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Décisions

CSA, 16 décembre 2015, n° 2015-551

CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)

Avis

différend opposant la société Pyrénéenne de télévision à la société Télévisions locales associées et à la société de gestion du réseau R 1

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Schrameck

CSA n° 2015-551

15 décembre 2015

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment ses articles 17-1, 30-1 et 30-2 ;

Vu le décret no 2006-1084 du 29 août 2006 pris pour l’application de l’article 17-1 de la loi n° 86-1067 du

30 septembre 1986 et relatif à la procédure de règlement des différends par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

Vu la décision n° 2005-30 du 18 janvier 2005 modifiée autorisant la société de gestion du réseau R 1 (GR 1) à utiliser une ressource radioélectrique pour le multiplexage des programmes des éditeurs de service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique du réseau R 1 modifiée, ainsi que la décision n° 2015-59 du 11 février 2015 autorisant la société de gestion du réseau R 1 à utiliser une ressource radioélectrique pour le multiplexage des programmes des éditeurs de service de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique du réseau R 1 pour une durée d’un an ;

Vu la décision n° 2015-418 du 18 novembre 2015 autorisant la société de gestion du réseau R 1 à utiliser une ressource radioélectrique pour le multiplexage des programmes des services de communication audiovisuelle diffusés par voie hertzienne terrestre en mode numérique sur le réseau R 1 ;

Vu la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel n° 2009-473 du 30 juin 2009 autorisant la société TVPI, sur le fondement de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, à utiliser, pour l’exploitation du service de télévision à vocation locale dénommé TVPI, une ressource radioélectrique sur le multiplex R 1 ;

Vu la délibération du 9 avril 2014 fixant le règlement intérieur du Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

Vu la demande de règlement d’un différend, enregistrée le 10 février 2014, présentée par la société Pyrénéenne de télévision (TVPI), dont le siège social est route de Bayonne à Bidart (64210), l’opposant à la société Télévisions locales associées (TLA) et à la société de gestion du réseau R 1 tendant à ce que :

–   elle obtienne toute information sur les coûts réels de diffusion dont elle aurait été réellement redevable depuis 2009 ;

–   le Conseil lui fasse obtenir le cas échéant le remboursement de toute surfacturation éventuelle, provenant de la société GR1 ou de la société TLA ;

–   le Conseil autorise une contractualisation directe de la société TVPI avec la société GR1 ou justifie ce qui pourrait empêcher une telle contractualisation ;

–   le Conseil questionne le devenir de la société TLA, en particulier quant à « l’inquiétante solidarité de fait que son organisation a induit entre les chaînes locales » ;

La société TVPI soutient que l’esprit de l’article 30-2 de la loi du 30 septembre 1986 ainsi que l’article 2-1-3 de sa convention – qui stipule que « L’éditeur communique au Conseil supérieur de l’audiovisuel, à titre confidentiel, les conventions conclues avec la société chargée de faire assurer les opérations techniques nécessaires à la transmission et à la diffusion du service auprès du public. » – justifient une contractualisation directe entre un éditeur de service de télévision locale et son opérateur de multiplex quand bien même la société TLA serait par contrat l’unique interlocuteur de la société GR 1 pour la diffusion des chaînes locales ; qu’à l’appui de sa demande sur le devenir de la société TLA, la société TVPI met en cause la capacité de gestion de la société TLA, son dimensionnement, notamment pour recouvrer ses créances et fournit un état des dettes de plusieurs chaînes locales à l’égard de la société TLA ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2014, pour la société GR 1, dont le siège social est 7, esplanade Henri-de-France à Paris (75015), tendant, à titre principal, à ce qu’elle soit mise hors de cause et, à titre subsidiaire, au rejet des demandes de la société TVPI visant à obtenir des informations sur le coût de diffusion et à autoriser une contractualisation directe entre les sociétés TVPI et GR 1 ;

La société GR 1 fait valoir que :

–   régler un litige en l’absence de relations contractuelles entre les parties du litige excéderait la compétence du Conseil ;

–   la demande d’information sur les coûts de diffusion serait infondée, eu égard aux stipulations du contrat entre les sociétés GR 1 et TLA et au mandat d’administrateur de la société TLA exercé par la société TVPI et à l’envoi par la société GR 1 du détail des coûts de diffusion et des charges spécifiques de diffusion à la société

TLA ;

–   la société TVPI est libre de mettre fin à son mandat d’administrateur et de quitter l’actionnariat de la société TLA selon la procédure prévue par les statuts de celle-ci ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2014, pour la société TLA, dont le siège social est, depuis le 24 septembre 2014, 27 boulevard Hippolyte-Marquès à Ivry-sur-Seine (94200), tendant, à titre principal, au rejet de la demande de contractualisation directe de la société TVPI avec GR 1 et, à titre subsidiaire, à la liquidation des sommes dues par la société TVPI à son égard avant tout établissement de relations contractuelles entre les sociétés TVPI et GR 1 ;

La société TLA fait valoir que :

–   les interrogations de la société TVPI seraient légitimes à l’égard de la société GR 1 en raison du manque de visibilité et de transparence des coûts prévisionnels établis par celle-ci, du caractère tardif de la régularisation des charges de diffusion entre les sociétés GR 1 et TLA et du décalage significatif apparu entre la répartition des charges spécifiques faites par TLA et l’état par chaîne locale établi par l’opérateur de multiplex pour l’exercice 2012 ;

–   les interrogations de la société TVPI seraient infondées à l’égard de la société TLA en raison de la communication de plusieurs documents (contrats entre les sociétés TLA et GR 1, contenu de l’accord relatif au coût du canal non couvert) aux actionnaires de la société TLA, de la communication de la note explicative de la société TLA à toute nouvelle chaîne locale du multiplex R 1, de la convocation de la société TVPI aux assemblées générales d’actionnaires de la société TLA, de la tenue régulière des conseils d’administration et de l’absence de refus de la société TLA de communiquer à ses actionnaires les informations en sa possession ;

–   s’agissant de la demande d’autorisation de contractualisation directe entre l’opérateur de multiplex et un éditeur, une contractualisation ne saurait intervenir qu’en faveur des chaînes locales parfaitement à jour du paiement des appels de fonds émis par la société TLA au titre de leur diffusion ;

–   la société TVPI, en suspendant ses règlements destinés à la société TLA, ne respecterait pas ses obligations contractuelles vis-à-vis de la société TLA ;

–   il conviendrait de donner la priorité à l’établissement d’un contrat tripartite entre l’opérateur de multiplex, la société TLA et l’éditeur de service de télévision locale, sous réserve d’un engagement de transparence de la société GR 1, afin que la société GR 1 conserve un interlocuteur unique, que les chaînes satisfassent à l’obligation prévue à l’article 2-1-3 de leur convention, que la société GR 1 facture au juste prix les coûts de diffusion et que ceux-ci soient individualisés ;

–   s’agissant de son propre devenir, elle aurait rempli son rôle d’interlocuteur unique de l’opérateur de multiplex et a obtenu des résultats lors de ses négociations avec cet opérateur ;

Vu les observations en réplique, enregistrées le 24 mars 2014, présentées pour la société TVPI tendant aux mêmes fins que sa demande par les mêmes moyens ;

Elle demande en outre au Conseil de :

–   diligenter un audit des deux structures visant, d’une part, à établir une vérité des coûts imputés aux chaînes de télévision locale et, d’autre part, à établir le montant du dû en cas de retrait de la société TVPI de l’actionnariat de la société TLA ;

–   rejeter la demande de la société GR 1 d’être mise hors de cause ;

–   rejeter la demande de la société TLA d’autoriser un contrat tripartite ;

–   animer une réunion de conciliation pour établir les conditions pratiques du contrat bipartite ;

Elle fait valoir que :

–   un contrat direct entre un éditeur et un opérateur de multiplex serait probablement prévu par la loi ;

–   la conclusion d’un contrat tripartite entérinerait une mutualisation des sinistres résultant de la mauvaise gestion alléguée des sinistres impayés ;

Vu les nouvelles observations en défense présentées pour la société GR 1, enregistrées le 2 avril 2014, tendant aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les conclusions additionnelles de la société TLA, enregistrées le 2 avril 2014, tendant à ce que le Conseil :

–   diligente un audit des coûts de diffusion facturés par la société GR 1 ;

–   prenne acte de son accord pour réaliser un audit de ses coûts de fonctionnement ;

–   organise une réunion de conciliation entre les sociétés TVPI, GR 1 et TLA afin de définir les conditions d’une nouvelle relation contractuelle tripartite ;

Elle soutient en outre que les stipulations contractuelles ne suffisent à répondre à ses demandes de transparence adressées à la société GR 1 et que la société TVPI a déjà pu réaliser diverses procédures de contrôle et d’audit des comptes ;

Vu les observations complémentaires présentées par la société TVPI, enregistrées le 9 avril 2014 tendant à préciser certains faits et réitérant une demande d’audit et de médiation du CSA ;

Vu la décision du Directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 17 février 2014 nommant M. Bergot en qualité de rapporteur et M. Lombart en qualité de rapporteur adjoint ;

Vu le calendrier de procédure arrêté par le Conseil supérieur de l’audiovisuel lors du collège plénier du 5 mars 2014 ;

Vu la décision n° 2014-126 du 2 avril 2014 portant extension du délai prévu à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 dans le cadre du différend opposant la société Pyrénéenne de télévision et les sociétés Gestion du réseau R 1 et Télévisions locales associées ;

Vu la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 16 juillet 2014 d’adresser, sur proposition du rapporteur, un questionnaire aux parties ;

Vu la réponse de la société TVPI au questionnaire du Conseil supérieur de l’audiovisuel, enregistrée le 19 septembre 2014 ;

Vu la réponse de la société TLA au questionnaire du Conseil supérieur de l’audiovisuel, enregistrée le 26 septembre 2014, et celle de la société GR 1, enregistrée le même jour ;

Vu les observations de la société GR 1 sur les réponses au questionnaire du Conseil supérieur de l’audiovisuel, enregistrées le 20 octobre 2014 ;

Vu les observations, enregistrées le 20 novembre 2014, présentées pour la société GR 1, par lesquelles cette société précise avoir adressé une proposition de contrat à la société TVPI, jointe aux observations ;

Vu les observations, enregistrées le 1er décembre 2014, présentées pour la société TVPI, par lesquelles la société TVPI conclut à une proposition tarifaire discriminatoire de la part de la société GR 1, entre les chaînes locales d’une part et les autres clients de l’opérateur de multiplex d’autre part ;

Vu la lettre du 29 juillet 2014 de saisine de l’Autorité de la concurrence par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

Vu l’avis de l’Autorité de la concurrence du 17 octobre 2014 ;

Vu la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 18 juin 2015 d’adresser, sur proposition du rapporteur, une mesure d’instruction aux parties ;

Vu les observations de la société TVPI, enregistrées le 29 juin 2015, et celles de la société GR 1, enregistrées le 7 juillet 2015, à la suite de la communication par le Conseil, sur proposition du rapporteur, des moyens d’office que ce dernier est susceptible de soulever ;

Etant indiqué que, par courriel du 5 novembre 2015, la société de gestion du réseau R1 a demandé que la séance d’examen du différend ne soit pas publique ; que, par courriel du même jour, la société Pyrénéenne de télévision a indiqué qu’elle ne s’opposait pas au caractère public de la séance ; que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, réuni en assemblée plénière le 10 novembre 2014, a décidé que la séance d’examen du différend serait publique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu le 16 novembre 2015, lors de la séance d’examen du différend :

–   le rapport de M. Bergot ;

–   les observations de M. Lamarque, pour la société TVPI ;

–   les observations de M. Dupuis et de Me Bouchard pour la société GR 1 ;

–   les observations de M. Nelle et de Me Lavat pour la société TLA ;

Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur ;

Considérant que par la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel no 2009-473 du 30 juin 2009, la société TVPI a été autorisée, sur le fondement de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, à utiliser, pour l’exploitation du service de télévision à vocation locale dénommé TVPI, une ressource radioélectrique sur le multiplex R 1 opéré par la société GR 1 ; que, par la décision no 2005-30 du 18 janvier 2005, modifiée notamment par la décision no 2013-177 du 15 janvier 2013, cette dernière a été autorisée, sur le fondement de l’article 30-2 de la loi précitée, à utiliser une ressource radioélectrique pour le multiplexage des programmes des éditeurs de services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique autorisés à diffuser sur le réseau R 1 ;

Considérant que la société TVPI a souscrit au capital de la société TLA le 3 juillet 2009, cette dernière ayant notamment pour objet de négocier, conclure les contrats, et gérer les relations avec la société GR 1 en vue de permettre la diffusion des chaînes de télévision locale privées sur le multiplex R 1 ; qu’au titre de cette organisation, fondée sur une absence de relations directes entre les éditeurs et la société GR 1, cette dernière adressait les factures liées à la diffusion des chaînes locales à la société TLA, chargée d’en répartir le montant entre les éditeurs ;

Considérant que la société TVPI a interrogé à plusieurs reprises la société TLA sur les modalités de facturation qui lui étaient appliquées, notamment en ce qu’elles résultaient de la facturation adressée à la société TLA au titre de la diffusion hertzienne terrestre effectuée par la société GR 1 en application des contrats successifs conclus entre ces deux dernières ; qu’en tant qu’associée, la société TVPI a souligné le niveau des créances de TLA à l’égard de certains éditeurs de service de télévision locale ainsi que, selon elle, le manque de transparence et le défaut de rigueur dans la gestion de la société TLA ; que la société TPVI a demandé, le 16 juillet 2013, à la société GR1 l’établissement d’une relation contractuelle directe avec elle ; que la société GR 1 a alors interrogé la société TLA sur la portée de certaines stipulations du contrat ;

Sur la compétence du Conseil pour connaître des conclusions dont il est saisi dans le cadre du présent différend :

Sur la recevabilité des conclusions de la société TVPI :

Sur les conclusions portant sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire de la mise à disposition du public de l’offre de service de TVPI :

Considérant qu’aux termes de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut être saisi par un éditeur ou par un distributeur de services, par une des personnes mentionnées à l’article 95 ou par un prestataire auquel ces personnes recourent, de tout différend relatif à la distribution d’un service de radio, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande, y compris aux conditions techniques et financières de mise à disposition du public de ce service, lorsque ce différend est susceptible de porter atteinte au caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences de service public, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes, ou lorsque ce différend porte sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes et de services ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services » ;

Considérant que les pouvoirs conférés par le législateur au Conseil supérieur de l’audiovisuel au titre de sa mission de règlement de différends doivent être entendus dans le respect de la liberté contractuelle dont disposent, dans les limites fixées par la loi, les éditeurs et distributeurs de services de communication audiovisuelle ; que lorsque le différend qui lui est soumis naît dans le cadre d’une relation contractuelle entre un éditeur et un distributeur ou d’une offre de contrat, il lui est loisible, pour assurer le respect de l’ensemble des principes et obligations énumérés à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, de prononcer, sous le contrôle du juge, des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l’exécution des conventions entre les parties au différend, y compris, si les circonstances de l’espèce l’exigent, l’injonction de faire à l’autre partie une nouvelle offre de contrat conforme à certaines prescriptions ; qu’en revanche, quand il est saisi d’un différend en l’absence de relation contractuelle ou de toute offre de contrat, ce que les dispositions de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 permettent, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne dispose du pouvoir de prononcer une telle injonction de faire une offre que, soit, envers un opérateur à qui la loi fait expressément obligation de mettre à disposition un service ou de le reprendre ou, soit, dans le cas où cette injonction est nécessaire pour prévenir une atteinte caractérisée à l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences de service public, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence de relation contractuelle entre la société TVPI et la société

GR 1 :

Considérant que les conclusions de la société TVPI tendant à obtenir toute information sur les coûts réels de diffusion dont elle aurait été réellement redevable depuis 2009 doivent être regardées comme demandant au Conseil de se prononcer sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions financières de mise à disposition du public du service de la société TVPI et le cas échéant, à enjoindre à la société GR 1 et à la société TLA de lui faire une offre de contrat respectant ces principes ; que, dans ces conditions, la circonstance alléguée par la société GR 1 que le présent différend soit né en l’absence de relation contractuelle ou d’une offre de contrat ne fait en tout état de cause pas obstacle à la compétence du Conseil pour connaître des conclusions présentées par la société TVPI ; que la fin de non-recevoir de la société GR 1 tiré de l’absence de relation contractuelle doit donc être écartée ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’absence de « cristallisation » du litige :

Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment de l’audit partiel de la société TLA par la société TVPI, des courriels de la société TVPI du 10 mars 2011 et du 24 avril 2013, du rapport de l’expert dans le cadre de la procédure amiable de résolution du litige entre les sociétés TLA et GR 1 ainsi que de l’absence de transmission d’état détaillé des coûts de diffusion des chaînes locales par la société GR 1 à la société TLA pour les exercices 2009 à 2011, qu’il existe un litige entre la société TVPI et l’opérateur de ce multiplex ; que, dans ces conditions, la circonstance tirée de l’absence de demande de la société TVPI directement adressée à la société GR 1 d’expertise des coûts de cette dernière ne saurait remettre en cause l’existence de ce litige ; que la fin de non-recevoir soulevée par la société GR 1 doit être écartée ; qu’il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société TVPI, portant sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire de la mise à disposition du public de l’offre de son service, sont recevables ;

Sur le non-lieu à statuer :

Considérant que le contrat entre les sociétés TLA et GR 1 est arrivé à échéance le 31 décembre 2014 ; que la relation entre les sociétés TVPI et TLA a nécessairement pris fin le même jour ; que les conclusions de la société TVPI tendant à ce que le Conseil se prononce sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions financières de mise à disposition du service TVPI et enjoigne à la société GR 1 et à la société TLA de lui faire une offre de contrat respectant ces principes ont perdu leur objet ;

Considérant que les conclusions de la société TVPI tendant à ce que la société GR 1 accepte le principe d’une contractualisation directe avec elle sont devenues sans objet, en raison de l’offre de contrat formulée par la société GR 1 ; que, dans ces conditions, il n’y a plus lieu de statuer sur ces conclusions ;

Sur les relations contractuelles échues entre TVPI et GR1 :

Considérant que le différend porté devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel concernait le caractère objectif, équitable et non discriminatoire de la mise à disposition du public du service TVPI ; que, les modalités de calcul du prix de la diffusion facturé par la société GR 1 à la société TLA ont varié entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2014 ; qu’entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2009, cinq règles ont été appliquées : une première règle répartissait à parts égales les charges générales (frais de structure et de tête de réseau nationale, charge fixe des émetteurs, frais techniques applicables à l’ensemble du multiplex) de la société GR 1 entre les services nationaux et les occupants du canal local ; qu’au sein du canal diffusant les chaînes locales, une deuxième règle prévoyait la répartition des frais de structure et de tête de réseau nationale, de multiplexage et des frais techniques applicables à l’ensemble du multiplex au regard du nombre d’émetteurs occupés par France 3, France Ô et les services de télévision des éditeurs associés de TLA ; une troisième règle prévoyait la répartition des charges fixes des émetteurs à parts égales entre utilisateurs ; une quatrième règle répartissait les charges de transport satellite et les charges variables des émetteurs au prorata du débit utilisé ; une cinquième règle affectait intégralement à la société TLA les charges spécifiques résultant de l’insertion ou de l’occultation du signal d’un service de télévision d’un éditeur associé de la société TLA ; qu’entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2014, deux règles ont été appliquées, l’une affectant un sixième des charges générales de gestion du multiplex et des charges des émetteurs à la société TLA, l’autre affectant à l’entière charge de la société TLA les charges spécifiques résultant de l’insertion ou de l’occultation du signal d’un service de télévision d’un éditeur associé de la société TLA ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société TLA a dû recourir à un tiers pour répartir le montant des factures de la société GR 1 jusqu’en 2011, faute d’avoir obtenu de la part de la société GR 1 un état détaillé, chaîne par chaîne, des coûts de diffusion et des charges spécifiques ; que cette absence de transmission a été de nature à caractériser un manque de transparence dans la relation contractuelle, incompatible avec des relations objectives entre les sociétés TLA et GR 1, et par conséquent, incompatible avec des conditions objectives de mise à disposition du public du service TVPI ; que le caractère objectif, équitable, et non discriminatoire des conditions financières d’utilisation de la ressource radioélectrique doit se fonder sur l’utilité de chacune des prestations que l’opérateur de multiplex refacture pour chacun des éditeurs du multiplex ; que s’agissant des prestations de diffusion hertzienne terrestre liées à l’hébergement et à la diffusion du signal, cette utilité est directement proportionnelle au ratio du débit moyen alloué à un éditeur à la somme des débits moyens alloués à chaque service du multiplex autorisé à exploiter une fraction de la ressource attribuée à l’opérateur de multiplex et doit donc être refacturée site par site prorata temporis ; que les coûts des prestations annexes nécessaires à la diffusion hertzienne terrestre et qui sont communes à l’ensemble des éditeurs des multiplex sans être liées directement à un site de diffusion en particulier, doivent être facturés, du fait de leur caractère accessoire, proportionnellement à la répartition des coûts de la diffusion hertzienne terrestre sur l’ensemble du multiplex ;

Considérant qu’au vu des éléments révélés par l’instruction, le Conseil a entendu clarifier, dans le cadre du renouvellement de l’autorisation accordée à la société GR 1, les conditions de la mise à disposition des services de télévision à vocation locale sur le réseau R 1 ; qu’il a ainsi prévu, dans la décision susvisée du 18 novembre 2015 autorisant la société de gestion du réseau R 1 à utiliser une ressource radioélectrique pour le multiplexage des programmes des services diffusés sur ce réseau, que les frais facturés aux éditeurs de services de télévision à vocation locale devaient être limités aux catégories de coûts que ces services contribuent à causer, à l’exclusion des coûts spécifiques liés aux autres services présents sur le multiplex et que les coûts devaient être calculés selon une clé de répartition proportionnelle à la ressource utilisée ; qu’il a également été précisé, au sein de la même décision, que la société GR 1 devait transmettre sans délai aux organisations représentatives des télévisions locales, l’ensemble des documents budgétaires et financiers communiqués à ses actionnaires afin de garantir à ces dernières, conformément à l’exigence de transparence, l’accès aux modalités d’établissement des coûts facturés et à la gestion du multiplex ;

Sur les conclusions portant sur l’avenir de la société TLA :

Considérant que les conclusions de la société TVPI relatives à l’avenir de la société TLA ne tendent à régler aucun différend ; que cette demande est ainsi irrecevable ;

Sur les conclusions pécuniaires :

Considérant que la société TVPI conclut à ce qu’il soit enjoint aux parties adverses de lui rembourser toutes surfacturations éventuelles auxquelles elle aurait été exposées ; que si cette demande de la société TVPI est relative à la distribution d’un service de télévision,  elle n’est motivée par aucune atteinte à un des principes énumérés à l’article 17-1 et ne porte pas sur le caractère « objectif, équitable et non discriminatoire » des conditions de mise à disposition de l’offre de programmes et de services, ou des relations contractuelles existantes entre GR 1 et TVPI ; que, par conséquent, cette demande est irrecevable ;

Sur la recevabilité des conclusions reconventionnelles de la société TLA :

Considérant que la société TLA a formulé des conclusions reconventionnelles, tendant notamment au paiement de sommes dues par la société TVPI à son égard et à établir les conditions d’une relation tripartite ; qu’aux termes des dispositions de l’article 17-1 précité, aucune personne autre qu’un éditeur ou un distributeur de services de communication audiovisuelle, une des personnes mentionnées à l’article 95 ou un prestataire auquel ces personnes recourent, ne peut saisir le Conseil supérieur de l’audiovisuel d’une demande de règlement de différend ; que la société TLA n’est ni un éditeur de service de communication audiovisuelle ni un distributeur de services au sens de l’article 2-1 de la loi du 30 septembre 1986, ni une personne mentionnée à l’article 95, ni un prestataire auquel les personnes mentionnées à l’article 95 recourent ; que l’ensemble des conclusions reconventionnelles de la société TLA est donc irrecevable, Décide :

Art. 1er. – Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la société Pyrénéenne de télévision tendant à se prononcer sur le caractère objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de mise à disposition du service TVPI et à la contractualisation directe avec la société GR 1.

Art. 2. – Le surplus des conclusions de la société Pyrénéenne de télévision est rejeté.

Art. 3. – Les conclusions de la société Télévisions locales associées sont rejetées.

Art. 4. – La présente décision sera notifiée à la société Pyrénéenne de télévision, à la société Télévisions locales associées et à la société de gestion du réseau R 1 et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré le 16 décembre 2015 par M. Olivier Schrameck, président, M. Patrice Gélinet, M. Nicolas About, Mme Francine Mariani-Ducray, Mme Mémona Hintermann-Afféjee, Mme Sylvie Pierre-Brossolette et Mme Nathalie Sonnac, conseillers