Livv
Décisions

CA Lyon, 3e ch. a, 18 octobre 2012, n° 10/05800

LYON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

BNP Paribas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tournier

Conseillers :

Mme Homs, M. Bardoux

Avocats :

Me Mounier, SCP Brondel Tudela, SCP Aguiraud Nouvellet, Me Aguiraud

T. com. Lyon, du 3 juin 2010, n° 2009j20…

3 juin 2010

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 17 novembre 2008, la société FORTIS BANQUE a déclaré sa créance au passif de la SA B CORP placée en redressement judiciaire par jugement du 15 octobre 2008 puis elle a poursuivi Christian W. en qualité de caution solidaire.

Celui-ci ayant contesté les réclamations, par acte du 3 juillet 2009, la société FORTIS BANQUE l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Lyon pour voir prononcer sa condamnation, en qualité de caution solidaire, au paiement des sommes de :

* 183.000 € au titre d'un cautionnement donné par acte du 9 janvier 2008 spécialement affecté à la garantie du compte courant de la SA B CORP,

* 76.224,51 € au titre d'un cautionnement général donné par acte du 26 juin 2001.

Par jugements du 13 janvier 2010 puis du 24 mars 2010, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la liquidation judiciaire de la SA B CORP et a arrêté la cession des éléments actifs et du personnel au profit de la SAS RT INTERNATIONAL.

Par jugement en date du 3 juin 2010, le tribunal de commerce de Lyon a :

- condamné Christian W. en sa qualité de caution solidaire de la SA CORP à verser à la société FORTIS BANQUE la somme de 259.224,51 €,

- débouté Christian W. de ses demandes de sursis à statuer et délai de paiement et de toutes autres demandes,

- condamné Christian W. à payer à la société FORTIS BANQUE la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Christian W. a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2012, Christian W. demande à la cour de :

- le recevoir dans son appel,

- réformer le jugement entrepris,

- dire que la SA BNP PARIBAS n'est plus recevable à lui demander paiement de sa créance dans la mesure où la créance est éteinte en vertu des dispositions de l'article 2286 alinéa 4 du code civil et de l'article L. 642-12 alinéa 5 du code de commerce,

- dire et juger que la SA BNP PARIBAS aurait dû demander le paiement de l'intégralité des sommes au cessionnaire en application des articles précités,

- dire et juger qu'en omettant de réclamer ces sommes, la banque a engagé sa responsabilité,

- dire et juger qu'il a subi un préjudice qui ne peut être réparé que par des dommages et intérêts au moins égaux au montant des éventuelles sommes qui seraient dues par lui,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que son engagement de caution ne peut porter que sur la somme de 142.800 € ,

à titre infiniment subsidiaire

- constater que la SA BNP PARIBAS ne peut se prévaloir des contrats de cautionnement qu'il a signé dans la mesure où ces derniers ne respectent pas les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation et les déclarer nuls,

en conséquence

- dire et juger la nullité des actes de cautionnement des 26 juin 2001 et 9 janvier 2008 dont se prévaut la SA BNP PARIBAS,

- en toute hypothèse

- condamner la SA BNP PARIBAS à la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SA BNP PARIBAS aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront directement recouvrés par la SCP BRONDEL et TUDELA conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 11 janvier 2012, la SA BNP PARIBAS

demande à la cour de :

- débouter Christian W. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce en toutes ses dispositions,

- le condamner aux entiers dépens distraits au profit de la SCP AGUIRAUD NOUVELLET.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 avril 2012.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'extinction de la créance :

Christian W. soutient que la créance de la SA BNP PARIBAS est éteinte par application des dispositions des articles 2286 alinéa 4 du code civil et L. 642-12 alinéa 5 du code du commerce au motif que le prix de la cession des actifs de la SA B CORP a été affecté à hauteur de 400.000 € au fonds de commerce de Lille, que la banque dispose d'un nantissement sur ce fonds de commerce à hauteur de 383.000 € , que ce nantissement est opposable au cessionnaire et lui permet d'obtenir le paiement de sa créance par préférence à toutes les créances privilégiées sur le quantum du prix de la cession affectée au fonds de commerce de Lille.

Subsidiairement, il fait valoir que si la SA BNP PARIBAS ne prouve pas l'extinction de sa créance, elle a engagé sa responsabilité puisqu'elle a empêché la caution de pourvoir bénéficier de l'extinction de la créance et qu'elle lui a ainsi causé un préjudice devant être réparé par des dommages et intérêts d'un montant égal au montant de la créance que la banque prétend avoir à la liquidation.

L'article L. 642-12 alinéa 1 du code de commerce prévoit que lorsque la cession porte sur des biens grevés d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, une quote part du prix est affectée par le tribunal à chacun de ces biens pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence.

L'alinéa 5 de ce même texte indique que les dispositions de cet article n'affectent pas le droit de rétention acquis par un créancier sur les biens compris dans la cession.

Selon l'article 2286 alinéa 4 du code civil, celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose.

Le gage est défini par l'article 2333 du code civil comme une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels présents ou futurs.

Selon l'article 2355 du code civil, le nantissement est l'affectation, en garantie d'une obligation, d'un bien meuble incorporel ou d'un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs.

Le nantissement d'un fonds de commerce ne porte pas donc pas sur une chose corporelle et de ce fait, il ne confère pas au créancier un droit de rétention ; dès lors les prérogatives inhérentes à cette garantie spécifique ne sont pas attachées au nantissement du fonds de commerce.

En conséquence, le moyen développé par Christian W. sur l'extinction de la créance principale par l'effet d'un droit de rétention opposable au cessionnaire n'est pas fondé.

Sur le montant des engagements :

Christian W. expose :

- que le cautionnement donné le 22 juin 2001 d'un montant de 76.224,51 € était affecté à un prêt destiné à l'acquisition d'un fonds de commerce, que ce fonds a été vendu et le solde du prêt a été entièrement réglé en 2006, que dès lors la créance principale est éteinte, que de plus, il a dénoncé la caution,

- que la banque lui a fait signer en même temps un engagement de caution allant au-delà de l'acte principal puisqu'il semble qu'il portait sur l'intégralité des comptes éventuellement à découvert,

- que les deux cautions portaient sur les mêmes comptes et que la banque ne peut soutenir qu'il n'y a pas eu de substitution de caution par la signature en 2008 d'une nouvelle garantie à hauteur de 183.000 € ,

- que dans le cadre du plan de cession, il est prévu une répartition à hauteur de 40.200 € qui doit être déduite de son éventuelle garantie qui tombe donc à 142.800 €.

L'action de SA BNP PARIBAS est fondée sur :

- un acte sous seing privé en date du 26 juin 2001 intitulé cautionnement solidaire affecté à la garantie de l'ensemble des engagements du client cautionné' et stipulant que ce cautionnement, limité à 500.000 francs s'applique au paiement ou remboursement de toutes sommes que le cautionné peut à ce jour ou pourrait devoir à l'avenir à la banque... à raison de tous engagements, de toutes opérations et d'une façon générale, de toutes obligations nées, sans aucune exception directement ou indirectement, pour quelque cause que ce soit',

- un acte sous seing privé en date du 9 janvier 2008 affecté, à concurrence de 183.000 €, à la garantie d'une autorisation de découvert de 300.000 € du compte courant du compte de la SA B CORP.

Ainsi contrairement à ce qu'affirme Christian W., l'engagement de caution du 26 juin 2001 n'était pas affecté à un prêt consenti pour l'achat d'un fonds de commerce.

D'autre part, si la caution a été dénoncée par lettre du 12 octobre 2006, celle-ci n'a d'effet que pour l'avenir et il n'est pas contesté qu'à la date de la dénonciation, le compte courant de la SA B CORP était débiteur d'environ 200.000 €.

D'autre part, en l'absence de toute mention sur l'acte démontrant la volonté des parties de substituer le second engagement au premier, les deux engagements se cumulent.

En application de l'article L. 642-12 alinéa 1 du code de commerce, le jugement du 24 mars 2010 arrêtant le plan de cession de la SA B CORP a affecté au profit de la SA BNP PARIBAS le prix de cession du fonds de commerce de Lille à hauteur de 40.200 €.

Par lettre du 12 mai 2011, Maître BAUJET, mandataire judiciaire de la SA B CORP a informé la SA BNP PARIBAS que les sommes détenues à la Caisse de dépôts et consignations étaient totalement absorbées par les frais de justice, la créance superprivilégiée du CGEA et les créances de l'article L. 622-17 du code de commerce.

En conséquence, le montant de la quote part affectée à la SA BNP PARIBAS pour l'exercice de son droit de préférence, qui a été primé par des créances superprivilégiées et privilégiées, ne peut être déduit de sa créance.

Sur la nullité des actes de cautionnement :

Christian W. soutient que les actes de cautionnement du 26 juin 2001 et du 9 janvier 2008 sont nuls en raison du non-respect du formalisme des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation.

Il fait valoir que les formules manuscrites sont jointes en une seule mention sur les actes de cautionnement et ne sont pas signées séparément contrairement aux exigences de la loi et de la jurisprudence.

L'acte du 9 janvier 2008 contient les mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation suivies de la signature de Christian W..

Aucun texte ne prévoit qu'à peine de nullité, les mentions ne peuvent se suivre et qu'elles doivent recevoir chacune une signature.

D'autre part, les articles précités issus de la loi du 1er août 2003 n'étaient pas applicables lors de la signature du premier engagement du 26 janvier 2001.

Le moyen de nullité des actes de cautionnement invoqué par Christian W. n'est donc pas fondé.

Sur les demandes de la SA BNP PARIBAS :

Il résulte de ce qui précède que Christian W. est lié par les engagements qu'il a pris envers la SA BNP PARIBAS.

En conséquence, il y a lieu, par confirmation de la décision déférée, de condamner Christian W. à payer à la SA BNP PARIBAS la somme de 259.224,51 €.

Sur les dépens et les frais non répétibles :

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, Christian W. partie perdante, doit supporter les dépens, garder à sa charge les frais non répétibles qu'il a exposés et verser à la SA BNP PARIBAS une indemnité pour les frais non répétibles qu'il l'a contrainte à exposer.

L'indemnité allouée par les premiers juges doit être confirmée et une indemnité complémentaire de même montant doit être ajoutée en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris,

Ajoutant,

Condamne Christian W. à verser à la SA BNP PARIBAS une indemnité complémentaire de 1.000 € en cause d'appel,

Condamne Christian W. aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.