Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 14 décembre 2021, n° 20/13438

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

FPCI France Investissement Croissance (SAS)

Défendeur :

SCP BTSG (ès qual.), Selarl BCM (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert Pageot

Conseiller :

Mme Texier

Avocats :

Me Baechlin, Me Madariaga, Me Guichon, Me Surin, Me Boccon Gibod, Me Honig

T. com. Paris, JC, du 7 sept. 2020, n° 2…

7 septembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE :

Entre 2008 et 2011, la société D a procédé à plusieurs émissions d'obligations convertibles (OC 2008-2009 et OC 2011) auxquelles ont souscrit le fonds FPCI FIC, géré par BPIfrance investissement, et des fonds gérés par les sociétés M Y F et I capital ('les obligataires'). Le montant total des obligations ainsi souscrites s'élevait à 7.318.869 euros.

La société D s'est trouvée dans l'incapacité d'honorer les échéances de remboursement.

Par ordonnance du 30 mars 2016, le président du tribunal de commerce de Toulouse a ouvert une procédure de conciliation et, par jugement du 5 octobre 2016, le tribunal de commerce de Toulouse a homologué un protocole de conciliation conclu les 25 et 26 août 2016 entre la société D, la société Quadran, les obligataires et les banques X régions, Société générale, Caisse d'épargne de Midi Pyrénées et Banque populaire occitane.

En application de ce protocole, les modalités de conversion et de durée des contrats d'émission des obligations 2008-2009 et 2011 ont été modifiées. Les obligataires ont cédé pour un euro symbolique des actions D à la société Ficoz, ont souscrit, par compensation avec les créances qu'ils détenaient sur la société D au titre des obligations OC 2008-2009 et OC 2011, à la totalité de deux nouvelles émissions d'obligations simples à concurrence d'une somme respective de 250.000 euros et de 4.000.009 euros (OC 2016 dites 'obligations Résiduelles' et OC 2016 dites 'obligations Quadran'), ont cédé à la société Ficoz le solde des obligations 2008-2009 et 2011 pour un euro, qui les a converties en actions nouvelles de la société D dans le cadre d'une augmentation de capital. Etait également prévue la cession des obligations Quadran à la société Quadran, sous condition résolutoire de l'absence de réalisation, avant le 30 novembre 2016 de la cession par la société D d'actions de sa filiale Hydroneo Afrique à la société Quadran et de sa participation minoritaire dans une société de droit vietnamien à la société Quadran ou à l'actionnaire majoritaire de cette société, la première cession étant conditionnée à la réalisation de la seconde avant le 30 novembre 2016.

Les conditions suspensives à la cession des actions Hydroneo Afrique n'ayant pas été levées, la société Quadran a rétrocédé les obligations Quadran aux obligataires.

Les obligations Résiduelles et Quadran sont devenues exigibles le 30 novembre 2016.

Sur requête de Me Vigreux, mandataire ad hoc, et par ordonnance du 20 mars 2017, le président du tribunal de commerce de Toulouse a mis fin à sa mission de mandataire à l'exécution du protocole de conciliation.

Par jugement du 4 mars 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société D, la SELARL BCM étant désignée administrateur judiciaire et la SCP BTSG mandataire judiciaire.

Le 15 mai 2019, la société BPIfrance investissement, représentant le fonds FPCI FIC lui-même représentant de la masse des titulaires des obligations Quadran et des obligations Résiduelles, a déclaré à titre conservatoire deux créances d'un montant respectif de 4.859.679,32 euros (4.000.009 euros en principal et 859.670,32 euros en intérêts) et de 329.284,55 euros (250.000 euros en principal et 79.284,55 euros en intérêts) au titre des obligations émises le 27 octobre 2016.

La société D a contesté ces créances au motif que la masse des obligataires n'avait pas qualité à agir faute de désignation d'un représentant.

Sur requête de la SCP BTSG ès qualités et par ordonnance du 14 octobre 2019, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné la SELARL Actis représentant de la masse des obligataires pour les obligations convertibles émises en 2008 et 2009 et souscrites par les fonds FPCI FIC et M Y F et la SELAS Etude JP représentant de la masse des obligataires pour les obligations convertibles émises en 2011 et souscrites par le fonds I capital.

Les créances détenues par les obligataires au titre des OC 2008-2009 et des OC 2011 ont été déclarées par les représentants de la masse à titre chirographaire pour des montants respectifs de 5.639.946,20 euros et de 9.231.641,88 euros au titre des OC 2008, de 6.961.707,12 euros, de 697.353,44 euros et de 414.484,30 euros au titre des OC 2009, de 899.002,96 euros et de 2.097.643,62 euros au titre des OC 2011.

La société D a contesté ces créances aux motifs que les obligations 2008-2009 et 2011 avaient été annulées suite à leur conversion en actions et en obligations 2016, d'une part, et qu'il existait une instance en cours devant le tribunal de commerce de Paris l'opposant aux créanciers obligataires, d'autre part.

Par ordonnance du 7 septembre 2020, le juge commissaire a rejeté les créances déclarées au titre des obligations Quadran au motif que l'article L. 611-12 du code de commerce stipule que les accords homologués prennent fin de plein droit en cas d'ouverture d'un redressement judiciaire.

Par déclaration du 24 septembre 2020, la société FPCI FIC a fait appel de cette ordonnance.

Par jugement du 13 octobre 2020, le tribunal a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire, mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire et désigné la SCP BTSG liquidateur judiciaire.

Le 28 janvier 2021, la société D a assigné la SELARL BCM ès qualités à comparaître devant la cour dans le cadre de la présente instance.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 30 septembre 2021, le fonds FPCI FIC demande à la cour :

- in limine litis de révoquer l'ordonnance de clôture et de le recevoir en ses présentes conclusions, à défaut de rejeter les conclusions de l'appelante du 20 septembre 2021 ;

- de joindre la présente instance avec les instances 20/13632, 20/13631, 20/13646, 20/13647, 20/13644, 20/13651, 20/13649 et 20/13439 ;

- à titre principal, de confirmer l'ordonnance entreprise ;

- à titre subsidiaire, si la cour devait rejeter l'admission au passif de la société D des créances déclarées au titre des OC initiales, d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les créances déclarées au titre des obligations Quadran, d'ordonner l'admission au passif de la société D des créances déclarées au titre de ces obligations ;

- en tout état de cause, de débouter les intimées de toute demande contraire, de condamner la SCP BTSG ès qualités à la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et de juger que les dépens seront en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 20 septembre 2021, la société D demande à la cour :

- de déclarer irrecevable la déclaration de créance produite par la société BPIfrance investissement à son passif, faute de désignation d'un représentant de la masse des obligataires et sans autorisation préalable de l'assemblée des obligataires ;

- en conséquence, de confirmer l'ordonnance rendue le 7 septembre 2020 en ce qu'elle rejette la créance produite par la société BPIfrance investissement à son passif, de débouter le fonds FPCI FIC de ses demandes ;

- subsidiairement, de juger qu'il existe une instance en cours l'opposant aux créanciers obligataires pendante devant le tribunal de commerce de Paris ;

- en tout état de cause, de débouter le fonds FPCI FIC de ses demandes, de le condamner à payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Par dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 25 mars 2021, la SELARL BCM ès qualités et la SCP BTSG ès qualités demandent à la cour : - de mettre hors de cause la SELARL BCM ès qualités ;

- de donner acte à la SCP BTSG ès qualités de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les demandes formulées par le fonds FPCI FIC.

SUR CE,

La clôture ayant été prononcée le 21 octobre 2021 après que les parties ont déposé leurs dernières conclusions, il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture comme le sollicite la FPCI FIC.

FPCI FIC demande la jonction des neuf instances relatives à l'examen de chacune des ordonnances statuant sur les créances déclarées par les obligataires au titre des OC initiales 2008, des OC initiales 2009, des OC initiales 2011, des obligations Quadran et des obligations Résiduelles. La cour statuant par arrêts du même jour sur chacune des instances, aucun risque de contrariété n'existe de sorte que la jonction des instances n'est pas nécessaire. La demande de jonction sera donc rejetée.

La SELARL BCM ès qualités a été assignée le 28 janvier 2021 alors qu'il avait été mis fin à sa mission d'administrateur judiciaire par jugement du 13 octobre 2020. Il convient dès lors de la mettre hors de cause.

Sur la recevabilité de la déclaration de créance :

La société D soutient que la déclaration de créance n'est pas régulière aux motifs que FPCI FIC ne peut se prévaloir d'une désignation régulière en qualité de représentant de la masse des obligataires 2016 et qu'il n'avait pas le pouvoir de déclarer une créance à son passif alors qu'en vertu de l'article L. 228-54 du code de commerce, les représentants de la masse doivent être dûment autorisés par l'assemblée générale des obligataires pour engager une action en justice au nom de la masse. Elle fait valoir que les assemblées des titulaires des obligations Quadran du 4 avril 2018 et du 30 janvier 2019 sont nulles pour ne pas avoir été convoquées par le conseil d'administration ou par le représentant légal de la société D, que ces assemblées n'ont pu valablement désigner un représentant de la masse, que FPCI FIC ne justifie pas de la notification de sa désignation à la société D, qu'en outre FPCI FIC n'a pas reçu pouvoir de la masse des obligataires pour produire au passif de la société D alors qu'en application de l'article L. 228-54, alinéa 1er, le représentant de la masse doit être dûment autorisé par l'assemblée générale des obligataires pour engager une action en justice.

FPCI FIC réplique que la société BPIfrance investissement a été régulièrement désignée représentant de la masse des titulaires des obligations Quadran aux termes de l'assemblée générale réunie le 4 avril 2018, que la décision de notification du représentant de la masse a été notifiée à la société D le 5 avril 2018, que le mandat confié au représentant de la masse a été ratifié aux termes d'une nouvelle assemblée réunie le 30 janvier 2019 et qu'elle a, par courrier du 15 mai 2019, régularisé une déclaration de créance. Il soutient que la société D n'a pas qualité à agir en nullité de la délibération critiquée et que le pouvoir de déclarer la créance ne nécessite pour le représentant de la masse aucun pouvoir spécifique ou autorisation particulière de l'assemblée générale des obligataires, un tel pouvoir découlant de l'article L. 228-83 du code de commerce.

L'article L. 228-83 du code de commerce dispose qu'en cas de redressement ou de liquidation judiciaires de la société, les représentants de la masse des obligataires sont habilités à agir au nom de celle ci et l'article L. 228-84 du même code précise que les représentants de la masse déclarent au passif du redressement ou de la liquidation judiciaires de la société, pour tous les obligataires de cette masse, le montant en principal des obligations restant en circulation augmenté pour mémoire des coupons d'intérêts échus et non payés, dont le décompte est établi par le mandataire judiciaire.

Il résulte de ces dispositions que, pour déclarer la créance des obligataires de la masse, le représentant de la masse n'a pas à justifier d'un pouvoir spécial ou d'une autorisation de l'assemblée générale des obligataires, contrairement à ce que soutient la société E

Il ressort des dispositions des articles L. 228-51, L. 228-58 et L. 228-59 du code de commerce que, lorsqu'ils n'ont pas été désignés dans le contrat d'émission, les représentants de la masse des porteurs d'obligations d'un emprunt sont nommés par l'assemblée générale ou, à défaut, par décision de justice, à la demande de tout intéressé ; que l'assemblée générale des obligataires est convoquée par le conseil d'administration, le directoire ou les gérants, par les représentants de la masse ou par les liquidateurs pendant la période de liquidation ; qu'un ou plusieurs obligataires, réunissant au moins le trentième des titres d'une masse, peuvent adresser à la société et au représentant de la masse une demande tendant à la convocation de l'assemblée ; que la convocation des assemblées générales d'obligataires est faite dans les mêmes conditions de forme et de délai que celle des assemblées d'actionnaires ; que toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée mais que l'action en nullité n'est pas recevable lorsque tous les obligataires de la masse intéressée sont présents ou représentés.

En l'espèce, l'assemblée générale des obligataires tenue le 4 avril 2018 a réuni, selon le procès verbal, la totalité des obligataires. Le procès verbal ne précise pas les modalités de convocation de l'assemblée. Au terme de la première résolution, les obligataires ont désigné FPCI FIC, représenté par sa société de gestion BPIfrance investissement, en qualité de représentant de la masse. Cette désignation a été notifiée, le 5 avril 2018, par la société BPIfrance investissement à la société E

S'il ne ressort pas des pièces versées au débat que l'assemblée générale a été convoquée par le conseil d'administration de la société D, société anonyme à conseil d'administration, l'exception de nullité soulevée par la société D et tirée de cette irrégularité n'est pas recevable dès lors que tous les obligataires de la masse étaient présents à l'assemblée générale.

Il s'ensuit que la déclaration de créance de FPCI FIC est régulière et que la société D doit être déboutée de sa fin de non recevoir.

Sur l'existence d'une instance en cours :

La société D soutient qu'au jour du jugement d'ouverture, elle avait assigné la société Quadran et les obligataires le 2 juillet 2018 devant le tribunal de commerce de Paris en responsabilité pour inexécution du protocole de conciliation et que l'affaire est toujours pendante de sorte que, les créances étant litigieuses, la cour doit en conséquence constater l'existence d'une instance en cours en application de l'article L. 624-2 du code de commerce.

FPCI FIC réplique que la procédure dont fait état la société D n'est pas une instance en cours au sens de l'article L. 624-2 du code de commerce, l'action n'ayant pas été engagée contre la société D mais à son initiative contre la société Quadran et les créanciers obligataires n'ayant été assignés en intervention forcée que le 11 septembre 2020 après le jugement d'ouverture. Elle ajoute que cette action est sans lien avec l'admission des créances déclarées par les obligataires et que ces créances ne sont pas contestées dans cette instance.

L'article L. 624-2 du code de commerce dispose qu' 'au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge commissaire décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence'.

L'instance en cours qui enlève au juge commissaire le pouvoir de décider de l'admission ou du rejet de la créance s'entend d'une instance engagée à l'encontre du débiteur et non d'une instance introduite par ce dernier.

La société D a engagé, le 4 octobre 2007, une action en responsabilité à l'égard de la société Quadran à raison de l'inexécution de la cession des actions de sa filiale Hydroneo Afrique et de sa participation minoritaire détenue dans une société de droit vietnamien. Elle a ensuite assigné en intervention forcée, le 2 juillet 2018, les obligataires en garantie de l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi en conséquence de l'inexécution du protocole de conciliation, considérant les obligataires également responsables de cette inexécution.

Si la société D a ainsi introduit une instance à l'encontre des créanciers obligataires avant le jugement d'ouverture du 4 mars 2019, une telle instance n'est pas de nature à dessaisir le juge de la vérification des créances de son pouvoir d'admission ou de rejet des créances contestées dès lors qu'elle n'a pas été introduite à l'encontre de la société D et qu'elle ne tend pas à remettre en cause les créances déclarées ultérieurement à son passif par les obligataires mais à faire reconnaître une créance indemnitaire à l'encontre de la société Quadran et la garantie des créanciers obligataires.

La demande de constat d'une instance en cours formée par la société D doit donc être écartée.

Sur la demande principale de confirmation de l'ordonnance déférée et la demande subsidiaire d'infirmation de l'ordonnance déférée formées par FPCI FIC :

FPCI FIC soutient qu'en application de l'article L. 611-12 du code de commerce les obligataires ont retrouvé l'intégralité de leurs créances au titre des OC initiales et que ces créances doivent être admises au passif de la société E A fait valoir que si les obligations Quadran et les obligations Résiduelles ont bien été souscrites par les obligataires dans les conditions et termes prévus par le protocole de conciliation, les obligataires n'ayant reçu aucune somme en remboursement de leur créance au titre des OC initiales n'ont pas été désintéressés à la date d'ouverture du redressement judiciaire, qu'il a bien été mis fin au protocole de conciliation du fait de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et qu'en application de l'article L. 611-12, le remboursement des OC initiales, par compensation avec les émissions obligataires prévues dans le cadre du protocole de conciliation, est remis en cause du fait de la caducité de ce protocole, que les obligataires doivent dès lors recouvrer leur créance initiale. Elle ajoute que l'article L. 228-74 du code de commerce n'est pas applicable et n'est pas un obstacle à la remise en circulation des OC initiales.

Subsidiairement, FPCI FIC demande l'admission de la créance au titre des obligations Quadran si la cour devait estimer que l'application de l'article L. 611-12 du code de commerce n'emporte d'effet que pour l'avenir et qu'en conséquence les créanciers obligataires ne sont désormais créanciers de la société D qu'au titre des créances restructurées dans le cadre du protocole de conciliation.

La société D soutient que les dispositions de l'article L. 611-12 du code de commerce ne sont pas applicables et que les obligations 2008-2009 et 2011 ayant été annulées suite à leur paiement par compensation et ne pouvant être remises en circulation en vertu de l'article L. 228-74 du code de commerce, les créances déclarées à ce titre doivent être rejetées. Elle fait valoir que les obligataires ne peuvent pas retrouver l'intégralité de leurs créances en raison de leur paiement par compensation avec l'émission des obligations 2016 et de la cession du solde à la société Ficoz qui les a ensuite converties en actions D cédées à la société Hydroneo Afrique, qu'ils ne peuvent revendiquer un apport de trésorerie au sens de l'article L. 611-11 du code de commerce, qu'ils n'ont consenti aucune remise de dettes, que le protocole de conciliation a été exécuté dans sa totalité à l'ouverture du redressement judiciaire intervenue le 4 mars 2019 deux ans et demi après son homologation.

En l'espèce, l'accord de conciliation a été conclu le 26 août 2016 et homologué le 5 octobre 2016, Me Vigreux étant désigné en qualité de mandataire à l'exécution de l'accord.

Il est acquis au débat que les obligataires ont exécuté leurs engagements en cédant une partie de leurs obligations initiales à la société Ficoz, en souscrivant aux deux nouvelles émissions d'obligations simples à concurrence de 4.250.009 euros et en cédant, sous condition résolutoire, les nouvelles obligations Quadran ainsi souscrites à la société Quadran, et qu'en revanche la condition résolutoire ayant été réalisée, faute de cession par la société D à la société Quadran de ses actions Hydroneo Afrique et de sa participation minoritaire dans la société Song giang 2, ces nouvelles obligations Quadran ont été rétrocédées aux obligataires, la date d'exigibilité de toutes les obligations nouvellement émises par la société D étant le 30 novembre 2016.

Les parties indiquent en outre de manière concordante dans leurs écritures qu'il a été mis fin à la mission de Me Vigreux de mandataire à l'exécution du protocole par ordonnance du 20 mars 2017, non produite aux débats.

Enfin, FPCI FIC expose lui même dans ses écritures qu' 'à la suite de cet échec de la procédure de conciliation, la société Quadran avait émis une proposition alternative conditionnée à l'ouverture d'une nouvelle procédure de conciliation et à la réalisation des opérations visées dans le cadre de cette procédure de conciliation', proposition qui n'a pas prospéré.

Il se déduit de ces éléments qu'il a été mis un terme à l'exécution de l'accord de conciliation avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société D du 4 mars 2019 et que ce n'est pas ce jugement d'ouverture qui, comme le prétend FPCI FIC, a mis fin de plein droit à l'accord.

Il s'ensuit que les conditions d'application de l'article L. 611-12 du code de commerce n'étant pas réunies, les obligataires ne peuvent prétendre avoir retrouvé leurs créances nées des obligations convertibles souscrites en 2008, 2009 et 2011.

En toutes hypothèses, à supposer que le jugement d'ouverture ait entraîné la caducité de l'accord de conciliation, une telle caducité implique de faire application des règles de restitution. Or, d'une part, dès lors qu'il résulte de l'article L. 611-12 que ce qui a été payé en vertu de l'accord ne doit pas être restitué, les obligataires ne peuvent retrouver leurs créances au titre des obligations initiales remboursées en 2016 par compensation avec la souscription de nouvelles obligations en application de l'accord de conciliation. D'autre part, les restitutions s'avèrent en l'espèce impossibles dans la mesure où les obligations initiales remboursées ont été annulées, dès la souscription aux nouvelles émissions de 2016, en application des avenants aux contrats d'émission et conformément à l'article L. 228-74 du code de commerce, sans qu'elles puissent ainsi être rétablies, et que les autres obligations initiales, au nombre de 154.490, ont été cédées à la société Ficoz qui les a converties en actions D dans le cadre d'une augmentation de capital, de telles opérations successives rendant également leur restitution impossible.

Au surplus, selon l'article L. 228-84 du même code, 'les représentants de la masse déclarent au passif du redressement ou de la liquidation judiciaires de la société, pour tous les obligataires de cette masse, le montant en principal des obligations restant en circulation augmenté pour mémoire des coupons d'intérêts échus et non payés, dont le décompte est établi par le mandataire judiciaire' [souligné par la cour]. Il s'en déduit que la caducité de l'accord de conciliation résultant du jugement d'ouverture ne peut pas, en toutes hypothèses, avoir un effet rétroactif s'agissant de créances nées d'obligations qui ne sont plus en circulation au jour du jugement d'ouverture.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les obligataires ne peuvent faire valoir de créances au titre des obligations souscrites en 2008, 2009 et 2011.

La demande de confirmation de l'ordonnance déférée, rejetant la créance déclarée au titre des obligations Quadran émises en 2016, formée par FPCI FIC doit donc être écartée.

La société D ne discute pas du principe et du montant de la créance des obligataires déclarée au titre des obligations Quadran. En application de l'accord de conciliation, la société D est débitrice à l'égard des obligataires au titre des obligations souscrites en 2016 et exigibles depuis le 30 novembre 2016. Elle a ainsi été mise en demeure par la société BPIfrance investissement le 5 avril 2018 de rembourser une somme de 4.506.882,32 euros.

La cour infirmant, par arrêts de ce jour, les ordonnances du juge commissaire ayant admis les créances déclarées au titre des obligations initiales 2008-2009 et 2011 et rejetant ces créances, d'une part, et les obligataires justifiant du montant de la créance déclarée au titre des obligations Quadran, d'autre part, l'ordonnance déférée sera infirmée en toutes ses dispositions et la créance déclarée admise au passif de la société E

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant contradictoirement,

Déboute FPCI FIC de sa demande de jonction d'instances ;

Met hors de cause la SELARL BCM ès qualités ;

Déboute la société D de sa fin de non-recevoir tirée de l'irrégularité de la déclaration de créance ;

Déboute la société D de sa demande de constat d'une instance en cours ;

Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Admet au passif de la société D la créance déclarée à titre chirographaire par la société BPIfrance investissement représentant le fonds FPCI FIC, au titre des obligations dites 'Quadran', pour un montant de 4.859.679,32 euros, comprenant le principal, les intérêts arrêtés au 4 mars 2019 et les intérêts de retard arrêtés au 4 mars 2019, avec intérêts contractuels au taux de 9 %/l'an et intérêts contractuels de retard ;

Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.