Cass. com., 14 juin 1994, n° 92-14.721
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
M. de Gouttes
Avocat :
Me Choucroy
Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 10 mars 1992), que la société Tutte Scarpa ayant été mise en redressement judiciaire le 19 décembre 1986 puis en liquidation judiciaire, M. X..., liquidateur, a relevé appel de l'ordonnance du 16 décembre 1986 par laquelle le juge des référés avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail du local dans lequel cette société exerçait son activité ; que le 19 février 1987, le liquidateur a reçu de la société Chaussures Daphane (société Daphane) une proposition " ferme et définitive " d'acquisition du fonds de commerce de la société Tutte Scarpa pour le prix de 200 000 francs, " sous la double réserve de l'autorisation du propriétaire à céder le fonds de commerce dans les termes, loyers, charges, conditions du bail consenti à la société Tutte Scarpa en date du 15 juillet 1986 et d'autre part de l'homologation de la proposition par le tribunal de commerce " ; que la cour d'appel ayant, par un arrêt du 11 juin 1987, constaté la suspension de l'action en résiliation du bail par l'effet du jugement d'ouverture de la procédure collective, le liquidateur a été autorisé, par ordonnance du juge-commissaire en date du 24 juin 1987, à céder à l'amiable le droit au bail à la société Daphane ; que celle-ci ayant fait connaître, le 23 octobre 1987, qu'elle se désistait de son offre, le liquidateur l'a assignée en paiement de dommages-intérêts ;
Sur les deux moyens, le second pris en ses deux branches, réunis :
Attendu que la société Daphane fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer une certaine somme au liquidateur, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'ordonnance par laquelle le juge-commissaire statue sur un projet de vente amiable a pour seul objet la vérification de ce que les conditions qu'il avait fixées pour la vente ont bien été remplies et qu'elle ne peut, en cas de réponse affirmative, qu'autoriser la vente et non la constituer, que cette autorisation n'est nullement équipollente à l'acceptation de l'offre par le mandataire-liquidateur, laquelle doit être émise postérieurement ; qu'à défaut de cette acceptation la vente n'est pas formée et que l'offrant peut rétracter son offre ; que, dès lors, en jugeant que cette rétractation ne pouvait intervenir postérieurement à l'ordonnance du juge-commissaire, la cour d'appel a violé l'article 1101 du Code civil ; alors, d'autre part, que l'offre était subordonnée à la condition que le bailleur l'ait agréée et qu'il résultait des données du débat que bien que le juge-commissaire ait autorisé la cession, le bailleur avait manifesté son opposition, d'où il suit qu'en faisant abstraction de cette condition, la cour d'appel a dénaturé l'offre et violé l'article 1134 du Code civil ; et alors, enfin, qu'il résultait des données du débat que par un jugement du 25 juin 1991, le mandataire-liquidateur avait été personnellement condamné à payer à la bailleresse une somme de 74 000 francs, montant des loyers échus entre la suspension de l'action en résiliation intervenue le 11 juin 1987 et la restitution du local commercial intervenue en avril 1988, sur le fondement d'une faute dans l'exécution de son mandat et pour n'avoir pas déployé les moyens suffisants pour parvenir à la cession du droit au bail qu'il avait envisagée et, notamment, de son absence de diligence à propos d'une seconde offre, que les conclusions d'appel de la société offrante avaient invoqué ce jugement pour en tirer la conclusion que la perte du droit au bail ne pouvait provenir de son fait et qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé, exactement, que les dispositions de l'article 156 de la loi du 25 janvier 1985 font échapper, par leur caractère d'ordre public, l'offre d'achat de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier d'un débiteur en liquidation judiciaire aux dispositions d'ordre privé du Code civil régissant la nature et la forme de la vente, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, retient que l'offre de la société Daphane, formulée pour être maintenue jusqu'à la solution du contentieux opposant le bailleur au liquidateur, n'avait pas été rétractée avant l'ordonnance du 24 juin 1987 qui, régulièrement notifiée à cette société, n'avait fait l'objet de sa part d'aucun recours et que, loin de prévoir la nécessité d'une autorisation, le bail stipulait que " le preneur ne pourra céder son droit au présent bail qu'à son successeur dans son commerce " ; qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'a pas énoncé que l'ordonnance du juge-commissaire valait vente et qui n'avait pas à répondre au moyen inopérant dont fait état la troisième branche, a pu décider qu'en refusant, sans justifier d'aucun motif légitime tiré de la non réalisation des conditions suspensives dont l'offre était assortie, de procéder à la vente ordonnée par le juge-commissaire, la société Daphane avait commis une faute engageant sa responsabilité ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.