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Décisions

CA Angers, ch. a com., 21 février 2023, n° 19/02484

ANGERS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

MMA IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Robveille, M. Benmimoune

Avocats :

Me Langlois, Me Papin, Me Stibbe, Me Notte-Forzy, Me Pericard, Me Matteoli

T. com. Mans, du 15 nov. 2019, n° 17/056…

15 novembre 2019

FAITS ET PROCÉDURE

La société Artemis consultants, dissoute et radiée du RCS depuis le 12 juillet 2012, exerçait notamment une activité de conseiller en gestion de patrimoine (CGP). Elle était alors assurée en responsabilité civile par la société (SA) MMA IARD.

Le 11 avril 2008, par l'intermédiaire de la société Artemis consultants, M. [P] a signé un contrat 'Solabios' en vue de réaliser des investissements dans l'énergie photovoltaïque. Ce contrat mentionne, en première page, le nom de la société Artemis consultants.

De par cette souscription, M. [P] devenait associé d'une société en participation (SEP) dont l'un des associés et unique gérant était la SA Solabios, laquelle acquérait une ou plusieurs centrales photovoltaïques d'un prix unitaire de 17.677 euros HT (frais d'installation compris), exploitées par la SA Solabios, avec un taux de rendement annoncé de 8% par an et un engagement de la SA Solabios de racheter le matériel de la SEP à date convenue et au prix de 87% du prix d'acquisition HT.

Un loyer, garanti, contractuellement fixé à 8% de la valeur HT de l'investissement, devait être versé à la société en participation en contrepartie de l'exploitation par la SA Solabios des centrales photovoltaïques dont les SEP étaient propriétaires. Ce loyer était revalorisé annuellement de 1,5% payable comptant par trimestre échu, sans escompte d'avance et le premier jour de chaque trimestre.

M. [P] a versé une somme totale de 21.141,69 TTC correspondant au tarif d'une centrale pour le contrat qu'il a souscrit, somme financée à l'aide d'un prêt qu'il a contracté auprès de la banque BNP Paribas.

Dès juillet 2012, les difficultés financières de la SA Solabios l'ont conduite à annoncer le gel du versement des loyers dus aux SEP et ainsi aux investisseurs. Son mandataire ad hoc désigné le 15 mai 2012 en a informé les investisseurs par courrier en juillet 2012.

Dans une décision du 23 juillet 2013, la commission des sanctions de l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) a mis à jour, dans le cadre d'une enquête des activités de la SA Solabios, diverses lacunes.

Par jugements du tribunal de commerce de Nice du 17 octobre 2013 puis du 4 février 2015, la SA Solabios a été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, qui a donné lieu à un plan de cession et à une cessation d'activité de ladite société.

M. [P] a déclaré une créance au passif de la procédure collective de la SA Solabios pour un montant de 20.072,16 euros.

Entre-temps, le 16 février 2014, plusieurs centaines d'investisseurs, regroupés dans une association, ont déposé plainte entre les mains du procureur de la République de Nice, pour abus de confiance et escroquerie commis en bande organisée.

Par jugement du 29 juillet 2015, le tribunal de commerce de Nice a retenu et validé l'offre de reprise des actifs de la SA Solabios de la société Reaton.

Par actes d'huissier du 6 juin 2017, invoquant avoir pris conscience de l'ampleur d'importantes pertes et se prévalant ne pas avoir été informés par la société Artemis consultants des risques encourus en accordant sa confiance à la SA Solabios, M. [P] a fait assigner la SA MMA IARD devant le tribunal de commerce du Mans.

En cours de procédure, le liquidateur judiciaire de la SA Solabios a adressé à M. [P] un certificat d'irrécouvrabilité.

En l'état de ses dernières écritures devant le tribunal de commerce du Mans, M. [P] lui a demandé, au visa des articles 1147 et 1315 anciens du code civil, L. 533-13 et L. 541-8-1 du code monétaire et financier, 325-3, 325-4 et 325-7 du règlement général de l'AMF (RGAMF), et L. 124-3 du code des assurances, de :

- dire et juger que la société Artemis consultants a qualité à défendre du fait de son intervention dans le cadre de la souscription de l'investissement litigieux,

- dire et juger que son action n'est pas prescrite,

- le recevoir dans sa demande,

- dire et juger que la société Artemis consultants n'a pas rempli son obligation d'information et son obligation de conseil à son égard,

- dire et juger qu'il a subi un préjudice financier de 33.427,69 euros et un préjudice moral de 5.000 euros,

subsidiairement,

- dire et juger que son préjudice s'analyse en une perte de chance qu'il convient d'indemniser à hauteur de 100%,

- dire et juger qu'il existe un lien de causalité entre les fautes commises par la société Artemis consultants qui a manqué à ses obligations et les préjudices qu'il a subis,

en conséquence,

- condamner MMA IARD à lui payer la somme de 33.427,69 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier,

subsidiairement,

- condamner, au titre de la perte de chance, MMA IARD à lui payer la somme de 21.141,69 euros, correspondant au montant investi, actualisée à un taux moyen de 5% depuis la date de souscription de chaque contrat jusqu'à parfait paiement au titre de la perte de chance,

- condamner MMA IARD à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

En défense, la SA MMA IARD, en défense, a entendu voir, à titre principal, au vu des articles 30, 31, 32 et 122 du code de procédure civile, L. 228-54, L.622-20 et L. 641-4 d code de commerce, 2224 du code civil, dire et juger que l'action du demandeur à son encontre est prescrite mais aussi irrecevable en raison du monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire de la SA Solabios, et le cas échéant, de celui du représentant de la masse des obligataires ; débouter le demandeur en conséquence de toutes ses demandes, fins et prétentions à son encontre. A titre subsidiaire, elle a sollicité du tribunal qu'il juge que le demandeur ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une faute, ni d'un préjudice indemnisable, ni du lien de causalité entre les préjudices invoqués et les fautes alléguées, qu'il le déboute en conséquence de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre.

Par jugement du 15 novembre 2019, le tribunal de commerce du Mans a :

- dit que l'action engagée par M. [P] à l'égard de MMA IARD, assureur de Artemis consultants, est irrecevable comme prescrite,

- débouté en conséquence M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société MMA IARD,

- dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [P] à payer les entiers dépens de l'instance,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.

Par déclaration du 18 décembre 2019, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.

M. [P], d'une part, la SA MMA IARD, d'autre part, ont conclu.

Une ordonnance du 21 novembre 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

M. [P] demande à la cour :

- infirmer le jugement du tribunal de commerce du Mans du 15 novembre 2019 en ce qu'il a dit que l'action qu'il a engagée à l'égard de la société MMA IARD était irrecevable comme prescrite,

- infirmer le jugement du tribunal de commerce du Mans du 15 novembre 2019 en ce qu'il l'a débouté en conséquence de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'égard de la société MMA IARD,

statuant à nouveau,

- condamner la société MMA IARD à lui payer la somme de 17.677 euros,

- condamner la société MMA IARD à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- condamner MMA IARD à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société MMA IARD aux entiers dépens.

La SA MMA IARD prie la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit l'action engagée par M. [P] à son encontre irrecevable comme prescrite,

- débouter en conséquence M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

- dire et juger que l'action engagée par M. [P] à son encontre est également irrecevable en raison des monopoles d'action dévolus au liquidateur judiciaire et au représentant de la masse des obligataires de la société Solabios,

- débouter en conséquence M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que M. [P] ne rapporte pas la preuve de l'existence ni d'une faute, ni d'un préjudice indemnisable, ni du lien de causalité entre les préjudices invoqués et les fautes alléguées,

- débouter en conséquence M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

en tout état de cause,

- condamner M. [P] à lui payer la somme de 10.000 euros chacune au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 21 novembre 2022 pour M. [P],

- le 10 novembre 2022 pour la SA MMA IARD.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription :

M. [P] fonde sa demande d'indemnisation sur un manquement de la société Artemis consultants à son devoir d'information et de conseil. L'indemnisation est réclamée au titre d'une perte de chance de ne pas s'être engagé.

Les premiers juges ont retenu pour point de départ du délai de prescription quinquennal de l'action la date de souscription du contrat Solabios SEP, en application de l'article 2224 du code civil, soit le 23 avril 2010.

Ils sont approuvés par l'intimée qui fait valoir que le dommage invoqué s'est manifesté au jour de la conclusion du contrat. Partant de ce que M. [P] ne réclame pas l'indemnisation de la perte de son investissement ni de l'absence de paiement des loyers mais l'indemnisation de la perte de chance de mieux investir ses capitaux, conformément à la règle selon laquelle en matière d'investissement, le préjudice né d'un manquement d'un intermédiaire à son obligation d'information et/ou de conseil s'analyse en une perte de chance de ne pas souscrire à l'investissement litigieux ou une perte de chance de mieux investir des capitaux, elle fait valoir que, si le dommage résultant de la perte des investissements de M. [P], qui ne peut être imputé à Artémis consultants, ne s'est révélé que postérieurement à la conclusion du contrat, la perte de chance de mieux investir ses capitaux était, quant à elle, constituée dès la conclusion du contrat, fixant ainsi le point de départ du délai de prescription de son action en responsabilité. Elle ajoute que le manquement invoqué correspond à un événement qui se rattache à la conclusion du contrat et non à son exécution.

Subsidiairement, la SA MMA IARD soutient que si le point de départ du délai de prescription devait se situer au jour où M. [P] a eu connaissance de son prétendu dommage, là encore, son action serait prescrite dès lors qu'il indiquait, dans ses propres écritures, n'avoir perçu que huit loyers versés par Solabios à la SEP, soit jusqu'au mois de mars 2010, de sorte que, dès le trimestre suivant, soit au mois de juillet 2020, il avait pris conscience de l'absence de garantie de son investissement et des risques de perte, et était en mesure de connaître les faits qui lui permettaient d'exercer son action à l'encontre de MMA. En réponse aux avant dernières conclusions de l'appelant, dans lesquelles il indique avoir perçu huit loyers trimestriels entre le 11 septembre 2009 et le 11 mars 2012, en produisant le relevé bancaire du mois d'avril 2012, elle fait valoir qu'il n'est pas démontré que le premier loyer n'aurait pas été perçu juste après la souscription du contrat et non pas le 11 septembre 2009 et qu'il est possible que le virement perçu au mois de mars 2012 ne soit que le versement tardif d'un loyer correspondant à un trimestre bien antérieur.

M. [P] répond que la prescription, en matière d'investissements financiers, ne peut commencer à courir que lorsque l'investisseur a eu connaissance de son dommage.

Il expose que, le 2 juillet 2012, il recevait une lettre de la société Solabios lui promettant des perspectives prometteuses pour le groupe et, le 11 juillet 2012, une lettre du mandataire ad-hoc de Solabios, invitant les investisseurs à patienter dans l'attente de solutions qui devaient être trouvées.

Il indique que lorsque le premier loyer 'contractuellement prévu' n'a pas été versé, il ne pouvait considérer qu'il ne percevrait aucun loyer et plus encore qu'il ne récupérerait pas une partie du montant investi comme le prévoyait son contrat. Il souligne que la société Solabios a fait l'objet le 17 octobre 2013 d'une simple procédure de sauvegarde, convertie le 20 décembre 2013 en procédure de redressement judiciaire, puis en procédure de liquidation judiciaire le 4 février 2015. Il fait valoir que ce n'est que la délivrance du certificat d'irrécouvrabilité, qui lui a été délivré le 16 septembre 2019, qui signe la perte définitive de la créance.

Il en déduit que le point de départ du délai de prescription ne peut se situer au jour du non paiement du premier loyer, mais, au plus tôt, à la date de la lettre du mandataire ad hoc, soit le 11 juillet 2012, bien qu'à cette date les investisseurs ne pouvaient avoir encore pleinement conscience du dommage, seule la question des loyers étant évoquée, sans que soit envisagée la perte du capital investi.

Il prétend que les manquements de la société Artémis consultants se sont pleinement manifestés à lui le jour où l'Autorité des marchés financiers, dans le cadre de son enquête dirigée contre la société Solabios, dans sa décision rendue publique le 23 juillet 2013, a identifié de graves lacunes dans la plaquette commerciale conçue par cette société sur les risques encourus par les investisseurs et dont la société Artémis consultants aurait dû lui faire part.

Il conclut que la date à laquelle le dommage est révélé ne peut être antérieure à la date de publication de la décision de l'AMF ou, à tout le moins, à la lettre du mandataire ad hoc du 11 juillet 2012, et la date de la réalisation du dommage ne peut être antérieure à la date de la liquidation judiciaire de Solabios.

En tout état de cause, il affirme avoir cessé de percevoir les loyers à compter du 13 mars 2012 et que le premier défaut de loyer ne pouvait donc être constaté avant le mois de juillet 2012, les loyers étant payables trimestriellement à terme échu.

Il résulte des dispositions de l'article 2224 du code civil que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

Dans le cas présent, M. [P] recherche la responsabilité de la société Artemis consultants pour ne pas l'avoir informé des risques encourus et lui avoir conseillé un produit d'investissement qui ne répondait pas à ses attentes telles qu'elles sont énoncées dans le bilan patrimonial.

Le dommage résultant d'un tel manquement consistant en la perte d'une chance de ne pas contracter s'est réalisé le jour de la souscription du contrat mais ne s'est révélé à M. [P] que le jour où les risques que présentait son investissement sur la rentabilité attendue se sont réalisés, soit en l'occurrence, lors du premier défaut de paiement du loyer, lequel n'a pu que lui faire apparaître, avant même que l'autorité des marchés ne relève des irrégularités sur la plaquette de présentation du produit par la société Solabios, que le rendement prévu n'était pas réellement garanti mais dépendait de la capacité de la société Solabios à respecter son engagement, une telle défaillance révélant par là-même le risque affectant l'ensemble du montage de l'opération financière à laquelle il avait souscrit y compris celui de perte du capital investi, de sorte que la prescription de son action n'a qu'un seul et même point de départ et n'a pas à être reporté au jour où la perte de ses capitaux a été constatée par le certificat d'irrecouvrabilité.

Reste que la date du premier impayé est contestée.

M. [P] a reconnu avoir reçu huit loyers trimestriels. La question se porte sur la date à laquelle il a perçu le premier loyer pour déterminer à quelle date le dernier loyer a été reçu.

M. [P] prétend que le premier impayé n'est pas antérieur au 11 septembre 2009. Il n'y a pas de preuve contraire à ces allégations. Il établit par la production de son relevé de compte qu'il a reçu un loyer de la société Solabios le 13 mars 2012. Les loyers étant versés trimestriellement, ce qui n'est pas contesté, le prochain loyer devait intervenir, à défaut de stipulations contractuelles plus précises dans les pièces produites aux débats et, en particulier à défaut de production du contrat de location, trois mois plus tard, soit le 13 juin suivant. L'assignation en responsabilité a été introduite le 6 juin 2017, soit moins de cinq ans après le défaut de paiement marquant le point de départ de l'action

En conséquence, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action est rejetée et le jugement infirmé.

Sur la recevabilité de l'action au regard du monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire

La SA MMA IARD soutient que l'action de l'appelant est encore irrecevable dès lors qu'elle s'oppose au monopole d'action dévolu au liquidateur judiciaire de Solabios qui a seul qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers en application de l'article L. 622-20 du Code de commerce. Elle considère que M. [P] réclame, sous couvert d'un préjudice indemnitaire, le remboursement, par un tiers, d'une créance qu'il détient à l'encontre de la société Solabios quand seul le liquidateur judiciaire a qualité à agir contre les tiers pour reconstituer l'actif social aux lieu et place de M. [P].

M. [P] répond que son action n'a pas pour finalité de réparer le préjudice résultant de l'impossibilité de recouvrer sa créance contre la société Solabios mais l'indemnisation d'un préjudice propre résultant des fautes du conseil en gestion de patrimoine à l'origine d'une perte de chance de mieux investir ses capitaux, étranger à la reconstitution du gage commun des créanciers. Il en déduit qu'il a un intérêt distinct de l'intérêt collectif des créanciers de Solabios.

Il résulte des dispositions des articles L 622-20 et L 641-4 du code de commerce que seul le représentant des créanciers a qualité pour agir pour demander réparation du préjudice collectivement subi par les créanciers du fait de la procédure collective, et ce préjudice collectif ne peut donner lieu à une action individuelle d'un créancier.

Un créancier ne peut agir que s'il justifie d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers.

Dans le cas présent, M. [P] invoque un manquement du conseil en gestion de patrimoine à ses obligations d'information et de conseil pour l'avoir incité à investir dans un montage financier inadapté à sa situation, en omettant de l'informer sur les caractéristiques exactes de son engagement et sans lui signaler l'existence de risques pour le capital investi comme pour le versement des revenus garantis.

Le préjudice de M. [P] résultant de la perte de chance de ne pas avoir investi dans les sociétés en participation au regard d'un engagement garanti par la société Solabios est un préjudice distinct de celui de la société Solabios, de la perte de valeur des actions de cette société, et de celui des créanciers de cette société, et les fautes invoquées à l'encontre du conseil en gestion de patrimoine n'ont pas contribué à la procédure collective de la société Solabios.

Le préjudice de M. [P] est donc distinct du préjudice collectif des créanciers.

Sur la recevabilité de l'action au regard du monopole d'action du représentant de la masse des obligataires de la société Solabios :

L' intimée, après avoir relevé que M. [P] n'indique pas s'il a opté pour la conversion des parts qu'il détenait dans les sociétés en participation en obligations convertibles en actions Solabios, fait valoir qu'en tant qu'obligataire de Solabios, il aurait dû agir par l'intermédiaire du représentant de la masse pour engager une action en responsabilité contre le conseil en gestion de patrimoine pour ne pas lui avoir déconseillé de convertir ses parts de SEP en obligations convertibles de Solabios et ce, peu important qu'il ait subi un préjudice qui ne soit pas identique aux autres obligataires.

M. [P] répond que son action ne tend pas à la conservation de sa créance obligataire et, ainsi, à la sauvegarde des intérêts de l'ensemble des obligataires.

L'article L228-54 du même code dispose que : 'Les représentants de la masse, dûment autorisés par l'assemblée générale des obligataires, ont seuls qualité pour engager, au nom de ceux-ci, les actions en nullité de la société ou des actes et délibérations postérieurs à sa constitution, ainsi que toutes autres actions en justice ayant pour objet la défense des intérêts communs des obligataires, et notamment requérir la mesure prévue à l'article L. 237-14.

Les actions en justice dirigées contre l'ensemble des obligataires d'une même masse ne peuvent être intentées que contre le représentant de cette masse.'

M. [P] reproche un défaut d'information et de conseil de la société, au moment de réaliser l'option pour la conversion de leurs parts de société en participation en obligations de la société Solabios.

Le préjudice résultant d'un défaut d'information qui découle de la seule prestation contestée de la société Artemis consultants serait constitué par la perte de chance de ne pas avoir converti ses titres. Un tel préjudice n'a rien de commun avec le préjudice collectif des obligataires et constitue un préjudice personnel de M. [P], comme celui tenant à la perte de chance d'avoir pu mieux investir ses fonds. M. [P] est donc en droit d'agir en justice pour obtenir la réparation de ce préjudice.

Sur les manquements reprochés à la société Artemis consultants :

M. [P] recherche la responsabilité de la société Artemis consultants en lui reprochant d'avoir manqué aux obligations d'information et de conseil dévolues aux conseillers en investissements financiers et aux conseils en gestion de patrimoine, en particulier pour s'être bornée à reprendre les arguments publicitaires de la société Solabios.

La SA MMA IARD oppose l'absence de document probant produit par M. [P] au soutien de ce qui fonde son action, à savoir le fait que la société Artemis consultants serait effectivement intervenue dans l'investissement litigieux, en faisant observer que l'appelant se contente de produire, outre le contrat conclu avec la société Solabios sur lequel est simplement apposé le nom de Artemis consultants, sans signature de celle-ci, une lettre d'information qu'elle lui a envoyée, dans laquelle elle donne quelques informations sur les produits commercialisés par la société Solabios, en concluant par la formule suivante : 'Bien entendu, je me tiens à votre disposition pour vous rencontrer à nouveau, pour revoir et approfondir le sujet si vous le désirez. Il me semble qu'une telle rentabilité mérite qu'on s'y attarde et qu'on fasse le tour de toutes les hypothèses'. Elle en déduit qu'il n'est pas établi que l'investissement ait été réalisé par l'intermédiaire et avec le conseil de la société Artemis consultant, à défaut de démontrer qu'une autre rencontre ait eu lieu.

Force est de constater que M. [P] n'a pas répondu à ce moyen.

Les deux éléments produits par M. [P] sur l'intervention de la société Artemis consultant comme intermédiaire à l'opération d'investissement en cause est le contrat qu'il a souscrit avec la société Solabios qui porte sur sa première page, après le nom de M. [P], le nom d'Artemis consultant, qui n'est accompagné d'aucune signature de cette dernière, et une lettre datée du 2 janvier 2008, que lui a envoyée la société Artemis consultant, précisant faire suite à une rencontre, qui lui transmet divers documents de simulations d'une opération d'acquisition d'une centrale solaire, de présentation du produit d'investissement émanant des partenaires de l'opération, une copie du contrat de réservation, en lui présentant les points forts d'un tel investissement sur le plan technique, juridique et fiscal et qui conclut à une rentabilité du capital investi de 22,83 % par an, avant de terminer par les phrases citées par la société MMA Iard.

Ces dernières phrases sont une invitation à poursuivre des discussions.

Or, M. [P] ne donne aucune indication sur la suite donnée à cette invitation.

Il en résulte que si la preuve est apportée que la société Artemis consultants est bien intervenue dans l'opération d'investissement pour en présenter à M. [P] les avantages, et si, par ailleurs, cette société exerçait, entre autres, l'activité de conseil en gestion de patrimoine, il n'est pas pour autant démontré qu'elle aurait eu envers M. [P] le rôle d'un conseil en gestion de patrimoine en l'absence d'élément complémentaire permettant d'établir que M. [P] lui aurait confié le soin de le conseiller dans la gestion de son patrimoine ou de le guider dans le choix d'investissements et qu'à supposer même que tel ait été la cas, le fait pour M. [P] de ne pas avoir sollicité l'étude qu'elle lui proposait de faire ne permet pas de faire peser sur elle les obligations qui incombent à un conseil en gestion en patrimoine, qui supposent que ce dernier ait pu mener à terme sa mission.

Dans ces conditions, l'absence de production aux débats d'étude personnalisée émanant de la société Artemis consultant et de lettre de mission n'est pas la démonstration de ce qu'elle a manqué à ses obligations mais traduit l'absence d'obligation contractuelle découlant d'un contrat de conseil en gestion de patrimoine de sa part.

Sur les demandes accessoires :

M. [P], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et à payer à l'intimée la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris.

Statuant à nouveau,

Déclare l'action de M. [P] recevable.

Le déboute de ses demandes.

Le condamne aux dépens de première instance et d'appel.

Le condamne à payer à la SA MMA IARD la somme de 1 000 euros.