CA Paris, Pôle 1 ch. 5, 29 juin 2016, n° 15/21525
PARIS
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Landesbank SAAR (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Roy-Zenati
Par jugement du 7 octobre 2015, le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté M. et Mme B. de leur demande de nullité du procès-verbal de saisie vente du 4 mars 2015,
- leur a donné acte de l'abandon de leur demande de mainlevée des commandements de payer aux fins de saisie immobilière délivrés les 26 juin 2014 et 3 juillet 2014,
- déclaré irrecevable la demande d'annulation du procès-verbal de constat du 29 août 2014,
- condamné M. et Mme B. à payer à la société Landesbank Saar la somme de 2 000€ par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. et Mme B. aux dépens,
- rappelé que les décisions du juge de l' exécution bénéficient de l' exécution provisoire de droit.
Les époux B. ont interjeté appel de cette décision le 19 octobre 2015.
Par acte du 6 novembre 2015, ils ont assigné en référé devant le premier président de la cour d'appel de Paris la société Landesbank Saar aux fins de suspension de l' exécution provisoire.
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives soutenues oralement à l'audience, ils demandent de :
- écarter la pièce adverse n°8 par laquelle la société LBS Landesbank SAAR se rapporte une preuve à elle-même,
- dire et juger qu'il existe des moyens très sérieux de réformation du jugement du 7 octobre 2015 frappé d'appel,
- les déclarer en conséquence recevables et bien fondés en leurs demandes,
- arrêter l' exécution provisoire attachée à la dite décision,
- condamner la société Landesbank SAAR à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclarer la Landesbank SAAR tant irrecevable que subsidiairement mal fondée,
- la débouter de ses demandes,
- la condamner aux dépens.
Les époux B. invoquent la nullité du procès-verbal de saisie-vente du 4 mars 2015 dans la mesure où l'huissier aurait dû être porteur de la grosse exécutoire de l'acte, ce qui n'était pas le cas en l'espèce, et que pour écarter ce moyen, le premier juge a soulevé un moyen nouveau, les articles L 221-1 et R 221-1 du code des procédures civiles d' exécution , et dès lors violé le principe de la contradiction.
Ils soutiennent que le procès-verbal de constat descriptif du 29 août 2014 serait nul car dressé sans information préalable des propriétaires, ce qui implique que l'huissier a pénétré illégalement sur leur propriété ; que le fait qu'une procédure de saisie immobilière soit pendante devant le juge de l' exécution d'Evry ne les empêche pas de faire valoir leur défense devant la juridiction parisienne dès lors que cette dernière est compétente pour statuer sur la saisie-vente pratiquée sur leurs biens mobiliers, que dans le cas contraire il y aurait violation de l'article 6§1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
Ils font valoir que la saisie-vente du 4 mars 2015 est inutile et abusive dès lors que le titre dont dispose la banque est garanti par une hypothèque sur leur propriété "La Marette" dont la valeur excède la créance litigieuse, et que la vente de leurs biens mobiliers ne pourra pas permettre à la société Landesbank d'obtenir une somme supérieure à 20 000€ ; qu'une partie des meubles saisis est insaisissable car ils servent à Mme B. pour l'exercice de son activité professionnelle.
Par ses écritures oralement soutenues à l'audience du 1er juin 2016, la société LBS Landesbausparkasse, division interne de la Landesbank SAAR, demande au juge délégué de :
- déclarer la demande de sursis à l' exécution provisoire irrecevable, subsidiairement mal fondée et en débouter les époux B.,
- condamner les époux B. solidairement à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts par application de l'article R.121-22 du code des procédures civiles d' exécution ,
- condamner les époux B. solidairement à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle indique que l'huissier instrumentaire était bien en possession de l'expédition exécutoire de l'acte de prêt notarié, ce titre exécutoire étant mentionné par le procès-verbal de saisie-vente ; que le premier juge n'a soulevé aucun moyen d'office mais a simplement souligné qu'il était faux de déduire que l'huissier n'aurait pas été porteur du titre exécutoire du seul fait que le contraire n'était pas expressément précisé dans le procès-verbal de saisie.
Elle rappelle que le code des procédures civiles d' exécution (articles L 322-2, R 322-1 et L 142-1) autorise l'huissier à pénétrer dans les lieux, accompagné de deux témoins, sans nécessité d'une décision de justice spécifique pour dresser le procès verbal de description et qu'il appartient au seul juge de la saisie immobilière de statuer sur la validité de cet acte se rattachant à la saisie immobilière.
Elle fait valoir que face à l'inaction des époux B. en vue de la vente de leurs biens, elle pouvait légitimement mettre en oeuvre d'autres mesures d' exécution aux fins de recouvrer au moins une petite partie de sa créance ; que les appelants ne rapportent pas la preuve que le recouvrement de la créance serait garanti par le biais de la saisie immobilière, sans qu'il soit nécessaire de recourir à des mesures d' exécution complémentaires ; que Mme B., âgée de 78 ans, ne démontre pas qu'elle exerce une activité professionnelle ni que certains biens lui seraient nécessaires pour l'exercer ; que les biens redeviennent saisissables s'ils sont des biens de valeur (article L 112-2 CPCE) ce qui est le cas en l'espèce, ce qui est confirmé par l'huissier et les photographies annexées au procès verbal de saisie.
SUR CE
Attendu que l'article R 121-22 du code des procédures civiles d' exécution dispose qu'"en cas d'appel, un sursis à l' exécution des décisions prises par le juge de l' exécution peut être demandé au premier président de la Cour d'appel. La demande est formée par assignation en référé délivrée à la partie adverse et dénoncée, s'il y a lieu, au tiers entre les mains de qui la saisie a été pratiquée. Jusqu'au jour du prononcé de l'ordonnance par le Premier Président, la demande de sursis à exécution suspend les poursuites si la décision attaquée n'a pas remis en cause leur continuation ; elle proroge les effets attachés à la saisie et aux mesures conservatoires si la décision attaquée a ordonné la mainlevée de la mesure. Le sursis à exécution n'est accordé que s'il existe des moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision déférée à la cour . L'auteur d'une demande de sursis à exécution manifestement abusive peut être condamné par le Premier Président à une amende civile d'un montant maximum de 3.000 euros sans préjudice des dommages intérêts qui pourraient être réclamés" ;
Attendu que l'article 12 du code de procédure civile prévoit que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ;
Que les époux B. ont invoqué au soutien de leur demande d'annulation du procès verbal de vente le fait que l'acte de saisie ne mentionnait pas que l'huissier instrumentaire était en possession du titre notarié ; que le juge de l' exécution , pour rejeter ce moyen, a simplement rappelé les textes applicables en la matière, ce qu'il lui incombait de faire au visa de l'article 12 précité, et le fait qu'ils n'exigeaient pas cette indication dans le procès verbal de saisie vente ;
Attendu que les époux B. contestent par ailleurs la régularité du procès verbal de constat du 29 août 2014, qui a été dressé dans le cadre de la saisie immobilière pratiquée le 26 juin 2014, décrivant leur propriété sise à Boissy la Rivière, qui en est l'objet, et qui est donc sans incidence sur la validité de la saisie vente pratiquée le 4 mars 2015 à leur domicile de la [...] ; qu'en outre ce procès verbal concerne la procédure de saisie immobilière dont une autre juridiction, est saisie ;
Attendu que les époux B. considèrent enfin que la saisie vente serait inutile et abusive compte tenu précisément de l' exécution de la mesure de saisie immobilière préalable ; que le juge de l' exécution a considéré que les dispositions de l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d' exécution permettaient au créancier de choisir les moyens propres à assurer la conservation de sa créance sous réserve que ces moyens n'excèdent pas ce qui se révèle nécessaire ; que du fait que les époux B. se reconnaissent débiteurs de la somme de 779 874,71 euros au titre du prêt qui leur a été consenti par la société Landesbank SAAR et qu'ils ne formulent aucune proposition de règlement, et qu'aucune date n'était encore fixée pour la vente de leur bien immobilier en raison des contestations de cette procédure toujours en instance devant le juge de la saisie immobilière, il était légitime que d'autres mesures soient prises, étant relevé que les biens saisis représentent, a priori, une valeur marchande non négligeable ; que l'insaisissabilité de certains meubles comme étant nécessaires au travail de Mme S. n'est pas manifeste alors que cette activité n'est pas établie ; qu'il en est de même de l'insaisissabilité de la salle à manger et des chaises en raison de leur caractère luxueux qui résulte des photographies annexées au procès verbal et au fait que d'autres tables et chaises meublant le domicile permettent de respecter les nécessités de la vie de famille des saisis ;
Attendu qu'il ressort de ces éléments qu'il n'existe pas de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision du juge de l' exécution justifiant l'arrêt de l' exécution provisoire attachée à la décision qu'il a rendue le 7 octobre 2015 ;
Attendu que l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts que lorsqu'est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice ; qu'en l'espèce, un tel comportement de la part des époux B. n'est pas manifestement caractérisé ; que la demande de la société Landesbank SAAR doit être rejetée ;
Attendu que l'équité commande de faire bénéficier la société Landesbank SAAR des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, dans les conditions précisées au dispositif ci-après ;
PAR CES MOTIFS
Rejetons la demande d'arrêt de l' exécution provisoire ;
Déboutons la société Landesbank SAAR de sa demande de dommages et intérêts ;
Condamnons M. John B. et Mme Nicole S. épouse B. à verser à la société Landesbank SAAR la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons M. John B. et Mme Nicole S. épouse B. aux dépens.
ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.