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Décisions

CA Colmar, 3e ch. civ. A, 4 novembre 2019, n° 19/01259

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Association Académie Européenne d'Arts Martiaux et Sports de Combat

Défendeur :

SNCF Mobilités (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martino

Conseillers :

Mme Fabreguettes, Mme Arnold

JEX Strasbourg, du 8 févr. 2019

8 février 2019

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par jugement en date du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a ordonné à l'association Académie européenne d'arts martiaux et sports de combat (ci-avant désignée sous le vocable l'association) et à tous occupants de son chef de libérer les dépendances du domaine public ferroviaire qu'elle occupe à la gare de Strasbourg Cronenbourg, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous peine d'une astreinte de cinquante euros par jour de retard et a autorisé, à l'expiration du délai fixé, la SNCF Mobilités à faire procéder à l'expulsion de l'association et à celle de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique ainsi qu'à l'enlèvement des biens matériels laissés par celle-ci qu'elle a condamnée au paiement d'une somme de 1000 € au titre de l'article L761-1 du code de la justice administrative.

Par requête du 7 décembre 2017, l'association Académie européenne d'arts martiaux et des sports de combat a fait citer la SNCF Mobilités devant le juge de l' exécution de Strasbourg aux fins d'obtenir un délai d'expulsion.

Par décision en date du 7 février 2018, le juge de l' exécution de Strasbourg a dit la requête recevable en la forme, a déclaré l'association demanderesse irrecevable en son action pour défaut de représentant légal ayant qualité à agir et l'a condamnée aux dépens ainsi qu'à payer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le mercredi 31 janvier 2018 a été dressé par le ministère de Maître Fabrice P., huissier de justice à Strasbourg, un procès-verbal d'expulsion faisant en outre sommation à la partie expulsée d'avoir à retirer les meubles dans le délai d'un mois à compter de ce jour, faute de quoi les biens qui n'auront pas été retirés seront, sur décision du juge, vendus aux enchères publiques ou déclarés abandonnés, assignation étant d'ores et déjà délivrée d'avoir à comparaître devant le juge de l' exécution à l'audience du 14 mars 2018 pour voir statuer sur le sort des biens qui n'auraient pas été retirés avant le jour de l'audience.

L'association Académie européenne d'arts martiaux et de sports de combat, représentée par son président à l'audience du 14 mars 2018, a conclu à la nullité de la procédure d'expulsion, au débouté des demandes présentées par l'adversaire, a sollicité sa réintégration dans les locaux qu'elle occupait précédemment au [...] et a sollicité la condamnation de la SNCF Mobilités à lui payer 5000 € à titre de dommages intérêts, à titre subsidiaire elle a conclu à la suspension de son expulsion pour une durée de douze mois à compter de la signification du jugement à intervenir et à la condamnation de la SNCF Mobilités aux dépens et à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 8 février 2019, le juge l' exécution de Strasbourg a rejeté la fin de non-recevoir soulevé par la SNCF Mobilités pour défaut de qualité à agir de l'association, a déclaré la procédure d'expulsion valide et régulière, a débouté de ce chef l'association de sa demande de réintégration dans les locaux, a dit n'y avoir lieu à statuer de ce fait sur la demande de sursis à expulsion, a rappelé préalablement que les documents de l'association doivent être placés sous enveloppe scellée et conservés pendant deux ans par l'huissier de justice, a autorisé la vente aux enchères publiques des biens mobiliers de l'association inventoriés comme ayant une valeur marchande par le procès-verbal du 31 janvier 2018, a rappelé que la somme résultant de cette vente sera affectée en priorité aux frais de la vente et le solde éventuel remis à la SNCF Mobilités, à concurrence de la dette d'indemnité d'occupation, commis Maître P. pour procéder à ladite vente comme en matière de saisie vente, a déclarés abandonnés tous les biens mobiliers de l'association inventoriés comme n'ayant pas une valeur marchande par le procès-verbal du 31 janvier 2018, a autorisé en conséquence la SNCF Mobilités en faire l'usage qu'elle souhaitera et dit qu'en cas de destruction les frais resteront à la charge de l'association, a condamné l'association aux dépens et à payer à l'adversaire la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association a interjeté appel à l'encontre de cette décision le 6 mars 2019.

Selon ordonnance du 25 avril 2019, l'affaire a été fixée à bref délai en application de l'article 905 du code de procédure civile pour l'audience du 23 septembre 2019.

Par acte d'intervention volontaire du 19 août 2019 la Selarl J. et associés prise en la personne de Maître Nicolas F., ès qualités de mandataire judiciaire de l'association Académie européenne d'arts martiaux et sports de combat, en redressement judiciaire, est intervenue à l'instance.

Par dernières conclusions notifiées le 19 août 2019, l'association Académie européenne d'arts martiaux et sports de combat et la Selarl J. et associés ont conclu à la recevabilité de l'appel, et à l'infirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevé par la SNCF Mobilités pour défaut de qualité à agir de l'association et a demandé à la cour, statuant à nouveau de :

Constater que la procédure d'expulsion intervenue le 31 janvier 2018 avec le concours de la force publique est antérieure à l'autorisation donnée par le préfet du Bas-Rhin portant sur le concours de la force publique,

Dire et juger la procédure d'expulsion diligentée par la partie intimée irrégulière,

Dire et juger que l'expulsion de l'association est nulle et de nul effet,

Débouter la société intimée de l'ensemble de ses demandes,

Prononcer la réintégration de l'association au sein des dépendances du domaine public ferroviaire qu'elle occupe à la gare de Strasbourg Cronenbourg,

Condamner la partie intimée à lui payer la somme de 5000 € à titre de dommages intérêts,

Donner acte à l'association qu'elle quittera les locaux propriétés de la société SNCF Mobilités dans un délai d'un an à compter de l'arrêt à intervenir au plus tard,

Le cas échéant,

Accorder à l'association un délai d'un an maximum à compter de l'arrêt à intervenir pour quitter les lieux,

Dire que l'association devra quitter les lieux aussitôt qu'elle pourra intégrer ses nouveaux locaux situés au centre commercial Auchan Haute Pierre,

En tout état de cause,

Condamner la partie intimée au paiement d'une somme de 2305,99 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et de 1500 € pour la procédure d'appel,

Condamner la société SNCF Mobilités aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Par dernières écritures du 4 septembre 2019, la SNCF Mobilités a conclu à la confirmation de la décision entreprise et sollicite la condamnation de l'adversaire à une amende civile, aux dépens et à lui payer la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture a été prononcée à l'audience des plaidoiries.

MOTIFS DE LA DECISION

Vu les dernières écritures des parties ci-dessus spécifiées auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile

Il sera précisé d'une part que la SNCF Mobilités a retiré la requête en irrecevabilité de l'appel qu'elle avait formulée devant le « conseiller chargé de la mise en état » et que d'autre part il n'y a pas lieu à interruption de l'instance en raison de la procédure de redressement judiciaire ouvert à l'encontre de l'association dès lors qu' est intervenue aux débats la selarl J. et associés ès qualités de mandataire judiciaire de ladite association.

Sur la demande de nullité de la procédure d'expulsion et les demandes consécutives

L'association fait valoir à hauteur d'appel que la procédure serait irrégulière du fait que l'expulsion a eu lieu le 31 janvier 2018 avec le concours de la force publique alors que, sur réquisition de l'huissier instrumentaire en date du 8 janvier 2018, le préfet du Bas-Rhin, dans un courrier du 6 février 2018, notifiait à ce dernier accorder le concours de la force publique afin de procéder à l'expulsion de l'association à compter du 26 février 2018.

Elle en déduit que l'huissier aurait commis une voie de fait au détriment de l'association.

En l'espèce, il est justifié de ce que l'expulsion du 31 janvier 2018 l'a été, hors la présence du président de l'association, avec le concours de la force publique, en la personne de Monsieur Marc D., commandant de police divisionnaire, ainsi que l'énoncent expressément les indications du procès-verbal dont les mentions font foi jusqu'à inscription de faux.

Il est également justifié que l'huissier de justice instrumentaire, Maître P., a dès le 6 février 2018, adressé à la préfecture du Bas-Rhin un courrier d'information relatif au procès-verbal d'expulsion litigieux dont il lui a notifié copie.

L'appelant se prévaut pour sa part d'un courrier adressé par la direction de la coordination des politiques publiques et de l'appui territorial, bureau des expulsions locatives, de la préfecture du Bas-Rhin, à Maître P. en date du 6 février 2018 l'informant que suite à la réquisition de ce dernier en date du 8 janvier 2018, le préfet avait décidé de lui accorder le concours de la force publique afin de procéder à l'expulsion de l'association appelante, cette autorisation étant valable à compter du 26 février 2018.

La société SNCF Mobilités n'explique pas, si ce n'est par une erreur de plume, le défaut de cohérence entre les dates portées dans le courrier du 6 février 2018 et la circonstance avérée qu'elle a, de fait, obtenu le concours de la force publique, pour procéder à l'expulsion de l'association appelante dès le 31 janvier 2018.

En l'espèce, les dispositions de l'article L 142-1 du code des procédures civiles d' exécution , qui autorisent, en l'absence de l'occupant du local ou si celui-ci en refuse l'accès, l'huissier de justice chargé de l' exécution à pénétrer dans les lieux en présence du maire de la commune, d'un conseiller municipal ou d'un fonctionnaire municipal délégué par le maire à cette fin, d'une autorité de police ou de gendarmerie, requis pour assister au déroulement des opérations ou, à défaut, de deux témoins majeurs qui ne sont au service ni du créancier ni de l'huissier chargé de l' exécution , ne sont pas applicables en matière d' expulsions, ce en application de l'article L 431-1 du code des procédures civiles d' exécution .

En l'espèce, en l'absence de l'association dans le local appartenant à la société SNCF Mobilités, l'huissier instrumentaire devait requérir le concours de la force publique pour pénétrer dans les lieux.

Si cette demande a été faite le 8 janvier 2018, la force publique n'a été autorisée par le préfet qu à compter du 26 février 2018.

La circonstance que l'huissier de justice, anticipant l'octroi de la force publique par le préfet, s'est, le 31 janvier 2018, présenté, en l'absence du responsable légal au domicile de l'association, accompagné d'un serrurier et d'un commissaire divisionnaire de police qu'il a requis à cet effet,a fait ouvrir les portes et a procédé à l'expulsion, doit conduire au prononcé de la nullité des opérations d'expulsion.

Pour autant, cette nullité ne peut conduire à voir ordonner la réintégration de l'association, qui est dépourvue de tout titre d'occupation et résiste à un commandement de quitter les lieux, dans les locaux appartenant à la SNCF Mobilités.

L'association, dont les droits ont été préservés s'agissant des meubles présents dans les locaux, ne justifie pas du préjudice que lui a causé son expulsion du fait qu'elle est intervenue le 31 janvier 2018 plutôt qu'au 26 février 2018, de sorte que la demande de dommages intérêts ne saurait ainsi davantage prospérer.

L'association s'étant ce jour octroyé plus de deux ans de délais d'évacuation depuis le prononcé du jugement ordonnant son expulsion, il n'y a aucunement lieu d'accueillir sa demande de délais d'évacuation.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure seront confirmées.

Partie perdante à hauteur d'appel, l'association sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du même code.

En revanche, il sera fait droit la demande de la société SNCF Mobilités au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1000 €.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de délais d'évacuation,

DEBOUTE l'association Académie européenne d'arts martiaux et sports de combat de toutes ses demandes,

DIT n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile,

FIXE à la somme de 1000 € (mille euros) la créance de la société SNCF Mobilités sur l'association Académie européenne d'arts martiaux et sports de combat, en redressement judiciaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'association Académie européenne d'arts martiaux et sports de combat aux dépens.