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Décisions

Cass. com., 9 mai 2001, n° 98-10.333

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Boinot

Avocat général :

M. Viricelle

Avocats :

SCP Nicolay et de Lanouvelle, SCP Vincent et Ohl

Paris, 15e ch. civ. B, du 10 oct. 1997

10 octobre 1997

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 octobre 1997), que Mme Tran A... Lang, administratrice de la société Tran Store, a nanti neuf parts de Sicav au profit de la BNP, affectées à la garantie des sommes susceptibles d'être dues par la société Tran Store ; que, le 24 février 1992, elle a signé une lettre par laquelle elle remettait à la banque une somme d'un million de francs sur un compte bloqué également affecté à la garantie des sommes susceptibles d'être dues par la société Tran Store ; qu'après la mise en liquidation judiciaire de la société Tran Store, la BNP a, le 1er avril 1993, informé Mme Tran A... Lang de ce qu'elle avait procédé au virement des fonds du compte de dépôt à terme pour apurer partiellement le solde débiteur du compte courant de la société Tran Store conformément à l'acte du 24 février 1992, et a été judiciairement autorisée à procéder au rachat des neuf parts de Sicav nanties, sous déduction de sa créance sur la société Tran Store ; que Mme Tran A... Lang a demandé la nullité de son engagement du 24 février 1992 et la restitution des sommes déposées en exécution de cet engagement ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme Tran A... Lang fait grief à l'arrêt d'avoir fait mention que, lors du délibéré, la cour d'appel était composé de deux présidents, d'un conseiller et d'un greffier et que, lors des débats, Mme X..., magistrat, avait entendu les plaidoiries, alors, selon le moyen :

1 / que le greffier doit assister les magistrats à l'audience et dans tous les cas prévus par la loi ; qu'en l'espèce où il résulte des mentions de la décision attaquée que l'audience des débats a été tenue par Mme X..., magistrat chargé du rapport sans l'assistance de son greffier, l'arrêt a été rendu en violation des articles R. 812-11 du Code de l'organisation judiciaire, ensemble l'article 430 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que les délibérations des juges sont secrètes et que le greffier ne peut par conséquent y assister ; qu'en l'espèce où il ressort des mentions de la décision attaquée que le greffier était présent lors du délibéré, l'arrêt a été rendu en violation de l'article 448 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / qu'en toutes matières, les arrêts sont rendus par trois magistrats, président compris ; que, lors des audiences ordinaires, la cour d'appel est régulièrement composée d'un président et de deux conseillers ; qu'en énonçant que, lors du délibéré, M. B... et Mme Y... avaient siégé tous les deux en qualité de présidents et que Mme X... avait seule siégé en qualité de conseiller, l'arrêt a été rendu en violation de l'article L. 212-2 du Code de l'organisation judiciaire ;

Mais attendu, d'une part, qu'aux termes de l'article 430 du nouveau Code de procédure civile, les contestations afférentes à la régularité de la composition d'une juridiction doivent être présentées, à peine d'irrecevabilité, dès l'ouverture des débats ; qu'il ne résulte ni du jugement ni des pièces de la procédure qu'une contestation sur l'absence du greffier lors de l'audience des débats ait été soulevée devant le juge du fond ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte pas de la mention critiquée à la deuxième branche du moyen, que le greffier, qui fait partie de la juridiction à laquelle il est affecté, ait participé au délibéré ;

Et attendu, enfin, qu'il résulte des mentions de l'arrêt que la décision a été rendue par trois magistrats, président compris, conformément à l'article L. 212-2 du Code de l'organisation judiciaire ;

que la présidence de la formation de jugement est présumée avoir été assurée conformément à la loi ;

D'où il suit que la première branche du moyen est irrecevable, que la deuxième branche manque en fait et que la troisième n'est pas fondée ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme Tran A... Lang fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de ses demandes de nullité et de restitution de la somme gagée après avoir dit que l'acte sous seing privé du 24 février 1992 était un contrat de gage commercial, alors, selon le moyen :

1 / que l'acte accompli par un non-commerçant ne peut devenir un acte de commerce que s'il est passé dans le but d'exercer un commerce et apparaît indispensable à celui-ci ; qu'en l'espèce où il résultait de ses constatations que l'octroi de la garantie de Mme Tran A... Lang n'avait pas conditionné l'exercice de l'activité commerciale de la société Tran Store, la cour d'appel qui a considéré que l'engagement de Mme Tran A... Lang avait une nature commerciale a violé l'article 632 du Code de commerce ;

2 / que la mention manuscrite prévue par l'article 1326 du Code civil s'applique à tous les engagements de paiement de sommes d'argent sauf lorsqu'il s'agit de prouver des actes de commerce entre commerçants ; qu'en l'espèce où l'engagement de Mme Tran A... Lang, non commerçante, n'était pas constaté par un acte comportant de mention manuscrite, la banque bénéficiaire de l'engagement ne pouvait se prévaloir de cet acte à l'encontre de Mme Tran A... Lang ; qu'en décidant pourtant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 1315, ensemble l'article 1326 du Code civil ;

3 / que la stipulation autorisant le créancier à s'approprier le gage ou à en disposer sans respecter les formalités prescrites par l'article 2078 du Code civil est frappée d'une nullité d'ordre public ; qu'en l'espèce, où la cour d'appel a analysé l'acte sous seing privé du 24 février 1992 en un nantissement de fonds, celle-ci n'a pas tiré les conséquences de la présence dans l'acte d'une clause permettant à la banque créancière de prélever librement des sommes sur un compte bloqué pour régulariser le règlement de sa créance, laquelle était nulle au sens de l'article précité ; qu'en considérant que la banque avait pu procéder au virement des fonds gagés pour apurer le solde débiteur du compte courant de la société Tran Store, la cour d'appel a donc violé l'article 2078 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il résulte de l'article 91, devenu l'article L. 521-1 du Code de commerce que, dès lors qu'un gage est consenti pour garantir un acte de commerce, il se prouve conformément aux dispositions de l'article 109, devenu l'article L. 110-3 du Code de commerce ; qu'en conséquence, c'est sans violer l'article 632, devenu l'article L. 110-1 du Code de commerce que la cour d'appel, qui a relevé que le gage donné par Mme Tran A... Lang avait été constitué à l'occasion d'un acte de commerce, a décidé que cet engagement était de nature commerciale et qu'en conséquence, l'article 1326 du Code civil n'était pas applicable ;

Et attendu, en second lieu, que n'est pas prohibée par l'article 2078 du Code civil la stipulation d'attribution d'un gage constitué en espèces par le créancier, à due concurrence du défaut de paiement à échéance ; que la cour d'appel a donc pu admettre que la BNP avait légitimement procédé au virement des fonds gagés pour apurer partiellement le solde débiteur du compte courant de la société Tran Store ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.