CA Poitiers, 2e ch. civ., 9 juin 2020, n° 19/01266
POITIERS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne Sur Sèvre (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Sallaberry
Conseillers :
Mme Antoni, M. Chiron
OBJET DU LITIGE
La société par actions simplifiée Fleur de sel participations exerce une activité de holding, titulaire de 100 % des parts des sociétés Joyaux Perles Gemmes, Jean L. et MH Distribution.
A la suite de difficultés économiques, le président du tribunal de commerce de la Roche sur Yon a par ordonnance du 20 janvier 2015 désigné Me Olivier C., mandataire judiciaire, en qualité de mandataire ad'hoc pour une durée de 3 mois afin de négocier un accord entre les sociétés Fleur de Sel Participations, Joyaux Perles Gemmes, Jean L. et les principaux créanciers bancaires.
Une nouvelle mission de 4 mois lui a été confiée le 21 juillet 2015.
Un protocole de conciliation a été établi le 14 septembre 2015, auquel la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre était partie. Ce protocole prévoyait une restructuration de la dette de la société Fleur de Sel Participations, dont l'encours était de 279.225 € au crédit mutuel, 195 000 € aurpès de la bpifrance financement, 84.000 € auprès du crédit maritime et 53 000 € auprès du crédit agricole.
En outre, le protocole prévoyait une caution personnelle et solidaire des sommes dues à la Caisse d'épargne (2 fois 100.000 € au titre de billets de trésorerie consentis aux sociétés Jean L. et Joyaux perles gemmes) et au Crédit agricole (207.000 € et 96.000 € pour la société Joyaux perles gemmes), et la garantie hypothécaire au profit du crédit agricole sur le bien immobilier situé [...] et [...].
Par acte sous signatures privées du 19 novembre 2015, la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre a consenti à la société par actions simplifiée Fleur de Sel Participations un prêt de 285.000 € n°15519 39008 000209697 02, remboursable, après une période de différé d'amortissement de 12 mois (échéances de 1.000,83 € d'intérêts et assurances), en 48 échéances de 6.428,66 €. Ce prêt était garanti, outre divers nantissements, par un cautionnement solidaire de M. Eugène H. dans la limite de 285.000 € joint à l'acte et comportant la mention manuscrite, ce montant couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard pour une durée de 284 mois.
La société Fleur de Sel Participations a été placée en redressement judiciaire le 13 juillet 2016 par le tribunal de commerce de La Roche sur Yon, qui a converti la procédure en liquidation judiciaire par jugement du 7 septembre 2016, Me Thomas H., de la SELARL H., étant désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
La Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne sur Sèvre a déclaré par courrier du 5 août 2016une créance de 291 004,98 € à titre privilégié et 86,12 € à titre chirographaire (pièce 7).
Par courrier recommandé du 29 novembre 2016, la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre a mis M. Eugène H. en demeure de lui payer la somme de 285.000 € au titre de son engagement de caution (pièce 8).
Par acte d'huissier du 8 février 2017, remis à personne, la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre a fait assigner M. Eugène H. devant le tribunal de commerce de La Roche sur Yon aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer cette même somme outre des frais irrépétibles.
Par jugement du 5 mars 2019, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a :
- dit et jugé que le cautionnement de M. Eugène H. d'un montant de 285.000,00 € pris en date du 19 Novembre 2015 était manifestement disproportionné à ses revenus et ses biens à cette date, et également à la date à laquelle la caution a été appelée par la banque.
- dit et jugé que la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre ne peut pas se prévaloir dudit cautionnement de M. Eugène H..
- débouté la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre à payer à M. Eugène H. la somme de 2.000,00 € au titre de l'indemnité article 700 du Code de procédure civile
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre aux entiers dépens et frais de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux de Greffe liquidés à la somme de 66,70 €.
Par déclaration du 9 avril 2019, la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions expressément énoncées dans la déclaration d'appel.
Dans ses conclusions du 20 juin 2019, la banque demande à la cour :
Vu l'article 1134 et suivants du code Civil,
Vu l'article 1154 du code Civil,
Vu l'article 2288 du code Civil,
Vu le prêt et l'acte de caution solidaire et indivisible en date du 19/11/2015
Vu le jugement du 5 mars 2019 rendu par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon.
- réformer en toutes ses dispositions ledit jugement du 5 mars 2019.
- dire et juger la banque recevable et bien fondée en ses prétentions,
En conséquence,
- condamner M. Eugène H. à payer à la CCM Mortagne-sur-Sèvre la somme de 285.000 € conformément à son engagement de caution au titre du prêt n°15519 39008 000209697 02 outre intérêts à compter du 13/01/2017, date du dernier décompte jusqu'à parfait paiement,
- débouter M. H. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- dire et juger que M. H. a manqué à son obligation de bonne foi contractuelle et organisé son insolvabilité,
En conséquence,
- le déclarer irrecevable et mal fondé à rechercher la responsabilité de la concluante.
En tout état de cause,
- allouer à la CCM Mortagne-sur-Sèvre l'entier bénéfice de son exploit introductif,
- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date du présent exploit,
- condamner M. Eugène H. à payer à la CCM Mortagne-sur-Sèvre la somme de 3.500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel et 2.000€ au titre du jugement de 1 ère instance.
- dire que dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l' exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier en application du décret du 10 mai 2007 n°2007-774 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers) devront être supportés par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Le condamner aux entiers dépens de première Instance et d'appel.
En réponse, dans ses conclusions signifiées le 17 septembre 2020, M. Eugène H. demande à la cour de :
Vu l'article L. 332-1 (anciennement L. 341-4) du code de la consommation,
Vu les pièces versées aux débats,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau :
- dire et juger que l'engagement de caution en date du 19 novembre 2015 est manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. H.,
- dire et juger que l'engagement de caution en date du 19 novembre 2015 est inopposable à M. H.,
- débouter le crédit mutuel de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner le crédit mutuel à verser à M. H. la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le crédit mutuel aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 février 2020.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la disproportion de l'engagement de caution
L'article L.341-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, devenu articles L.332-1 et L.343-4 du même code , dispose qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
En application des précisions apportées par la jurisprudence quant aux conditions de mise en oeuvre de l'article susvisé, la disproportion s'apprécie, lors de la conclusion du contrat de cautionnement, en fonction de tous les éléments du patrimoine de la caution, actifs comme passifs, en prenant en considération l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution (qui ne peuvent être écartés au seul motif qu'il s'agirait de dettes éventuelles), et l'actif constitué par les parts sociales et la créance inscrite en compte courant d'associé dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée, en incluant les perspectives de développement de l'entreprise, mais pas au regard des revenus escomptés de l'obligation garantie. Pour l'appréciation du patrimoine, le créancier peut se contenter de la déclaration effectuée dont il n'est pas tenu de vérifier l'exactitude en l'absence d'anomalies apparentes (notamment d'incohérence décelable par un professionnel du crédit normalement diligent), mais en incluant les éléments même non mentionnés dans la fiche dont elle avait connaissance ou qu'elle ne pouvait ignorer. En outre, la disproportion du cautionnement s'apprécie en prenant en considération l'endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs.
La disproportion du cautionnement aux biens et revenus de la caution suppose que cette dernière se trouve, lorsqu'elle s'engage, dans l'impossibilité manifeste de faire face à son obligation avec ses biens et revenus, la jurisprudence considère qu'il y a disproportion manifeste dès lors que l'engagement de la caution, même modeste, est de nature à la priver du minimum vital nécessaire à ses besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge.
La charge de la preuve du caractère disproportionné du cautionnement au moment de sa souscription pèse sur la caution. Le créancier professionnel n'est donc pas tenu, par les dispositions susvisées, de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement.
Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, soit au jour où la caution est assignée, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation. La capacité de la caution à faire face à son engagement au moment où elle est appelée au sens de ce texte s'apprécie au regard de l'ensemble des éléments d'actif et de passif composant son patrimoine, en retenant le montant du cautionnement effectivement appelé et ne peut résulter de la seule existence de liquidités d'un montant supérieur à la somme due au titre de cet engagement.
En l'espèce, il appartient à M. H. qui prétend que le cautionnement serait disproportionné d'en rapporter la preuve.
La fiche patrimoniale du 8 août 2015 pièce n°4 comportant l'attestation de sincérité de M. H. mentionne :
- 4.500 € de salaires mensuels et 40.000 € annuels de dividendes ACE, soit un total de 84.000 € ;
- un crédit de 300.000 € en cours au CMO pour une charge annuelle de .100 € et un capital restant dû de 292.000 € ;
- un cautionnement SOFIMM de 270.000 €
- un bien immobilier à Paris d'une valeur de 600.000 € (sur lequel porte le passif résiduel de 292.000 €)
- un patrimoine financier de 560.000 € (titres de foncières et fonds de participation ACE ).
Cette fiche a en outre été complétée le 20 novembre 2015 (pièce n°5), le capital restant dû du prêt étant fixé à 275.000 € (pour une charge annuelle de 60.000€), les ressources salariales portées à 48 000 € annuels (soit un total de 88 000 €), et une caution de 300.000 € auprès du crédit agricole ajoutée (celle auprès du crédit mutuel étant mentionnée pour 275.000 €).
Il est ainsi établi que seuls deux cautionnements pour 275.000 € et 300.000 € ont été déclarés sans que M H., caution, ne mentionne sur les deux fiches patrimoniales produites, les autres garanties qu'il aurait consenties, notamment dans le cadre de l'accord de conciliation, alors, comme le rappelle la banque, que cet accord était intervenu plus de deux mois avant le cautionnement,
Pour autant, si la Caisse de Crédit Mutuel est fondée à rappeler qu'elle n'est pas tenue d'un pouvoir d'investigation sur les éléments de la fiche patrimoniale, l'omission de déclaration ne fait pas obstacle à l'intégration dans l'appréciation du patrimoine de M. H., des engagements, même non mentionnés dans la déclaration de patrimoine, dont la banque avait ou aurait dû avoir connaissance, sans qu'elle puisse opposer la mauvaise foi du débiteur, ni son caractère averti.
Or, l'appelante avait nécessairement connaissance des termes du protocole de conciliation établi le 14 septembre 2015, auquel elle était partie, et qui mentionnait une caution personnelle et solidaire des sommes dues à la Caisse d'épargne (2 fois 100.000 € au titre de billets de trésorerie consentis aux sociétés Jean L. et Joyaux Perles Gemmes) et au Crédit agricole (207.000€ et 96.000 € pour la société Joyaux Perles Gemmes), outre la garantie hypothécaire au profit du crédit agricole sur le bien immobilier situé [...] et [...].
Ces garanties peuvent donc, comme le soutient l'intimé, être intégrées dans l'évaluation du patrimoine de la caution sous réserve que celle-ci établisse leur souscription effective et leur caractère antérieur au 19 novembre 2015, date de l'engagement et date d'appréciation de l'éventuelle disproportion de celui-ci.
Tel est le cas des deux billets de trésorerie avalisés par M. H. auprès de la Caisse d'épargne, certes non produits aux débats, mais dont la réalité, qui peut être établie par tout moyen par la caution, est démontrée par la réponse du 18 juin 2015 de cette banque au courriel de Me C. du 18 juin 2015 produit en pièce n°7, mentionnant que les deux billets étaient à cette date en impayé, et par les mentions de la requête jointe au protocole (page 6).
En outre, l'aval donné par M. H. sur les deux billets de 150.000 € (billet de trésorerie de décembre 2014) et 200.000 € (CREDOC d'avril 2015) auprès de la Banque Palatine, expressément mentionné dans la requête jointe au protocole, était également, de ce fait, connu de la banque et antérieur au cautionnement.
Concernant l'ensemble de ces billets, l'appelante soutient à tort que ceux-ci apparaissaient dans la colonne « déjà remboursé » du protocole, ces termes, situés dans la deuxième case de la colonne « restant dû », étant nécessairement afférents à l'engagement auprès du crédit agricole.
En revanche, les courriels versés aux débats en pièces n°9 à 14 n'établissent pas la constitution effective antérieure au 19 novembre 2015 de garanties auprès des établissements bancaires qui en sont les auteurs, le contenu de ces courriels évoquant simplement la nécessité de leur constitution future.
M. H. établit certes l'existence de deux autres cautions solidaires souscrites le 21 octobre 2015 au profit de GE Factofrance concernant les engagements des sociétés Jean L. et Joyaux Perles Gemmes pour 5 ans (pièces 20-21-22), soit une date antérieure à celle du cautionnement ; toutefois, ces cautionnements ne sont mentionnés ni dans la déclaration de patrimoine ni dans le protocole susvisé et ne peuvent donc être retenus, au regard de leur dissimulation par la caution et de l'absence de connaissance par la banque de cet engagement.
De le même façon, l'emprunt de trésorerie de 150.000 € consenti par la Caisse d'épargne le 23 octobre 2014 remboursable après préfinancement de 12 mois et différé d'amortissement de 6 mois (échéances de 546,25 € d'intérêts et assurances) en 60 échéances de 2.811,60 € assurance incluse (pièces 26-27), non mentionné dans la déclaration de patrimoine et le protocole de conciliation, ne peut être intégré dans cette évaluation.
Au vu des ces éléments, la situation patrimoniale de M. H. lors de la souscription du cautionnement peut être évaluée comme suit :
- revenus annuels de 88.000 €, et charges annuelles d'emprunts de 60.000 €, soit un revenu net de 28.000 € ;
- actif patrimonial de 1.160.000 € et prêts en cours à titre personnel pour 275.000 €, soit un patrimoine net de prêts de 885.000 €,
- engagements de caution et aval pour 1.125.000 € (soit 300.000 € au Crédit agricole - qui ne peut être cumulé avec l'hypothèque conventionnelle stipulée dans le même acte concernant le même montant et en garantie de la même dette - et 275.000 € auprès du Crédit mutuel Océan mentionnés dans la fiche patrimoniale, 200.000 € d'engagements auprès de la Caisse d'épargne, et 350.000 € d'engagements auprès de la Banque Palatine), soit en incluant le cautionnement litigieux pour 285.000 €, un total de 1.410.000 €, qui doit être retenu intégralement sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils ont été effectivement mobilisés.
Dès lors, à la date de l'engagement, ni le patrimoine net, ni les ressources nettes, ne permettaient à M. H. de faire face à l'ensemble des engagements sans le priver du minimum vital nécessaire à ses besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge.
Dès lors, l'intimé rapporte la preuve de ce qu'à sa date de souscription, le cautionnement était manifestement disproportionné à ses charges et revenus.
Il appartient dès lors à la Caisse de Crédit Mutuel appelante qui entend se prévaloir de cet engagement, de démontrer qu'à la date de l'assignation du 8 février 2017, le patrimoine de la caution, net des dettes existantes et y compris postérieures au cautionnement, permettait de faire face à cette obligation.
Cette charge de la preuve impose à la banque de démontrer ses allégations quant à l'existence d'autres ressources ou d'un patrimoine financier ; la banque n'est donc pas fondée à reprocher à la caution de ne pas prouver l'absence d'autres revenus que ses pensions de retraite, ou encore la perte de valeur de titres financiers évalués à 560.000 €. Dès lors, les revenus justifiés par M. H. sur l'année 2016 (dernière déclaration de revenus antérieure à la date de l'assignation), à hauteur de 49.687 € de ressources personnelles et 27.738 € de ressources de son épouse, outre 831 € de revenus de valeurs mobilières (pièce 32), représentant des ressources totales de 78.256 € annuels. La valeur correspondant aux parts sociales de la société ACE sera également évaluée, (comme le retient d'ailleurs l'intimé en page 19 de ses conclusions), à la valeur de 400.000 €, soit le prix de vente par acte du 14 avril 2017 à la société Thim Immo des bâtiments industriels et de la parcelle de lotissement dont elle était propriétaire. Il n'est en outre pas contesté que M. H. est propriétaire d'un bien immobilier d'une valeur de 600.000 €, soit un patrimoine hors endettement de 1.000.000€.
La banque est fondée à se prévaloir de la réduction du passif du prêt portant sur ce bien immobilier déclaré pour 275.000 € annuels en 2015 des deux annuités déclarées de 61.500 €, soit une somme de 153.500 €.
La banque soutient à tort que les sommes dues à la Banque Palatine au titre de l'aval consenti à la Banque Palatine ne sont pas exigibles du fait de la suspension des poursuites inhérente à la procédure collective, dès lors qu'au contraire, M. H. démontre avoir été assigné par la Banque Palatine le 22 août 2016 en paiement de la somme de 70.400 € au titre de l'aval d'un billet à ordre et condamné au paiement de cette somme outre 2.500 € d'article 700 du code de procédure civile par jugement du 28 mai 2019, soit une somme totale de 72.900 € qui était déjà exigible à la date de l'assignation introductive d'instance et sera intégrée au passif.
M. H. démontre en outre être engagé au titre des cautionnements suivants (qui ne peuvent être pris en compte que pour le montant pour lequel la caution a effectivement été appelée, s'agissant de sa capacité à régler les sommes demandées) :
- de la caution solidaire le 1er mars 2016 à hauteur de 196.950 € d'un prêt de 303.000 € consenti par le crédit agricole à la société Fleur de Sel Participations (pièce 16), mais dans le cadre de laquelle il ne démontre pas avoir été appelé, de sorte que ces sommes ne peuvent être portées au passif ;
- de la caution solidaire le 24 mai 2016 dans la limite de la somme de 96.400 € des engagements de la société Joyaux Perles Gemmes auprès de la banque HSBC (pièce 17), au titre de laquelle il a été mis en demeure de régler la somme de 82.830,55 € le 15 septembre 2016, somme qui était donc entrée au passif de son patrimoine à la date de l'assignation.
- et des cautionnements de 300.000 € auprès de GE Capital Factofrance du 21 octobre 2015 auprès de GE Capital Factofrance (pièces 21 à 23), mais pour lesquels il n'a pas été actionné, mais simplement informé du montant de l'encours (pièce n°33), de sorte que ce passif ne peut être inclus dans l'appréciation de sa capacité à régler son engagement à la date à laquelle il est appelé.
Il n'est pas établi que les cautionnements antérieurs (300.000 € au Crédit agricole, 275.000 € auprès du Crédit mutuel Océan mentionnés dans la fiche patrimoniale, et 200.000 € d'engagements auprès de la Caisse d'épargne), aient effectivement été appelés.
Enfin, il est établi que M. H. est engagé au titre d'un emprunt souscrit le 23 octobre 2014 pour 150.495 €, sur lequel selon le tableau d'amortissement, le capital restant dû s'élevait à 71.168,81 € en janvier 2018, montant que M. H. conclut être celui qui doit être retenu dans le cadre de l'appréciation de sa capacité de règlement. Si la banque soutient qu'il n'est pas démontré qu'elle avait connaissance du prêt à la Caisse d'Epargne, cette connaissance est indifférente, puisqu'il lui appartient au contraire de démontrer la capacité de paiement de M. H.. De même, le fait que l'exigibilité anticipée n'ait pas été prononcée n'a aucune incidence dès lors que la réalité de ce passif même non exigible est certaine et non simplement éventuelle.
Le passif retenu à la date à laquelle la caution a été appelée était donc de 379.949,36 €.
Il en résulte que l'actif net de 620.050,64 € (différence entre l'actif de 1.000.000 € et le passif appelé ou certain de 379.949,36 €), est bien supérieur à l'engagement de caution de 285.000 €, de sorte que M. H., qui dispose de ressources personnelles à hauteur de 49.687 € lui permettant de faire face aux charges courantes, est en mesure, selon l'appréciation de sa situation à la date du 8 février 2017, de régler les sommes dues sans être privé du nécessaire vital.
Dès lors, la banque est fondée à se prévaloir du cautionnement en cause ; le jugement de première instance sera donc infirmé sur ce point.
Sur la demande en paiement
Selon l'article 2288 du code civil, celui qui se rend caution d'une obligation se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n'y satisfait pas lui-même. L'article 2298 du même code précise que la caution n'est obligée envers le créancier à le payer qu'à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n'ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu'elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l'effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires.
En l'espèce, il résulte du décompte produit en pièce n°9 qu'à la date du 5 août 2016, la somme de 280.000 € en capital restait due par la société cautionnée sur l'engagement garanti, outre 5.004,15 € d'échéances échues non réglées, et 14.550,25 € d'indemnité de recouvrement de 5 % stipulée en page 14 du contrat.
La somme de 305.555,23 € restant due (et portée, compte tenu des intérêts échus au taux contractuel de 3,950 % du 6 août 2016 au 13 janvier 2017, à 310.520,87 € au 13 janvier 2017), excédant le montant de la somme garantie, l'appelante est fondée à obtenir la condamnation de l'intimé à lui payer la somme de 285.000 €, couvrant, selon les stipulations contractuelles, le paiement du principal, des intérêts et frais de recouvrement.
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 13 décembre 2016, en application de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil (le taux contractuel du contrat principal ne pouvant être appliqué dès lors que le plafond de garantie incluait le montant dû au titre desdits intérêts).
La société appelante est en outre fondée à solliciter la capitalisation des intérêts échus pour une année entière.
Sur la demande au titre du droit proportionnel à la charge du créancier
L'article L.111-8 du code des procédures civiles d' exécution , anciennement article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 dispose qu'à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l' exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés; les contestations sont tranchées par le juge de l' exécution .
Selon l'article L.141-6 du code de la consommation, issu de la loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010, devenu article R.631-4 du même code , lors du prononcé d'une condamnation, le juge peut, même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d' exécution , anciennement article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d' exécution .
Il y a lieu à titre liminaire de rappeler que l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996, tel que modifié par le décret n°2001-212 du 8 mars 2001 et le décret n°2008-484 du 22 mai 2008, a été abrogé par Décret 2016-230 du 26 février 2016, art. 10-6°, mais un droit proportionnel de même nature a été institué à l'article A 444-32, 2° du code de commerce.
En l'espèce, en l'absence d'application de l'article R.631-4 du code de la consommation, eu égard à la qualité des parties et à l'absence de succombance d'un professionnel dans un litige l'opposant au consommateur, le droit d'encaissement prévu par ces articles est à la charge du créancier, de sorte que rien ne justifie d'en faire supporter le coût par le débiteur en cas d' exécution forcée sur laquelle la cour n'a pas à se prononcer.
Il n'y a donc pas lieu de mettre cette somme à la charge de la caution.
* * * * * *
M. Eugène H. qui succombe en toutes ses prétentions sera condamné aux entiers dépens de l'instance, par infirmation du jugement entrepris pour ceux de première instance. Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'appelante la charge des frais de première instance et d'appel non compris dans ceux-ci ; M. Eugène H., dont la demande sur ce fondement sera rejetée (en infirmant le jugement de première instance sur ce point), sera donc condamné à lui payer une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement prononcé 5 mars 2019 par le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon en ce qu'il a :
- dit et jugé que la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre ne peut pas se prévaloir dudit cautionnement de M. Eugène H..
- débouté la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre à payer à M. Eugène H. la somme de 2.000,00 € au titre de l'indemnité article 700 du Code de procédure civile
- condamné la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre aux entiers dépens et frais de l'instance, dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents et notamment ceux de Greffe liquidés à la somme de 66,70 €.
Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant ;
- Dit que le patrimoine de M. Eugène H., au moment où celui-ci a été appelé, lui permet de faire face à son obligation au titre du cautionnement du 19 novembre 2015 ;
- Condamne M. Eugène H., en sa qualité de caution de la société Fleur de Sel Participations, à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre la somme de 285.000 € (deux cent quatre-vingt-cinq milles €) avec intérêts au taux légal à compter du 13 décembre 2016,
- Ordonne la capitalisation annuelle des intérêts échus pour une année entière, conformément à l'article 1343-2 du code civil,
- Condamne M. Eugène H. à payer à la Caisse de Crédit Mutuel de Mortagne-sur-Sèvre la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Rejette la demande de M. Eugène H. sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu de mettre à la charge du débiteur les frais de recouvrement de l'article A.444-32 du code des procédures civiles d’exécution ;
- Condamne M. Eugène H. aux entiers dépens de première instance et d'appel.