Cass. com., 13 février 1967, n° 64-10.919
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guillot
Rapporteur :
M. Brunhes
Avocat général :
M. Gégout
Avocats :
Me Le Prado, Me Sourdillat, Me Sourdillat
Sur le moyen unique pris en ses trois branches:
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué (Paris, 2 décembre 1963) d'avoir dit que les titulaires d'actions de la société Sud-Africaine de Beers inscrites pour leur compte, par la banque Pajot et Cozette actuellement en faillite et dont Guinot est le syndic, à l'organisme interprofessionnel ayant pour objet de faciliter, par des opérations de virement de compte à compte, la circulation des actions entre les établissements affiliés, organisme dit S.I.C.O.V.A.M., sont demeurés propriétaires de leurs actions et sont fondés à exercer leur droit de revendication sur lesdits titres ainsi que sur tous droits de souscription, coupons et fruits qui y sont attachés, et que les actions de Beers Sicovam qui ont été retrouvées dans la faillite de la Banque Pajot et Cozette, avec les droits y attachés, devront être proportionnellement répartis entre les ayants-droit pour le compte de qui les actions avaient été inscrites en S.I.C.O.V.A.M. par ladite banque, alors, d'une part, que la revendication des titres déposés en S.I.C.O.V.A.M., telle que prévue à l'article 12 du décret du 4 août 1949 - texte d'exception qui doit s'interpréter restrictivement - n'est possible que pour les titres de sociétés ayant leur siège en France, alors, d'autre part, que le décret du 24 Juin 1960, qui a admis les revendications de titres étrangers déposés en S.I.C.O.V.A.M. conformément audit article 12, ne peut rétroagir, n'ayant pas un caractère interprétatif et alors, enfin, que, selon l'article 19 du décret du 4 août 1949, les dispositions dudit décret ne peuvent viser que les "valeurs mobilières étrangères essentiellement nominatives" et non pas les titres pouvant revêtir la forme "au porteur";
Mais attendu que l'article 19 du décret du 4 août 1949 dispose: "les propriétaires de valeurs mobilières étrangères essentiellement nominatives peuvent faire immatriculer leurs titres au nom de l'organisme interprofessionnel visé à l'article 5 ci-dessus. Celui ci exerce alors, vis-à-vis des sociétés émettrices, tous droits attachés à ces titres, mais il n'agit, en l'espèce, que comme mandataire des propriétaires réels qui exercent leur droit de propriété par son entremise, notamment en ce qui concerne le droit de vote, l'encaissement de tous produits ou remboursements et l'exercice des droits de souscription. Les propriétaires réels peuvent, à tout moment, faire immatriculer à leur nom les titres dont il s'agit."
Attendu que l'arrêt, constatant que les titres litigieux des actions de Beers, actions qui sont "bien essentiellement nominatives" au sens de ce texte ont été reçues en S.I.C.O.V.A.M. par application dudit article 19, énonce qu'il n'est pas contesté que les titres immatriculés au nom de la S.I.C.O.V.A.M. perdent à l'égard de leurs propriétaires leur individualité et que ces derniers peuvent seulement se faire remettre, à tout moment, un même nombre de titres de même nature, qu'ainsi ces valeurs sont devenues fongibles dans les rapports de la S.I.C.O.V.A.M. et des déposants ; que l'arrêt ajoute aussitôt, par une exacte application de l'article 19 précité, que ces derniers n'ont pas perdu pour autant leurs droits de propriété, d'où il suit qu'en qualité de propriétaires, ils peuvent exercer l'action en revendication sans avoir à établir que les titres existants sont identiquement ceux qu'ils avaient déposés, la fongibilité même de ces actions excluant une telle preuve, la démonstration que les titres ont été immatriculés pour leur compte à la S.I.C.O.V.A.M. étant suffisante, sans que la circonstance qu'une partie d'entre eux a été détournée puisse porter atteinte à leur droit de propriété ;
Que la Cour d'appel a pu estimer qu'il s'agissait là de titres retrouvés en nature dans le portefeuille du débiteur à l'époque de la faillite et qui lui avaient été remis par le propriétaire en vertu d'un mandat, et faire droit à la revendication, par application de l'article 546 du Code de commerce ;
Qu'ayant ainsi fondé la revendication sur la qualité de propriétaire reconnue aux réclamants par l'article 19 du décret du 4 août 1949 l'arrêt échappe aux critiques du pourvoi, la répartition proportionnelle des actions entre les ayants-droit ne concernant que les rapports des divers propriétaires entre eux et non la masse des créanciers de la faillite qui, quelle que soit la part de chacun dans cette répartition, ne peut s'opposer à la revendication des titres qui ne font pas partie du patrimoine du débiteur;
Que le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 2 décembre 1963 par la Cour d'appel de Paris.