CSA, 10 juin 2015, n° 2015-244
CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)
Avis
deux différends opposant les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques à la société Groupe Canal Plus
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Schrameck
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment son article 17-1 ;
Vu le décret n° 2006-1084 du 29 août 2006 pris pour l’application de l’article 17-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée et relatif à la procédure de règlement des différends par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ;
Vu la délibération du 9 avril 2014 fixant le règlement intérieur du Conseil supérieur de l’audiovisuel, notamment ses articles 17 à 23 ;
Vu la convention conclue entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société AB Thématiques concernant le service de télévision Trek ;
Vu, 1°, la demande, enregistrée le 27 janvier 2015 sous le numéro RD-2015/01, présentée pour les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques, dont les sièges sociaux sont 132, avenue du Président-Wilson à La Plaine Saint-Denis (93 210), représentées par leurs représentants légaux, par Me Théophile et Me Aubron ;
Les sociétés du groupe AB demandent au Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur le fondement de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, d’enjoindre à la société Groupe Canal Plus de poursuivre jusqu’au 30 juin 2015, dans les conditions contractuellement prévues pour la chaîne « Escales », la distribution sur le bouquet CanalSat de la chaîne « Escales » une fois celle-ci renommée « Trek » ;
Elles soutiennent que la décision de la société Groupe Canal Plus de cesser la diffusion de la chaîne « Escales » dès son changement de dénomination en « Trek » constitue un manquement au caractère objectif, équitable et non discriminatoire de leurs relations contractuelles, dès lors :
Sur l’absence d’objectivité de la décision de cesser la diffusion :
– que la décision de renommer « Escales » en « Trek » fait suite aux remarques de la société Groupe Canal Plus à l’égard des faibles performances de cette chaîne ; qu’en souhaitant maintenir la diffusion de la chaîne « Escales » dans sa dénomination d’origine, la société Groupe Canal Plus contredit donc les arguments qu’elle avait initialement avancés à l’encontre de cette chaîne ;
– que la cessation pure et simple de la diffusion d’« Escales » renommée « Trek » causerait aux abonnés de la société Groupe Canal Plus, en particulier à ceux qui ont souscrit des offres leur permettant de recevoir cette chaîne, un préjudice plus important que celui qui serait causé par une simple modification du nom de la chaîne ;
– que tous les autres distributeurs avec lesquels la société Groupe AB a conclu un contrat de distribution ont accepté ce changement de dénomination de la chaîne « Escales » ;
Sur l’absence d’équité de la décision de cesser la diffusion :
– que la chaîne « Escales » renommée « Trek » contribuera de façon déterminante au pluralisme et à la qualité et à la diversité des programmes puisque :
– le positionnement de « Trek », chaîne documentaire dédiée à l’évasion au travers du prisme de l’aventure, des défis et exploits outdoors et des sports extrêmes, lui permettra de dépasser le clivage entre les thématiques Découverte et Sport et, par suite, participera de la différenciation et de l’originalité de la chaîne au regard des services concurrents, notamment au regard des chaînes payantes américaines présentes dans la thématique Découverte ;
– les programmes proposés sont de qualité, variés et originaux, et répondent à une attente croissante des consommateurs ;
– cette modification de la chaîne permettra d’accroître les investissements d’AB Thématiques dans la production d’œuvres audiovisuelles ;
– la qualité de « Trek » est attestée par le soutien et la confiance dont elle bénéficie, de la part de personnalités du monde sportif ainsi que de l’ensemble des autres distributeurs à l’exception de la société Groupe Canal Plus ;
Sur le caractère discriminatoire de la décision de cesser la diffusion :
– que la chaîne « Escales » est la seule, parmi les chaînes de la thématique Découverte, à voir sa distribution remise en cause au sein de l’offre CanalSat ;
– que la société Groupe Canal Plus a elle-même contribué à multiplier le nombre de chaînes de la thématique Découverte, sans toutefois souhaiter remettre en cause la distribution sur le bouquet CanalSat des chaînes qu’elle édite, notamment des déclinaisons de la chaîne « Planète + » ;
– que d’autres chaînes présentes sur le bouquet CanalSat ont déjà pu changer de dénomination, et même de positionnement éditorial, sans que cela ne conduise pour autant la société Groupe Canal Plus à cesser de les distribuer ;
Vu les observations en défense, enregistrées le 3 mars 2015, présentées pour la société Groupe Canal Plus, dont le siège social est 1, place du Spectacle à Issy-les-Moulineaux (92130), représentée par ses représentants légaux, par la SELAS Wilhelm & Associés, qui conclut à titre principal au non-lieu à statuer, et à titre subsidiaire au rejet de la demande ;
La société Groupe Canal Plus soutient :
– que, par ordonnance du 30 janvier 2015, le président du tribunal de grande instance de Paris lui a ordonné de maintenir la diffusion de la chaîne « Escales-Trek » jusqu’au 30 juin 2015, sauf obtention dans l’intervalle d’une décision de justice définitive qui lui permettrait d’y mettre fin ; qu’en raison de l’intervention de cette ordonnance, la demande tendant à ce qu’elle soit enjointe de maintenir la diffusion de la chaîne « Trek » jusqu’au 30 juin 2015 est désormais sans objet ;
– qu’en tout état de cause, la décision de cesser la diffusion de la chaîne « Trek », qui résulte de l’exercice de sa liberté commerciale et contractuelle dans le cadre fixé par l’Autorité de la concurrence, est objective, équitable et non-discriminatoire, dès lors :
Sur le caractère objectif et équitable de la décision de cesser la diffusion :
– que cette décision est objectivement justifiée par sa nouvelle stratégie de commercialisation du bouquet CanalSat, puisque :
– d’une part, CanalSat fait face à un contexte économique et concurrentiel difficile, en raison du développement des offres de télévision payante des fournisseurs d’accès à internet (FAI), de l’accroissement du nombre de chaînes de la TNT gratuite, ainsi que du développement des opérateurs « over the top » (OTT) et de la consommation de contenus délinéarisés ; qu’une érosion continue du nombre d’abonnés à CanalSat a ainsi été constatée depuis 2010 ; qu’il a dès lors été décidé de recentrer l’activité de CanalSat sur la distribution de chaînes moins nombreuses, mais renommées et de qualité, proposant des programmes inédits et exclusifs ; qu’ainsi, la distribution sur le bouquet CanalSat d’un certain nombre de chaînes, y compris certaines de celles éditées par la société Groupe Canal Plus, a été arrêtée ou va l’être prochainement ;
– d’autre part, la chaîne « Trek » ne correspond pas à la nouvelle stratégie de CanalSat, s’agissant d’une chaîne nouvelle inconnue des abonnés et des prospects, qui s’inscrit dans une thématique de niche relative aux sports extrêmes déjà représentée par deux autres chaînes indépendantes distribuées par CanalSat, « Extrême Sport » et « MCS Extrême » ; qu’en outre, l’attractivité éventuelle d’une chaîne consacrée spécifiquement à la thématique outdoor et aux sports extrêmes n’est pas établie ; que la distribution de cette chaîne présenterait donc un risque économique qui justifie la décision de refus ;
Sur le caractère non-discriminatoire de la décision de cesser la diffusion :
– que plusieurs autres chaînes sont affectées par la réorientation stratégique du bouquet CanalSat, laquelle concerne l’ensemble des thématiques présentes sur le bouquet ; qu’ainsi, 38 % des offres de reprises adressées depuis l’instauration de l’offre de référence relative aux chaînes indépendantes n’ont pas reçu de réponse favorable ; qu’au demeurant, les négociations en cours s’agissant de la reprise d’autres chaînes éditées par le groupe AB prouvent l’absence de discrimination envers cet éditeur ;
– que les cas dans lesquels une chaîne a pu changer de nom et de ligne éditoriale sans que cela n’affecte sa distribution au sein du bouquet CanalSat ne sont pas comparables à la situation de la chaîne « Trek », cette dernière étant une nouvelle chaîne et ne faisant donc pas l’objet d’un contrat de diffusion en cours d’exécution ; qu’en tout état de cause, les changements de nom et/ou de ligne éditoriale sont toujours intervenus après accord entre le distributeur et l’éditeur, et ne résultaient donc pas d’une décision unilatérale de la part de l’éditeur ;
Vu les observations en réplique, enregistrées le 13 mars 2015, présentées pour les sociétés du groupe AB, qui concluent aux mêmes fins que leur demande par les mêmes moyens ;
Elles soutiennent en outre :
– que l’injonction du juge des référés de maintenir la diffusion de la chaîne « Escales-Trek » démontre que la volonté de la société Groupe Canal Plus de maintenir cette diffusion n’était pas certaine ; que cette société a à son tour assigné les sociétés du groupe AB en référé afin qu’il leur soit enjoint de reprendre la diffusion de la chaîne « Escales » dans son format antérieur au 2 février 2015 ; que dans ces conditions, le différend relatif à la volonté de la société Groupe Canal Plus de cesser la diffusion de la chaîne « Trek » avant le 1er juillet 2015 conserve son objet ;
– que la société Groupe Canal Plus a intérêt à refuser la distribution de chaînes éditées par des groupes concurrents, et notamment de celles éditées par le groupe AB, seul groupe capable de fournir les distributeurs concurrents de la société Groupe Canal Plus en bouquets de chaînes complets et cohérents ; que l’existence même d’injonctions imposées à la société Groupe Canal Plus par l’Autorité de la concurrence témoigne du risque d’abus de position dominante à l’égard des éditeurs de chaînes indépendantes ;
– que la société Groupe Canal Plus demeure un acteur dominant du marché de la distribution de services de télévision payante ; que l’accroissement allégué de la pression concurrentielle sur le bouquet CanalSat est surévaluée ; qu’en effet les offres de télévision de premier niveau de services proposées par les FAI n’exercent aucune pression concurrentielle sur CanalSat ; que les offres de second niveau proposées par les FAI ne sont pas, quant à elles, réellement compétitives ; que les chaînes de la TNT gratuite n’exercent pas davantage de pression concurrentielle significative sur les chaînes de télévision payante ; qu’enfin, la pression concurrentielle exercée par les opérateurs OTT, notamment par Netflix, doit quant à elle être relativisée ;
– qu’en dépit de sa nouvelle stratégie alléguée en ce qui concerne le bouquet CanalSat, la société Groupe Canal Plus continue de lancer des chaînes dont la programmation n’est pas inédite ni exclusive ; qu’en tout état de cause, la chaîne « Trek » s’inscrit dans cette nouvelle stratégie revendiquée du bouquet CanalSat, dès lors qu’elle propose une ligne éditoriale inédite, qui la différencie des autres chaînes au sein de la thématique Découverte, et qu’elle peut susciter un maximum de motivation à l’abonnement ; que le risque économique qui serait engendré par la distribution de « Trek » au sein de l’offre CanalSat n’est donc pas établi ;
– que le comportement de la société Groupe Canal Plus discrimine « Trek » au sein de la thématique Découverte et de la sous-thématique Voyage/Evasion ;
Vu les nouvelles observations en défense, enregistrées le 25 mars 2015, présentées pour la société Groupe Canal Plus qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes observations par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre :
– qu’en dépit du contexte concurrentiel et économique difficile dans lequel évolue l’offre CanalSat, elle a proposé la reprise de sept chaînes éditées par les sociétés du groupe AB, pour des montants de redevance très proches de ceux qui s’appliquent en vertu des contrats en cours ; que le Mandataire a estimé que ces offres de reprises étaient conformes aux injonctions de l’Autorité de la concurrence ;
– que sa stratégie de recentrage de l’offre CanalSat autour de chaînes moins nombreuses, attractives et originales dans leurs contenus, affecte 32 chaînes qu’elle a ainsi refusé de distribuer ; que la situation de « Trek » n’est donc pas isolée ;
– que le refus de distribuer la chaîne « Trek » ne constitue pas une atteinte caractérisée à la qualité et à la diversité des programmes, dès lors :
– que la thématique de la chaîne « Trek » est déjà largement représentée sur le bouquet CanalSat ;
– que cette chaîne demeure distribuée par d’autres opérateurs ;
– qu’il n’est pas établi que ce refus menacerait la pérennité de la chaîne ou celle du groupe AB dans son ensemble ; que la société Groupe Canal Plus ne représente au maximum que 25 % des abonnés et 25 % des recettes de la chaîne ; que cette dernière ne représente quant à elle que moins de 9 % de l’activité d’édition des sociétés du groupe AB ;
– qu’à supposer même que ce refus entraîne la disparition de la chaîne, d’autres chaînes présentes dans l’offre CanalSat proposent néanmoins au public des programmes similaires ;
– que la contribution supplémentaire à la production audiovisuelle qui résulterait de la distribution de cette chaîne n’est pas établie, notamment au regard du faible niveau de contribution de la chaîne « Escales » à laquelle elle s’est substituée ;
– que la circonstance que la distribution de « Trek » permettrait au groupe AB de remplir ses obligations d’investissement dans la production de documentaires inédits d’expression originale française est sans incidence sur l’appréciation des obligations qui pèsent sur le distributeur ;
– que le refus de distribuer la chaîne « Trek » est objectif, équitable et non discriminatoire, dès lors :
– que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés du groupe AB, le contexte concurrentiel et économique de CanalSat est difficile et implique une réorientation de sa stratégie ; que cette nouvelle orientation stratégique justifie objectivement le refus de distribuer la chaîne « Trek », puisque cette dernière est une chaîne nouvelle, inconnue des prospects, orientée sur une thématique de niche déjà occupée par d’autres chaînes, et que l’ancienne chaîne « Escales » enregistrait quant à elle des faibles scores d’audience, de notoriété, d’attractivité et de satisfaction ;
– que plusieurs autres chaînes ont également cessé d’être distribuées, y compris des chaînes éditées par le Groupe Canal Plus ;
– que les exemples fournis par les sociétés du groupe AB en ce qui concerne des modifications de nom ou de ligne éditoriale intervenues en cours de contrat ne sont pas comparables avec la modification de la chaîne « Escales » en « Trek », intervenue sans accord préalable du distributeur ;
Vu, 2°, la demande, enregistrée le 27 janvier 2015 sous le numéro RD-2015/02, présentée pour les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques, dont les sièges sociaux sont 132, avenue du Président-Wilson à La Plaine- Saint-Denis (93210), représentées par leurs représentants légaux, par Me Théophile et Me Aubron ;
Les sociétés du groupe AB demandent au Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur le fondement de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, d’enjoindre à la société Groupe Canal Plus de formuler, dans les plus brefs délais après l’adoption de la présente décision, une proposition commerciale de distribution de la chaîne « Escales » renommée « Trek » au sein de l’offre CanalSat à partir du 1er juillet 2015, assortie d’une proposition de rémunération présentant un caractère objectif, équitable et non-discriminatoire ;
Elles soutiennent que la décision de la société Groupe Canal Plus de refuser de distribuer la chaîne « Escales » renommée « Trek » au-delà du 30 juin 2015 constitue un manquement au caractère objectif, équitable et non- discriminatoire de leurs relations contractuelles, dès lors :
Sur l’absence d’objectivité de la décision de refus de distribution :
– que la chaîne « Trek » souhaite dépasser les clivages entre les thématiques Découverte et Sport ; que ce positionnement, qui n’est pas ambigu, ne justifie pas objectivement un refus de distribution sur l’offre CanalSat ;
– que, contrairement à ce que soutient la société Groupe Canal Plus, les éléments de différenciation de « Trek », ainsi que l’attrait des téléspectateurs pour les thématiques couvertes par la chaîne, justifient sa distribution dans l’offre CanalSat ;
– que tous les distributeurs dont le contrat de distribution est en cours ont accepté de reprendre la chaîne « Escales », renommée « Trek » ; que cette circonstance démontre que la décision de refus de la société Groupe Canal Plus ne repose sur aucune considération objective ;
Sur l’absence d’équité de la décision de refus de distribution :
– que la chaîne « Escales » renommée « Trek » contribuera de façon déterminante au pluralisme et à la qualité et à la diversité des programmes puisque :
– le positionnement de « Trek », chaîne documentaire dédiée à l’évasion au travers du prisme de l’aventure, des défis et exploits outdoors et des sports extrêmes, lui permettra de dépasser le clivage entre les thématiques Découverte et Sport et, par suite, participera de la différenciation et de l’originalité de la chaîne au regard des services concurrents, notamment au regard des chaînes payantes américaines présentes dans la thématique Découverte ;
– les programmes proposés sont de qualité, variés et originaux, et répondent à une attente croissante des consommateurs ;
– cette modification de la chaîne permettra d’accroître les investissements d’AB Thématiques dans la production d’œuvres audiovisuelles ;
– la qualité de « Trek » est attestée par le soutien et la confiance dont elle bénéficie, de la part de personnalités du monde sportif ainsi que de l’ensemble des autres distributeurs à l’exception de la société Groupe Canal Plus1 ;
Sur le caractère discriminatoire de la décision de refus de distribution :
– que la chaîne « Escales » est la seule, parmi les chaînes de la thématique Découverte, à voir sa distribution remise en cause au sein de l’offre CanalSat ;
– que la société Groupe Canal Plus a elle-même contribué à multiplier le nombre de chaînes de la thématique Découverte, sans toutefois souhaiter remettre en cause la distribution sur le bouquet CanalSat des chaînes qu’elle édite, notamment des déclinaisons de la chaîne « Planète+ » ;
– que d’autres chaînes présentes sur le bouquet CanalSat ont déjà pu changer de dénomination, et même de positionnement éditorial, sans que cela ne conduise pour autant la société Groupe Canal Plus à cesser de les distribuer ;
Vu les observations en défense, enregistrées le 3 mars 2015, présentées pour la société Groupe Canal Plus, dont le siège social est 1, place du Spectacle à Issy-les-Moulineaux (92130), représentée par ses représentants légaux, par la SELAS Wilhelm & Associés, qui conclut au rejet de la demande ; La société Groupe Canal Plus soutient :
– à titre principal, que le CSA n’est pas compétent pour lui enjoindre de formuler une proposition commerciale de distribution de la chaîne « Trek », dès lors que ce différend est né hors de tout cadre contractuel ; qu’en effet, cette nouvelle chaîne a été unilatéralement substituée par les sociétés du groupe AB à la chaîne « Escales », en méconnaissance des stipulations de l’article 3.4 du protocole d’accord du 29 avril 2008 qui la lie avec les sociétés AB Sat et Groupe AB pour la distribution de la chaîne « Escales » ; que, par suite, le CSA ne dispose du pouvoir de prononcer une injonction de faire une offre de contrat pour la distribution d’un service qu’en cas, notamment, d’atteinte caractérisée à l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion ou à la qualité et à la diversité des programmes, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
– que le refus de distribuer une chaîne ne saurait être regardé comme portant en soi atteinte à l’impératif de pluralisme, ou à la qualité et à la diversité des programmes, qui doivent s’apprécier au regard de l’offre de télévision payante d’un distributeur prise dans sa globalité ;
– qu’en l’espèce, le bouquet CanalSat assure déjà le respect de ces principes en offrant la possibilité d’accéder à une diversité de grandes thématiques et à un grand nombre de chaînes pour chacune de ces thématiques ; que s’agissant en particulier de la sous-thématique Sports extrêmes/adrénaline à laquelle appartient « Trek », deux chaînes sont déjà présentes dans le bouquet CanalSat ; que s’agissant de la thématique Découverte dont relevait la chaîne « Escales » à laquelle s’est substituée « Trek », 17 chaînes sont déjà présentes dans le bouquet CanalSat ;
– qu’au demeurant, le refus de distribuer « Trek » ne porte aucune atteinte à sa viabilité économique puisque cette chaîne est déjà reprise par d’autres distributeurs et que les chaînes des sociétés du groupe AB ne sont pas en situation de dépendance économique vis-à-vis de l’un quelconque des distributeurs de chaînes de télévision ;
– à titre subsidiaire, que le refus de distribuer « Trek » sur le bouquet CanalSat, qui résulte de l’exercice de sa liberté commerciale et contractuelle dans le cadre fixé par l’Autorité de la concurrence, est objectif, équitable et non-discriminatoire, dès lors :
Sur le caractère objectif et équitable du refus de distribution :
– que ce refus est objectivement justifié par sa nouvelle stratégie de commercialisation du bouquet CanalSat, puisque :
– d’une part, CanalSat fait face à un contexte économique et concurrentiel difficile, en raison du développement des offres de télévision payante des fournisseurs d’accès à Internet (FAI), de l’accroissement du nombre de chaînes de la TNT gratuite, ainsi que du développement des opérateurs « over the top » (OTT) et de la consommation de contenus délinéarisés ; qu’une érosion continue du nombre d’abonnés à CanalSat a ainsi été constatée depuis 2010 ; qu’il a dès lors été décidé de recentrer l’activité de CanalSat sur la distribution de chaînes moins nombreuses, mais renommées et de qualité, proposant des programmes inédits et exclusifs ; qu’ainsi, la distribution sur le bouquet CanalSat d’un certain nombre de chaînes, y compris certaines de celles éditées par la société Groupe Canal Plus, a été arrêtée ou va l’être prochainement ;
– d’autre part, la chaîne « Trek » ne correspond pas à la nouvelle stratégie de CanalSat, s’agissant d’une chaîne nouvelle inconnue des abonnés et des prospects, qui s’inscrit dans une thématique de niche relative aux sports extrêmes déjà représentée par deux autres chaînes indépendantes distribuées par CanalSat, « Extrême Sport » et « MCS Extrême » ; qu’en outre, l’attractivité éventuelle d’une chaîne consacrée spécifiquement à la thématique outdoor et aux sports extrêmes n’est pas établie ; que la distribution de cette chaîne présenterait donc un risque économique qui justifie la décision de refus ;
Sur le caractère non discriminatoire du refus de distribution :
– que plusieurs autres chaînes sont affectées par la réorientation stratégique du bouquet CanalSat, laquelle concerne l’ensemble des thématiques présentes sur le bouquet ; qu’ainsi, 38 % des offres de reprises adressées depuis l’instauration de l’offre de référence relative aux chaînes indépendantes n’ont pas reçu de réponse favorable ; qu’au demeurant, les négociations en cours s’agissant de la reprise d’autres chaînes éditées par le groupe AB prouvent l’absence de discrimination envers cet éditeur ;
– que les cas dans lesquels une chaîne a pu changer de nom et de ligne éditoriale sans que cela n’affecte sa distribution au sein du bouquet CanalSat ne sont pas comparables à la situation de la chaîne « Trek », cette dernière étant une nouvelle chaîne et ne faisant donc pas l’objet d’un contrat de diffusion en cours d’exécution ; qu’en tout état de cause, les changements de nom et/ou de ligne éditoriale sont toujours intervenus après accord entre le distributeur et l’éditeur, et ne résultaient donc pas d’une décision unilatérale de la part de l’éditeur ;
Vu les observations en réplique, enregistrées le 13 mars 2015, présentées pour les sociétés du groupe AB, qui concluent aux mêmes fins que leur demande par les mêmes moyens ;
Elles soutiennent en outre :
– que le CSA est compétent pour enjoindre à la société Groupe Canal Plus de formuler une proposition commerciale de distribution de la chaîne « Trek », dès lors :
– d’une part, que, contrairement à ce que soutient la société Groupe Canal Plus le différend s’inscrit dans une relation contractuelle, puisque :
– la circonstance que « Trek » serait une nouvelle chaîne est sans incidence, le CSA n’étant pas, à cet égard, lié par les stipulations contractuelles entre les parties ;
– à supposer que « Trek » soit regardée comme une nouvelle chaîne, les deux parties sont dans une relation contractuelle continue depuis plus de seize ans ; qu’en outre, « Trek » s’inscrit dans la relation contractuelle existante entre les parties, s’agissant d’une chaîne dont la modification de la ligne éditoriale vise précisément à répondre aux critiques que la société Groupe Canal Plus avait formulées à l’égard de la chaîne « Escales » ;
– en tout état de cause, « Trek » n’est pas une nouvelle chaîne puisqu’elle n’est qu’une évolution de la chaîne « Escales », qui demeure inscrite dans la thématique Découverte et la sous-thématique Voyage/Evasion et n’appartient pas à la thématique Sport ; que son changement de nom ne révèle aucun changement de thématique ; que sa programmation s’inscrit dans la continuité de celle de la chaîne « Escales » ; qu’enfin, la lecture du dispositif de l’ordonnance de référé du 30 janvier 2015, qui ordonne à la société Groupe Canal Plus de maintenir la diffusion de la chaîne « Escales-Trek », démontre que cette dernière n’est pas une nouvelle chaîne ;
– d’autre part, que le refus de distribuer cette chaîne porte une atteinte caractérisée à la qualité et à la diversité des programmes, puisque :
– la chaîne « Trek » est unique au sein de la thématique Découverte et de la sous-thématique Voyage/Evasion ;
– l’évolution de la chaîne « Escales » en « Trek » permet une augmentation des investissements dans la production de documentaires inédits d’expression originale française ;
– ce refus menace la viabilité économique de la chaîne et porte atteinte à l’activité du groupe AB dans son ensemble, principal éditeur de chaînes payantes en France indépendant de la société Groupe Canal Plus ; – que la société Groupe Canal Plus a intérêt à refuser la distribution de chaînes éditées par des groupes concurrents, et notamment de celles éditées par le groupe AB, seul groupe capable de fournir les distributeurs concurrents de la société Groupe Canal Plus en bouquets de chaînes complets et cohérents ; que l’existence même d’injonctions imposées à la société Groupe Canal Plus par l’Autorité de la concurrence témoigne du risque d’abus de position dominante à l’égard des éditeurs de chaînes indépendantes ;
– que la société Groupe Canal Plus demeure un acteur dominant du marché de la distribution de services de télévision payante ; que l’accroissement allégué de la pression concurrentielle sur le bouquet CanalSat est surévalué ; qu’en effet les offres de télévision de premier niveau de services proposées par les FAI n’exercent aucune pression concurrentielle sur CanalSat ; que les offres de second niveau proposées par les FAI ne sont pas, quant à elles, réellement compétitives ; que les chaînes de la TNT gratuite n’exercent pas davantage de pression concurrentielle significative sur les chaînes de télévision payante ; qu’enfin, la pression concurrentielle exercée par les opérateurs OTT, notamment par Netflix, doit quant à elle être relativisée ;
– qu’en dépit de sa nouvelle stratégie alléguée en ce qui concerne le bouquet CanalSat, la société Groupe Canal Plus continue de lancer des chaînes dont la programmation n’est pas inédite ni exclusive ; qu’en tout état de cause, la chaîne « Trek » s’inscrit dans cette nouvelle stratégie revendiquée du bouquet CanalSat, dès lors qu’elle propose une ligne éditoriale inédite, qui la différencie des autres chaînes au sein de la thématique Découverte, et qu’elle peut susciter un maximum de motivation à l’abonnement ; que le risque économique qui serait engendré par la distribution de « Trek » au sein de l’offre CanalSat n’est donc pas établi ;
– que le comportement de la société Groupe Canal Plus discrimine « Trek » au sein de la thématique Découverte et de la sous-thématique Voyage/Evasion ;
Vu les nouvelles observations en défense, enregistrées le 25 mars 2015, présentées pour la société Groupe Canal Plus qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes observations par les mêmes moyens ;
Elle soutient en outre :
– qu’en dépit du contexte concurrentiel et économique difficile dans lequel évolue l’offre CanalSat, elle a proposé la reprise de sept chaînes éditées par les sociétés du groupe AB, pour des montants de redevance très proches de ceux qui s’appliquent en vertu des contrats en cours ; que le Mandataire a estimé que ces offres de reprises étaient conformes aux injonctions de l’Autorité de la concurrence ;
– que sa stratégie de recentrage de l’offre CanalSat autour de chaînes moins nombreuses, attractives et différenciantes, affecte 32 chaînes qu’elle a ainsi refusé de distribuer ; que la situation de « Trek » n’est donc pas isolée ;
– qu’il appartient au CSA de rechercher s’il existe ou non un contrat entre les parties afin de déterminer l’étendue de son pouvoir d’injonction ; qu’à cet égard, il est constant qu’aucune relation contractuelle n’existe entre les sociétés du groupe AB et la société Groupe Canal Plus s’agissant de la distribution de la chaîne « Trek », qui est une chaîne nouvelle ;
– que le refus de distribuer « Trek » ne constitue pas une atteinte caractérisée à la qualité et à la diversité des programmes, dès lors :
– que la thématique de la chaîne « Trek » est déjà largement représentée sur le bouquet CanalSat ;
– que cette chaîne est distribuée par d’autres opérateurs ;
– qu’il n’est pas établi que ce refus menacerait la pérennité de la chaîne ; que la société Groupe Canal Plus ne représente au maximum que 25 % des abonnés et 25 % des recettes de la chaîne ; que cette dernière ne représente quant à elle que moins de 9 % de l’activité d’édition des sociétés du groupe AB ;
– qu’à supposer que ce refus entraîne la disparition de la chaîne, d’autres chaînes présentes dans l’offre CanalSat proposent au public des programmes similaires ;
– que la contribution supplémentaire à la production audiovisuelle qui résulterait de la distribution de cette chaîne n’est pas établie, notamment au regard de la contribution de la chaîne « Escales » à laquelle elle s’est substituée ;
– que la circonstance que la distribution de « Trek » permettrait au groupe AB de remplir ses obligations d’investissement dans la production de documentaires inédits d’expression originale française est sans incidence sur l’appréciation des obligations qui pèsent sur le distributeur ;
– que le refus de distribuer « Trek » est objectif, équitable et non discriminatoire, dès lors :
– que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés du groupe AB, le contexte concurrentiel et économique de CanalSat implique une réorientation de sa stratégie ; que cette nouvelle orientation stratégique justifie objectivement le refus de distribuer la chaîne « Trek », puisque cette dernière est nouvelle, inconnue des prospects, orientée sur une thématique de niche déjà occupée par d’autres chaînes, et que l’ancienne chaîne « Escales » enregistrait quant à elle des faibles scores d’audience, de notoriété, d’attractivité et de satisfaction ;
– que plusieurs autres chaînes ont également cessé d’être distribuées, y compris des chaînes éditées par le Groupe Canal Plus ; que les exemples fournis par les sociétés du groupe AB en ce qui concerne des modifications de nom ou de ligne éditoriale intervenues en cours de contrat ne sont pas comparables avec la modification de la chaîne « Escales » en « Trek », intervenue sans accord préalable du distributeur ;
Vu la décision du directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 12 février 2015 nommant M. Maslarski en qualité de rapporteur et Mme Girieud en qualité de rapporteur adjoint pour l’instruction des présents règlements de différend ;
Vu le calendrier de procédure arrêté par le Conseil supérieur de l’audiovisuel lors du collège plénier du
25 février 2015 ;
Vu la lettre du 10 avril 2015 de saisine de l’Autorité de la concurrence par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ;
Vu la lettre du 20 mai 2015 par laquelle l’Autorité de la concurrence fait savoir au Conseil supérieur de l’audiovisuel qu’elle a décidé de ne pas se saisir d’office des pratiques en cause ;
Vu la mesure d’instruction du 10 avril 2015 adressée aux parties et leurs réponses à cette mesure d’instruction ; Vu les autres pièces des dossiers ;
Après avoir entendu le 3 juin 2015, lors de la séance d’examen des différends :
– le rapport de M. Maslarski ;
– les observations de M. Lussato, M. Maroko et Mme Noonan et de Me Théophile, pour les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques ;
– les observations de Mme d’Amarzit, M. Juramie et M. Roy et de Me Wilhelm pour la société Groupe Canal Plus ;
Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur ;
1. Considérant que, par une convention conclue le 20 décembre 2010 sur le fondement de l’article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986, la société AB Thématiques, qui appartient à la société Groupe AB, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ont fixé les règles particulières applicables au service de télévision payante dénommé « Escales », destiné à être diffusé ou distribué par les réseaux n’utilisant pas des fréquences assignées par le CSA ; que, par un protocole d’accord du 29 avril 2008, complété notamment par des avenants du 14 septembre 2009 et du 26 juillet 2013, les sociétés AB Thématiques et AB Sat ont fixé avec la société Groupe Canal Plus le principe et les modalités de la distribution du service « Escales » au sein du bouquet de télévision CanalSat ; que, par une lettre du 30 juin 2014, la société Groupe Canal Plus a signifié aux sociétés du groupe AB sa décision de ne pas renouveler le contrat de distribution de la chaîne « Escales » à compter du 1er juillet 2015 ; que, par une lettre du 25 juillet 2014, les sociétés du groupe AB ont sollicité le renouvellement de cet accord de distribution dans le cadre de la transformation du service de télévision « Escales » en « Trek » ; que, par une lettre du 21 octobre 2014, la société Groupe Canal Plus a notifié aux sociétés du groupe AB son refus de distribuer ce service à compter du 1er juillet 2015 ; qu’en outre, par une lettre du 20 janvier 2015, la société Groupe Canal Plus a demandé aux sociétés du groupe AB de « maintenir sans modification la chaîne Escales » et leur a indiqué « qu’à défaut, nous cesserions la distribution de cette chaîne qui ne correspondrait plus à ce qui était convenu entre nos groupes » ;
2. Considérant, d’une part, que les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques ont saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur le fondement de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, d’une demande enregistrée sous le numéro RD-2015/01, afin qu’il enjoigne à la société Groupe Canal Plus de poursuivre la distribution de la chaîne « Escales » renommée « Trek » jusqu’au 30 juin 2015, terme du contrat en vigueur pour la distribution de la chaîne « Escales » ;
3. Considérant, d’autre part, que les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques ont saisi le Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur le fondement du même article 17-1, d’une demande enregistrée sous le numéro RD- 2015/02, afin qu’il enjoigne à la société Groupe Canal Plus de formuler dans les plus brefs délais après l’adoption de la présente décision, une proposition commerciale de distribution de la chaîne « Escales » renommée « Trek » au sein de l’offre CanalSat à partir du 1er juillet 2015, assortie d’une proposition de rémunération présentant un caractère objectif, équitable et non discriminatoire ;
4. Considérant que ces deux demandes de règlement de différends ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le différend enregistré sous le numéro 2015/01 :
5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par une ordonnance rendue le 30 janvier 2015, soit postérieurement à l’introduction de la demande de règlement de différend, le Président du Tribunal de grande instance de Paris, saisi en référé par les sociétés du groupe AB, a enjoint à la société Groupe Canal Plus « de maintenir la diffusion de la chaîne Escales- Trek jusqu’au 30 juin 2015, sauf obtention dans l’intervalle d’une décision de justice définitive qui lui permettrait d’y mettre fin » ; que les sociétés du groupe AB et la société Groupe Canal Plus s’accordent dans leurs écritures respectives sur la portée d’une telle décision de justice, qui a pour objet et pour effet de contraindre la société Groupe Canal Plus à diffuser la chaîne désormais dénommée « Trek » au sein du bouquet CanalSat jusqu’au 30 juin 2015 ; qu’en outre, saisi ultérieurement par la société Groupe Canal Plus afin qu’il soit enjoint aux sociétés du groupe AB de reprendre la diffusion de la chaîne « Escales » dans son ancienne version, le Président du Tribunal de grande instance de Paris a rejeté cette demande comme irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à sa première ordonnance de référé ; que dans ces conditions, les sociétés du groupe AB ne sont pas fondées à soutenir qu’une menace persistante pèserait sur la diffusion de « Trek » dans le bouquet CanalSat ; qu’ainsi la demande présentée par les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques est devenue sans objet ; qu’il n’y a pas lieu d’y statuer ;
Sur le différend enregistré sous le numéro 2015/02 :
En ce qui concerne la compétence du Conseil supérieur de l’audiovisuel :
6. Considérant qu’aux termes de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut être saisi par un éditeur ou par un distributeur de services, par une des personnes mentionnées à l’article 95 ou par un prestataire auquel ces personnes recourent, de tout différend relatif à la distribution d’un service de radio, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande, y compris aux conditions techniques et financières de mise à disposition du public de ce service, lorsque ce différend est susceptible de porter atteinte au caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences de service public, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes, ou lorsque ce différend porte sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes et de services ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services. » ;
7. Considérant que les pouvoirs conférés par le législateur au Conseil supérieur de l’audiovisuel au titre de sa mission de règlement de différends doivent être conciliés avec la liberté contractuelle dont disposent, dans les limites fixées par la loi, les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle ; que lorsque le différend qui lui est soumis naît dans le cadre d’une relation contractuelle entre un éditeur et un distributeur ou d’une offre de contrat, il lui est loisible, pour assurer le respect de l’ensemble des principes et obligations énumérés à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, de prononcer, sous le contrôle du juge, des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l’exécution des conventions entre les parties au différend, y compris si les circonstances de l’espèce l’exigent l’injonction de faire à l’autre partie une nouvelle offre de contrat conforme à certaines prescriptions ; qu’en revanche, quand il est saisi d’un différend en l’absence de relation contractuelle ou de toute offre de contrat, ce que les dispositions de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 permettent, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne dispose du pouvoir de prononcer une telle injonction de faire une offre que, d’une part, envers un opérateur à qui la loi fait expressément obligation de mettre à disposition un service ou de le reprendre ou, d’autre part, dans le cas où cette injonction est nécessaire pour prévenir une atteinte caractérisée à l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences de service public, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes ;
8. Considérant que les conclusions présentées par les sociétés du groupe AB tendent à ce que le CSA enjoigne à la société Groupe Canal Plus de formuler une proposition commerciale de distribution d’un service de télévision ; que, dans ces conditions, la circonstance, alléguée par la société Groupe Canal Plus, que le présent différend soit né en l’absence de relation contractuelle ou d’une offre de contrat ne fait en tout état de cause pas obstacle à la compétence du Conseil pour connaître des conclusions présentées par les sociétés du groupe AB ; En ce qui concerne le bienfondé des conclusions à fin d’injonction :
S’agissant de l’existence de relations contractuelles ou d’une offre de contrat entre les parties :
9. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la chaîne « Trek » a été conçue par sa société éditrice comme une évolution de la chaîne « Escales » ; que la convention conclue avec le CSA pour la diffusion de la chaîne prévoyait, dans sa rédaction relative au service dénommé « Escales », que ce dernier était consacré « au voyage et au tourisme », tandis que cette convention indique désormais, dans sa rédaction issue de l’avenant signé le 4 mars 2015 relative au service dénommé « Trek », que ce dernier est consacré « à l’aventure humaine, au voyage et au tourisme sportif » ; qu’ainsi, l’évolution du positionnement éditorial de la chaîne de sa dénomination « Trek » à sa dénomination « Escales » n’apparaît pas d’une ampleur telle qu’elles devraient être considérées comme étant dépourvus de tout lien l’une avec l’autre ; qu’en outre, dans le cadre de la procédure de référé introduite par les sociétés du groupe AB devant le Président du Tribunal de grande instance de Paris, la société Groupe Canal Plus s’est expressément engagée à poursuivre la diffusion de « Trek » dans le cadre du contrat en cours pour la diffusion d’« Escales » ; que, dans l’assignation en référé qu’elle a à son tour formé à l’encontre des sociétés du groupe AB, la société Groupe Canal Plus a sollicité qu’il soit enjoint à ces dernières de « reprendre la diffusion de la chaîne Escales dans sa programmation antérieure au 2 février 2015 » ; qu’il y a donc lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’estimer que le présent différend, relatif à la distribution de la chaîne « Trek » sur le bouquet CanalSat à compter du 1er juillet 2015, porte sur le renouvellement d’un contrat de distribution antérieurement conclu entre les deux parties ; qu’un tel différend doit, par suite, être regardé comme étant né dans le cadre d’une relation contractuelle ;
S’agissant du caractère objectif des relations contractuelles :
10. Considérant, en premier lieu, qu’il ne ressort pas des termes de la lettre du 21 octobre 2014 adressée par la société Groupe Canal Plus aux sociétés du groupe AB que cette société aurait refusé de distribuer la chaîne « Trek » en raison de l’ambiguïté éventuelle du positionnement de cette chaîne au regard des thématiques « Sport » et « Découverte » ; qu’en effet, la société Groupe Canal Plus a notamment fondé son refus de distribution sur la circonstance que la chaîne en cause n’apporterait pas d’éléments de différenciation suffisants au regard des autres chaînes déjà présentes dans chacune de ces deux thématiques et ce, quelle que soit la thématique dont elle relèverait ; que la circonstance, dont se prévaut le groupe AB, que le positionnement de la chaîne « Trek » ne serait pas ambigu est donc, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision de refus ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que la référence au caractère objectif des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services permet au Conseil supérieur de l’audiovisuel, lorsqu’il en est saisi, de contrôler les motifs des décisions prises par les parties dans le cadre de leurs relations contractuelles afin de s’assurer que ces décisions sont fondées sur des justifications cohérentes et qu’elles ne poursuivent pas un but autre que celui en vue duquel leurs auteurs affirment les avoir prises ; qu’en revanche, il n’appartient pas au Conseil de statuer sur le bien-fondé des orientations stratégiques générales des parties en ce qui concerne leurs politiques commerciales, qui relèvent de leurs appréciations respectives et sont mises en œuvre dans le cadre des règles applicables en droit de la concurrence ; que, dès lors, la circonstance que d’autres distributeurs auraient accepté de reprendre la chaîne « Escales » renommée « Trek » est sans influence sur l’appréciation du caractère objectif du refus de distribution de cette chaîne décidé par la société Groupe Canal Plus ; qu’au demeurant, les sociétés du groupe AB se limitent à mentionner dans leurs écritures que les autres distributeurs auraient accepté de poursuivre la distribution de la chaîne « Trek », sans toutefois préciser si cette poursuite de la distribution s’effectuait dans le cadre des contrats en vigueur ou si elle avait impliqué, comme dans le présent différend, un renouvellement des contrats de distribution ;
12. Considérant, en troisième lieu, que pour les motifs énoncés au point précédent, l’appréciation de la stratégie poursuivie par la société Groupe Canal Plus dans la commercialisation du bouquet CanalSat au regard de la situation économique et concurrentielle au sein du marché aval de la distribution des chaînes de télévision est insusceptible d’être discutée devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel statuant en application de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu’il appartient uniquement au Conseil supérieur de l’audiovisuel d’apprécier le caractère objectif du refus de distribution de la chaîne « Trek » au regard de cette stratégie commerciale, telle qu’elle a été définie par la société Groupe Canal Plus comme consistant en un recentrage qualitatif de l’offre de chaînes présentes sur le bouquet CanalSat privilégiant des marques fortes et attractives, afin de faire face au développement d’offres d’abondance bon marché voire gratuites ;
13. Considérant, en quatrième lieu, que les sociétés du groupe AB font valoir que la distribution de la chaîne « Trek » au sein du bouquet CanalSat serait objectivement justifiée au regard de la stratégie de commercialisation de ce bouquet, dès lors qu’elle proposerait une ligne éditoriale inédite au sein de la thématique Découverte et qu’elle serait en mesure de susciter un maximum de motivation à l’abonnement ; qu’à l’appui de leurs prétentions, les sociétés demanderesses se limitent cependant à fournir une estimation du nombre de pratiquants de course à pied en pleine nature en France et du nombre de Français passionnés de sports de glisse, ainsi qu’à mentionner les résultats d’un sondage selon lequel 47 % des amateurs de programmes sportifs seraient intéressés par la chaîne « Trek », et 60 % du public potentiel serait prêt à payer pour la recevoir ; que les sociétés du groupe AB reconnaissent elles-mêmes dans leurs écritures que ces données ne déterminent pas le nombre exact de prospects, c’est-à-dire de clients potentiels susceptibles de s’abonner à l’offre CanalSat dans l’hypothèse où la chaîne « Trek » y serait diffusée ; qu’ainsi, les sociétés demanderesses ne produisent pas d’éléments suffisants permettant d’estimer le potentiel économique de la chaîne et d’évaluer son apport spécifique au sein du bouquet CanalSat ; que si ces sociétés font également valoir que la chaîne serait parrainée par des personnalités issues de diverses disciplines sportives abordées dans la programmation, ou que les autres distributeurs auraient mis en œuvre des actions de promotion de la chaîne, de tels éléments ne permettent pas de démontrer que la distribution de cette chaîne au sein du bouquet CanalSat serait objectivement justifiée au regard de la stratégie de commercialisation de ce bouquet poursuivie par la société Groupe Canal Plus ;
14. Considérant, en dernier lieu, qu’à l’appui de leur demande, les sociétés du groupe AB font valoir que le refus de distribuer la chaîne « Trek » témoignerait d’une volonté de la société Groupe Canal Plus de refuser la distribution de chaînes de groupes qui la concurrencent sur le marché de l’édition, et notamment de celles éditées par le groupe AB ;
15. Considérant cependant que, par une décision no 12-DCC-100 du 23 juillet 2012, l’Autorité de la concurrence a prononcé plusieurs injonctions conditionnant l’autorisation qu’elle a délivrée à la prise de contrôle exclusif de CanalSat et TPS par les sociétés Groupe Canal Plus et Vivendi, au nombre desquelles figurent une obligation de reprise d’une proportion minimale de chaînes indépendantes dans l’offre CanalSat, ainsi que l’obligation d’instaurer des « offres de référence », dont l’une concerne spécifiquement la reprise de chaînes indépendantes ; que par une décision no 13-DAG-01 du 7 juin 2013, l’Autorité de la concurrence a notamment agréé l’offre de référence de reprise des chaînes indépendantes au sein de l’offre CanalSat en France Métropolitaine ; qu’il ressort des termes de cette décision d’agrément que, lorsque la société Groupe Canal Plus est sollicitée par un éditeur pour la distribution d’une chaîne indépendante au sein de CanalSat, elle peut soit refuser de distribuer cette chaîne, soit proposer de la distribuer à titre exclusif ou non-exclusif ; que cette décision doit être adressée aux éditeurs dans un délai de trois mois ; que la liberté dont jouit la société Groupe Canal Plus pour refuser de distribuer une chaîne est en outre encadrée par l’obligation de proposer au moins 55 % de chaînes indépendantes, pour au moins 55 % des redevances, au sein de son offre CanalSat ; qu’ainsi, l’offre de référence aboutit à un encadrement des pratiques contractuelles de la société Groupe Canal Plus, de l’entrée en négociation pour la distribution d’une chaîne jusqu’à la formulation des conditions de distribution et le renouvellement des contrats ;
16. Considérant que, saisie par le Conseil supérieur de l’audiovisuel le 10 avril 2015 au motif que les faits allégués par les sociétés du groupe AB étaient susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles, l’Autorité de la concurrence a indiqué, par une lettre du 20 mai 2015, qu’elle n’entendait pas se saisir d’office des pratiques en cause ; qu’il résulte de l’instruction que, concomitamment au refus qu’elle a opposé à la distribution de la chaîne « Trek » à compter du 1er juillet 2015, la société Groupe Canal Plus a formulé des offres engageantes pour la diffusion de sept des chaînes éditées par la société Groupe AB (« AB Moteurs », « AB 1 », « Action », « Animaux », « Mangas », « RTL 9 » et « XXL ») ; que, par une lettre du 24 février 2015, le Mandataire chargé de contrôler l’exécution des injonctions prononcées par l’Autorité de la concurrence a demandé à la société Groupe Canal Plus de formuler à nouveau des offres de reprise pour six des sept chaînes concernées sauf la chaîne « Action », et a également rappelé que l’offre engageante adressée pour la reprise de la chaîne « Action » n’était pas expirée ; qu’en exécution de cette demande, la société Groupe Canal Plus a renvoyé le 10 mars 2015 de nouvelles offres engageantes pour la reprise des six chaînes concernées ; que par ailleurs, la diffusion sur le bouquet CanalSat des chaînes « Maison + », « Cuisine + », « Jimmy » et « Sport + », toutes éditées par la société Groupe Canal Plus, a été arrêtée ou va être arrêtée au cours de l’année 2015 ; qu’enfin, plusieurs chaînes d’autres éditeurs ont été concernées par un arrêt de la diffusion sur CanalSat au cours de l’année 2014, notamment « Trace Tropical », éditée par la société Trace TV, « Vivolta », éditée par la société Télévista, et « Nautical Channel », éditée par Nautical Channel Ltd, tandis que les chaînes « M6 Music Black » et « M6 Music Club », éditées par la société Métropole Télévision, ont vu leur diffusion arrêtée sur ce bouquet au cours de l’année 2015 ; que, dans ces conditions, les sociétés demanderesses n’établissent pas que le refus de distribuer la chaîne « Trek » sur le bouquet CanalSat serait motivé par la volonté de la société Groupe Canal Plus de les évincer du marché de l’édition de chaînes de télévision payantes et serait, par suite, entaché d’un manquement à l’exigence d’objectivité dans les relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services ;
17. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du manquement au caractère objectif des relations contractuelles doit être écarté ;
S’agissant du caractère équitable des relations contractuelles :
18. Considérant que le caractère équitable de la décision de la société Groupe Canal Plus de ne pas distribuer la chaîne « Trek » à compter du 1er juillet 2015 s’apprécie au regard des principes mentionnés à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu’il convient notamment d’analyser la contribution du service en cause à la qualité et à la diversité des programmes ;
19. Considérant que les sociétés du groupe AB mettent en avant la singularité éditoriale de la chaîne « Trek » au regard des autres chaînes de la thématique Découverte diffusées sur CanalSat, en soutenant que cette chaîne, qui vise à promouvoir les thématiques du sport et de l’évasion pratiqués en environnement naturel, disposerait d’un format éditorial spécifique ; qu’elles ne font cependant pas valoir d’éléments suffisants permettant de déterminer objectivement la contribution de la chaîne « Trek » à la qualité et à la diversité des programmes ; que s’agissant par exemple de la contribution à la production audiovisuelle, les sociétés demanderesses se limitent à affirmer que le passage de la chaîne « Escales » à la chaîne « Trek » permettrait d’accroître les investissements de la société éditrice dans la production d’œuvres audiovisuelles, notamment dans la thématique Découverte ; que toutefois, l’apport propre de la chaîne au montant total des investissements déclarés par le groupe AB n’est pas précisé ; qu’en réponse à la mesure d’instruction diligentée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, les sociétés demanderesses ont estimé qu’une telle information relevait totalement du secret des affaires et ne pouvait dès lors faire l’objet d’un échange contradictoire dans le cadre de la présente procédure de règlement de différends ; qu’en réponse, la société Groupe Canal Plus relève sans être contredite que la chaîne « Escales », dont la chaîne « Trek » constitue une évolution, ne contribuait, en 2013, que de manière marginale à la production audiovisuelle, dès lors qu’elle n’avait contribué qu’au financement de trois heures de programmes documentaires aidés par le CNC, tandis que la chaîne « Voyage » avait contribué pour 105 heures de programmes documentaires aidés, que la chaîne « Planète + » avait contribué pour 141 heures, ou encore que la chaîne « Ushuaia TV » avait contribué pour 60 heures de tels programmes ; que la société Groupe Canal Plus fait également valoir sans être contredite que la chaîne « Escales » ne représentait que 3,9 % du montant total des investissements réalisés par le groupe AB en 2013 et qu’elle ne représentait que 0,5 % des apports des diffuseurs dans les commandes des chaînes payantes en documentaires aidés en 2013, soit 0,18 million d’euros sur 36,09 millions d’euros, tandis que l’apport des diffuseurs dans les commandes des chaînes payantes ne représentait lui-même que 14,9 % de l’apport total de l’ensemble des chaînes dans la production de documentaire aidé en 2013, lequel était quant à lui estimé à 242,99 millions d’euros ;
20. Considérant que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que la contribution de la chaîne « Trek » à la qualité et à la diversité des programmes serait telle que le refus de la diffuser sur l’offre CanalSat devrait être regardé comme un manquement au caractère équitable des relations contractuelles entre les sociétés du groupe AB et la société Groupe Canal Plus ; qu’au demeurant, si les sociétés du groupe AB soutiennent que ce refus de diffusion porterait atteinte à la viabilité économique de la chaîne, les éléments qu’elles produisent à cet égard ne sont pas de nature à étayer cette affirmation ; qu’en outre, ces sociétés ont estimé que les données financières relatives à l’équilibre économique de la chaîne « Escales », qui avaient été sollicitées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le cadre de l’instruction de leur demande, relevaient pour leur totalité du secret des affaires et ne pouvaient dès lors faire l’objet d’un échange contradictoire dans le cadre de la présente procédure de règlement de différends ;
21. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du manquement au caractère équitable des relations contractuelles doit être écarté ;
S’agissant du caractère non discriminatoire des relations contractuelles :
22. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la société Groupe Canal Plus aurait accepté par le passé que certains services changent de nom ou de ligne éditoriale dans le cadre des contrats de distribution en vigueur est sans incidence sur l’appréciation du caractère non-discriminatoire de la décision par laquelle la société Groupe Canal Plus a refusé de diffuser la chaîne « Trek » à compter du 1er juillet 2015, dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction que cette décision de refus se fonde sur les changements de dénomination et de ligne éditoriale qui résultent du passage de la chaîne « Escales » à la chaîne « Trek » ;
23. Considérant, en second lieu, que si « Trek » est la seule chaîne de la thématique Découverte à voir sa diffusion sur le bouquet CanalSat actuellement remise en cause, cette circonstance ne saurait à elle seule caractériser l’existence d’une discrimination, dès lors que le choix de la société Groupe Canal Plus d’arrêter la diffusion de cette chaîne peut être objectivement justifié par une différence de situation avec les autres chaînes de cette thématique ; qu’à cet égard, si les sociétés du groupe AB estiment par exemple que les chaînes « Planète + Thalassa », « Planète + CI » et « Planète + A&E » éditées par la société Groupe Canal Plus contribueraient moins à la qualité et à la diversité des programmes que la chaîne « Trek », elles ne fournissent pas d’éléments suffisants permettant d’étayer cette affirmation ; qu’il résulte au contraire de l’instruction, ainsi que cela a été énoncé au point 19 de la présente décision, que la chaîne « Escales » contribuait moins à la production de documentaires que d’autres chaînes de la thématique Découverte, et notamment que certaines de celles éditées par la société Groupe Canal Plus ; qu’aucun élément ne permet d’estimer que cette situation aurait évolué à la suite de la transformation de la chaîne « Escales » en « Trek » ; qu’au demeurant, le refus de diffuser « Trek » ne préjuge pas du fait que les contrats conclus par la société Groupe Canal Plus pour la diffusion d’autres chaînes peuvent avoir des échéances postérieures ; que par ailleurs, les refus de distribution affectent des chaînes de différents éditeurs et qui sont présentes dans de multiples thématiques, en application de la stratégie désormais mise en œuvre pour la commercialisation du bouquet CanalSat ; qu’enfin, ainsi que cela a été énoncé au point 16 de la présente décision, la société Groupe Canal Plus a formulé des offres engageantes pour sept autres chaînes éditées par les sociétés du groupe AB ; que compte-tenu de ces différents éléments, le comportement de la société Groupe Canal Plus à l’égard de la chaîne « Trek » ne peut être regardé comme revêtant un caractère discriminatoire ;
24. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la décision de la société Groupe Canal Plus de ne pas diffuser la chaîne « Trek » sur l’offre CanalSat à compter du 1er juillet 2015 ne constitue pas un manquement au caractère objectif, équitable et non-discriminatoire des relations contractuelles qu’elle entretient avec les sociétés du groupe AB ; que les conclusions à fin d’injonction présentées par ces dernières ne peuvent dès lors qu’être rejetées ;
Décide :
Art. 1er. – Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de règlement de différend n° RD-2015/01 présentée par les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques.
Art. 2. – La demande de règlement de différend no RD-2015/02 présentée par les sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques est rejetée.
Art. 3. – La présente décision sera notifiée aux sociétés Groupe AB, AB Sat et AB Thématiques et à la société Groupe Canal Plus et publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré le 10 juin 2015 par M. Olivier Schrameck, président, M. Patrice Gélinet, M. Nicolas About, Mme Francine Mariani-Ducray, Mme Mémona Hintermann-Afféjee, Mme Sylvie Pierre-Brossolette, M. Nicolas Curien et Mme Nathalie Sonnac, conseillers.