Livv
Décisions

CSA, 4 mars 2020, n° 2019-232

CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AUDIOVISUEL (DEVENU L'ARCOM)

Avis

différend opposant la société 2L à la société Orange

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Maistre

CSA n° 2019-232

3 mars 2020

la procédure suivante : 

Par une demande, enregistrée le 27 mai 2019 et régularisée le 8 juillet suivant, sous le numéro RD/2019-02, la société 2L demande au Conseil supérieur de l’audiovisuel, sur le fondement des dispositions de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, d’enjoindre à la société Orange de distribuer la chaîne de télévision qu’elle édite, dénommée « IOTV » ;

Elle soutient qu’elle a conclu un contrat d’objectifs et de moyens avec la collectivité de Saint-Martin portant sur la chaîne IOTV qu’elle édite et que celle-ci bénéficie donc du statut de service d’initiative publique locale en application de l’article 13 du décret du 31 octobre 2005 ; qu’il pèse donc une obligation de reprise sur la société Orange en application de l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, pourtant, malgré plusieurs demandes en ce sens, la société Orange ne distribue pas sa chaîne.

Par deux décisions des 16 et 22 juillet 2019, le directeur général du Conseil supérieur de l’audiovisuel a nommé Mme Flavie Patoor en qualité de rapporteur et M. Mathurin Boiteau en qualité de rapporteur-adjoint pour l’instruction du présent règlement de différend ;

Par une délibération du 24 juillet 2019, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a adopté le calendrier de la procédure et une décision d’extension de délai ;

Par des observations en défense, enregistrées le 31 juillet 2019, la société Orange, représentée par le cabinet Christophe Caron AARPI, conclut à titre principal au rejet pour irrecevabilité de la demande formulée par la société 2L ;

Elle demande, à titre subsidiaire, que le Conseil supérieur de l’audiovisuel :

–  constate que la demande de la société 2L est sans objet dès lors qu’elle procédera dans les meilleurs délais à la distribution de la chaîne IOTV dès qu’un accord aura été trouvé avec la société 2L portant sur les conditions techniques et contractuelles de la distribution ;

–  précise le statut juridique de la chaîne IOTV ;

–  prenne acte que la société Orange entend poursuivre les opérations techniques nécessaires pour assurer la distribution de la chaîne dans les meilleurs délais pour autant que la société Orange dispose pour ce faire des éléments nécessaires garantissant le statut de la chaîne IOTV ou, à défaut, faire une offre comparable aux offres faites aux chaînes de télévision ne relevant pas du statut de service d’initiative publique locale. 

Elle soutient que : 

–  à titre principal, la saisine de la société 2L est irrecevable en l’absence de différend entre les parties, dès lors qu’elle n’a opposé aucun refus à la demande de la société 2L de reprendre la chaîne IOTV dans son offre de services et que les discussions se poursuivent entre les parties sur les conditions, en particulier techniques, de cette reprise ;

–  les conclusions à fin d’injonction formulées par la société 2L et tendant à la reprise du service sont irrecevables en l’absence de différend et dès lors qu’il n’est pas établi que la chaîne constitue bien un service d’initiative publique locale ;

–  à titre subsidiaire, la demanderesse n’apporte pas la preuve que la chaîne IOTV est un service d’initiative publique locale ; la société 2L n’avait pas fait valoir lors de ses premières demandes à la société Orange le statut de service d’initiative publique locale de la chaîne IOTV ; le contrat d’objectifs et de moyens conclu entre la société 2L et la collectivité de Saint-Martin est daté du 20 juin 2018 et n’a été transmis à la société Orange pour la première fois qu’en janvier 2019 ; ce contrat d’objectifs et de moyens n’est pas annexé à la convention conclue entre le CSA et la société 2L, telle que publiée sur le site du CSA ;

–  les discussions sur les conditions techniques de reprise n’ont pas abouti et aucune discussion sur le contrat de distribution n’a pu avoir lieu.

Par des observations en réplique, enregistrées le 19 août 2019, la société 2L conclut aux mêmes fins que sa demande par les mêmes moyens et demande en outre au CSA, à titre subsidiaire, de préciser les termes « conforme aux caractéristiques techniques » figurant à l’article 14 du décret du 31 octobre 2005 afin de définir si le matériel nécessaire à la mise en conformité du signal pour le transport est à sa charge ou à celle de la société Orange et d’enjoindre à cette dernière de communiquer un planning sur la mise en œuvre de la distribution de la chaîne IOTV. 

Elle soutient en outre que : 

–  sa saisine en règlement d’un différend est recevable dès lors qu’il existe bien un litige entre les parties, malgré l’absence de refus explicite formulé par la société Orange ; en effet, la société 2L sollicite en vain la reprise de sa chaîne auprès de la société Orange depuis 2015 ; la société 2L peut se prévaloir de l’obligation de reprise d’un service d’initiative publique locale à compter du 20 juin 2018, date de la signature du contrat d’objectifs et de moyens avec la collectivité de Saint-Martin, mais la société Orange fait valoir une saturation de ses équipements ; les discussions sur les éléments techniques qui permettraient la reprise de la chaîne n’ont débuté qu’avec la saisine en règlement de différend ;

–  sa demande d’injonction de reprendre la chaîne qu’elle édite est recevable au regard de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 ;

–  la chaîne IOTV constitue bien un service d’initiative publique locale depuis le 20 juin 2018, date de signature du contrat d’objectifs et de moyens avec la collectivité de Saint-Martin ;

–  les conditions de livraison du signal sont toujours en discussion ; les coûts de transport du signal doivent être à la charge de la société Orange ;

–  les coûts de numérisation du signal sont dépendants des caractéristiques retenues pour le transport de celui-ci et cette numérisation doit donc être réalisée selon les normes imposées par le distributeur ; il convient ainsi de déterminer si la numérisation « conforme aux caractéristiques techniques » à la charge de l’éditeur selon les termes du décret du 31 octobre 2005 correspond uniquement à des caractéristiques « vidéos » ou si cette numérisation comprend également les procédés de correction d’erreurs ou de sécurisation liés au transport du signal imposés par le distributeur.

Par de nouvelles observations en défense, enregistrées le 13 septembre 2019, la société Orange conclut aux mêmes fins que ses précédentes observations par les mêmes moyens et demande en outre au Conseil supérieur de l’audiovisuel, à titre principal,  de constater que la chaîne IOTV est désormais distribuée. Elle lui demande également, à titre subsidiaire, de prendre acte que la société Orange diffuse la chaîne IOTV et que les parties ont signé un contrat de distribution – lequel pourra faire l’objet d’un avenant en fonction de la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel, et de constater que la demande de précision quant aux termes « conforme aux caractéristiques techniques » de l’article 14 du décret du 31 octobre 2005 est sans objet ;  Elle soutient en outre : 

–  à titre principal, que la demande de la société 2L a perdu son objet dès lors que la chaîne IOTV est désormais diffusée dans l’offre d’Orange Caraïbe et que les parties ont signé un contrat de distribution ;

–  à titre subsidiaire, que les demandes de la société 2L doivent être rejetées ; les conclusions tendant à préciser les termes « conformes aux caractéristiques techniques » de l’article 14 du décret du 31 octobre 2005 constituent une demande nouvelle qui n’existait pas au jour de la saisine et qui porte non sur l’obligation de distribution de la chaîne mais sur les conditions de sa mise en œuvre ; enfin, alors même qu’un contrat a été signé, la société 2L demande désormais oralement à la société Orange de prendre en charge l’installation d’une ligne VDSL dans les locaux de la chaîne.

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a adressé le 1er octobre 2019 une mesure d’instruction à la société 2L afin de savoir si elle souhaitait maintenir en tout ou partie sa demande de règlement de différend.

Par de nouvelles observations, enregistrées le 14 octobre 2019, la société 2L a indiqué maintenir sa demande de règlement de différend. Elle conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et demande en outre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de rappeler à la société Orange l’obligation du distributeur de prendre à sa charge le transport du signal depuis la régie de l’éditeur ; 

Elle soutient en outre que : 

–  la chaîne IOTV bénéficiant du statut de service d’initiative publique locale, les coûts de transport doivent être à la charge de la société Orange ; or le transport du signal se fait par le biais d’une liaison VDSL à la charge de la société 2L ; il revient donc à la société Orange d’installer à sa charge une seconde ligne VDSL dédiée à la reprise du signal d’IOTV ;

–  la numérisation « conforme aux caractéristiques techniques » à la charge de l’éditeur selon les termes du décret du 31 octobre 2005 correspond uniquement aux aspects vidéos et non aux aspects liés au transport du signal ; la société Orange doit prendre à sa charge l’encodeur permettant le transport du signal depuis le site de l’éditeur dès lors que le transport qu’elle impose implique une complexité technique et un coût de fonctionnement élevé.

Par de nouvelles observations en défense, enregistrées le 18 octobre 2019, la société Orange conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens et demande en outre au Conseil supérieur de l’audiovisuel de prendre acte qu’elle s’est engagée à prendre en charge une nouvelle ligne VDSL dans les locaux de la société 2L ;  Elle soutient en outre que : 

–  elle a accepté de prendre en charge une nouvelle ligne VDSL ; la demande de la société 2L tendant à la prise en charge de cette ligne est donc sans objet ;

–  la société 2L n’a pas dû investir dans du matériel spécifique pour l’encodage des vidéos puisqu’elle avait déjà ce matériel ; en outre, la société Orange a pris à sa charge les licences de décodage.

Par de nouvelles observations en réplique, enregistrées le 6 novembre 2019, la société 2L conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens.

Vu les observations des parties par lesquelles elles ne s’opposent pas au caractère public de la séance ;

Vu les nouvelles observations de la société Orange par courrier électronique du 12 février 2020 ;

Vu le courrier électronique du 13 février 2020 de la société 2L par lequel elle indique qu’elle ne sera ni présente ni représentée lors de la séance d’examen du différend ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment son article L. 1426-1 ;

Vu la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, notamment ses articles 17-1 et 34-2 ;

Vu le décret no 2005-1355 du 31 octobre 2005 relatif au régime déclaratif des distributeurs de services de communication audiovisuelle et à la mise à disposition du public des services d’initiative publique locale, notamment ses articles 13 à 15 ;

Vu la délibération du 9 avril 2014 modifiée fixant le règlement intérieur du Conseil supérieur de l’audiovisuel, notamment ses articles 17 à 23 ;

Après avoir entendu le 26 février 2020, lors de la séance publique d’examen du différend :

–  le rapport de Mme Patoor ;

– les observations de Me Caron pour la société Orange représentée également par Mme Nunes, directrice juridique des contenus, Mme Salord, directrice des partenariats TV pour la distribution, et M. Tourbillon ; Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur ; 

Considérant ce qui suit : 

1. Par la décision n° 2015-409 du 4 novembre 2015, le CSA a autorisé la société 2L à utiliser une ressource radioélectrique pour l’exploitation du service de télévision à vocation locale dénommé « IOTV » diffusé en clair par voie hertzienne terrestre dans la collectivité de Saint-Martin. Le 20 juin 2018, la société 2L a conclu un contrat d’objectifs et de moyens avec la collectivité de Saint-Martin portant sur la chaîne IOTV. Par un courrier électronique du 7 janvier 2019, la société 2L a demandé à la société Orange de reprendre dans son offre la chaîne IOTV, en tant que service d’initiative publique locale, sur le fondement du II de l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986. Par courrier électronique du 4 avril 2019, la société Orange a indiqué à la société 2L que ses équipements étaient saturés et que des opérations de transfert de ceux-ci vers un nouveau prestataire étaient nécessaires. Dans le dernier état de ses écritures, la société 2L doit être regardée comme demandant au CSA d’enjoindre à la société Orange de reprendre sa chaîne IOTV, de fournir un calendrier sur la reprise de sa chaîne et de prendre en charge les coûts liés à l’installation d’une ligne VDSL dans ses locaux ainsi que les coûts de mise en conformité du signal.

2. Aux termes de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut être saisi par un éditeur ou par un distributeur de services, par une des personnes mentionnées à l’article 95 ou par un prestataire auquel ces personnes recourent, de tout différend relatif à la distribution d’un service de radio, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande, y compris aux conditions techniques et financières de mise à disposition du public de ce service, lorsque ce différend est susceptible de porter atteinte au caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences de service public, aux missions de service public assignées aux sociétés nationales de programme mentionnées à l’article 44 ou à leurs filiales répondant à des obligations de service public, à La Chaîne parlementaire mentionnée à l’article 45-2, à la chaîne Arte et à la chaîne TV5, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes, ou lorsque ce différend porte sur le caractère transparent, objectif, équitable et non discriminatoire des conditions de la mise à disposition du public de l’offre de programmes et de services ou de leur numérotation ou des relations contractuelles entre un éditeur et un distributeur de services. (…) »

3. Par une décision n° 321349 du 7 décembre 2011, le Conseil d’Etat a jugé que les pouvoirs conférés par le législateur au Conseil supérieur de l’audiovisuel au titre de sa mission de règlement de différends doivent être conciliés avec la liberté contractuelle dont disposent, dans les limites fixées par la loi, les éditeurs et distributeurs de services audiovisuels. Lorsque le différend qui lui est soumis naît dans le cadre d’une relation contractuelle entre un éditeur et un distributeur ou d’une offre de contrat, il lui est loisible, pour assurer le respect de l’ensemble des principes et obligations énumérés à l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986, de prononcer, sous le contrôle du juge, des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l’exécution des conventions entre les parties au différend, y compris, si les circonstances de l’espèce l’exigent, l’injonction de faire à l’autre partie une nouvelle offre de contrat conforme à certaines prescriptions. En revanche, quand il est saisi d’un différend en l’absence de relation contractuelle ou de toute offre de contrat, ce que les dispositions de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 permettent, le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne dispose du pouvoir de prononcer une telle injonction de faire une offre que, d’une part, envers un opérateur à qui la loi fait expressément obligation de mettre à disposition un service ou de le reprendre ou, d’autre part, dans le cas où cette injonction est nécessaire pour prévenir une atteinte caractérisée à l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion, à la sauvegarde de l’ordre public, aux exigences de service public, à la protection du jeune public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des programmes. 

Sur les conclusions à fin d’injonction de reprise de la chaine et de communication d’un calendrier prévoyant la mise en œuvre de sa distribution 

4. La chaîne IOTV est reprise depuis le 22 août 2019 dans l’offre d’Orange Caraïbe et un contrat portant sur la diffusion de ce service a été signé entre les sociétés 2L et Orange le 3 septembre 2019. Par suite, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la société 2L tendant à ce que le CSA enjoigne à la société Orange de reprendre la chaîne IOTV et de lui communiquer un planning sur la mise en œuvre de sa distribution. 

Sur les conclusions tendant à la prise en charge d’une ligne VDSL permettant le transport du signal depuis le site de l’éditeur 

En ce qui concerne l’exception de non-lieu à statuer opposée par la société Orange 

5. La défenderesse soutient, sans être contredite, avoir construit dans les locaux de la société 2L une ligne VDSL, dont elle prend en charge les coûts, permettant le transport du signal du service IOTV. Par suite, il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la société 2L relatives à la prise en charge d’une ligne VDSL permettant le transport du signal depuis le site d’édition. 

Sur les conclusions tendant à la prise en charge des coûts de mise en conformité du signal

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société Orange. 

En ce qui concerne l’obligation de reprise du service IOTV 

6. D’une part, l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986 dispose que : « (…) II.- Tout distributeur de services par un réseau autre que satellitaire n’utilisant pas de fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel met à disposition de ses abonnés les services d’initiative publique locale destinés aux informations sur la vie locale. Le décret mentionné à l’article 34 définit les limites et conditions de cette obligation. /Les coûts de diffusion et de transport depuis le site d’édition sont à la charge du distributeur. (…) » L’article 13 du décret du 31 octobre 2005 dispose que : « Pour l’application du présent titre, les services d’initiative publique locale destinés aux informations sur la vie locale sont les services de télévision qui sont édités directement ou indirectement par une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales dans les conditions prévues à l’article L. 1426-1 du code général des collectivités territoriales. » L’article L. 1426-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : « Les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, dans les conditions prévues par la loi no 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, éditer un service de télévision destiné aux informations sur la vie locale et diffusé par voie hertzienne terrestre ou par un réseau n’utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. /La collectivité territoriale ou le groupement conclut avec la personne morale à laquelle est confié le service un contrat d’objectifs et de moyens définissant des missions de service public et leurs conditions de mise en œuvre, pour une durée comprise entre trois et cinq ans. Ce contrat est annexé à la convention conclue avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel. » Il résulte de ces dispositions que constitue un service d’initiative publique locale le service de télévision destiné aux informations sur la vie locale confié par une collectivité territoriale à un éditeur par le biais d’un contrat d’objectifs et de moyens définissant des missions de service public.

7. D’autre part, l’article 14 du décret du 31 octobre 2005 dispose que : « Les distributeurs de services par un réseau de communications électroniques n’utilisant pas des fréquences assignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel et autres que satellitaires mettent à la disposition de leurs abonnés les services d’initiative publique locale destinés aux informations sur la vie locale et qui leur en font la demande. /Les éditeurs de ces services fournissent aux distributeurs un signal conforme aux caractéristiques techniques que ceux-ci utilisent. /Cette mise à disposition est effectuée, dans la zone correspondant aux limites géographiques des collectivités territoriales à l’initiative de ces services, en mode analogique et en mode numérique, sauf si le distributeur de services n’utilise pas l’un de ces modes pour ces offres sur le territoire en cause. /Les coûts de transport et de diffusion sur le réseau de communications électroniques, à la charge des distributeurs de services, ne comprennent pas les éventuels frais de numérisation des services en cause. »

8. Par une décision no 2015-529 QPC du 23 mars 2016, le Conseil constitutionnel a précisé que l’obligation de reprise prévue par les dispositions du II de l’article 34-2 « est limitée au transport et à la diffusion des programmes de ces services sans que soit imposée la réalisation de travaux de raccordement ou de génie civil ». Aux termes de l’article 15 du même décret : « Sont exonérées des obligations mentionnées à l’article 14 : 1° Les offres de services sur un réseau desservant moins de 100 foyers ainsi que les offres de services sur un réseau de distribution de télévision interne à un immeuble collectif, à une copropriété ou à un ensemble locatif, lorsque ces réseaux ne sont pas raccordés à un autre réseau de communications électroniques autre que satellitaire ; 2° Les offres de services internes à une entreprise ou à un service public et dont l’usage est destiné au public présent sur les lieux d’exploitation ; 3° Les offres de services destinés à être reçues sur un appareil de réception dont l’usage principal n’est pas la réception de services de radio et de télévision ; 4° Les offres de services souscrites par moins de 3 % des foyers de la zone correspondant aux limites géographiques des collectivités territoriales à l’initiative des services d’initiative publique locale ; 5° Les offres de services complémentaires commercialisées par un distributeur tiers sur le réseau de communications électroniques d’un distributeur de services déjà soumis aux obligations mentionnées à l’article 14, ces offres étant mises à disposition du public selon des modalités contractuellement définies entre ces deux distributeurs. »

9. En premier lieu, il résulte de l’instruction que par un contrat d’objectifs et de moyens conclu le 18 juin 2018, la collectivité de Saint-Martin a confié à la société 2L des missions de service public, ayant notamment pour objet d’informer les téléspectateurs sur la vie locale, de participer à la promotion du dynamisme du territoire de Saint- Martin et au développement d’une identité locale, de constituer un archivage des programmes, ainsi que d’assurer un rôle dans le développement de la création et de la production audiovisuelle locale et régionale. Ni les dispositions de l’article L. 1426-1 du code général des collectivités territoriales, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne vient subordonner la validité de ce contrat d’objectifs et de moyens à son annexion à la convention conclue entre le CSA et l’éditeur. Il s’ensuit que la chaîne IOTV constitue bien un service d’initiative publique locale.

10. En second lieu, la société Orange n’établit ni même n’allègue que des travaux de raccordement ou de génie civil seraient nécessaires préalablement à la reprise ou que son offre de services à Saint-Martin serait exonérée de l’obligation de reprise des services d’initiative publique locale en application des dispositions de l’article 15 du décret du 31 octobre 2005.

11. Par suite, la reprise de la chaîne doit se faire dans les conditions prévues au II de l’article 34-2 de la loi du 30 septembre 1986. 

En ce qui concerne la prise en charge des coûts de mise en conformité du signal 

12. La société 2L doit être regardée comme demandant au CSA d’enjoindre à la société Orange de prendre en charge les frais de mise en conformité du signal.

13. Si l’obligation de reprise qui pèse sur la société Orange implique que celle-ci prenne en charge les coûts de transport et de diffusion depuis le site d’édition, les frais de numérisation demeurent à la charge de la société 2L, laquelle doit fournir à la société Orange un signal conforme aux caractéristiques techniques utilisés par celle-ci en application des dispositions précitées de l’article 14 du décret du 31 octobre 2005. Il s’ensuit que les coûts techniques de mise en conformité du signal ne sauraient être mis à la charge de la société Orange. Par suite, ces conclusions ne peuvent qu’être rejetées.

Décide :

Art. 1er. – Il n’y a plus lieu de statuer sur les conclusions à fin d’injonction de reprise de la chaine IOTV, de communication d’un calendrier prévoyant la mise en œuvre de sa distribution et de prise en charge des coûts liés à la ligne VDSL permettant le transport du signal.

Art. 2. – Le surplus de la demande de la société 2L est rejeté.

Art. 3. – La présente décision sera notifiée aux sociétés 2L et Orange, et publiée au Journal officiel de la République française.

Délibéré à Paris le 4 mars 2020 par M. Roch-Olivier Maistre, président, Mme Nathalie Sonnac, Mme Carole Bienaimé Besse, M. Jean-François Mary, M. Hervé Godechot et Mme Michèle Léridon, conseillers.