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Décisions

Cass. com., 25 janvier 2005, n° 02-16.689

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tricot

Paris, 1re ch., sect. G, du 15 mai 2002

15 mai 2002

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2002), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 15 juin 1999, pourvoi n° P 96-20.843) que MM. X... et Y..., agissant en qualité de représentants de la masse des obligataires de la société AMREP, ont assigné la banque Paribas, la compagnie financière Paribas, la société Total et le mandataire liquidateur de la société AMREP, pour voir condamner les trois premières à réparer le préjudice causé à la masse des obligataires par leurs agissements ayant directement concouru à l'émission le 3 novembre 1983 par la société AMREP d'un emprunt obligataire, en connaissance de la fausseté des informations communiquées au public ; que le 14 décembre 1983 et le 6 mars 1984, la société AMREP diffusait des communiqués sur la forte dégradation de sa situation ; qu'elle était mise en règlement judiciaire le 30 mai 1984 et en liquidation des biens le 17 décembre 1984 ;

Attendu que MM. X... et Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt du rejet de leurs demandes tendant à la condamnation in solidum des sociétés BNP Paribas et Total-Fina-Elf au paiement de certaines sommes en réparation du préjudice subi par la masse, alors, selon le moyen :

1 ) que la participation, directe ou indirecte, à la décision d'une société en difficulté d'émettre un emprunt obligataire oblige à se renseigner sur l'aptitude de cette société à rembourser cet emprunt ;

qu'en l'espèce, en se contentant des informations erronées et lacunaires données par le président et le directeur financier de la société AMREP, sans se renseigner davantage sur la dégradation des comptes de cette société et de sa principale filiale UIE, le cas échéant en demandant un audit, afin que l'emprunt ne soit pas émis dans ces conditions faisant illusion, les sociétés Paribas et Total ont commis une faute de négligence qui engage leur responsabilité envers la masse des obligataires ; qu'en décidant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

2 ) qu'une banque chargée du placement d'un emprunt obligataire ne peut, eu égard à la confiance qu'elle inspire aux épargnants, rester passive aux informations qu'elle sait inexactes données par la société émettrice dans la note d'information du public ;

qu'en l'espèce, la banque Paribas s'était obligée, par un contrat de prise ferme du 26 octobre 1983, à diriger les opérations d'émission, de souscription et de règlement de l'emprunt obligataire et notamment à rédiger la note d'information du public et la notice légale publiée au BALO ; qu'elle connaissait, pour être le banquier habituel de la société AMREP et avoir assisté par l'intermédiaire de MM. Z... et de A... aux conseils d'administration des 20 juin et 19 juillet 1983, l'accroissement des provisions et la baisse du résultat de la société AMREP, ainsi que les "résultats extrêmement décevants" et les difficultés rencontrées par sa filiale UIE sur les contrats Petrobas ; qu'à supposer qu'elle n'ait pas rédigé la note d'information du public visée par la COB le 6 septembre 1983, qui citait le second contrat Petrobas d'un montant de 355 millions de francs, sans faire état des difficultés susdites et en indiquant au contraire qu'"il n'existe actuellement aucun fait exceptionnel ou affaire contentieuse susceptible d'affecter substantiellement les résultats ou la situation financière de la société" et que "les données de la présente note sont conformes à la réalité et ne comportent pas d'omission de nature à en altérer la portée", elle ne pouvait pour autant accepter que la souscription soit ouverte du 3 novembre au 8 décembre suivant sans qu'une information rectificative soit faite à l'attention du public ; qu'en refusant de retenir une faute de la banque Paribas, qui, par sa passivité, a contribué à tromper les épargnants, au motif inopérant que les informations de la note susrappelée étaient données sous la responsabilité du président de la société AMREP et des commissaires aux comptes, la cour d'appel a violé les articles 1382 et 1383 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que les sociétés Paribas et Total, qui, actionnaires minoritaires, ne contrôlaient pas la société AMREP et ne se sont pas comportées en dirigeants de fait, n'ont pas conseillé le recours à l'emprunt obligataire, lequel a été décidé par le conseil d'administration d'AMREP dûment autorisé par l'assemblée générale extraordinaire ; qu'il relève également que les dirigeants sociaux ont dissimulé aux administrateurs et aux commissaires aux comptes les informations qu'ils détenaient sur la situation du groupe et dont il est ensuite apparu qu'elles n'étaient pas l'exact reflet des pertes réelles et constate que, par décision irrévocable, les représentants de Paribas, administrateurs, ont été mis hors de cause ayant manifesté des diligences normales et régulières dans l'exercice de leurs mandats et n'ayant pas eu de raison de suspecter les comptes et les projets qui leur avaient été soumis par le président ; qu'il ajoute que les rapports de gestion sur les contrats Pétrobas n'avaient pas été portés à la connaissance de Paribas et que, s'agissant de la société Total, si son représentant qualifié participait au comité restreint instauré par le conseil d'administration du 20 juin 1983, ce comité n'avait pas reçu mandat d'éclairer le conseil d'administration sur la faisabilité d'une émission d'un emprunt obligataire et moins encore de préconiser une solution aux difficultés rencontrées par la société AMREP ou sa filiale UIE, et n'était pas investi d'une mission d'audit ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait ;

Attendu, d'autre part, qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient soumis, l'arrêt retient que Paribas n'a pas été le rédacteur de la note d'information et n'avait aucune raison de douter des informations extraites de comptes certifiés par les commissaires aux comptes, alors que la situation réelle de la société AMREP ne lui a été révélée qu'après l'émission de l'emprunt ; qu'en cet état, la cour d'appel a pu retenir que la banque n'avait pas commis de faute lors du placement de l'emprunt obligataire ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.