CA Grenoble, 2e ch. civ., 5 mai 2019, n° 18/01755
GRENOBLE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Caisse de Crédit Mutuel Nice Joffre
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Lamoine
Conseillers :
M. Grava, M. Blanc
EXPOSE DU LITIGE’ :
Par arrêt en date du 16 novembre 2004 de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE confirmant un jugement du Tribunal de Commerce d'ANTIBES, Monsieur Christophe G. a été condamné solidairement avec d'autres personnes à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE la somme de 49 837,54 €,
Cette décision a fait l'objet d'une signification selon procès-verbal de recherches infructueuses en date du 14 décembre 2004.
En exécution de cette décision, par acte en date du 17 octobre 2017, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE a fait dresser à l'encontre de Monsieur Christophe G. un procès-verbal de saisie-vente de divers biens mobiliers pour une créance de 77 537,87 €.
Par exploit d'huissier en date du 17 novembre 2017, Monsieur Christophe G. a fait assigner devant le Juge de l' exécution du Tribunal de Grande Instance de VIENNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE en contestation de cette mesure d' exécution forcée et en indemnisation aux motifs d'une part que la saisie-vente a été pratiquée en vertu d'un commandement aux fins de saisie-vente délivré le 20 juin 2014, soit plus de deux ans auparavant et ne comportant pas certaines mentions obligatoires, d'autre part que les biens saisis soit ne lui appartiennent pas soit sont insaisissables.
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE se prévalait pour sa part d'un commandement aux fins de saisie-vente du 6 juillet 2017 et considérait que le saisi ne rapportait pas la preuve que les meubles saisis ne lui appartenaient pas à l'exception du véhicule.
Par jugement en date du 15 mars 2018, le Juge de l' exécution du Tribunal de Grande Instance de VIENNE a':
- dit que la saisie-vente signifiée à la demande de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE à Monsieur Christophe G. le 17 octobre 2017 est régulière sur la forme et sur le fonds,
- débouté Monsieur Christophe G. de l'intégralité de ses demandes,
- condamné Monsieur Christophe G. à payer à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur Christophe G. aux dépens,
- rappelé que la décision est exécutoire de droit par provision.
Par déclaration RPVA en date du 16 avril 2018, Monsieur Christophe G. a relevé appel dudit jugement en en critiquant l'ensemble de ses dispositions.
Il a notifié des conclusions le 21 mai 2018 aux termes desquelles il entend voir':
Vu les articles R 221-3, R 221-5, R 221-10, R 221-16, R 221-18 et suivants du code des procédures civiles d' exécution ,
Vu les pièces produites,
REFORMER purement et simplement le jugement rendu en date du 15 mars 2018 par le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de VIENNE (RG 17/00145)
EN CONSEQUENCE,
DEBOUTER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
CONSTATER que la saisie vente pratiquée le 17 octobre 2017 par la CAISSE de CREDIT MUTUEL est entachée de plusieurs vices, tels que précités, et par voie de conséquence, frappée de nullité.
CONSTATER que les biens saisis par l'huissier de Justice sont insaisissables,
CONSTATER que la notification de l'arrêt d'appel fondant les poursuites, qui a été faite à l'égard de Monsieur Christophe G., est irrégulière et par voie de conséquence, frappée de nullité.
EN CONSEQUENCE,
DIRE ET JUGER que la notification de l'arrêt d'appel, qui a été faite à l'égard de Monsieur Christophe G., est nulle,
DIRE ET JUGER que la saisie vente pratiquée le 17 octobre 2017 par la CAISSE de CREDIT MUTUEL est nulle, et de nullité absolue,
EN CONSEQUENCE,
VOIR CONSTATER l'inopérance de la saisie pratiquée,
A TITRE RECONVENTIONNEL,
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE à payer à Monsieur Christophe G. la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE à payer à Monsieur Christophe G. la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE à payer les entiers dépens, de première instance et d'appel.
Il fait valoir que':
- la saisie-vente pratiquée est nulle au motif des irrégularités du procès-verbal de recherches infructueuses en date du 14 décembre 2004, l'huissier n'ayant pas fait les diligences suffisantes alors que le CREDIT MUTEL, avec lequel il a maintenu des relations contractuelles nonobstant le litige les ayant opposés, connaissait sa nouvelle adresse,
- il n'est pas justifié du respect des dispositions des articles 656 et 658 du code de procédure civile lors de la délivrance du commandement aux fins de saisie-vente du 6 juillet 2017,
- cet itératif commandement est de toutes façons frappé de nullité car il ne mentionne pas le nombre de feuilles qu'il comprend,
-le procès-verbal de saisie-vente du 17 octobre 2017 est irrégulier car il ne mentionne pas l'identité des personnes ayant assisté l'huissier,
-les explications fournies ultérieurement par le créancier selon lesquelles l'huissier n'aurait eu en réalité pas à rentrer dans la maison et fait l'inventaire du mobilier depuis l'extérieur ne figure pas sur l'acte et ne font pas foi jusqu'à inscription de faux et non sont corroborées par aucun élément,
-il n'était pas présent lors de la saisie-vente puisqu'il était à l'hôpital et l'huissier n'a pas pu dresser un inventaire précis des meubles depuis l'extérieur,
-les meubles saisis appartiennent à Madame P., compagne de Monsieur G., et ont d'ailleurs été listés selon constat d'huissier en date du 20 avril 2009,
-il n'est pas démontré le respect des dispositions de l'article R 221-16 du code des procédures civiles d' exécution ,
-il n'y a pas d'indication sur l'heure à laquelle la saisie a été opérée, empêchant de savoir si elle a eu lieu entre 6 et 21 heures,
-le CREDIT MUTUEL ne fournit pas d'éléments sur les sommes qu'il a pu récupérer à l'encontre des autres codébiteurs solidaires de Monsieur G.,
-il n'est pas justifié du calcul des intérêts,
-outre que la plupart des biens appartiennent à Madame P., le véhicule saisi appartient à Madame B. et certains biens sont insaisissables,
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL NICE JOFFRE a notifié des conclusions le 30 mai 2018 aux termes desquelles elle entend voir':
Déclarer recevable mais non fondé l'appel interjeté,
Confirmer intégralement le jugement entrepris,
Débouter Monsieur G. de l'intégralité de ses demandes,
Y ajoutant, condamner Monsieur G. en cause d'appel au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamner Monsieur G. aux entiers dépens d'appel et de première instance.
Il fait valoir que':
-il n'est pas rapporté la preuve de la nullité de la signification de l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 16 novembre 2004,
-l'huissier n'a pas pu pénétrer dans les lieux et Monsieur G. n'établit pas le contraire,
-le procès-verbal de constat du 20 avril 2009 est inexploitable et ne prouve pas que les biens saisis appartiennent à Madame P.,
-le commandement du 6 juillet 2017 est valable,
-elle a admis que le véhicule AUDI appartient à la société LEASE PLAN mais conteste que preuve est rapportée que le véhicule RENAULT n'appartient pas à Monsieur G.,
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l'article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures sus-visées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 janvier 2019.
EXPOSE DES MOTIFS':
Sur la demande de nullité du procès-verbal de saisie-vente du 17 octobre 2017
# à raison de l'irrégularité de l'acte de signification de l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 16 novembre 2004
En l'espèce, au visa de l'article 659 du code de procédure civile, Monsieur G. critique le manque de précision quant aux diligences qu'a vainement effectuées l'Huissier avant d'établir le procès-verbal de recherches infructueuses du 4 décembre 2004 valant signification de l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 16 novembre 2004, en ce qu'il ne mentionne pas l'identité des voisins auxquels il s'est adressé ainsi que les différents services officiels qu'il a sollicités.
Toutefois, au visa des articles 117, 649 et 693 du code de procédure civile, Monsieur G. ne rapporte pas la preuve du grief que lui causerait cette irrégularité dans la mesure où tout en prétendant par ailleurs qu'il a toujours maintenu des relations d'affaires avec le CREDIT MUTUEL, il ne fournit aucun élément sur son domicile ou sa résidence à la date de l'acte litigieux, ni sur le fait que l'huissier aurait pu l'obtenir en procédant à d'autres recherches.
Monsieur G. ne produit en effet aucun justificatif sur son domicile ou sa résidence antérieurs au 10 novembre 2016, date à laquelle il a signé un avenant de prêt avec la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE VIENNE, qui n'est au demeurant pas la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE, et ne justifie pas davantage qu'il ait pu avoir informé la banque d'un changement d'adresse dès avant le 16 novembre 2004.
Il est également intéressant de noter que Monsieur G. s'est vu signifier le 20 juin 2014 un itératif commandement aux fins de saisie-vente à étude à une adresse au [...] sans qu'il fournisse d'explication sur ses changements de domicile ou de résidence successifs et ne démontre l'information préalable de son établissement bancaire.
Par ailleurs, Monsieur G. prétend ensuite qu'il n'est pas justifié de l'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception du procès-verbal de recherches infructueuses et de l'avis par lettre simple. Or, l'acte précise que ces diligences ont été accomplies, sans que l'appelant n'ait mis en oeuvre la procédure spécifique d'inscription de faux.
Enfin, il ne peut être reproché à l'huissier de ne pas avoir sollicité l'avocat en première instance de Monsieur G. afin de l'interroger sur sa nouvelle adresse alors que, lors de la procédure d'appel ayant conduit à l'arrêt du 16 novembre 2004, Monsieur Christophe G. était défaillant de sorte que cet auxiliaire de justice, ainsi dessaisi des intérêts de son ancien client, n'était pas susceptible de renseigner l'huissier à ce titre.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal de saisie-vente du 17 octobre 2017, au motif d'une irrégularité alléguée de la signification à partie de l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 16 novembre 2004.
# à raison de l'irrégularité du commandement aux fins de saisie-vente du 6 juillet 2017
Monsieur G. soutient que lors de la délivrance du commandement aux fins de saisie-vente du 6 juillet 2017 à étude, il n'est pas justifié de l'envoi de la lettre simple prévue par l'article 658 du code de procédure civile.
Toutefois, l'acte mentionne l'accomplissement de cette formalité et Monsieur G. n'a pas mis en oeuvre la procédure spécifique d'inscription de faux, s'agissant d'un acte établi par un Officier Public.
Monsieur G. fait valoir que l'acte n'indique pas le nombre de feuilles qu'il comporte mais n'explicite pas quelles mentions auraient pu être omises alors que l'acte ne comporte qu'une seule feuille utile.
En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du procès-verbal de saisie-vente du 17 octobre 2017 à raison de l'irrégularité alléguée du commandement aux fins de saisie-vente du 6 juillet 2017.
# à raison de l'irrégularité des opérations de saisie
Au visa combiné des articles L 142-1, R 221-16 3° et R 221-17 du code des procédures civiles d' exécution , Monsieur G. rapporte la preuve suffisante que le procès-verbal de saisie-vente a été dressé dans des conditions irrégulières.
En effet, si, en application de l'article R 221-12 du code des procédures civiles d' exécution , il peut être admis que l'huissier procède à une saisie-vente de biens se trouvant dans un local d'habitation sans pénétrer dans celui-ci lorsqu'il est en mesure de décrire ces biens de manière suffisante et utile depuis l'extérieur à travers une ou plusieurs fenêtres, le cas échéant en prenant des clichés photographiques et donc sans qu'il ait besoin d'entrer dans le local en présence du saisi ou à défaut, avec l'assistance d'un serrurier et la présence de deux témoins ou d'un élu ou fonctionnaire municipal ou encore d'un fonctionnaire de police, il n'en demeure pas moins que le procès-verbal du 17 octobre 2017 comporte des imprécisions et incohérences préjudiciables à Monsieur G. puisque ce procès-verbal ne mentionne aucunement la présence à l'étage de Monsieur G. au domicile lors des opérations de saisie - le saisi contestant ce point et produisant une attestation de sa mère expliquant qu'il était en convalescence à son domicile ' et pas davantage le recueil de ses déclarations sur de précédentes saisies, étant relevé que le procès-verbal de saisie-vente n'a pas été remis à l'issue de la saisie le jour même à Monsieur G. par l'huissier mais déposé à étude.
L'huissier de justice, qui n'a pas mentionné la présence de Monsieur G. dans le procès-verbal lui-même mais ne l'a précisé que dans un courrier postérieur du 29 novembre 2017, n'explique aucunement pour quelle raison, telle un refus ou une impossibilité de Monsieur G. liée à son état de santé de le laisser pénétrer dans le local d'habitation, il n'a pas été en mesure de mener les opérations de saisie dans le local d'habitation et en présence de la personne saisie, en lui faisant directement les avertissements prévus par la loi sur d'éventuelles saisies antérieures, l'interdiction de disposer mais également de déplacer les biens saisis, notamment les véhicules terrestres à moteur, l'huissier n'ayant ainsi pas procédé à leur immobilisation facultative au visa de l'article R 223-7 du code des procédures civiles d' exécution en remettant au saisi le procès-verbal à l'issue des opérations.
Ces irrégularités font grief à Monsieur G., puisqu'il conteste désormais être propriétaire des biens saisis, et que, nonobstant sa présence au domicile selon les déclarations postérieures de l'huissier, il n'a pas été en mesure d'élever ces contestations au moment des opérations de saisie lorsque l'huissier devait lui faire les avertissements prévus par la loi sur des saisies antérieures et l'interdiction d'aliéner et de déplacer les objets saisis, alors par ailleurs que Monsieur G. soutient, en produisant des photographies de son domicile, qu'il n'était pas possible de décrire les meubles litigieux depuis l'extérieur de la propriété, le saisissant ne justifiant pas que l'huissier ait fait usage de l'article R. 221-12 du code des procédures civiles d' exécution en produisant également des photographies prises lors des opérations de saisie.
Il convient en conséquence de réformer le jugement déféré et d'annuler le procès-verbal de saisie-vente du 17 octobre 2017.
Sur la demande indemnitaire pour abus de saisie :
Monsieur G. ne démontre pas de manière suffisante l'existence d'un préjudice moral que lui aurait causé la saisie litigieuse en définitive annulée, dans la mesure où les seules pièces médicales produites correspondent à des lésions causées par un accident de la circulation et non à un éventuel retentissement psychologique que lui aurait causé ladite mesure d' exécution forcée.
Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire pour abus de saisie.
Sur les demandes accessoires :
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, dès lors que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE est perdante à l'instance, le jugement déféré doit être réformé s'agissant de la charge des dépens et l'intimée sera tenue des dépens de première instance et d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile si bien que le jugement déféré sera réformé et que les parties seront déboutées de leurs prétentions de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
statuant publiquement par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire rendu après en avoir délibéré
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Monsieur Christophe G. de sa demande indemnitaire.
Statuant à nouveau et y ajoutant :
ANNULE le procès-verbal de saisie-vente de divers meubles qu'a fait pratiquer la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE à l'encontre de Monsieur Christophe G. selon procès-verbal du 17 octobre 2017.
REJETTE les prétentions des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE NICE JOFFRE aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.