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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 1, 30 juin 2011, n° 10/25316

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Vegaxy Venture (SAS), Apojis (Sté), IBI Partners Invest (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Matet

Conseillers :

Mme Guihal, Mme Dallery

Avocats :

Me Rubinstein, Me Creze, Me Colin, Me Thominette

T. com. Paris, du 18 nov. 2010, n° 20090…

18 novembre 2010

A la suite de protocoles d'accord non mis en oeuvre, conclus le 4 février 2008 entre IBI PARTNERS INVEST (IBI) et les actionnaires minoritaires de la SAS SO2 PRIVATE EQUITY (SO2) concernant le rachat de tout ou partie des actions détenues par ces derniers, Monsieur X proposait par courrier électronique du 5 février 2009, d'acheter lui-même moyennant une décote de leur valeur nominale, les participations de ces actionnaires.

Par acte du 4 juin 2009, les actionnaires minoritaires de SO2 faisaient assigner devant le tribunal de commerce de Paris notamment IBI et Monsieur X pour obtenir principalement l'exécution des protocoles d'accord, à défaut pour voir dire que l'échange de courriers électroniques intervenus entre Monsieur X et Monsieur Y formalisait une vente parfaite au sens de l'article 1583 du code civil et en conséquence, obtenir la condamnation de Monsieur X au paiement des sommes dues à chacun d'eux à l'exception de la société VEGAXY VENTURE.

Monsieur X ayant soulevé une exception d'incompétence au profit du tribunal de première instance de Genève, le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 18 novembre 2010, rejetait l'exception, se déclarant compétent pour statuer sur les demandes dirigées à son encontre.

Monsieur X formait dans les délais, contredit du jugement.

Dans ses dernières écritures du 31 mai 2011 reprises oralement à l'audience, il demande pour l'essentiel de déclarer le tribunal de commerce incompétent pour statuer sur les demandes formulées à son encontre au profit du tribunal de première instance de Genève, et de lui allouer 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la charge in solidum des actionnaires minoritaires de SO2 .

Les défendeurs au contredit, par conclusions du 31 mai 2011 reprises oralement à l'audience, demandent de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur le litige de nature contractuelle les opposant à Monsieur X, subsidiairement, de dire que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour statuer sur un concert frauduleux impliquant Monsieur X et donc sur un litige de nature délictuelle, en tout état de cause de débouter le contredisant et de condamner celui-ci à leur verser la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR QUOI,

- Sur la violation de l'article 16 du code de procédure civile

Considérant que Monsieur X invoque à titre liminaire, le non-respect du principe de la contradiction par le tribunal de commerce qui, pour rejeter l'exception d'incompétence, s'est fondé sur l'article 1247 alinéa 1er du code civil qui n'aurait jamais été discuté contradictoirement par les parties ;

Mais considérant que le contredisant ne tire aucun conséquence de ses allégations quant à l'annulation du jugement entrepris ; qu'il n'y a donc pas lieu d'en rechercher la pertinence ;

- Sur le contredit

Considérant qu'en application de l'article 5.1 de la convention de Lugano applicable en l'espèce, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat contractant:

1- en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; ...

Considérant que le tribunal de commerce de Paris est saisi par les actionnaires minoritaires de SO2 d'une demande de condamnation à paiement de Monsieur X en exécution d'un contrat de vente d'actions dont ils invoquent la conclusion au regard de l'engagement d'achat qu'aurait pris ce défendeur ;

Que la formation du contrat pouvant être litigieuse entre les parties au sens de l'article 5.1 de la convention de Lugano et conformément à l'interprétation des dispositions similaires contenues dans la convention 44-2001 dite Bruxelles I, faite par la Cour de Justice de l'Union Européenne, l'obligation en cause est de nature contractuelle ;

Considérant que la Cour a mis dans les débats, la convention de Rome du 19 juin 1980 dont les parties ne discutent pas l'application, étant observé de surcroît qu'est produit un arrêt de la Cour de cassation de la première chambre civile du 17 janvier 2006 Modo Paper faisant application de ladite convention ;

Considérant qu'en vertu de l'article 4-1 de ce texte, à défaut de choix des parties sur la loi applicable, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ; 

Considérant qu'en l'espèce, l'obligation à paiement des actions poursuivie par les actionnaires minoritaires présente les liens les plus étroits avec la France, s'agissant d'une société ayant son siège social et ses actifs dans ce pays ; que la loi française se trouve en conséquence applicable ;

Considérant que l'article 1247 alinéa 1er du code civil dispose "le paiement lorsqu'il s'agit d'un corps certain et déterminé, doit être fait dans le lieu où était, au temps de l'obligation, la chose qui en fait l'objet" ;

Considérant que le tribunal de commerce est saisi de vente d'actions non cotées en bourse d'une société par actions simplifiée ;

Que les valeurs mobilières constituent non pas un corps certain et déterminé mais des choses fongibles, peu important à cet égard qu'il s'agisse d'actions matérialisées dans un registre nominatif ;

Considérant qu'en conséquence, en vertu de l'article 1247 alinéa 3 code civil, le paiement doit être fait au domicile du défendeur ; que Monsieur X étant domicilié en Suisse; il convient, accueillant le contredit, de dire le tribunal de commerce de Paris incompétent pour statuer sur les demandes dirigées contre Monsieur X et de renvoyer les parties à se mieux pourvoir ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner les actionnaires minoritaires à payer in solidum à Monsieur X la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Déclare fondé le contredit ;

Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 18 novembre 2010 en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur les demandes dirigées à l'encontre de Monsieur Antonio P. ;

Renvoie les parties à se mieux pourvoir ;

Condamne in solidum Monsieur Z, la société VEGAXY VENTURE, Messieurs W, V, U, Madame Y, Monsieur Y et la société APOJIS à verser à Monsieur X la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les condamne in solidum aux dépens du contredit.