CA Versailles, 16e ch., 3 novembre 2016, n° 16/01382
VERSAILLES
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Paris et d'Ile-de-France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bouvier
Conseillers :
Mme Massuet, Mme Sixdenier
FAITS ET PROCEDURE,
La Caisse régionale de crédit agricole et mutuel de Paris et d'Ile de France (CRCAM IDF) a consenti à la SCI D., par acte notarié du 26 décembre 2012, les deux prêts suivants :
- n° 0092958 d'un montant de 192.000 € pour une durée de 108 mois au taux de 3,49 % ;
- n° 0092902 d'un montant de 100.000 € pour une durée de 120 mois au taux de 3,49 %.
La SCI D. n'ayant pas été en mesure de s'acquitter des échéances mensuelles, la Caisse régionale de crédit agricole et mutuel de Paris et d'Ile de France a prononcé la déchéance du terme du crédit le 6 janvier 2016 et initié la saisie immobilière de l'immeuble à usage d'hôtel restaurant café, appartenant à la S.C.I. D., objet de deux hypothèques conventionnelles au profit de la banque et situé à [...], cadastré section AK n° 590 et 593.
Le commandement de payer valant saisie immobilière pour la somme de 268.132,52 €, resté infructueux, a été publié le 11 mai 2015 et le cahier des conditions de vente déposé au greffe du juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Pontoise.
Par acte du 30 juin 2015, la CRCAM IDF a saisi le juge de l' exécution aux fins notamment de constatation de la validité de la saisie immobilière, de fixation de sa créance et de vente aux enchères publiques des biens immobiliers saisis.
Par jugement d'orientation du 4 février 2016, le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Pontoise, a :
- rejeté l'incident ;
- fixé la créance de la Caisse régionale de crédit agricole et mutuel de Paris et d'Ile de France à hauteur de 251.904,22 € arrêtée au 3 février 2015 ;
- ordonné la vente aux enchères publiques des biens et droits immobiliers situés à [...] cadastré section AK n° 590 et 593 appartenant à la S.C.I. D. sur la mise à prix de 100.000 € à l'audience du Jeudi 19 mai 2016 à 14h00 ;
- désigné en qualité de séquestre le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau du Val d'Oise ;
-désigné maître R., huissier de justice à Montmorency (95) aux fins de faire procéder à la visite des lieux à tout acquéreur potentiel ;
-dit que ledit huissier de justice fera procéder dans les lieux par tout expert de son choix à l'établissement ou à l'actualisation si nécessaire, des diagnostics d'amiante, termites, plomb (si construction antérieure à 1948), performance énergétique, gaz, électricité, risques naturels et technologiques majeurs ;
-dit que l'huissier de justice commis pourra se faire assister pour ces deux interventions, si besoin est, du commissaire de police ou de la gendarmerie ou de deux témoins majeurs conformément à l'article L. 142-1 du code des procédures civiles d' exécution (CPCE) et d'un serrurier requis ;
-condamné la SCI D. à payer à la Caisse régionale de crédit agricole et mutuel de Paris et d'Ile de France une somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que le jugement sera mentionné en marge de la publication du commandement en date du 27 avril 2015 publié le 11 mai 2015 volume 2015 S n° 32 au service de la publicité foncière de Saint Leu La Forêt (95) ;
-ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de vente.
Par ses dernières conclusions transmises le 28 septembre 2016, la SCI D., appelante, demande à la cour de :
- dire et juger que l'appel est recevable ;
- débouter la CRCAM IDF de son moyen d'irrecevabilité tiré de la délivrance de l'assignation postérieurement au 1er juin 2016 ;
- débouter la CRCAM IDF de son moyen d'irrecevabilité tiré de l'absence de conclusions annexées à l'assignation à jour fixe ;
Sur le fond :
- réformer le jugement dont appel ;
- dire et juger que le règlement partiel effectué par elle en cours d'instance n'équivaut pas à une reconnaissance de dette et une renonciation à contestation ;
Vu les articles R. 313-1 et suivants du code de la consommation ;
- dire et juger que le taux effectif global est affecté d'une erreur concernant ses modalités de calcul, en raison de la période choisie ;
- dire et juger que le taux d'intérêt légal se substituera au taux effectif global ;
Avant dire droit :
- ordonner une mesure d'expertise judiciaire, ou une mesure de consultation, confiée à tel expert, avec notamment pour mission de préciser les modalités de calcul du taux effectif global dans les deux prêts litigieux ;
- dire et juger que les frais d'une telle mesure seront mis à la charge de la CRCAM IDF ;
- ordonner à la CRCAM IDF de produire aux débats un décompte des sommes réclamées, expurgées des intérêts conventionnels, avec seule application du taux d'intérêt légal ;
Vu l'article 1152 du code civil ;
- dire et juger que l'indemnité forfaitaire est une clause pénale ; que ladite clause pénale est manifestement excessive ; qu'elle fait double emploi avec les demandes présentées au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
En conséquence :
- supprimer ladite clause pénale, ou à défaut, la réduire à une somme symbolique ;
Tenant le règlement partiel de 220.000 € intervenu le 19 avril 2016 ;
Tenant les erreurs affectant le décompte des sommes dues ;
- réduire la créance de la CRCAM IDF de 220.000 € au titre du règlement partiel ;
- réduire la créance de la s CRCAM IDF de 6.955,81 € au titre des erreurs de soldes (différences entre le commandement de payer et les décomptes postérieurs) ;
Vu l'article 1244-1 du code civil ;
Tenant la qualité de débiteur de bonne foi de la SCI D. ;
- suspendre la créance de la CRCAM IDF pour une durée de 12 mois ;
- dire et juger que tout éventuel paiement, et notamment celui de 220.000 € du 19 avril 2016 s'imputera en priorité sur le capital ;
Très subsidiairement :
Vu l'article L. 322-1 et l'article R. 322-17 du code des procédures civiles d' exécution ;
- l'autoriser à vendre amiablement son bien immobilier saisi, pour un prix minimum de 400.000 €, et dans un délai de 4 mois ;
Très subsidiairement, en cas de vente forcée :
Vu l'article L. 322-6 du code des procédures civiles d' exécution ;
- dire et juger que le montant de la mise à prix, fixé à 100.000 € par le créancier poursuivant, est manifestement insuffisant ;
- fixer le montant de la mise à prix à hauteur de 400.000 € ;
Vu les articles 969 à 700 du code de procédure civile ;
- débouter la CRCAM IDF de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
- laisser à la charge de chaque partie les dépens qu'elle aura exposés au cours des procédures de première instance et d'appel.
La SA Caisse régionale de crédit agricole et mutuel de Paris et d'Ile de France, intimée et appelante incidente, par ses dernières conclusions transmises le 26 septembre 2016, demande à la cour de :
- constater la caducité de la déclaration d'appel,
- dire et juger irrecevable l'appel de la SCI D. à défaut d'avoir respecté la procédure à jour fixe prévue par les articles 917 à '624" du code de procédure civile,
- constater que la SCI D. a reconnu sa dette en effectuant le 19 avril 2016 un règlement sans réserve, à valoir sur le montant total de la créance,
- dire en conséquence la SCI D. irrecevable en son appel pour cette raison supplémentaire,
Subsidiairement,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf celles concernant l'indemnité de recouvrement,
- dire et juger la SCI CRCAM IDF mal fondée en ses demandes, fins et conclusions incidentes,
- condamner la SCI D. à lui régler la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 28 septembre 2016 et le délibéré au 3 novembre suivant.
SUR CE LA COUR
Sur la recevabilité de l'appel :
La CRCAM IDF, intimée, soutient que la procédure à jour fixe prévue par les articles 917 à 924 du code de procédure civile n'a pas été respectée par la SCI D. de sorte que la déclaration d'appel apparaît irrecevable et caduque ; qu'en effet, d'une part, la SCI D., en l'assignant par acte du 16 septembre 2016, n'a pas respecté le délai prescrit par l'ordonnance présidentielle, soit avant le 1er juin 2016, pour l'assigner à jour fixe et d'autre part, n'a pas joint ses conclusions à la requête dénoncée avec l'assignation à jour fixe suivant exploit du 16 septembre 2019, ces écritures n'ont été signifiées que le 22 septembre 2016.
La SCI D., appelante, affirme, en réponse, que le délai fixé par l'ordonnance présidentielle pour assigner à jour fixe n'est assorti d'aucune sanction, ni par le premier président ni par la loi ; qu'en conséquence, l'assignation délivrée après le 1er juin 2016 n'est ni irrecevable ni caduque.
Elle fait également valoir que l'exigence de joindre les conclusions à l'assignation à jour fixe ne figure pas dans l'article 920, alinéa 2, du code de procédure civile qui prévoit uniquement les copies de la requête, de l'ordonnance du premier président et d'un exemplaire de la déclaration d'appel visé par le secrétariat ou une copie de la déclaration d'appel sont joints à l'assignation.
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Aux termes des dispositions combinées des articles R. 322-19 du code des procédures civiles d' exécution , 122 et 125 du code de procédure civile, l'appel du jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe dans les quinze jours suivant la notification de ce jugement, sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril, à peine d'irrecevabilité qui doit être relevée d'office.
En application de l'article 919 du code de procédure civile, la requête afin de jour fixe doit être faite dans les huit jours de la déclaration d'appel et l'appelant assigne la partie adverse pour le jour fixé.
Il résulte de ces dispositions que la procédure à jour fixe, qui déroge à la procédure ordinaire, n'est pas une simple modalité procédurale de l'appel mais une condition de sa recevabilité et que les délais fixés par le premier président de la cour s'imposent à la partie qui a obtenu le jour fixe.
En l'espèce, il est constant que la SCI D. a interjeté appel par acte du 24 février 2016 enregistré au greffe de la cour d'appel sous le n°RG 16/01684 ; que par ordonnance du 8 mars 2016 rendue par le président de la chambre compétente de la cour d'appel de Versailles, la SCI D. a été autorisée à assigner à jour fixe pour l'audience de la 16ème chambre du 28 septembre 2016, l'ordonnance précisant que l'assignation devait être délivrée avant le 1er juin 2016 et que l'intimé devait conclure avant le 1er septembre 2016.
Il résulte des pièces versées aux débats que la SCI D. a assigné à jour fixe la CRCAM IDF par acte d'huissier de justice du 16 septembre 2016 pour comparaître à l'audience de la cour d'appel du 28 septembre 2016.
En raison de la tardiveté de l'assignation délivrée postérieurement au délai impératif fixé par le premier président aux fins d'assurer un traitement diligent de l'affaire conformément aux impératifs de la procédure jour fixe et du respect du principe de la contradiction, l'autorisation d'assigner à jour fixe est caduque et partant, irrecevable l'appel interjeté et ce nonobstant l'absence de sanction expressément prévue par les textes applicables sus mentionnés et l'ordonnance du 8 mars 2016.
En outre, il résulte de l'article 918 du code de procédure civile que la requête tendant à voir fixer le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité doit contenir les conclusions au fond et viser les pièces justificatives.
En l'espèce, la cour relève que la requête de la SCI D. aux fins d'autorisation d'assignation à jour fixe ne contenait pas les conclusions au fond et ne visait pas les pièces justificatives, ces écritures et pièces n'étant qu'annexées à la requête et que l'assignation délivrée par acte d'huissier de justice du 16 septembre 2016, si elle était accompagnée de la requête, ne comportait pas lesdites conclusions et pièces qui n'ont été signifiées à l'intimée que le 22 septembre 2016 de sorte que le formalisme de l'article R. 322-19 du code des procédures civiles d' exécution et de l'article 918 sus visé n'a pas été respecté.
Il se déduit de l'ensemble de ces constatations et énonciations qu'est irrecevable l'appel formé par la SCI D. à l'encontre du jugement d'orientation du 4 février 2016 par le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Pontoise,
Sur les demandes soutenues par l'intimée à titre incident :
Il n'y a pas lieu de donner suite aux demandes de constatation soutenues par l'intimée dès lors qu'une constatation, qui n'est pas susceptible, hormis les cas prévus par la loi, de conférer un droit à la partie qui la requiert, n'est pas une prétention.
En outre, la présente cour n'est pas saisie d'une prétention, au sens de l'article 954 du code de procédure civile , par la seule demande figurant dans le dispositif des dernières conclusions de l'intimée et tendant la confirmation du jugement en toutes ses dispositions,' sauf celles concernant l'indemnité de recouvrement'.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande toutefois de ne pas faire droit à la demande de l'intimée présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la SCI D. doit supporter les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevable l'appel interjeté par la SCI D. à l'encontre du jugement d'orientation rendu le 4 février 2016 par le juge de l' exécution du tribunal de grande instance de Pontoise,
Rejette la demande de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Paris et d'Ile de France (CRCAM IDF) présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI D. aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.