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Décisions

Cass. com., 5 avril 1994, n° 90-11.559

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Edin

Avocat général :

M. Curti

Avocats :

SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, SCP Piwnica et Molinié

Rouen, du 30 nov. 1989

30 novembre 1989

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 30 novembre 1989) que la société Verneuil-Bois Collé ayant acheté diverses machines, les vendeurs se sont réservé la propriété de celles-ci jusqu'à complet paiement du prix ; que, pour financer ces achats, la Société de développement régional de Normandie (la SDRN) a consenti à la société Verneuil-Bois Collé un prêt garanti par un nantissement sur matériels d'équipement, et lui a versé les fonds prêtés ; que la société Verneuil-Bois Collé, qui n'avait pas payé aux vendeurs le prix des machines, a été mise en redressement judiciaire ; qu'après le prononcé de la liquidation judiciaire, la SDRN a assigné le liquidateur en vue d'obtenir que les matériels nantis lui soient attribués en paiement de sa créance de remboursement du prêt ;

Attendu que la SDRN fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de cette demande, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en application de l'article 2078 du Code civil, le créancier gagiste peut, à défaut de paiement, faire ordonner en justice que le bien grevé lui soit attribué jusqu'à due concurrence ; qu'aux termes de l'alinéa 3 de l'article 159 de la loi du 25 janvier 1985, le créancier gagiste peut demander avant la réalisation, l'attribution judiciaire ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'à défaut de disposition contraire, l'attribution judiciaire du gage est offerte au créancier titulaire d'un nantissement sur outillage et matériel d'équipement qui ne poursuit pas la réalisation du bien grevé ; que, dès lors, en subordonnant ladite attribution à l'existence d'un droit de rétention non prévu par les textes susvisés, la cour d'appel a ajouté aux prescriptions légales qu'elle a par là même violées ; alors, d'autre part, qu'en application de l'article 2279 du Code civil auquel ne déroge pas l'article 121 de la loi du 25 janvier 1985, le nantissement inscrit sur le matériel vendu avec clause de réserve de propriété est opposable au vendeur impayé ; que le créancier nanti, possesseur de bonne foi, bénéficie en effet de la présomption édictée par l'article 2279 susvisé ; que dès lors, c'est à tort que la cour d'appel a rejeté la demande d'attribution judiciaire du matériel nanti, en opposant l'existence des ordonnances ayant décidé de la restitution dudit matériel au fournisseur impayé, bénéficiaire de la clause de réserve de propriété ; qu'elle a ainsi violé les textes susvisés ; et alors, enfin, que, selon l'article 2080 du Code civil, le créancier répond selon les règles relatives aux contrats de la perte ou de la détérioration du gage qui serait survenue par sa négligence ; mais qu'en l'espèce, l'acte de nantissement du 28 avril 1986 prévoyait que les fonds prêtés par la SDRN pour assurer le paiement du matériel, seraient versés " soit au fournisseur du matériel ci-dessus désigné, soit sur un compte bancaire spécial ouvert au nom de l'emprunteur, choisi par celui-ci " ; que, dès lors, le créancier nanti, qui n'était pas tenu de remettre immédiatement les fonds prêtés au fournisseur des matériels concernés, ne pouvait se voir reprocher d'avoir provoqué la disparition de ses gages en ayant procédé selon l'autre modalité contractuelle ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé tout à la fois les articles 1147 et 2080 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'en exécution d'ordonnances des 26 mars et 14 avril 1987, les matériels nantis ont été restitués aux vendeurs ; que par ces seuls motifs, dont il résulte que l'attribution de ces matériels, revenus en la possession des vendeurs propriétaires, ne pouvait plus, en vertu de l'article 159, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985, être demandée par le créancier gagiste, la cour d'appel, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la première branche, et de celui, également surabondant, visé par la troisième branche, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.