Cass. soc., 6 janvier 2021, n° 18-26.109
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Farthouat-Danon
Rapporteur :
Mme Gilibert
Avocats :
SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué, (Paris, 18 octobre 2018), M. T... engagé en qualité de chauffeur livreur préparateur à compter du 21 juin 2006 par la société Simone teinturerie de luxe, a été licencié pour faute grave le 16 avril 2015.
2. Les parties ont conclu une transaction le 5 mai 2015. Contestant la validité de celle-ci, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du protocole transactionnel du 5 mai 2015 pour défaut de concessions réciproques et de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, alors « que l'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte ; que le juge qui apprécie la validité de la transaction ne peut, sans heurter l'autorité de chose jugée attachée à cette transaction, trancher le litige qu'elle avait pour objet de clore en se livrant à un examen des éléments de fait et plus particulièrement des éléments extrinsèques à la transaction et à la lettre de licenciement ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations de l'arrêt que le licenciement de M. T... avait été prononcé au motif d'une absence de pointage, ce qui constituait un comportement fautif dont le juge ne pouvait apprécier la réalité sans se livrer à un examen des faits ; que, dès lors, en retenant, pour prononcer la nullité de la transaction conclue par les parties, qu'il résultait des éléments produits que des difficultés de pointage avaient été soulevées par le salarié avant son licenciement et par courrier de l'inspection du travail et en conclure que "l'attribution au salarié d'une somme inférieure à celle à laquelle il aurait pu prétendre au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux jours de congés payés non pris, ne peut en toute hypothèse constituer de la part de l'employeur les concessions réelles et appréciables subordonnant la validité de l'accord transactionnel", ce qui revenait à apprécier le bien-fondé du motif invoqué dans la lettre de licenciement, la cour d'appel a violé les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-47 du 18 novembre 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2044 et 2052 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 :
4. Il résulte de ces textes que l'existence de concessions réciproques, qui conditionne la validité d'une transaction, doit s'apprécier en fonction des prétentions des parties au moment de la signature de l'acte. Si, pour déterminer si ces concessions sont réelles, le juge peut restituer aux faits, tels qu'ils ont été énoncés par l'employeur dans la lettre de licenciement, leur véritable qualification, il ne peut, sans heurter l'autorité de chose jugée attachée à la transaction, trancher le litige que cette transaction avait pour objet de clore en se livrant à l'examen des éléments de fait et de preuve.
5. Pour déclarer nulle la transaction et condamner l'employeur à payer diverses sommes à titre de rappels de salaires, congés payés, dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, indemnités de rupture et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'attribution au salarié d'une somme inférieure à celle à laquelle il aurait pu prétendre au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux jours de congés payés non pris, ne peut constituer de la part de l'employeur les concessions réelles et appréciables subordonnant la validité de l'accord transactionnel.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a apprécié le caractère dérisoire de la concession au regard du licenciement dont il ne lui appartenait pas de vérifier le bien-fondé, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.