CA Versailles, 16e ch., 7 juin 2018, n° 16/08460
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Doartal Immobilier (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grasso
Conseillers :
Mme Massuet, Mme Sixdenier
FAITS ET PROCEDURE,
Agissant en vertu d'une ordonnance de réferé du tribunal d'instance de Puteaux en date du 9 octobre 2013, la société civile immobilière « Doartal Immobilier » - la société Doartal- a fait pratiquer le 9 décembre 2014, une saisie-attribution à l'encontre de M. M., entre les mains de la société BNP Paribas - la BNP-, pour avoir paiement de la somme de 18.646,68 euros en principal, intérêts et frais.
La saisie a été dénoncée le 15 décembre 2014.
Par exploit du 14 janvier 2015, régulièrement dénoncé à l'huissier saisissant et au tiers saisi, M. M. a fait citer la société Doartal à comparaître devant le tribunal de grande instance de Versailles afin principalement d'obtenir la nullité de la saisie du 9 décembre 2014.
Par jugement contradictoire du 15 novembre 2016, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Versailles a :
-débouté M. M. de toutes ses demandes,
-dit que la saisie-attribution du 9 décembre 2014, entre les mains de la BNP, produira tous ses effets sur la somme en principal de 16.605,60 euros, outre les intérêts majorés et les frais de procédure antérieure de 74,89 euros et les frais de saisie,
-condamné M. M. aux dépens et à payer à la société Doartal la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné la notification du jugement aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception et par lettre simple, ainsi qu'à l'huissier de justice par lettre simple.
Le 29 novembre 2016, M. M. a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions d'incident transmises le 24 mars 2017 M. M., appelant, demande à la cour d'ordonner la jonction de cette affaire avec celle enrôlée sous le numéro RG 16/06965, et sollicite un sursis à statuer.
Dans ses conclusions en réponse sur incident transmises le 21 avril 2017, la société Doartal, intimée, s'en rapporte à l'appréciation du conseiller de la mise en état sur la demande de jonction formulée, mais s'oppose à la demande de sursis à statuer.
Dans ses conclusions au fond transmises le 12 février 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. M., appelant, demande à la cour de :
-infirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution de Versailles le 15 novembre 2016,
Statuant de nouveau,
-prononcer la nullité du procès-verbal de recherche infructueuse du 31 octobre 2013 valant signification de l'ordonnance rendu le 9 octobre 2013 par le tribunal d'instance de Puteaux,
Par conséquent,
-constater que l'ordonnance du 9 octobre 2013 est non avenue,
En tout état de cause,
-dire que l'ordonnance du 9 octobre 2013 a été obtenue frauduleusement et ne peut fonder une mesure d'exécution forcée,
-annuler purement et simplement la saisie-attribution du 9 décembre 2014,
-condamner la société Doartal à payer à M. M. la somme de 19.175,62 euros à titre de dommages et intérêts,
-condamner la société Doartal à payer la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, C
-condamner la société Doartal aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, M. M. fait valoir :
-que l'acte de signification du 31 octobre 2013 encourt la nullité ; que, d'une part, l'appelant a notifié son congé par lettre recommandée avec accusé de réception postée le 18 septembre 2012, et la société Doartal était informée de sa nouvelle adresse à Achères ; que, d'autre part, l'huissier n'a pas accompli les diligences requises par l'article 659 du code de procédure civile, dans la mesure où il n'a pas tenté de contacter le voisinage, et n'a pas interrogé la poste, la mairie, les organismes de sécurité sociale ou les services des impôts ; que, par ailleurs, la société Doartal avait connaissance du lieu de travail de M. M. puisque cette information lui avait été communiquée lors de la constitution du dossier de locataire ;
-que l'ordonnance du 9 octobre 2013 a été obtenue de façon frauduleuse ; que, le bail s'étant trouvé résilié, la société Doartal ne pouvait engager la procédure non contradictoire instaurée par le décret du 10 août 2011 qui a pour objet de voir constater la résiliation du bail en application de l'article 14-1 de la loi du 6 juillet 1989 ;
-qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de M. M. les frais irrépétibles qu'il a dû engager pour la présente procédure.
Dans ses conclusions au fond transmises le 21 avril 2017, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Doartal Immobilier, intimée, demande à la cour de :
-confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 novembre 2016 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles,
-débouter M. M. de l'ensemble de ses demandes,
-condamner M. M. à payer à la société Doartal la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la société Doartal Immobilier fait valoir :
-que l'acte de signification du 31 octobre 2013 est régulier ; que, d'une part, l'ignorance du bailleur s'agissant de la nouvelle adresse de l'appelant est légitime dans la mesure où ce dernier est parti sans communiquer sa nouvelle adresse, contrairement aux prescriptions de l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 ; que, d'autre part, il ne peut être reproché à l'huissier de défauts de diligences au titre de l'article 659 du code de procédure civile ; que les entreprises publiques n'ont aucune obligation de répondre à un huissier ; que l'huissier n'a pas interrogé les voisins car ils étaient absents ; qu'enfin l'appelant ne justifie nullement de ce que la société VSC Technologie aurait encore été son employeur à la date du 31 octobre 2013 ;
-que le moyen tiré de ce que le titre fondant la saisie aurait été obtenu frauduleusement échappe à la compétence du juge de l'exécution ;
-que c'est à bon droit que le juge de l'exécution a estimé que la saisie doit produire ses effets à hauteur de 16.605,60 euros, car, l'appelant l'ayant pas restitué les clefs, les loyers ont couru jusqu'à la reprise effective des lieux.
***
La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 février 2018.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 11 avril 2018 et le délibéré au 7 juin suivant.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour rappelle que l'appel des jugements rendus par le juge de l'exécution, est régi par les dispositions de l'article 905 du code de procédure civile sauf information contraire délivrée à l'appelant. Il n'y a donc pas instruction de l'affaire devant un conseiller de la mise en état et par voie de conséquence il n'y a lieu de fixer d'audience d'incident.
Sur la demande de jonction
Il n'y a lieu de faire droit à cette demande étant rappelé qu'il s'agit d'une simple mesure d'administration judiciaire.
Sur la signification de l'ordonnance du 9 octobre 2013 faite le 31 octobre 2013
L'article 654 du code de procédure civile dispose que : « La signification doit être faite à personne.
La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet. »
L'article 655 du code de procédure civile dispose que :
« Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. »
L' article 656 du code de procédure civile dispose enfin que : « Si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice , dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile . Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l' article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice , contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée. La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant trois mois. Passé ce délai , l'huissier de justice en est déchargé. L'huissier de justice peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions ». .
Ce qui est prescrit par les articles 654 à 656 du code de procédure civile est observé à peine de nullité, et en application de l'article 693 du code de procédure civile, sous réserve de l'existence d'un grief.
Il en résulte que la signification à personne étant la règle, l'huissier de justice est tenu de mentionner, dans l'acte, non seulement les investigations concrètes qu'il a effectuées pour retrouver le destinataire (interrogation du voisinage, consultation de l'annuaire téléphonique, déplacement à la mairie pour consultation des listes électorales, à la Poste, au Commissariat ou à la Gendarmerie, auprès de l'Administration fiscale), mais également les circonstances concrètes et précises empêchant une telle signification.
Il n'a pas à prouver ses diligences, les mentions qu'il porte faisant foi jusqu'à inscription de faux.
Il convient de rappeler que par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 17 septembre 2012, M.M. informait son bailleur qu'il « désirait mettre un terme au bail » et « se tenait à disposition pour la remise des clefs ».
La SCI Doartal ne remet devant la cour aucun document pour renseigner la cour sur les échanges intervenus entre les parties pour la remise des clefs, l'état des lieux, le remboursement du dépôt de garantie.
La signification par procès-verbal 659 du code de procédure civile a été faite par l'huissier le 31 octobre 2013 à l'adresse du domicile que quittait M.Julien près d'un an plus tôt.
Certes l'huissier a indiqué sur l'acte «M.Martin Julien R. a été déclaré parti sans laisser d'adresse par concierge » ; l'huissier a ajouté avoir consulté les « pages blanches » sans succès et avoir contacté son correspondant lequel n'a pu fournir de nouveaux éléments.
Toutefois et parce qu'en septembre 2012, M.M. informait le bailleur de la résiliation du bail -sans toutefois communiquer sa nouvelle adresse- la circonstance que l'huissier se contente des observations du concierge sans interroger le voisinage -puisqu'aucune mention en ce sens n'est portée à l'acte- ne suffit pas à justifier que toute démarche a été faite pour délivrer l'acte à personne ce d'autant que le bailleur avait connaissance de l'adresse professionnelle de son locataire comme cela ressort des pièces remises devant la cour par celui-ci.
Il ressort des attestations déposées par M.Julien M. -attestations B. et P.- que les voisins au [...] avaient connaissance de la nouvelle adresse de M.M. à Achères.
M.M. justifie avoir procédé à une déclaration de changement de coordonnées auprès de la caisse d'allocations familiales, de la sécurité sociale et des impôts.
Il résulte de ces contestations et énonciations, que l'absence de diligences de l'huissier est avérée ; il y a lieu de prononcer la nullité de la signification de l'ordonnance du 31 octobre 2013.
Par voie de conséquence l'ordonnance est dite non avenue de sorte que le bailleur la SCI Doartal ne justifie pas d'un titre exécutoire autorisant le recouvrement forcé des créances.
Sur la demande de dommages intérêts de M.M.
Il est demandé la somme de 19.175,62 € à titre de dommages intérêts.
M.M. explique que l'ordonnance sur requête aurait été rendue en fraude de ses droits, souligne que le bailleur n'a pas cherché à le contacter mais aussi que l'ordonnance est intervenue 10 mois après son départ et la mesure d'exécution un an plus tard.
Le fait que le bailleur attende pour recouvrer sa créance ne peut être considéré comme fautif puisqu'il appartient au bailleur qui a pris l'initiative des poursuites de décider de la date de celles-ci.
La cour observe que les parties ne donnent pas d'explications sur la qualité de leurs relations, l'état des lieux, le remboursement du dépôt de garantie, la réponse apportée au courrier de résiliation du bail étant relevé qu'il ressort des attestations remises que les locataires seraient partis une dizaine de jours après le courrier recommandé.
En l'absence de la preuve de la faute reprochée au bailleur, il n'est pas fait droit à la demande de dommages intérêts.
Sur les demandes accessoires
L'équité commande de ne pas faire droit à la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens de la procédure sont à la charge de la SCI Doartal.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
DIT n'y avoir lieu à jonction
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris du 15 novembre 2016,
Y substituant,
CONSTATE la nullité de la signification de l'ordonnance de référé du 9 octobre 2013,
DIT non avenue l'ordonnance du 9 octobre 2013,
DIT en conséquence n'y avoir lieu à saisie des rémunérations,
Y ajoutant
REJETTE la demande de dommages intérêts formée par M.Julien M.,
REJETTE la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI Doartal aux dépens devant le premier juge et en cause d'appel
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l' article 450 du code de procédure civile.