sa nature, de mouvements continuels et de renouvellement.
Attendu que pas davantage le procès verbal dressé le 11 décembre 2015 par un huissier de justice, sur la demande du liquidateur, n'est de nature à rendre équivoque la dépossession du gage alors que ces constatations ont été effectuées de manière partielle, sur un site de la société et non sur l'ensemble des magasins de la société, lesquels faisant l'objet de prêts à usage ; que si, la preuve s'effectue par tous moyens en matière commerciale et si, en conséquence, les déclarations des salariés de la société Ediloisir, recueillies par l'huissier instrumentaire, sont en soi recevables, il est patent que ces déclarations s'inscrivent dans le contexte de la période d'observation où les salariés, inquiets de leur avenir professionnel, qui souhaitent voir préserver leurs emplois, n'ont pas une entière liberté de parole; qu'au demeurant, les photographies prises par l'huissier révèlent la publicité du gage par l'apposition de plaques et d'affiches dans le site visité ; que l'accès de certains salariés à certaines marchandises gagées pour prélever dans les stocks des marchandises n'est pas de nature à rendre équivoque la possession par le tiers détenteur alors même qu'une faculté de substitution a été convenue entre les parties.
Attendu en conséquence, que c'est par des motifs que la cour adopte, que le tribunal a retenu le caractère public, apparent, effectif et non équivoque du gage sur stocks constitué au profit des trois établissements bancaires et en a déduit que cette sûreté était opposable à la procédure collective ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le liquidateur de ses demandes.
Que le jugement sera également confirmé, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile, en la cause, afin d'éviter d'alourdir le passif de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable la demande de la Société Générale fondée sur l'article 901-4° du code de procédure civile ;
Statuant dans les limites de l'appel partiel du liquidateur et de l'appel incident de la Société Générale, confirme le jugement en ce qu'il a débouté la Selas Egide, ès qualités, de l'ensemble de ses demandes et a laissé à sa charge ses propres dépens, et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Dit en conséquence que le gage sur stocks consenti au profit de la Société Générale, de la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de Toulouse et de la caisse de Crédit Mutuel de Saint Gaudens est opposable à la procédure collective de la société Ediloisir ;
Condamne la Selas Egide, ès qualités, aux entiers dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la Selas Egide, ès qualités, de la société Sofigarant, de la Société Générale, de la caisse régionale de Crédit Agricole mutuel de Toulouse et de la caisse de Crédit Mutuel de Saint Gaudens.