Cass. com., 10 janvier 2018, n° 16-21.500
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Marlange et de La Burgade, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société AVL 82 a confié à la société Etablissements Lenormant la réparation de plusieurs véhicules ; que la société AVL 82 ayant été mise en liquidation judiciaire sans avoir payé la totalité de ses factures à la société Etablissements Lenormant, cette dernière a exercé son droit de rétention sur deux véhicules ; que le liquidateur l'a informée que le propriétaire des véhicules était la société Services techniques économiques (la société STE), qui les avait loués à la société AVL 82 ; que la société STE ayant refusé de payer les frais de gardiennage, la société Etablissements Lenormant l'a assignée en paiement ; que la société STE a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts pour exercice abusif du droit de rétention ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Vu l'article 4 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande reconventionnelle de la société STE, l'arrêt retient que la rétention des deux camions a causé un préjudice financier à la société STE qui n'a pu donner en location ces véhicules, mais que ce préjudice ne peut correspondre à la dépréciation des véhicules calculé sur la base de la cote Argus, la baisse de leur valeur vénale résultant en effet du temps passé et non de leur immobilisation, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise aux fins d'examiner l'état des véhicules et de déterminer leur valeur vénale ; que l'arrêt retient encore que le préjudice financier subi par la société STE a consisté en une perte de chance de donner les camions en location pour en percevoir un loyer mais que la société STE n'apportant aucun élément sur les conditions financières des locations de véhicules qu'elle consentait à ses clients, la cour d'appel n'a pas été en mesure d'évaluer son préjudice ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne peut refuser d'indemniser un préjudice dont il a pourtant constaté l'existence en son principe, en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :
Vu l'article 2286 du code civil ;
Attendu que pour rejeter la demande en paiement des frais de gardiennage de la société Etablissements Lenormant, l'arrêt retient qu'il ne résulte d'aucune des pièces produites par la société Établissements Lenormant que la société STE ait été informée du montant mensuel des frais de gardiennage et les ait acceptés ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le créancier qui exerce son droit de rétention sur un véhicule peut obtenir, sauf en cas de rétention abusive, le paiement des frais de gardiennage nés à l'occasion de la rétention, même si ces frais n'ont pas été contractuellement prévus, la cour d'appel, en subordonnant leur paiement à l'information et à l'acceptation de la société STE, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts pour exercice abusif du droit de rétention de la société Services techniques économiques et en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes de la société Établissements Lenormant, l'arrêt rendu le 7 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai.