CA Versailles, 16e ch., 9 septembre 2021, n° 20/04611
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
National Joint Stock Company 'Naftogaz Of Ukraine'
Défendeur :
Trameta Korlatolt Felelossegu Tarsasag 'Trameta' (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Nerot
Conseillers :
Mme Pages, Mme Deryckere
Avocats :
Me Dumeau, Me Kleiman, Me Monnerville, Me Champey, Me Lafon
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon une sentence arbitrale rendue sous l'égide de la chambre de commerce de Stockholm le 19 décembre 2012, la société pétrolière et gazière de droit ukrainien National Joint Stock Company Naftogaz of Ukraine (ci-après : Naftogaz) a été condamnée à payer la somme de 12.718.486 US $, outre intérêts, à la société de droit italien Italia Ukraine Gas Srl (ci-après : Iugas).
Cette sentence a été revêtue de l'exequatur en France par ordonnance rendue le 20 mai 2015 par le tribunal de grande instance de Paris.
Le 06 août 2018, la société Iugas a cédé la créance qu'elle détenait sur la société Naftogaz, en vertu de ce titre, à la société à responsabilité limitée de droit hongrois Trameta KFT, cession notifiée à Naftogas le 30 août 2018.
Divers actes d'exécution ont été mis en oeuvre en France pour recouvrer cette créance, parmi lesquels :
- le 20 décembre 2017 la société Iugas, représentée par la société Omni Bridgeway à qui elle avait donné mandat de recouvrement, a fait pratiquer une saisie conservatoire de biens meubles corporels entre les mains de la société Engie SA, en France, qui a conduit à la saisie de 81.208 Mwh (mégawattheures) de gaz naturel prépayé par Naftogaz.
Le lendemain, ce tiers saisi a déclaré que la société Naftogaz et lui-même sont liés par un contrat de vente de gaz n°1/12/17, en application d'un contrat intitulé « general agreement concerning the delivery and acceptance of natural gas » du 2 mars 2016, aux termes duquel Naftogaz a prépayé certaines quantités de gaz, ajoutant que les livraisons de ce gaz prépayé sont effectuées en Slovaquie en flux continu mais qu'à la suite de la saisie, elle en a suspendu la livraison.
Engie a alors demandé, en vertu de l'article R 221-27 du code des procédures civiles d'exécution, à pourvoir à la nomination d'un gardien et l'huissier instrumentaire, maître D., a permis d'y pourvoir, la société de droit allemand Hycori Gmbh étant désignée comme gardien du gaz saisi dans les termes d'un contrat du 31 janvier 2018,
- le 22 décembre 2017 la société Iugas a fait signifier à Naftogas, concomitamment à la sentence arbitrale, un commandement de payer le principal précité et les intérêts puis lui a fait signifier, le 29 décembre 2017, un acte de conversion en saisie-vente de la saisie conservatoire, lui faisant finalement signifier, le 15 janvier 2018, l'acte de vérification des biens saisis contenant l'indication de la faculté de vente amiable offerte au débiteur, conformément à l'article R 522-8 alinéa 2 du même code, ceci sans protestation ni initiative de la société Naftogaz,
Il convient de préciser que la procédure de saisie vente ainsi entreprise a par la suite été suspendue, notamment en raison d'un contentieux opposant les sociétés Iugas et Omni Bridgeway, et a finalement donné lieu à la vente aux enchères qui s'est tenue le 24 juin 2020, le volume de gaz ayant été adjugé pour la somme de 460.000 euros.
- le 24 mars 2020, la société Trameta KFT, venant aux droits de la société Iugas, a fait délivrer un nouveau commandement de payer aux fins de saisie-vente pour avoir paiement de sommes actualisées comportant, notamment, un principal au 31/01/2020 de 11.465.142,80 euros et des intérêts à cette date de 856.151,48 euros outre des frais.
Dans le contexte de paiements intervenus jusqu'en avril 2020 (à l'issue de la mise en oeuvre de voies d'exécution pratiquées en Slovaquie sur le fondement du même titre exécutoire), par acte des 11 et 15 juin 2020, la société Naftogaz a assigné à bref délai la société Trameta KFT, « en présence de » la Scp Cap H C.-D.-S.-V., aux fins de voir constater l'extinction de la créance au titre de la sentence arbitrale, ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire convertie le 29 décembre 2017 en saisie-vente, prononcer l'annulation du commandement de payer du 24 mars 2020, juger que la poursuite de la procédure de saisie vente est abusive et voir condamner la société Trameta à lui payer des dommages-intérêts.
Ajoutant à ses réclamations en cours d'instance, elle a sollicité, à la veille de l'audience de plaidoiries fixée au 23 juin 2020, l'annulation de la vente aux enchères visée dans l'acte de notification du jour de vente du 10 juin 2020 (qui est effectivement intervenue le 24 juin 2020 suivie de la distribution du prix à Trameta, créancier unique) ou, subsidiairement, la réouverture des débats pour qu'il soit statué sur l'existence, le principe et le quantum de la créance en faisant injonction à la société Trameta d'apporter la preuve des prétendus frais de stockage, poursuivant, en tout état de cause, une condamnation indemnitaire à l'encontre de Trameta (au montant de 1.106.979 euros) du fait d'une poursuite fautive et abusive de la vente forcée du gaz lui appartenant.
Par jugement contradictoire rendu le 24 septembre 2020 le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Nanterre a
- débouté la société de droit ukrainien Naftogaz de l'ensemble de ses demandes,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné la société de droit ukrainien Naftogaz à régler à la société de droit hongrois Trameta KFT la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
- rappelé que la décision est exécutoire par provision.
Par dernières conclusions notifiées le 04 juin 2021 la société de droit ukrainien National Joint Stock Company « Naftogaz of Ukraine », appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 24 septembre 2020 demande à la cour, au visa des articles 564 et suivants, 910-1 et 910-4 du code de procédure civile, L 111-2, L 111-8, L 121-2, L 122-2, L 141-2, R 221-1, R 221-9, R 221-23, R 221-27, R 221-30, R 221-31 et R 221-34 du code des procédures civiles d'exécution, 1240 du code civil :
- d'infirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il (l') a déboutée de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée le 20 décembre 2017 entre les mains de la société Engie SA, convertie en saisie-vente le 29 décembre 2017 // de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire de droits incorporels et de saisie conservatoire de créances de somme d'argent pratiquée le 20 décembre 2017 entre les mains de la société Engie SA // de sa demande de la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée le 19 décembre 2019 entre les mains de la société Engie SA // de sa demande d'annulation du commandement de payer aux fins de saisie vente daté du 24 mars 2020 // de sa demande d'annulation de la vente aux enchères du 24 juin 2020 // de sa demande de condamnation de la société Trameta KFT à la somme de 1.106.979 euros de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la poursuite fautive et abusive de la vente forcée // de sa demande de condamnation de la société Trameta KFT à la somme de 100.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance // condamné la société National Joint Stock Company Naftogaz of Ukraine à payer la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et, statuant à nouveau,
- de (la) déclarer recevable et fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de juger que les frais de stockage visés dans la notification du jour de vente datée du 10 juin 2020 ne sont pas des frais de l'exécution forcée au sens de l'article L 111-8 du Code des procédures civiles d'exécution,
- de juger que la société Trameta ne détient aucune créance sur la société Naftogaz au titre des frais de stockage visés dans la notification du jour de vente du 10 juin 2020,
- de déclarer que la société Trameta n'apporte pas la preuve d'une créance à l'égard de la société Naftogaz au titre de frais de l'exécution forcée au sens de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution,
- de juger que les frais de stockage visés dans la notification du jour de vente du 10 juin 2020 sont manifestement excessifs et inutiles,
- d'annuler le contrat dénommé « natural gas handling agreement » conclu entre Iugas Spa. et Hycori Gmbh le 31 janvier 2018,
- de déclarer inopposables à la société Naftogaz les frais prévus par le contrat dénommé «natural gas handling agreement » conclu entre Iugas Spa et Hycori Gmbh le 31 janvier 2018,
- de déclarer que la créance visée par la sentence arbitrale du 19 décembre 2012 est éteinte,
* Sur les saisies pratiquées au préjudice de la société Naftogaz
- d'ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée le 20 décembre 2017 par la société Iugas Spa entre les mains de la société Engie SA, convertie en saisie-vente le 29 décembre 2017,
- d'ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire de droits incorporels et de la saisie conservatoire de créances de somme d'argent pratiquée le 20 décembre 2017 par la société Iugas Spa entre les mains de la société Engie SA,
- d'ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée le 19 décembre 2019 par la société Trameta KFT entre les mains de la société Engie SA,
* Sur le commandement de payer aux fins de saisie-vente daté du 24 mars 2020
- de déclarer que le commandement de payer aux fins de saisie-vente daté du 24 mars 2020 vise des créances éteintes,
- d'annuler le commandement de payer aux fins de saisie-vente daté du 24 mars 2020,
* Sur la vente aux enchères du 24 juin 2020
- d'annuler la notification du jour de vente datée du 10 juin 2020,
- d'annuler la vente aux enchères du 24 juin 2020 visée dans la notification du jour de vente datée du 10 juin 2020,
- d'ordonner à Trameta KFT de verser le prix d'adjudication de 460.000 euros de la vente aux enchères du 24 juin 2020 « soit versé » (sic) à la société Naftogaz dans un délai de cinq (5) jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- de condamner l'étude d'huissiers de justice CAP H C.'D.'S.-V. à (lui) payer la somme de 460.000 euros à titre de dommages et intérêts, à défaut de restitution du prix d'adjudication de 460.000 euros à Naftogaz dans un délai de cinq (5) jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
* Sur le commandement de payer aux fins de saisie-vente daté du 18 novembre 2020
- de déclarer que le commandement de payer vise des «frais de gardiennage» dont Naftogaz n'est pas redevable et ne relevant pas de frais de l'exécution forcée au sens de L111-8 du code des procédures civiles d'exécution,
- d'annuler le commandement de payer aux fins de saisie-vente daté du 18 novembre 2020 comme visant des «frais de gardiennage» dont Naftogaz n'est pas redevable et ne relevant pas de frais de l'exécution forcée au sens de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution,
* Sur la réparation des préjudices subis par la société Naftogaz
- à titre principal : de condamner in solidum la société Trameta et l'étude d'huissiers de justice CAP H C. ' D.-S.-V. à (lui) payer la somme de 1.059.110 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la conduite fautive et abusive de la saisie-vente,
- à titre subsidiaire si, par impossible, la cour jugeait irrecevables les demandes de condamnation contre (ladite) étude d'huissiers de justice, de condamner la société Trameta KFT à (lui) payer la somme de 1.059.110 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de la conduite fautive et abusive de la saisie-vente,
* Sur les demandes de l'étude d'huissiers CAP H C.-D.-S.-V. et de la société Trameta KFT
- de débouter l'étude d'huissiers CAP H C.-D.-S.-V. de sa demande tendant à ce que la société Naftogaz soit condamnée à la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- de débouter l'étude d'huissiers CAP H C.-D.-S.-V. de l'ensemble de ses fins de non-recevoir, demandes, fins et conclusions,
- de débouter la société Trameta KFT de sa demande reconventionnelle visant à voir condamner la société Naftogaz au paiement de la somme de 703.558,40 euros au titre des prétendus « frais de gardiennage » du gaz saisi,
- de débouter la société Trameta KFT de l'ensemble de ses fins de non-recevoir, demandes, fins et conclusions,
* Sur les frais irrépétibles et les dépens
- à titre principal : de condamner in solidum la société Trameta KFT et l'étude d'huissiers de justice CAP H C.-D.-S.-V. à payer à la société Naftogaz la somme de 300.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- à titre subsidiaire si, par impossible, la cour jugeait irrecevables les demandes de condamnation contre l'étude d'huissiers de justice CAP H : de condamner la société Trameta KFT à payer à la société Naftogaz la somme de 300.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 03 juin 2021, la société à responsabilité limitée de droit hongrois Trameta Korlatolt Felelossegu Tarsasag prie la cour, au visa des articles L121-2, L111-7, L111-8, R121-18, R121-22, R 221-24, R 221-27, R 221-54, R221-56, R251-1 du code des procédures civiles d'exécution, 564 et 910-4 du code de procédure civile :
à titre principal
- de juger irrecevable l'ensemble des demandes présentées par la société Naftogaz of Ukraine en cause d'appel,
à titre subsidiaire
- de juger, au fond, que les frais de gardiennage des 81.208 Mwh de gaz naturel saisis entre les mains de la société Engie SA, au titre du contrat conclu le 31 janvier 2018 entre les sociétés Iugas et Hycori, constituent des frais de l'exécution forcée au titre de l'article L 111-8 et sont donc à la charge de la société Naftogaz of Ukraine,
- de confirmer, en conséquence, le jugement du juge de l'exécution de Nanterre (entrepris) en ce qu'il a débouté la société Naftogaz de l'ensemble de ses demandes formulées en première instance,
- de débouter la société Naftogaz of Ukraine de l'ensemble de ses demandes formulées en cause d'appel,
y ajoutant, à titre reconventionnel,
- d'ordonner à la société Naftogaz of Ukraine de payer à la société Trameta KFT la somme de 703.558,40 euros, au titre de la créance liquide, certaine et exigible détenue par la société Trameta KFT au titre des frais de gardiennage des 81.208 Mwh de gaz naturel saisis entre les mains de la société Engie SA, frais de l'exécution forcée au titre de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, conformément au commandement de payer actualisé en date du 18 novembre 2020,
- de condamner la société Naftogaz of Ukraine au paiement à la société Trameta KFT d'une somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens.
Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 15 janvier puis le 1er février 2021 la société civile professionnelle Cap H C.-D.-S.-V., huissiers de justice associés à Montrouge, demande à la cour de statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel de la société Naftogaz of Ukraine et,
- visant l'article 901 du code de procédure civile, les chefs critiqués dans la déclaration d'appel, les demandes formées par la société Naftogaz dans ses conclusions, l'article 564 du code de procédure civile, l'absence de demande contre la Scp CAP H devant le juge de l'exécution, de déclarer irrecevables, comme nouvelles, toutes les demandes de condamnation à l'encontre de la Scp CAP H,
- visant les articles 564 du code de procédure civile, L 512 et suivants, L 111-8 et suivants, L 221-21 et suivants et notamment, R 221-27, R 221-50 et R 522-8 du code des procédures civiles d'exécution, de déclarer irrecevables, comme nouvelles, les demandes de la société Naftogaz tendant à :
* annuler le contrat dénommé «Natural Gas Handling Agreement» conclu entre la société Iugas et la société Hycori le 31 janvier 2018,
* déclarer inopposables à la société Naftogas les frais prévus par le contrat dénommé «Natural Gas Handling Agreement» conclu entre les sociétés Iugas et Hycori le 31 janvier 2018,
* annuler la notification du jour de vente datée du 10 juin 2020,
* ordonner que le prix d'adjudication de 460.000 euros de la vente aux enchères du 24 juin 2020 soit versé à la société Naftogaz dans un délai de cinq jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
* déclarer que la créance visée par la sentence arbitrale du 19 décembre 2012 est éteinte,
* condamner in solidum la société Trameta KFT et la Scp CAP H à payer à la société Naftogaz la somme de 1.059.110 euros à titre de dommages et intérêts pour poursuite abusive de la saisie-vente,
* condamner in solidum la société Trameta Korlatolt Felelosegu Tarsasag et la Scp CAP H à payer à la société Naftogaz une somme de 300.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- visant les articles 910-4 et 564 du code de procédure civile, les chefs critiqués de la décision dont appel, les conclusions signifiées par la société Naftogaz le 12 novembre 2020 puis le 17 décembre 2020, de déclarer irrecevables les demandes de la société Naftogaz tendant notamment à :
* ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 19 décembre 2019,
* ce que soit annulé le commandement de payer aux fins de saisie vente du 24 mars 2020 ou qu'il soit jugé que les frais de stockage ne sont pas des frais d'exécution au sens de l'article L.111-8 du code des procédures civiles d'exécution, etc. ,
* subsidiairement les déclarer mal fondées,
* débouter en conséquence la société Naftogaz de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de la condamner au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages & intérêts pour procédure abusive et injustifiée et en réparation du préjudice subi,
- de la condamner au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Franck L., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance ce clôture a été rendue le 08 juin 2021.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'annulation de la vente aux enchères du gaz réalisée le 24 juin 2020
Pour la clarté des débats, il convient de rappeler que, saisi des prétentions des parties présentées lors de l'audience du 23 juin 2020 et pour débouter la société Naftogaz de l'intégralité de ses demandes, le juge de l'exécution a considéré, évoquant les fructueuses voies d'exécution slovaques, qu'«un paiement est intervenu le 28 février 2020 soldant a priori le principal et les intérêts», que selon l'huissier slovaque des frais de procédure étaient encore dus au 07 avril 2020, que la vente forcée fixée au 24 juin 2020 n'est pas poursuivie en vertu du commandement délivré par Trameta le 24 mars 2020 mais en vertu du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 22 décembre 2017 qui ne pouvait contenir les frais de gardiennage liés au contrat avec Hycori mis en place le 31 janvier 2018 et contesté sans pertinence par Naftogaz, concluant (page 8/9 du jugement) que « la demande d'annulation de la vente forcée du gaz pour assurer le règlement de ces frais et des derniers frais de procédure sera rejetée ».
La société Naftogaz qui conteste la créance de la société Trameta KFT invoquée en vertu de la sentence arbitrale incluant les frais de stockage visés dans la notification du jour de la vente, poursuit devant la cour l'annulation de cette notification (datée du 10 juin 2020) et celle de la vente aux enchères (du 24 juin 2020) visée dans cette notification, subséquemment la restitution du prix d'adjudication ou la condamnation indemnitaire de la Scp d'huissiers au même montant, et se prévaut, d'abord, de la recevabilité de sa demande en soutenant que la demande d'annulation de cette vente était formée en première instance et visée dans sa déclaration d'appel, la première tendant aux mêmes fins que la seconde.
Sur le fond, se réclamant des conclusions de deux consultations relatives aux frais de stockage virtuel du gaz saisi rédigées à sa demande par un professeur de droit et un expert du secteur gazier, l'appelante fait d'abord valoir que ces frais procèdent du contrat précité dénommé « natural gas handling agreement », qui est nul et lui est inopposable au double motif qu'il a été conclu en fraude de ses droits entre des parties n'ayant ni la qualité ni la capacité de contracter sur le stockage du gaz saisi et que le recours au stockage virtuel viole, par nature, le principe d'indisponibilité des biens saisis, ces frais ne pouvant être qualifiés de frais de l'exécution forcée.
Elle critique à cet égard le premier juge qui a considéré que le stockage lui-même était indifférent et qu'elle ne démontrait pas l'incapacité pour Hycori de restituer le gaz tout comme « le raisonnement alambiqué et juridiquement erroné » de son adversaire qui ne saurait, selon elle, qualifier ce contrat de « séquestre judiciaire ».
A titre subsidiaire, visant notamment l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, la société Naftogaz soutient que ces frais de stockage sont en tout état de cause manifestement non « nécessaires » et disproportionnés. Elle rappelle leur montant de 1.130.415 euros alors que la valeur de la quantité de gaz saisie était de l'ordre de 1,5 millions d'euros en février 2018 et que cette même quantité de gaz a été adjugée à 460.000 euros le 24 juin 2020. Elle fait état, à cet égard, d'une collusion entre la société Trameta, saisissante, et la société Hycori, gardien, appartenant au même groupe de sociétés à l'actionnaire ultime commun en reprochant au juge de l'exécution d'avoir écarté l'existence du conflit d'intérêts qu'elle invoquait
De même, elle fait grief à Trameta de renverser la charge de la preuve en prétendant qu'il lui appartient de démontrer le caractère excessif desdits frais alors que Trameta refuse d'apporter la preuve de ces frais et de déférer à ses sommations relatives aux modalités de stockage d'Hycori.
En réplique, la société Tratema KFT stigmatise, dans ses dernières conclusions du 03 juin 2020, la variation, au fil des conclusions adverses, des demandes de l'appelante en observant que n'était pas réclamée, dans les conclusions d'appelante de Naftogaz notifiées le 12 novembre 2020 la nullité de la saisie-vente de gaz du 24 juin 2020, au demeurant irrecevable du fait qu'il s'agit d'une demande nouvelle en cause d'appel et que, de plus, elle se heurterait aux dispositions de l'article R 221-54 du code de procédure civile d'exécution dès lors que la vente a eu lieu et que le prix lui a été distribué, unique créancier poursuivant.
Elle soutient, plus généralement, que l'essentiel des demandes de la société Naftogaz constitue des demandes nouvelles en cause d'appel et comme telles irrecevables en regard des articles 564 et suivants du code de procédure civile.
Ainsi, s'agissant de la demande en annulation du contrat de gardiennage, fait-elle valoir que la mise en place d'un gardiennage était connue de la société Naftogaz depuis l'acte de vérification des biens du 16 janvier 2018 et le contrat explicitement mentionné dans la notification du jour de la vente du 10 juin 2020, qu'il s'agit d'une demande principale, antérieure à ses propres demandes et qu'elle ne peut être considérée comme opposant compensation ou s'opposant à une demande adverse, sa demande reconventionnelle n'ayant pas pour fondement ce contrat de gardiennage mais l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution mettant à la charge du débiteur les frais de l'exécution forcée nécessaire. En outre, cette demande n'est, selon elle, ni l'accessoire ni le complément des demandes de Naftogaz en première instance, totalement distinctes.
S'agissant de sa demande d'annulation de la notification du jour de la vente, connue de Naftogaz bien avant l'audience du 23 juin 2020, elle n'a pas été demandée au premier juge, poursuit-elle, et il ne s'agit pas d'une demande reconventionnelle ou de compensation ou visant à écarter les prétentions adverses pas plus qu'elle n'est, comme prétendu, l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande en annulation de la vente forcée.
A l'instar de la Scp d'huissiers constituée en appel, à l'encontre de laquelle la société Naftogaz a relevé appel, la société Trameta soutient, par ailleurs, que sont également irrecevables les demandes formulées à l'encontre de l'huissier instrumentaire, alors qu'elle n'avait formé aucune demande à son encontre en première instance.
Elle conteste enfin la recevabilité des demandes subséquentes de Naftogaz, conséquence nécessaire du contrat de gardiennage (à savoir : l'inopposabilité des frais issus de ce contrat, le constat de l'extinction de sa créance, la restitution du prix de la vente forcée (de surcroît irrecevable par application de l'article R 221-54 du code des procédures civiles d'exécution), la demande indemnitaire pour procédure abusive), comme celles qui poursuivent l'annulation de la notification du jour de la vente du 10 juin 2020 et celles qui ont pour objet la condamnation à titre indemnitaire de la Scp d'huissiers.
Subsidiairement, au fond, la société Trameta poursuit la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que les frais de gardiennage du gaz saisi constituaient des frais de l'exécution forcée à la charge de Naftogaz, dans la mesure où ils étaient indispensables, ajoutant que cette dernière a fait le choix délibéré de s'abstenir d'exécuter la sentence arbitrale en contraignant ses créanciers successifs à plus de sept années de procédure d'exécution devant de multiples juridictions tant nationales qu'étrangères.
Ceci étant exposé, il ressort des éléments de la procédure que les voies d'exécution réalisées en Slovaquie ont permis à la créancière cessionnaire de recouvrer l'intégralité de la créance au titre de la sentence arbitrale, en principal et intérêts.
Il est établi que les deux derniers paiements de l'huissier slovaque à Trameta KFT sont intervenus les 18 mars et 17 avril 2020 pour les montants respectifs de 3.651.501,33 euros et de 9.165.717,24 euros, ce que ne conteste pas la créancière qui fait valoir que cette date doit être retenue pour constater le recouvrement de la créance.
La vente forcée du gaz prévue le 24 juin 2020, lendemain du jour de l'audience de plaidoiries devant le juge de l'exécution, visait le recouvrement des frais de gardiennage à la charge du débiteur, et le premier juge, saisi de la demande d'annulation de cette vente, a justement considéré, comme repris liminairement, qu'elle était poursuivie sur la base de la conversion de la saisie conservatoire de biens meubles corporels auprès de la société Engie du 20 décembre 2017 en saisie-vente intervenue le 29 décembre 2017, avec une dénonciation le 02 janvier 2018 sur la base d'un commandement de payer aux fins de saisie vente du 22 décembre 2017 après exequatur de la sentence arbitrale et que ce commandement ne pouvait évoquer les frais de gardiennage liés à un contrat conclu le 31 janvier 2018 sur la base d'un transfert de gaz du 31 janvier 2018. Il a expressément conclu au rejet de la demande d'annulation de la vente forcée du gaz.
La société Trameta ne peut donc opposer à l'appelante l'irrecevabilité de la demande de nullité de cette mesure d'exécution présentée avant sa réalisation au premier juge puis postérieurement devant la cour, comme nouvelle en cause d'appel, et il résulte de l'acte de déclaration d'appel de la société Naftogaz qu'elle a déféré à la cour ce chef du jugement dont elle a été déboutée, la cour étant saisie de ses dernières conclusions par application de l'article 954 du code de procédure civile.
C'est, en revanche, à bon droit que la société Trameta oppose à la société Naftogaz les dispositions de l'article R 221-54 du code des procédures civiles d'exécution selon lequel « La nullité de la saisie pour vice de forme ou de fond autre que l'insaisissabilité des biens compris dans la saisie peut être demandée par le débiteur jusqu'à la vente des biens saisis. Le créancier saisissant met en cause les créanciers opposants. Si la saisie est déclarée nulle après la vente mais avant la distribution du prix, le débiteur peut demander la restitution du produit de la vente. »
Il résulte, en effet, de ce texte que la nullité de la saisie pour vice de fond, susceptible de tenir en l'espèce au défaut de créance au titre des frais de gardiennage invoqué, ne peut plus être poursuivie dans la mesure où la procédure de saisie s'est achevée par la vente du gaz saisi qui a eu pour effet d'en transférer la propriété à l'adjudicataire.
De la même façon que la société Naftogaz est irrecevable en son action en nullité, elle l'est en sa demande de restitution du produit de la vente à l'encontre de la société Trameta, seule créancier, du fait de la distribution du prix à son seul profit.
Cette dernière précise qu'à défaut de report de la vente aux enchères et le séquestre du prix n'ayant pas été demandé par Naftogaz, le prix de vente hors honoraires du commissaire-priseur, soit un montant d'encaissement de 431.010,40 euros, a été versé à maître D. et qu'en l'absence d'opposition d'autres créanciers, il lui a été versé, créancier unique, après déduction des honoraires d'huissiers en usage. Elle ajoute, incidemment, que la somme de 703.558,40 euros lui reste donc à recouvrer au titre des frais de gardiennage, conformément au nouveau commandement de payer qu'elle a fait signifier le 18 novembre 2020.
La société Naftogaz n'est, par ailleurs, pas recevable à poursuivre le paiement de la somme de 460.000 euros à titre de dommages-intérêts à l'encontre de la Scp d'huissiers Cap HC. (assignée à personne morale le 11 juin 2020 mais ni présente ni représentée en première instance) qui a pourvu à la désignation d'un gardien, ceci, précise-t-elle, à défaut de restitution du prix d'adjudication de cette somme dans le délai de cinq jours à compter de la signification à intervenir, dès lors qu'ainsi que le soutient cette Scp d'huissiers, elle ne formulait aucune demande à son encontre en première instance.
Comme cela résulte, en effet, de la doctrine de la Cour de cassation (Cass civ 2ème, 15 juin 1982, pourvoi n° 81-10509, publié au bulletin) la faculté donnée aux parties par l'article 565 du code de procédure civile de soumettre aux juges d'appel des demandes tendant aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent, implique qu'une demande ait été formée devant la juridiction de premier degré.
Sur la demande de mainlevée des saisies
La société Naftogaz reprend devant la cour la demande de mainlevée de trois mesures d'exécution soumises à l'appréciation du premier juge, à savoir :
- la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée par Iugas le 20 décembre 2017 et convertie en saisie-vente le 29 décembre 2017 (sur la base de laquelle la vente forcée a été poursuivie le 24 juin 2020),
- la saisie conservatoire de droits incorporels et de créances de sommes d'argent pratiquée le 20 décembre 2017 par la société Iugas entre les mains de la société Engie SA,
- la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée le 19 décembre 2019 par la société Trameta entre les mains de la société Engie SA,
toutes demandes dont elle a été déboutée, au visa des articles L 111-2 et L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, aux motifs pour les deux premières que la société poursuivante disposait bien d'un titre exécutoire non contesté au fond et que la créance n'était pas éteinte à leur date et, pour la dernière, qu'elle ne correspond à aucun acte de procédure du dossier.
En cause d'appel, la société Naftogaz poursuit l'infirmation de cette décision et la mainlevée de ces saisies en contemplation de la déclaration de la société Engie, tiers saisi, à l'huissier le 21 décembre 2017 consignée dans les termes suivants :
« Le gaz étant un bien fongible ne donnant pas lieu à un stockage identifié au nom de Naftogaz par Engie SA, et au vu de la nécessité de conserver l'équilibre des flux de gaz dans le réseau, la quantité de gaz saisie, soit 81.208 mw, a été réorientée par Engie SA au profit d'autres clients.
Le tiers saisi a cependant suspendu la fourniture de gaz prépayé par Naftogaz à compter du 21 décembre à 00h 00.
Engie a confirmé qu'elle délivrera la quantité de gaz saisie dès la demande formulée à cet effet par l'étude, en un lien de livraison qui lui sera communiqué à cet effet ».
Elle fait notamment valoir qu'il résulte de ces déclarations que celui-ci n'était pas détenteur du bien appartenant à Naftogaz, le transfert de propriété se faisant au point de livraison situé en Slovaquie, mais débiteur d'une fourniture ou de restitution de gaz prépayé par Naftogaz et qu'à tort l'huissier, agissant de manière fautive et abusive, a décidé de convertir la saisie conservatoire de meubles corporels en saisie-vente.
Mais par delà le fait que lorsqu'elle est pratiquée entre les mains d'un tiers, la procédure de saisie conservatoire doit répondre aux conditions fixées aux articles R 221-21 à R 221-29 du code des procédures civiles d'exécution visant le détenteur de biens pour le compte du débiteur, qu'il s'agisse d'un bien, d'une créance ou d'une valeur, ayant pouvoir de le rendre indisponible, il y a lieu de considérer, ainsi que soutenu par la société Trameta qui fait valoir que si l'article L 121-2 du même code donne pouvoir au juge de l'exécution d'ordonner la mainlevée d'une procédure inutile ou abusive c'est à la condition que la mesure d'exécution forcée concernée soit toujours en vigueur, que l'article R 221-54 dudit code, évoqué ci-avant, a, sur cet autre point, vocation à trouver application.
Par mêmes motifs que précédemment, cette demande de mainlevée des deux premières saisies sus-visées doit donc être déclarée irrecevable, la troisième l'étant également faute d'intérêt à obtenir la mainlevée d'une mesure dont il n'est pas démontré qu'elle ait produit effet.
Sur la demande de nullité du commandement de payer aux fins de saisie-vente du 24 mars 2020
La demande d'annulation de cet itératif commandement, délivré à la requête de la société Trameta après cession de la créance en cause, a été rejetée par le juge de l'exécution, visant l'article L 111-2 du code des procédures civiles d'exécution, au motif que la créance n'était pas éteinte à sa date, la procédure slovaque n'ayant alors permis de solder que le principal et les intérêts de cette créance, à l'exclusion, notamment, des frais d'exécution.
La société Naftogaz se prévaut de l'irrégularité de cet acte en se fondant sur les relevés de l'huissier slovaque du 08 avril 2020 qui établissent que la créance visée par le titre exécutoire a bien été intégralement recouvrée à l'issue des voies d'exécution pratiquées en Slovaquie dès le 28 février 2020 et reproche à la société Trameta de lui avoir fait délivrer ce commandement en dépit de ce recouvrement.
Mais il convient de considérer que cette date du 28 février 2020, qui correspond à la date de la réception des sommes en principal et intérêts par l'huissier slovaque, ne ressort que d'un relevé du 08 avril 2020, soit postérieur à la date de délivrance du commandement litigieux, pour un montant, qui plus est, qui n'éteignait pas totalement la créance et qui n'a été suivi d'un versement effectif et entier des sommes provenant de la saisie slovaque à la société Trameta que le 17 avril 2020.
Doit, par conséquent, être rejetée, ainsi qu'en a jugé le juge de l'exécution, la demande d'annulation de ce nouveau commandement de payer que la société Trameta présente comme ayant été délivré « à toutes fins », parallèlement à la préparation de la vente forcée suspendue du fait de la crise sanitaire, avec pour objet d'actualiser le montant de la créance et de pouvoir effectuer, si nécessaire, de nouvelles saisies sur le fondement de la sentence arbitrale.
Sur la demande indemnitaire de la société Naftogaz à l'encontre de la société Trameta KFT
Contestant la décision du premier juge qui n'a pas fait droit à cette demande en jugeant que la société Naftogaz ne démontrait pas le caractère inutile ou abusif de la saisie en cause, notamment du fait d'une facture non exorbitante de stockage (au montant de 1.130.415,36 eus) et de l'absence d'offre d'acquittement de ces frais qui aurait rendu inutile la vente forcée, l'appelante poursuit le paiement de la somme de 1.059.110,00 euros, à l'encontre de Trameta et de la Scp d'huissiers tenues in solidum, ou, subsidiairement de la seule société Trameta si sa demande à l'encontre de la Scp était jugée irrecevable.
En introduction de ses dernières conclusions (page 5/79) elle se présente comme victime de la conduite abusive et fautive d'une procédure de vente à son encontre caractérisée comme suit :
- la saisie irrégulière de gaz naturel prépayé a été réalisée en hiver, période où les cours du gaz sont structurellement les plus élevés en raison d'une forte demande,
- le saisissant a transféré ce gaz à un prétendu « gardien » (la société Hycori) apparentée à ce saisissant, prétendument chargée de stocker le gaz saisi qui l'a ainsi acquis sans le payer, l'a revendu à prix élevé à des tiers en réalisant un important profit et qui n'a fait que procéder à un « stockage virtuel », c'est à dire une opération de vente du gaz et de rachat de la même quantité en vue de sa restitution à un moment donné,
- le saisissant a fautivement suspendu la procédure de saisie-vente durant près de deux ans et demi de façon injustifiée,
- le saisissant a organisé la vente de ce gaz en été, au cours structurellement les plus bas dans le triple but de réduire le prix de l'adjudication et d'augmenter ainsi artificiellement la dette, de maximiser les profits d'Hycori, le prétendu gardien, d'augmenter les coûts du prétendu stockage dont il est à tort prétendu qu'il s'agit de « frais de l'exécution » devant être mis à la charge de Naftogaz.
Ceci étant rappelé et eu égard à ce qui précède, est irrecevable la demande formulée à l'encontre de la Scp d'huissiers de sorte qu'elle ne peut être dirigée qu'à l'encontre de la société Trameta KFT.
Pour ce qui est de la demande à l'encontre de Trameta, il ressort des éléments de la procédure qu'à la suite de la saisie du gaz prépayé entre les mains de la société Engie, tiers saisi en refusant la garde, il a pu être pourvu par l'huissier de justice, à la désignation d'un gardien et à l'enlèvement des biens comme le prévoit l'article R 221-27 du code des procédures civiles d'exécution.
La qualification de « gardien » s'évince de ces dispositions réglementaires applicables dans le cadre du droit spécial des voies d'exécution qui n'introduit pas de distinctions ou exclusions particulières quant à son objet. La société Naftogaz, évoquant le droit commun et le régime de la saisie de meubles incorporels non monétaires qui ne prévoit pas la nomination d'un gardien, ne peut donc se prévaloir, comme elle l'écrit, du fait que la « chose saisie - ici le gaz concerné - appartient encore sur le plan juridique au débiteur saisi, quoique frappé d'indisponibilité dans son patrimoine et que, dans ce cadre strict, il n'est donc pas possible de procéder d'une manière ou d'une autre à une remise d'une chose fongible, tel du gaz, à un « gardien judiciaire » et de coupler celui-ci à l'octroi d'un pouvoir de disposer au profit de ce dernier ».
Aux termes du contrat dénommé « natural gas handling agreement » signé le 31 janvier 2018 par les sociétés Iugas Spa et Hycori Gmbh (conclu parallèlement au contrat dénommé « transfer of natural gas to Hycori as sustodian » conclu entre Engie et Hycori) cette dernière s'engageait, en qualité de gardien, à stocker au nom et pour le compte d'Iugas les 81.208 Mkw de gaz livrés par Engie à Hycori puis à livrer cette même quantité de gaz, sur demande du saisissant et au moment défini par celui-ci, en contrepartie d'une rémunération mensuelle de 0,48 euro/Mwh de gaz stocké.
Le fait qu'il s'agisse d'un stockage non physique mais virtuel qui autorisait la société Hycori à faire prendre en charge le gaz naturel, selon des accords-cadre de gestion, et à en obtenir restitution par mêmes contrats, ceci en supportant, outre les frais financiers afférents, le risque de fluctuations du marché susceptibles de survenir à la hausse comme à la baisse, rend inopérant le grief tiré des effets spéculatifs induits et n'influe pas, en toute hypothèse, sur la qualification de frais de l'exécution forcée dans lesquels doit être incluse la rémunération mensuelle convenue.
C'est sans pertinence que la société Naftogas entend tirer argument de la prise de participation dans le capital de la société Hycori par une même personne physique que dans celui de Trameta pour suggérer un conflit d'intérêts qu'elle ne caractérise pas, d'autant que le choix du gardien revient à l'huissier instrumentaire.
S'agissant du coût de ce gardiennage dont la société Naftogaz dénonce l'excès, il résulte des conclusions de la Scp d'huissiers en cause que Maître D. a pris soin de comparer les tarifs proposés, notamment ceux de la société Storengy, filiale de la société Engie SA, et ceux de la société Hycori, écrivant le 08 janvier 2018 au conseil du tiers saisi que la société Storengy proposait des tarifs mensuels nettement supérieurs à ceux d'Hycori, à savoir 64.966,40 euros contre 38.980,00 euros, le choix de cette dernière permettant donc une économie importante en matière de frais de gardiennage.
La cour ne saurait prononcer l'annulation de ce contrat, comme le demande la société Naftogaz, en l'absence en la présente cause des cocontractants que relèvent ses adversaires et celui-ci, conclu dans le cadre des dispositions sus-visées, lui est parfaitement opposable en ce qu'elle crée une situation juridique.
S'il est néanmoins constant, depuis un arrêt rendu par l'assemblée plénière de la Cour de cassation le 06 octobre 2006 (pourvoi n° 05-13255), repris le 13 janvier 2020 (pourvoi n° 17-19963), qu'un tiers à un contrat peut invoquer, du fait de la situation juridique crée par ce contrat et sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé dommage, force est de considérer que la société Naftogaz, à qui échoit la charge de démontrer que la défaillance dans l'exécution, par la société Hycori, de l'accord-cadre de gestion de gaz naturel, est à l'origine du préjudice dont elle poursuit la réparation, n'en rapporte pas la preuve.
Il peut être au surplus ajouté que les juridictions slovaques, dont les décisions sont incidemment évoquées par la société Trameta, n'ont pas autrement statué et que la société Naftogaz s'en tient devant la présente cour à une semblable ligne de défense sans plus d'apport.
Le tribunal de Bratislava saisi par la société Naftogaz de la contestation de la désignation de la société Hycori, également gardien, ainsi que des frais de gardiennage l'a, en effet, déboutée de ses demandes, approuvé par la Cour constitutionnelle slovaque statuant le 30 avril 2020 selon une traduction non contestée :
« Le débiteur, en sa qualité de commerçant de gaz naturel, aurait dû connaître, et connaissait sans doute, les coûts du transport, de l'injection, du stockage et de l'enlèvement du gaz naturel pendant une période donnée ; au vu de ces éléments, il n'a pris aucune mesure réelle pour s'acquitter de sa condamnation, même s'il en avait la possibilité.
La saisie de 5.040 mwh (de gaz naturel) en décembre 2017 aurait pu et aurait dû faire changer d'attitude le débiteur de manière à exécuter volontairement la condamnation. De cette manière, il aurait évité d'encourir les coûts de l'exécution supplémentaires qu'il conteste aujourd'hui.
(') L'objection du débiteur (') ne contient aucun argument spécifique ou comparaison avec des prix moins élevés pour le stockage de gaz naturel et se limite à une affirmation générale quant au caractère inadéquat et inutile des coûts encourus. Le débiteur n'a fourni aucune preuve de l'existence d'un meilleur prix, ou du calcul des prix pour le gardiennage de gaz naturel ».
Est, par ailleurs, dépourvu de pertinence le grief relatif aux dates de la saisie conservatoire du gaz puis de sa vente aux enchères en regard de la saisonnalité du cours du gaz naturel susceptible d'être imputé à faute aux sociétés Iugas puis Trameta.
Le propre d'une saisie conservatoire est, en effet, de surprendre le débiteur responsable d'un défaut de paiement, comme l'a été la société Naftogaz redevable en 2017 des causes de la sentence arbitrale depuis près de cinq années, lorsque les conditions en sont réunies.
La vente s'est, quant à elle, tenue à la suite de la nécessaire résolution du litige opposant Iugas et la société Omni Bridgeway mandatée pour recouvrer la créance, de la cession de cette créance à Trameta puis dans le contexte de la crise sanitaire, sans que la société Naftogaz, qui n'a pas saisi en son temps l'offre de vente amiable, s'acquitte davantage spontanément des causes de la sentence arbitrale.
Il résulte, enfin, des dispositions de l'article L 111-8 du même code que les frais de l'exécution forcée en vertu d'un titre exécutoire servant de fondement aux poursuites, accessoires de la créance pour le paiement de laquelle ils ont été exposés, sont à la charge du débiteur, sauf à démontrer qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.
La société Naftogaz qui n'a pas spontanément payé les causes de la sentence arbitrale durant plus de sept années ni usé de la faculté de vendre amiablement le gaz, se trouve donc à l'origine de la nécessité d'exposer des frais de stockage.
Pas plus qu'elle ne peut se prévaloir de l'abus qu'elle dénonce vainement, elle ne peut davantage valablement contester qu'il s'agit là de frais de l'exécution.
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que la société Naftogaz doit être déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de la société Trameta KFT fondée sur l'absence de nécessité ou d'utilité des mesures entreprises qui caractériseraient un quelconque abus.
Sur le commandement aux fins de saisie-vente délivré le 18 novembre 2020
Arguant du fait que ce commandement qui lui a été délivré au cours de la procédure d'appel vise des « frais de gardiennage » dont elle n'est pas redevable et qui ne relèvent pas de l'exécution forcée au sens de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, la société Naftogaz demande à la cour d'en prononcer la nullité.
La société Trameta qui se prévaut de sa validité forme une demande reconventionnelle en demandant qu'il soit ordonné à la société Naftogaz de lui payer la somme de 703.558,40 euros, et soutient qu'il s'agit là d'une créance certaine, liquide et exigible arrêtée à la date du 18 novembre 2020 au titre des frais de gardiennage des 81.208 mwh de gaz saisi, représentant, après déduction des encaissements consécutifs à la vente forcée du 24 juin 2020 désormais achevée (soit la somme de 431.010,40 euros), des frais de l'exécution forcée.
Ceci étant exposé, s'il est vrai, comme le fait valoir la société Naftogaz, que la société Trameta dispose du titre exécutoire que constitue la sentence arbitrale, il appartient à la cour, ici investie des pouvoirs du juge de l'exécution tels que définis à l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire et dans le cadre d'une contestation des voies d'exécution nouvellement entreprises sur un reliquat au titre des frais d'exécution en cause, de vérifier l'existence de cette créance résiduelle et d'en fixer le montant.
Eu égard à ce qui précède, la société Naftogaz n'est pas fondée à contester, comme elle le fait à nouveau, l'existence de ces frais de stockage ou leur qualification de frais d'exécution ou encore leur nécessité du fait que le gaz aurait pu et aurait dû être vendu aux enchères publiques dès le 16 février 2018 et qu'Engie, tiers saisi, aurait pu livrer la quantité de gaz saisi sans frais, en omettant par là-même le contexte procédural ci-dessus décrit et le droit dont disposait ce tiers saisi de solliciter la désignation d'un gardien.
Il convient, par conséquent, de débouter la société Naftogaz de sa demande d'annulation de ce commandement et faute, par elle, de démontrer en quoi les frais de stockage litigieux exposés par la société Hycori ne sont que « prétendus », de fixer le montant de la créance résiduelle au titre des frais d'exécution à la somme requise de 703.558,40 euros.
Sur les autres demandes
La société Naftogaz ayant pu, sans faute, méconnaître l'existence et la portée de ses droits, la Scp d'huissier doit être déboutée de sa demande indemnitaire formée à son encontre.
L'équité commande de condamner la société Naftogaz à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à la Scp d'huissiers Cap H C.-D.-S.-V. la somme de 12.000 euros et à la société Trameta KFT la somme complémentaire de 25.000 euros.
Déboutée de ce dernier chef de prétentions, la société Naftogaz qui succombe supportera les dépens d'appel.
Statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;
Déclare la société National joint stock company Naftogaz of Ukraine irrecevable en l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la société civile professionnelle d'huissiers Cap H-C.-D.-S.-V. ;
CONFIRME le jugement entrepris et, y ajoutant postérieurement à la réalisation de la vente aux enchères du gaz naturel saisi et du paiement du saisissant ;
Déclare la société National joint stock company Naftogaz of Ukraine irrecevable en sa demande d'annulation de la vente forcée du 24 juin 2020 par application des dispositions de l'article R 221-54 du code des procédures civiles d'exécution ;
Déclare, en conséquence, la société National joint stock company Naftogaz of Ukraine irrecevable en ses demandes de restitution du prix de la vente ainsi qu'en ses demandes de mainlevée de la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée par la société Italia Ukraine Gas Spa (Iugas) le 20 décembre 2017 et convertie en saisie vente le 29 décembre 2017 sur la base de laquelle la vente forcée a été poursuivie le 24 juin 2020, de la saisie conservatoire de droits incorporels et de créances de sommes d'argent pratiquée le 20 décembre 2017 par la société Iugas entre les mains de la société Engie SA, de la saisie conservatoire de biens meubles corporels pratiquée le 19 décembre 2019 par la société Trameta entre les mains de la société Engie SA ainsi que de l'itératif commandement de payer délivré le 24 mars 2020 ;
Rejette la demande d'annulation ou de déclaration d'inopposabilité à son égard du contrat dénommé « natural gas handling agreement » conclu le 31 janvier 2018 formée par la société National joint stock company Naftogaz of Ukraine ;
Déboute la société National joint stock company Naftogaz of Ukraine de sa demande en paiement de dommages-intérêts à l'encontre de la société Trameta Korlatolt Felelossegu Tarsasag fondée sur les dispositions de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Déboute la société civile professionnelle Cap H C.-D.-S.-V., huissiers de justice à Montrouge, de sa demande indemnitaire formée à l'encontre de la société Naftogaz of Ukraine ;
Fixe le montant de la créance résiduelle de la société Trameta Korlatolt Felelossegu Tarsasag à l'encontre de la société National joint stock company Naftogaz of Ukraine, au titre des frais d'exécution de la procédure de saisie pratiquée en vertu de la sentence arbitrale rendue sous l'égide de la chambre de commerce de Stockholm le 19 décembre 2012, à la somme de 703.558,40 euros ;
Rejette le surplus des réclamations des parties ;
Condamne la société National joint stock company Naftogaz of Ukraine à verser à la société civile professionnelle Cap H C.-D.-S.-V., huissiers de justice à Montrouge, la somme de 12.000 euros, à la société Trameta Korlatolt Felelossegu Tarsasag la somme complémentaire de 25.000 euros, ceci en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.