CSA, 29 mars 2019, n° 2017-187
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)
Avis
différend opposant la société Molotov TV SAS aux sociétés NRJ Group, NRJ 12 et Chérie HD
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schrameck
Vu le code civil ;
Vu la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment son article 17-1 ;
Vu le décret no 2006-1084 du 29 août 2006 pris pour l’application de l’article 17-1 de la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée et relatif à la procédure de règlement des différends par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ;
Vu la délibération du 9 avril 2014 fixant le règlement intérieur du Conseil supérieur de l’audiovisuel, notamment ses articles 17 à 23 ;
Vu la demande, enregistrée le 20 octobre 2016 sous le numéro RD-2016/03, présentée pour la société Molotov TV SAS, dont le siège social est situé 11, rue Laborde à Paris (75008), représentée par son représentant légal, M. Jean-David Blanc, et par Me Patrick Dunaud ;
La société Molotov TV SAS demande, sur le fondement des dispositions de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 :
– à titre principal, que le CSA constate qu’aux termes de longues négociations un accord était intervenu entre le groupe NRJ et Molotov TV sur la distribution des chaînes de télévision NRJ 12, Chérie 25 et NRJ Hits ainsi que de leurs services de télévision de rattrapage associés et en conséquence, fasse injonction au groupe NRJ de conclure cet accord dans un bref délai, ou, à défaut, fasse injonction au groupe NRJ de communiquer à bref délai à Molotov TV ses conditions générales de distribution permettant à ce distributeur de bénéficier d’un traitement objectif, équitable et non discriminatoire ;
– à titre secondaire, que le CSA dise que l’accord prévu par l’article L. 331-9 du code de la propriété intellectuelle ne peut porter que sur « les fonctionnalités du service de stockage », sans qu’il puisse servir de prétexte à un refus de contracter, à l’imposition de conditions particulières, y compris une rémunération, ni à conditionner l’exercice de l’exception de copie privée, et fasse injonction au groupe NRJ de respecter ces principes ;
Elle soutient :
– que la société Molotov TV SAS a sollicité auprès du groupe NRJ l’ouverture de négociations sur la reprise de ses chaînes NRJ 12, Chérie 25 et NRJ Hits, ainsi que sur les services de télévision de rattrapage associés ; que le groupe NRJ a accepté d’entrer en négociation, en formulant un certain nombre de demandes sur le plan commercial et financier, équivalentes à une offre de contrat ;
– que ces demandes ont fait l’objet de négociations, pour aboutir à un accord sur la chose et sur le prix ;
– que le refus définitif du groupe NRJ ne peut être justifié par aucun motif d’ordre objectif ou équitable et constitue un traitement discriminatoire du nouvel entrant, en particulier après l’avoir induit en erreur pendant de longs mois ;
– que la société Molotov TV SAS a toujours précisé que, dès le vote de la loi dite « création » et l’ouverture de son service au grand public, elle entendait faire bénéficier ses abonnés de la fonctionnalité d’enregistrement ; que, pour sa part, le groupe NRJ a dans un premier temps soutenu que cette nouvelle fonctionnalité bouleversait l’économie de l’accord avec la société Molotov TV SAS et nécessitait un examen précis et détaillé, pour finalement refuser toute distribution de ses chaînes ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2016, présenté par la société NRJ Group qui conclut au rejet de l’ensemble des demandes de la société Molotov TV SAS ;
Elle soutient :
– à titre principal, l’irrecevabilité manifeste de la saisine de la société Molotov TV SAS, d’une part pour défaut de qualité de la société NRJ Group à être mise dans la cause, en tant que la société NRJ Group est la société holding de tête de groupe, que la société NRJ Group n’a pas d’activité opérationnelle et, en particulier, n’est pas éditrice de services de télévision, d’autre part pour défaut d’existence juridique du « groupe NRJ », de sorte que le CSA n’est pas en mesure de lui adresser une quelconque injonction ;
– à titre subsidiaire, l’irrecevabilité de la demande tendant à constater qu’un accord est intervenu et à enjoindre au « groupe NRJ » de conclure cet accord, en tant qu’une telle demande est entachée d’une contradiction manifeste ; que le CSA n’est pas en mesure de répondre à une telle demande puisqu’à supposer qu’un accord soit déjà intervenu, le CSA n’aurait plus aucune injonction à adresser au groupe NRJ ;
– l’irrecevabilité de la demande, en ce qu’elle excède les pouvoirs de règlement de différends du CSA puisque les sociétés du groupe disposent d’un droit exclusif sur les programmes diffusés sur les chaînes qu’elles éditent pour en autoriser ou en interdire l’exploitation par tout tiers ; que les sociétés du groupe n’ont aucune obligation légale de mettre à la disposition de la société Molotov TV SAS les chaînes qu’elles éditent ; que les sociétés éditrices de chaînes du groupe doivent pouvoir jouir de leur liberté commerciale et de leur liberté contractuelle, principes constitutionnellement protégés ; que le CSA n’est pas compétent pour faire injonction de conclure un accord ; que le CSA ne dispose pas en l’espèce du pouvoir d’enjoindre de faire une offre en application de la décision du Conseil d’Etat Société Métropole Télévision ; qu’en effet, la société Molotov TV SAS et les sociétés du groupe NRJ ne sont pas dans une relation contractuelle, dès lors que la société Molotov TV SAS n’apporte pas la preuve qu’un accord aurait été conclu, que la formation d’un contrat nécessite que chacune des parties manifeste sa volonté de s’engager sur l’ensemble des éléments essentiels dudit contrat, que la conclusion de contrats plus complexes, comme celui dont il est question ici, nécessite que les parties se mettent d’accord sur un nombre important d’éléments, qu’il n’y a jamais eu en l’espèce d’accord sur l’ensemble des éléments essentiels du contrat de distribution proposé par la société Molotov TV SAS et que la société NRJ Group n’a jamais manifesté sa volonté de s’engager ; que la société NRJ Group n’a jamais formulé d’offre de contrat à l’attention de la société Molotov TV SAS, tout au plus la participation de la société NRJ Group à des négociations équivaut-elle à une invitation à entrer en pourparlers ;
– l’absence d’objet de la demande subsidiaire de faire injonction au « groupe NRJ » de communiquer ses conditions générales de distribution dans la mesure où un tel document n’existe pas et que l’édition de chaînes en vue de leur commercialisation est une activité incompatible avec l’établissement a priori de conditions générales ; que la spécificité des relations entre éditeurs et distributeurs de chaînes, a fortiori en OTT, s’oppose également à une obligation pour les chaînes d’établir des conditions générales de distribution ;
– que les dispositions de l’article L. 331-9 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas applicables en l’espèce dans la mesure où la société Molotov TV SAS n’est pas à ce jour un distributeur des services de radio ou de télévision édités par une des sociétés du groupe NRJ ; que rien n’interdit à un éditeur de conditionner la mise à disposition de ses chaînes à un accord préalable sur les modalités techniques précises du service d’enregistrement et de stockage de programmes que le distributeur entend mettre à la disposition de ses abonnés ;
Vu les observations en réplique, enregistrées le 28 novembre 2016, présentées par la société Molotov TV SAS, qui conclut aux mêmes fins que sa demande par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre :
– que la holding NRJ Group est parfaitement en mesure de conclure un contrat pour la distribution des services en cause ; que ni l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, ni le décret pris pour son application n’imposent à peine d’irrecevabilité que les sociétés ayant signé les conventions avec le CSA soient mises en cause ; que ce sont les représentants de la société NRJ Group qui ont mené les négociations avec la société Molotov TV SAS ;
– que les arguments tirés de l’absence de personnalité juridique du « groupe NRJ » sont inopérants car aucun texte n’impose que la saisine du CSA comprenne l’énoncé précis de demandes ;
– que le caractère objectif des relations contractuelles implique que les décisions prises doivent être fondées sur des justifications cohérentes et ne pas poursuivre un autre but que celui en vue duquel leurs auteurs affirment les avoir prises ; que c’est uniquement le vote de la loi autorisant l’extension du régime de copie privée au « cloud » qui a servi de prétexte juridique à la société NRJ group pour ne pas apposer sa signature sur l’accord ; que les objections de la société NRJ Group n’étaient pas applicables à la société Molotov TV SAS ; que les justifications apportées par la société NRJ Group dans le cadre du présent règlement de différend n’ont jamais été évoquées durant les négociations ; qu’elles ne peuvent donc pas être considérées comme objectives ; qu’il n’est pas contestable que la société NRJ Group et la société Molotov TV SAS ont trouvé un accord de principe sur la distribution de ses chaînes ;
– que le caractère équitable des relations contractuelles s’apprécie au regard des principes figurant à l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, des conséquences de la décision en cause pour les intéressés, de la possibilité de maintenir le positionnement de la chaîne et d’assurer le respect de sa convention avec le CSA et de l’utilité de ce qui est facturé le cas échéant ; que l’équité s’apprécie en soi et est soutenue par les principes de bonne foi et de transparence qui doivent présider aux négociations ; qu’il est contraire à l’équité de s’engager dans des négociations puis de se désengager de celles-ci ; que le devoir de loyauté se pose comme une limite à la liberté contractuelle, celui-ci devant se manifester tout au long des négociations ; que le respect de la bonne foi fait ainsi partie des limites fixées par la loi à la liberté contractuelle ; que le CSA est compétent pour constater que la société NRJ Group a manqué à son obligation de bonne foi et pour en tirer les conséquences qui s’imposent ;
– que le caractère non-discriminatoire s’apprécie comme le respect du principe d’égalité ; que le principe de neutralité technologique s’oppose a fortiori à ce qu’un nouveau service innovant puisse faire l’objet d’un traitement discriminatoire favorisant les distributeurs classiques et historiques ; que les chaînes du groupe NRJ bénéficient d’une distribution OTT, soit par sa propre application NRJ play soit par d’autres distributeurs ;
– que la société NRJ Group allègue ne pas être tenue de communiquer ses conditions générales de distribution, malgré les prescriptions du 1er alinéa du I de l’article 441-6 du code de commerce ; que la société NRJ Group se doit de justifier auprès du CSA les critères objectifs l’autorisant à conclure des accords de distribution en OTT avec quatre opérateurs télécoms et le groupe Canal Plus, et non avec la société Molotov TV SAS ;
Vu les nouvelles observations en défense, enregistrées le 5 décembre 2016, présentées par les sociétés NRJ Group, NRJ 12 et Chérie HD, qui concluent aux mêmes fins que le précédent mémoire de la société NRJ Group par les mêmes moyens ;
Elles soutiennent en outre :
– qu’un contrat de distribution emporte concession d’exploiter des droits de propriété intellectuelle dont seules les sociétés éditrices sont titulaires ;
– que le CSA ne peut répondre à une saisine dans laquelle il lui est demandé d’adresser une injonction à une entité juridiquement inexistante ;
– que les nouvelles pièces produites par la société Molotov TV SAS témoignent des discussions engagées et non d’un accord ; que les pièces nouvelles ne constituent ni une preuve, ni un indice, de la conclusion d’un contrat, que la société Molotov TV SAS ne conteste pas que la société NRJ Group a été claire sur le fait que la conclusion d’un contrat nécessitait non seulement un accord commercial et financier mais également un accord juridique ; que les parties n’ont jamais négocié le contenu du dernier projet de contrat adressé par la société Molotov TV SAS et que par conséquent, la société NRJ Group n’a jamais donné son accord sur une série d’éléments essentiels à un contrat de distribution ;
– qu’un accord n’aurait en tout état de cause pas pu être conclu entre la société NRJ Group et la société Molotov TV SAS sans autorisation préalable du conseil d’administration de la société NRJ Group, en application des dispositions de l’article L. 225-38 du code de commerce ;
– qu’en l’absence de relation contractuelle ou de toute offre de contrat, le CSA ne disposerait du pouvoir de prononcer une injonction que si elle était nécessaire pour mettre en œuvre une obligation légale de mise à disposition ou pour prévenir une atteinte caractérisée à l’un des principes énumérés à l’article 17-1 ; que la société Molotov TV SAS ne le soutient pas ;
– qu’à titre subsidiaire, le constat d’une faute commise dans la rupture de pourparlers ne peut pas être sanctionné par la formation forcée d’un contrat ;
– que le refus de la société NRJ Group se justifie par des raisons objectives, telle que l’absence d’intérêt commercial ; que la société Molotov TV SAS représente une menace pour l’audience des services édités par les sociétés du groupe NRJ, à savoir l’audience des services linéaires sur les plateformes traditionnelles, l’audience des services de télévision de rattrapage en raison des facilités d’enregistrement des programmes, l’audience des sites internet des sociétés du groupe NRJ ; que l’absence de garanties adéquates offertes par la société Molotov TV SAS justifie le refus de la société NRJ Group ; qu’en effet, la société Molotov TV SAS n’entendait pas négocier avec la société NRJ Group les fonctionnalités de son service de stockage ; que par ailleurs, la société Molotov TV SAS a refusé d’apporter la moindre garantie contre d’éventuelles réclamations émanant d’ayants droit ;
– que le refus de la société NRJ Group n’est pas discriminatoire, dès lors que l’offre de la société Molotov TV SAS n’est pas comparable à celle des autres distributeurs de services, puisque la société Molotov TV SAS offre un accès gratuit à un bouquet de télévision et une fonctionnalité d’enregistrement et de stockage supérieure à celle des autres distributeurs de services ;
Vu la décision du directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 28 octobre 2016 nommant M. Le Dorze en qualité de rapporteur et M. Tabard en qualité de rapporteur-adjoint pour l’instruction du présent règlement de différend ;
Vu le calendrier de procédure adopté par le Conseil supérieur de l’audiovisuel lors du collège plénier du 9 novembre 2016 ;
Vu la décision d’extension du délai et le nouveau calendrier de procédure adoptés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel lors du collège plénier du 14 décembre 2016 ;
Vu la mesure d’instruction adoptée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel lors du collège plénier du 14 décembre 2016, relative à la communication d’un moyen soulevé d’office ;
Vu les observations des parties au litige à la suite de la mesure d’instruction ; Vu les autres pièces du dossier ;
Après avoir entendu le mercredi 15 mars 2017, lors de la séance d’examen du différend :
– le rapport de M. Le Dorze ;
– les observations de Me Dunaud et Me Barbizet, pour la société Molotov TV SAS ;
– les observations de Me Theophile et Me Aubron, pour les sociétés du groupe NRJ ;
Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur ;
1. Considérant qu’à compter du mois de janvier 2015, la société Molotov TV SAS s’est rapprochée de la société NRJ Group en vue d’organiser la distribution des chaînes de ce groupe dans son offre, à savoir les services NRJ 12, Chérie 25 et NRJ Hits ; que ces échanges ont été interrompus le 11 septembre 2015, avant de reprendre au cours du premier trimestre 2016 ; que ces nouveaux échanges se sont prolongés jusqu’au 19 septembre 2016, date à laquelle la société NRJ Group a signifié son intention de ne pas voir ses chaînes et programmes diffusés sur la plateforme « Molotov » ;
2. Considérant que la société Molotov TV SAS a saisi le CSA, sur le fondement de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, d’une demande en règlement de différend, enregistrée sous le numéro RD-2016/03, tendant à que le CSA constate « qu’aux termes de longues négociations un accord était intervenu entre le groupe NRJ et Molotov TV sur la distribution des chaînes de télévision NRJ 12, Chérie 25 et NRJ Hits ainsi que de leurs services de télévision de rattrapage associés et en conséquence, faire injonction au groupe NRJ de conclure cet accord dans un bref délai, ou à défaut, faire injonction au groupe NRJ de communiquer à bref délai à Molotov TV ses conditions générales de distribution permettant à ce distributeur de bénéficier d’un traitement objectif, équitable et non discriminatoire » ; à titre secondaire, à ce que le CSA dise « que l’accord prévu par l’article 331-9 du code de la propriété intellectuelle ne peut porter que sur « les fonctionnalités du service de stockage » sans que ledit accord ne puisse servir de prétexte à un refus de contracter, à l’imposition de conditions particulières, y compris une rémunération, et sans que ledit accord puisse conditionner l’exercice de l’exception de copie privée et faire injonction au groupe NRJ de respecter ces principes » ;
Sur la demande tendant à ce que le CSA constate qu’aux termes de longues négociations un accord était intervenu entre le groupe NRJ et Molotov TV sur la distribution des chaînes de télévision NRJ 12, Chérie 25 et NRJ Hits ainsi que de leurs services de télévision de rattrapage associés et en conséquence, fasse injonction au groupe NRJ de conclure cet accord dans un bref délai ou, à défaut, fasse injonction au groupe NRJ de communiquer à bref délai à Molotov TV ses conditions générales de distribution permettant à ce distributeur de bénéficier d’un traitement objectif, équitable et non discriminatoire :
En ce qui concerne la compétence du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour connaître d’une telle demande :
3. Considérant qu’aux termes de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut être saisi par un éditeur ou par un distributeur de services, par une des personnes mentionnées à l’article 95 ou par un prestataire auquel ces personnes recourent, de tout différend relatif à la distribution d’un service de radio, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande, y compris aux conditions techniques et financières de mise à disposition du public de ce service, lorsque ce différend est susceptible de porter atteinte au caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences de service public, aux missions de service public assignées aux sociétés nationales de programme mentionnées à l’article 44 ou à leurs filiales répondant à des obligations de service public, à La Chaîne parlementaire mentionnée à l’article 45-2, à la chaîne Arte et à la chaîne TV5, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes, ou lorsque ce différend porte sur le caractère transparent, objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes et de services ou de leur numérotation ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services. » ;
4. Considérant que la société Molotov TV SAS demande au Conseil supérieur de l’audiovisuel de prononcer une injonction à l’encontre de la société NRJ Group afin que cette dernière signe l’accord qui aurait été conclu entre elles ; que toutefois, ce différend relatif au refus de signature de la société NRJ Group d’un contrat que la société Molotov TV SAS estime avoir conclu ne porte pas sur le caractère transparent, objectif, équitable et non discriminatoire des relations contractuelles entre ces deux sociétés ; qu’un tel différend ne relève pas, dès lors, de la compétence du CSA ; que par suite, les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la société NRJ Group de signer l’accord qui se serait légalement formé entre les parties au différend doivent être rejetées ;
5. Considérant qu’en tout état de cause les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la société NRJ Group de signer l’accord qui se serait légalement formé entre les parties au différend ne pourraient qu’être rejetées, dès lors que le différend entre les parties n’est pas né dans le cadre d’une relation contractuelle ou d’une offre de contrat ; qu’en effet, l’article 1134 du code civil dispose, dans sa rédaction alors en vigueur à la date à laquelle le contrat aurait été conclu : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites (…) » ; qu’aux termes de l’article 1582 du même code : « La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer (…) » ; qu’une proposition de contracter ne constitue une offre de contrat que si elle indique la volonté de son auteur d’être lié en cas d’acceptation, et qu’elle comporte tous les éléments essentiels du futur contrat, sans être assortie d’aucune condition ou réserve ;
6. Considérant, d’une part, que la société Molotov TV SAS soutient qu’après avoir sollicité la société NRJ Group, celle-ci a accepté d’entrer en négociation, en formulant un certain nombre de demandes sur le plan commercial et financier, équivalentes à une offre de contrat ; qu’elle soutient que les demandes de la société NRJ Group ont fait l’objet de négociations, pour aboutir à un accord sur la chose et sur le prix ; que ce contrat porterait sur la reprise intégrale et simultanée des chaînes NRJ 12, Chérie 25 et NRJ Hits, ainsi que sur les services de rattrapage associés ; qu’au soutien de son argumentation, la société Molotov TV SAS produit notamment des projets de contrat et des courriels émanant de la société NRJ Group relatifs à des réunions et relatant des discussions sur les conditions techniques et financières de distribution ;
7. Considérant toutefois, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que la société NRJ Group, sollicitée par la société Molotov TV SAS, a seulement invité cette dernière à approfondir les discussions, notamment sur les conditions techniques et financières, sans que de telles propositions de réunion ou de discussions ne révèlent la formulation d’une quelconque offre de contrat ; qu’en deuxième lieu, si la société Molotov TV SAS produit des échanges de courriels selon lesquels les présidents respectifs des sociétés en présence se seraient accordés sur certaines stipulations du contrat, ces échanges sont insuffisants pour établir un accord de volonté ; qu’aucun autre élément ne vient étayer ces assertions ; qu’à l’inverse, les éléments produits par la société NRJ Group permettent de caractériser l’absence de tout accord de volonté entre les présidents des deux sociétés ; qu’en troisième lieu, si la société Molotov TV SAS soutient qu’un accord de principe aurait été conclu entre les deux sociétés, aucun élément issu de l’instruction ne permet de l’établir ; qu’au demeurant, la conclusion d’un accord de principe ne peut révéler un quelconque accord de volonté sur un contrat définitif ; qu’il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la société Molotov TV SAS, la société NRJ Group n’a pas entendu formuler de demandes sur le plan commercial et financier équivalentes à une offre de contrat exprimant sa volonté d’être liée en cas d’acceptation par la société Molotov TV SAS ou inversement, entendu accepter l’offre de contrat formulée par la société Molotov TV SAS ;
8. Considérant, d’autre part, que la société Molotov TV SAS soutient que les demandes de la société NRJ Group ont fait l’objet de négociations, pour aboutir à un accord sur la chose et sur le prix, faisant naître un contrat de distribution entre les parties ; que, toutefois, un contrat de distribution n’est pas assimilable à un contrat de vente car il n’emporte pas transfert de propriété au sens des dispositions précitées de l’article 1582 du code civil ; que les éléments essentiels d’un contrat de distribution sont ceux qui sont considérés comme tels par les parties elles- mêmes ; qu’à cet égard, il résulte de l’instruction que la société NRJ Group a considéré comme essentiels les éléments relatifs à la contrepartie financière, aux fonctionnalités, aux conditions techniques et, enfin, à l’enregistrement des chaînes au regard de la copie privée ; qu’aucune disposition, législative ou réglementaire, n’interdisait à la société NRJ Group de regarder comme essentielle à la formation d’un contrat cette dernière condition ; qu’il résulte de ce qui précède que la société NRJ Group ne peut être regardée comme ayant formulé à destination de la société Molotov TV SAS une offre comprenant les éléments essentiels du contrat envisagé ;
9. Considérant, enfin, que la société Molotov TV SAS produit une attestation sur l’honneur de son Président, M. Jean-David Blanc, selon laquelle il aurait négocié « un accord commercial avec la société NRJ Group, portant sur les conditions financières du contrat de distribution des chaînes NRJ 12, NRJ Hits et Chérie 25 par Molotov, soit un contrat (…) incluant le live, le replay et le replay sans pub (…) » ; que, toutefois, cette attestation n’est pas de nature à révéler l’existence d’un contrat entre les parties au différend ;
10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le différend entre les parties n’est pas né dans le cadre d’une relation contractuelle ou d’une offre de contrat ; qu’ainsi les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la société NRJ Group de signer l’accord qui se serait légalement formé entre les parties au différend ne pourraient en tout état de cause qu’être rejetées ;
11. Considérant qu’à supposer que le présent différend doive être regardé comme portant sur le refus de la société NRJ Group de contracter avec la société Molotov TV SAS pour la distribution de ses services de télévision, et que les conclusions de la société Molotov TV SAS doivent être regardées comme tendant à ce qu’il soit enjoint à la société NRJ Group de lui faire une offre de contrat, les pouvoirs conférés par le législateur au Conseil supérieur de l’audiovisuel au titre de sa mission de règlement de différends doivent être conciliés avec la liberté contractuelle dont disposent, dans les limites fixées par la loi, les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle ; que lorsque le différend qui lui est soumis naît dans le cadre d’une relation contractuelle entre un éditeur et un distributeur ou d’une offre de contrat, il lui est loisible, pour assurer le respect de l’ensemble des principes et obligations énumérés à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, de prononcer, sous le contrôle du juge, des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l’exécution des conventions entre les parties au différend, y compris, si les circonstances de l’espèce l’exigent, l’injonction de faire à l’autre partie une nouvelle offre de contrat conforme à certaines prescriptions ; qu’en revanche, quand il est saisi d’un différend en l’absence de relation contractuelle ou de toute offre de contrat, ce que les dispositions de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 permettent, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne dispose du pouvoir de prononcer une telle injonction de faire une offre que, d’une part, envers un opérateur à qui la loi fait expressément obligation de mettre à disposition un service ou de le reprendre ou, d’autre part, dans le cas où cette injonction est nécessaire pour prévenir une atteinte caractérisée à l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences de service public, aux missions de service public assignées aux sociétés nationales de programme mentionnées à l’article 44 ou à leurs filiales répondant à des obligations de service public, à La Chaîne parlementaire mentionnée à l’article 45-2, à la chaîne Arte et à la chaîne TV5, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes ;
12. Considérant qu’il résulte des points 5 à 10 de la présente décision que le différend entre les parties n’est pas né dans le cadre d’une relation contractuelle ou d’une offre de contrat ; que la société Molotov TV SAS n’établit, ni même n’allègue, le risque d’atteinte caractérisée à l’un des principes énumérés à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, de même, elle n’établit, ni même n’allègue, l’existence d’une disposition législative susceptible d’astreindre les sociétés du groupe NRJ à mettre à disposition le signal des services de télévision NRJ 12, Chérie 25 et NRJ Hits ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que ces sociétés soient astreintes à une telle obligation ou qu’une atteinte aux principes énumérés par les dispositions de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 puisse être caractérisée ; qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés du groupe NRJ, les conclusions de la société Molotov TV SAS doivent en tout état de cause être rejetées ; que doivent également être rejetées par voie de conséquence les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint au groupe NRJ de communiquer à bref délai à la société Molotov TV SAS ses conditions générales de distribution ;
Sur la demande tendant à ce que le CSA dise que l’accord prévu par l’article L. 331-9 du code de la propriété intellectuelle ne peut porter que sur les fonctionnalités de stockage sans que ledit accord ne puisse servir de prétexte à un refus de contracter, à l’imposition de conditions particulières, y compris une rémunération, et sans que ledit accord puisse conditionner l’exercice de l’exception de copie privée, et fasse injonction au groupe NRJ de respecter ces principes :
13. Considérant que les dispositions de l’article 17-1 précitées ne permettent pas aux parties au différend de saisir le CSA d’une demande en interprétation de la loi ; que ces conclusions doivent être rejetées ;
Décide :
Art. 1er.– Les conclusions de la société Molotov TV SAS sont rejetées.
Art. 2. – La présente décision sera notifiée aux sociétés Molotov TV SAS, NRJ Group, Chérie HD et NRJ 12 et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré le 29 mars 2017 par M. Olivier Schrameck, président, Mme Mémona Hintermann-Afféjee, M. Nicolas Curien, Mme Nathalie Sonnac, M. Jean-François Mary et Mme Carole Bienaimé-Besse, conseillers.