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Décisions

CSA, 5 juin 2007, n° 2007-448

CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)

Avis

différend opposant les sociétés France 5 et Noos SA

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Boyon

CSA n° 2007-448

4 juin 2007

Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment son article 17-1 ;

Vu le décret n° 2006-1084 du 29 août 2006 pris pour l’application de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 et relatif à la procédure de règlement des différends par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

Vu le règlement intérieur du Conseil supérieur de l’audiovisuel ;

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 18 octobre 2006, présentée par la société France 5, dont le siège social est 10-14, rue Horace-Vernet, 92785 Issy-les-Moulineaux ;

La société France 5 demande, d’une part, à obtenir le numéro 5 sur le plan de services du distributeur Noos SA et, d’autre part, à ce que soient regroupées, sur ce plan de services, les chaînes gratuites de la télévision numérique terrestre (TNT) dans une organisation identifiable, logique, cohérente et équitable, qui reposerait sur une numérotation de 1 à 18 ;

Vu les observations en défense, enregistrées le 7 novembre 2006, présentées par la société Noos SA, dont le siège social est 10, rue Albert-Einstein, 77420 Champs-sur-Marne ;

La société Noos SA demande au conseil :

–   de rejeter la demande comme irrecevable car elle est dirigée contre la société UPC-Noos au lieu de lasociété UPC France, déclarée en tant que distributeur, devenue Noos SA ;

–   de rejeter la demande comme non fondée ;

Vu les observations en réplique, enregistrées le 14 novembre 2006, présentées par la société France 5 et tendant aux mêmes fins ;

Vu les nouvelles observations en défense, enregistrées le 21 novembre 2006, présentées par la société Noos SA et tendant aux mêmes fins ;

Vu la décision du directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuel de nommer M. Bernard Celli rapporteur et M. Aurélien Louis rapporteur adjoint ;

Vu la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 24 octobre 2006 relative à l’extension du délai dans le cadre du différend opposant les sociétés France 5 et Noos SA ;

Vu le courrier du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 16 novembre 2006 transmettant un questionnaire aux parties ;

Vu le procès-verbal de l’audition du 30 novembre 2006 de tiers intéressés aux demandes de règlements de différends concernant la numérotation dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel a été saisi sur le fondement de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 ;

Vu les réponses au questionnaire adressées au Conseil supérieur de l’audiovisuel par les sociétés France 5 et Noos SA le 12 décembre 2006 ;

Vu la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 12 décembre 2006 relative à l’association au litige de la société Paris Première ;

Vu les observations, enregistrées le 14 février 2007, présentées par la société Paris Première dont le siège social est 89, avenue Charles-de-Gaulle, 92575 Neuilly-sur-Seine ;

Vu les observations, enregistrées le 8 mars 2007, présentées par la société France 5 ;

Vu les nouvelles observations, enregistrées le 19 mars 2007, présentées par la société Paris Première ; Vu le courrier du Conseil de la concurrence en date du 20 février 2007 ;

Vu le courrier du Conseil supérieur de l’audiovisuel en date du 15 mars 2007 convoquant les parties à une audience le 22 mars 2007 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Après avoir entendu le 22 mars 2007, lors de l’audience devant le collège :

–   le rapport de M. Bernard Celli, rapporteur, présentant les conclusions et les moyens des parties ;

–   les observations de M. Claude-Yves Robin, pour la société France 5 ;

–   les observations de M. Christopher Baldelli, pour la société Paris Première ;

–   les observations de Mme Angélique Benetti, pour la société Noos SA ;

Les parties ayant fait connaître leur volonté de ne pas s’opposer au caractère public de l’audience, celle-ci s’est déroulée publiquement, conformément à l’article 33 du règlement intérieur du conseil ;

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel en ayant délibéré le 5 juin 2007, en la seule présence du secrétaire du collège.

I. – Sur la recevabilité de la demande de la société France 5

I-1. Il ressort des dispositions de l’article 1er du décret du 29 août 2006 et de l’article 26 du règlement intérieur du conseil que la recevabilité de la saisine est subordonnée, d’une part, à l’identification formelle des personnes concernées (requérant et défendeur) et, d’autre part, à l’exposé de l’objet de la saisine avec une présentation des moyens et des pièces sur lesquels elle s’appuie.

Au vu des éléments du dossier, le conseil constate que ces exigences ont été respectées.

Par suite, la circonstance, invoquée par la société Noos SA, que la société France 5 ait visé dans sa demande, à la place de la société Noos SA, l’entité UPC-NOOS qui n’est que l’association de deux marques commerciales, est sans incidence sur la recevabilité de cette demande.

I-2. La société France 5 ne justifiant pas de sa qualité pour agir pour le compte des chaînes gratuites nationales de la TNT, sa demande tendant à ce que ces chaînes soient regroupées dans une organisation identifiable, logique, cohérente et équitable, qui reposerait sur une numérotation de 1 à 18, doit être regardée comme tendant à obtenir le numéro 5 dans le plan de services de Noos SA.

Etant donné que la demande vise à ce que le conseil précise les conditions permettant de garantir que l’offre de programmes de la chaîne France 5 soit mise à la disposition du public en tenant compte des exigences de service public, ces conclusions, en tant qu’elles relèvent du champ d’application des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, sont recevables.

II. – Sur le bien-fondé de la demande de la société France 5

II-1. Sur l’article 34 de la loi du 30 septembre 1986 et les missions de service public assignées à la société France 5

La société France 5 soutient que l’article 34 de la loi du 30 septembre 1986 donnerait compétence au conseil pour s’opposer à une offre de service si celle-ci portait atteinte à l’accomplissement de ses missions de service public. Elle estime que le législateur a souhaité valoriser les chaînes publiques dans l’offre de services des distributeurs du câble et du satellite et considère que, sur la base de l’article 34-2 de la même loi, le conseil est fondé à exiger des distributeurs du câble et du satellite le respect de la numérotation logique, la plus à même de favoriser l’accomplissement des missions de service public. En l’espèce, France 5 subirait un préjudice dans la mesure où sa communication s’appuie essentiellement sur son numéro.

La société Noos SA soutient que l’article 34 de la loi du 30 septembre 1986 ne prévoit pas que les distributeurs aient l’obligation d’attribuer le numéro 5 à la chaîne France 5, et que celle-ci ne démontre pas l’atteinte aux missions de service public qu’impliquerait une numérotation différente de la numérotation logique.

La société Paris Première souligne qu’à la suite de la modification de l’offre de services de Noos au début de l’année 2006, le conseil n’a pas contesté cette modification dans le délai prévu par le décret du 31 octobre 2005 pris pour l’application de l’article 34 de la loi précitée.

Aux termes de cet article, « Le conseil peut [...] s’opposer soit à l’exploitation d’une offre de service, soit à une modification de la composition de cette offre, [...] s’il estime qu’elle porte atteinte aux missions de service public assignées par l’article 43-11 aux sociétés nationales de programme et à la chaîne Arte, [...] notamment par la numérotation attribuée aux services dans l’offre commerciale. »

Le conseil relève que la présente saisine ne s’inscrit pas dans le cadre de cet article, mais doit être examinée au regard des critères mentionnés à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, qui dispose que le conseil « peut être saisi [...] de tout différend relatif à la distribution d’un service de radio ou de télévision [...] lorsque ce différend est susceptible de porter atteinte [...] aux exigences de service public ».

Il relève en outre que l’article 34 offre au conseil une simple faculté de s’opposer à l’exploitation ou à la modification d’une offre, de sorte que l’absence d’opposition ne prive pas le conseil de la possibilité de statuer ultérieurement sur les mêmes faits, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 17-1.

Au vu des dispositions de l’article 17-1, la chaîne France 5 doit disposer d’un numéro compatible avec l’exposition privilégiée dans le plan de services qu’impliquent les exigences de service public.

Actuellement, la chaîne France 5 est positionnée en numéro 8 dans le plan de service de Noos SA. Au regard des informations dont il dispose, aucun élément ne permet au conseil d’affirmer que cette numérotation porterait atteinte aux missions de service public assignées à France 5 par le législateur. Rien non plus ne permet d’affirmer, du fait de leur proximité dans le plan de services, que le passage du numéro 8 au numéro 5 permettrait à la chaîne France 5 de mieux remplir ses missions de service public.

Il résulte de ce qui précède que la société France 5 ne peut invoquer ses missions de service public pour solliciter une diffusion sur le canal 5 plutôt que sur le canal 8 dans le plan de services du distributeur.

II-2. Sur le caractère objectif de la numérotation logique attribuée par le conseil

La numérotation logique qui a été attribuée par le conseil aux chaînes de la TNT par la décision du 26 juillet 2005 présente un caractère objectif, en ce qu’elle ne repose pas sur une décision d’un distributeur fondée sur des considérations éventuellement subjectives.

Cependant, elle ne constitue pas la seule numérotation objective : des numérotations fondées sur des critères eux-mêmes objectifs et vérifiables, tels que l’audience ou l’antériorité d’occupation du numéro, peuvent présenter un caractère objectif. En particulier, une numérotation peut être fondée sur des critères de programmation, comme c’est le cas lorsque le plan de services d’un distributeur est organisé selon un classement par thématiques, et peut présenter ainsi un caractère objectif dans la mesure où les considérations qui président au classement des chaînes reposent sur des critères vérifiables, tels que les volumes de programmation ou les termes de la convention signée entre le conseil et la chaîne.

Ainsi, l’exigence d’objectivité de la numérotation ne doit pas nécessairement se traduire par l’application de la numérotation logique définie par le conseil.

II-3. Sur la recommandation du conseil du 6 décembre 2005 à l’égard des distributeurs de la télévision numérique terrestre et relative à la numérotation des chaînes gratuites

La société France 5 allègue que le regroupement des dix-huit chaînes gratuites de la TNT sur le plan de services de Noos SA serait conforme à la recommandation du conseil du 6 décembre 2005 à l’égard des distributeurs de la TNT et relative à la numérotation des chaînes gratuites.

Le conseil rappelle que cette recommandation ne s’applique qu’aux distributeurs de la TNT, et en aucun cas aux distributeurs de télévision n’utilisant pas des fréquences assignées par lui.

II-4. Sur l’intérêt des téléspectateurs à disposer des numéros logiques attribués aux chaînes de la TNT

La société France 5 estime que la numérotation logique attribuée par le CSA aux chaînes de la TNT serait conforme à l’intérêt des téléspectateurs.

Le conseil considère que l’organisation des plans de services des distributeurs peut être fondée soit sur la numérotation logique qu’il a attribuée aux chaînes de la TNT, soit sur une numérotation par thématiques. L’organisation des plans de services par thématiques est étroitement liée au développement de la distribution de la télévision. Le conseil reconnaît la pertinence d’un classement par thématiques depuis plusieurs années. En outre, depuis les débuts du développement des plates-formes de télévision payante, les distributeurs ont plutôt organisé leurs plans de services selon un classement par thématiques, afin de mieux répondre à la demande des téléspectateurs qui semblent déterminer leur choix de programme avant tout par rapport à une thématique donnée.

Cette analyse est confirmée par celle des autorités de concurrence aux niveaux national et européen. Ainsi, la Commission européenne a pu identifier, notamment dans la décision du 14 août 2002 Sogecable/Distrisat Digital/Via Digital, l’existence des marchés spécifiques des chaînes de cinéma et de sport. De même, le Conseil de la concurrence a identifié un marché spécifique de la thématique information dans sa décision no 03-D-59 du 9 décembre 2003 ; cette délimitation a été effectuée, notamment au regard des habitudes de consommation des téléspectateurs.

Dans ces conditions, le conseil estime que l’organisation par thématiques des plans de services est dans l’intérêt des téléspectateurs.

En outre, dans sa recommandation du 6 décembre 2005, le conseil a posé des éléments de principe en matière de numérotation et notamment indiqué que « la numérotation des chaînes de la TNT doit concilier deux objectifs principaux : l’équité entre les chaînes et la satisfaction des téléspectateurs, notamment en ne perturbant pas leurs habitudes ». Dans la mesure où les conditions qui prévalaient alors n’ont pas sensiblement évolué, le conseil considère que les principes exposés pour la TNT peuvent être étendus à l’ensemble des vecteurs de distribution de la télévision payante et des chaînes, que celles-ci soient gratuites ou payantes.

Par ailleurs, selon l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 dans sa rédaction qui résulte de la loi du 5 mars 2007, le Conseil supérieur de l’audiovisuel « veille au caractère équitable, transparent, homogène et non discriminatoire de la numérotation des services de télévision dans les offres de programmes des distributeurs de services ». A cet égard, l’organisation des plans de services par thématiques, en présentant de manière contiguë des chaînes proposant des programmes similaires, permet le développement d’une concurrence loyale entre les éditeurs.

En conséquence, le conseil estime que l’organisation par thématiques est à même d’assurer, outre l’intérêt des téléspectateurs, la réalisation de l’objectif d’équité entre les chaînes. Or, diverses thématiques figurent parmi les chaînes gratuites de la TNT, notamment « généralistes, jeunesse, information ». Imposer ces chaînes dans les dix-huit premiers numéros romprait le principe de l’organisation par thématiques.

Ainsi, l’argumentation tirée par la société France 5 de ce que la numérotation attribuée par le conseil aux chaînes sur la TNT serait la seule admissible dans l’intérêt des téléspectateurs doit être écartée.

De tout ce qui précède, il résulte que la demande de la société France 5 doit être rejetée.

Décide :

Art. 1er. − La demande de règlement de différend présentée par la société France 5 est rejetée.

Art. 2. − La présente décision sera notifiée aux sociétés France 5, Noos SA et Paris Première et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré le 5 juin 2007 en présence de M. Michel Boyon, président, Mme Elisabeth Flüry-Hérard, M. Christian Dutoit, Mme Agnès Vincent-Deray, Mme Marie-Laure Denis, Mme Sylvie Genevoix, Mme Michèle Reiser, M. Alain Méar et M. Rachid Arhab, ainsi que de Mme Elisabeth Mauboussin, secrétaire du collège.