CA Bastia, ch. civ. A, 8 juin 2016, n° 15/00877
BASTIA
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Grand Sud Investissements (SAS)
Défendeur :
Celeri (ès qual.), Baronnie (ès qual.), Vatel (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Piazza
Conseillers :
Mme Luciani, Mme Benjamin
Avocats :
Me Ribaut-Pasqualini, Me Klein, Me Jobin, Me Avrillon
EXPOSÉ DU LITIGE
Dans le cadre de l'investissement des fonds contrôlés par Vatel Capital au sein de la SAS Grand Sud Investissementss (GSI), les fonds d'investissement de proximité (FIP) Kalliste Capital 1 et Kalliste Capital 2 ont souscrit le 27 août 2010 un contrat d'émission d'obligations convertibles en actions de la société Grand Sud Investissementss, pour les montants respectifs de 121 233 euros et de 878 767 euros.
Suivant jugement en date du 15 décembre 2014, le tribunal de commerce d'Ajaccio a ouvert le redressement judiciaire de la société Grand Sud Investissements avec désignation de Me Jean Pierre Celeri ès qualités de mandataire judiciaire.
Suivant jugement du 16 février 2015, le tribunal de commerce d'Ajaccio a désigné Me Gilles Baronnie en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance.
Par ordonnance en date du 22 juin 2015, rendue sur requête de Me Jean Pierre Celeri, le président du tribunal de commerce d'Ajaccio a nommé Me Alexandre Avrillon en qualité de représentant de la masse des obligataires de la société GSI.
Le lendemain, Me Alexandre Avrillon a déclaré la créance des obligataires entre les mains de Me Celeri au passif de la GSI pour un montant de 955 400 euros. L'ordonnance du juge commissaire du 5 octobre 2015 qui l'a admise, et le jugement du tribunal de commerce du 12 décembre 2015 qui, sur l'opposition de la société GSI, a confirmé l'admission, fait l'objet d'un appel distinct formé par la SAS GSI.
La SAS GSI a assigné la société Vatel Capital, Me Jean Pierre Celeri et Me Gilles Baronnie, en rétractation de l'ordonnance sur requête du 22 juin 2015, ayant désigné Me Alexandre Avrillon, en qualité de représentant de la masse des obligataires.
Par ordonnance du 12 octobre 2015, le juge des référés a déclaré Grand Sud Investissements irrecevable en sa demande.
La SAS GSI a formé appel de cette ordonnance par déclaration au greffe du 23 octobre 2015.
Dans ses conclusions, communes à Me Gilles Baronnie, intimé, du 17 décembre 2015, elle demande à la Cour, au visa des articles 496 du code de procédure civile, L. 228-85 et L. 228-91 et suivants du code de commerce, d'infirmer l'ordonnance, de la déclarer ainsi que Me Gilles Baronnie ès qualités, recevables et bien fondés en leurs demandes, de constater que Me Celeri a saisi le président du tribunal de commerce sur injonction de Vatel Capital, représentant les obligataires, suivant courrier de son conseil du 1er juin 2015, de dire que les dispositions de l'article L228-85 qui présupposent une inaction du représentant de la masse des obligataires ne devaient pas trouver application, en conséquence, de rétracter l'ordonnance du 22 juin 2015, principalement en ce qu'elle a désigné Me Alexandre Avrillon en qualité de représentant de la masse des obligataires, et de condamner la société Vatel Capital au paiement d'une indemnité de 3 500 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions du 5 février 2016, la SAS Vatel Capital demande à la Cour, au visa des articles 497 du code de procédure civile, L. 228-85, R228-85, L. 228-103 et L. 228-46 du code de commerce, et de l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 2 juin 2004:
- à titre principal, de constater l'absence d'intérêt à agir de la SAS GSI en rétractation de l'ordonnance rendue le 22 juin 2015 par le président du tribunal de commerce d'Ajaccio, de la débouter de toutes ses demandes, et de confirmer l'ordonnance déférée,
- à titre subsidiaire, de condamner la SAS GSI à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil, de constater que les dispositions de l'article L. 228-85 du code de commerce sont applicables, peu important qu'un représentant de la masse ait été nommé antérieurement à l'ouverture d'un redressement, de débouter la SAS GSI de l'ensemble de ses demandes, et de confirmer l'ordonnance déférée,
- en toute hypothèse, de constater le caractère abusif de la présente instance, et de condamner l'appelante au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Bien que régulièrement attrait dans la procédure, Me Jean Pierre Celeri ne s'est pas constitué.
L'avis du ministère public a été recueilli le 16 mars 2016.
L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 15 mars 2016, fixant l'audience de plaidoiries au 1er avril 2016. A cette date, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 8 juin 2016.
SUR CE
En application des dispositions de l'article L. 228-83 du code de commerce, en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire de la société, les représentants de la masse des obligataires sont habilités à agir au nom de celle-ci. Ils tiennent de l'article L. 228-24 du même code le pouvoir de déclarer, pour tous les obligataires de cette masse, le montant des obligations restant en circulation. A défaut de déclaration de leur part, l'article L. 228-85 prévoit qu'une une décision de justice désigne un mandataire chargé d'assurer cette représentation de la masse dans la procédure collective et de déclarer la créance, à la demande du mandataire judiciaire.
L'article L. 228-85 du code de commerce s'applique à l'hypothèse de l'inaction du représentant de la masse des obligataires désigné, comme à celle de l'absence de toute désignation d'un représentant.
Sa finalité est d'assurer la protection des porteurs d'obligations dans la procédure collective, et partant, de permettre au mandataire judiciare de procéder eu recensement et à la vérification de créances, ainsi que la loi le lui impose.
La procédure de référé rétractation initiée par la société GSI, qui est-elle même débitrice de l'obligation de remettre à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers et le montant de ses dettes, par application des dispositions de l'article L. 622-6 alinéa 2 du code de commerce, suppose la démonstration que l'ordonnance litigieuse lui fasse grief, et qu'elle ait un intérêt, au sens des dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, à rétablir un débat contradictoire.
Le juge des référés a très justement retenu que la société débitrice en était dépourvue, puisque la désignation, dans ces conditions, du représentant de la masse des obligataires par le mandataire judiciaire, non seulement ne lui fait pas grief, mais relève d'une procédure obligatoire.
Au surplus, les dispositions de l'article L. 228-85 du code de commerce qui visent, en termes généraux, le défaut de déclaration par le représentant de la masse, s'appliquent aussi au cas de l'espèce, dans lequel la société Vatel Capital n'a pas elle-même suscité cette désignation en convoquant une assemblée générale à cette fin.
L'ordonnance sera donc confirmée.
La SAS Vatel Capital ne démontre pas que la SAS GSI ait fait dégénérer en abus fautif l'exercice du présent recours. Elle sera déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de dommages intérêts.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque.
La SAS GSI supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme l'ordonnance déférée,
Y ajoutant,
Déboute la SAS Vatel Capital de sa demande en paiement de dommages intérêts,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque,
Condamne la SAS Grand Sud Investissements aux dépens d'appel.