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Décisions

CA Poitiers, 2e ch. civ., 16 mars 2021, n° 19/03405

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Banque Populaire Grand Ouest (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Franco

Conseillers :

Mme Brieu, M. Chiron

T. com. La Roche-sur-Yon, du 27 août 201…

27 août 2019

OBJET DU LITIGE

Le président du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a désigné selon ordonnance du 11 janvier 2020, Me P. en qualité de mandataire ad'hoc des sociétés Ateliers M., JBM industrie et Sovetol industrie, puis a par trois ordonnances du 17 mai 2020, ouvert une procédure de conciliation dans l'intérêt de ces trois sociétés.

Par jugement du 21 mai 2010, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a homologué un accord de conciliation intervenu le 19 mai 2010, aux termes duquel la banque populaire s'engageait à accorder un crédit moyen terme de 100 000 euros (dans le cadre d'un financement global de 250 000 euros dont 150 000 euros pour le crédit mutuel) avec garantie Oséo de 70 %, caution solidaire de M. Jean-Bernard M. et de la société Groupe M. international à hauteur de 100 % de l'encours durant la période de carence d'Oséo ramenée à 30 % de l'encours ensuite, nantissement pari passu du fonds de commerce dont est propriétaire la société Sovetol industrie, et privilège de l'article L.611-11 du code de commerce.

Le prêt a été matérialisé par offre du 30 août 2010, pour un montant de 100 000 euros, au taux de 3,7273 % sur 60 mois, amortissable en 4 échéances trimestrielles de 931,83 euros et 16 échéances trimestrielles de 6 756,51 euros. Le nantissement du fonds de commerce a été inscrit au greffe du tribunal de commerce le 7 septembre 2010.

La SARL Groupe M. International et M. Jean-Bernard M. se sont portés caution de cet engagement selon actes du 26 août 2010, à hauteur, concernant la première, de 70 % dans la limite de 70 000 euros dans un premier acte et 30 % dans la limite de 30 000 euros dans un deuxième acte, et concernant le second, de 30 % dans la limite de 30 000 euros, en principal majoré de tous intérêts, agios, commissions, frais et accessoires.

Cet accord a été modifié par avenant du 12 janvier 2010 (en réalité 2011), dans lequel la Banque populaire a consenti à libérer au profit de la société Sovetol industrie une seconde tranche de financement de 50 000 euros, avec les mêmes garanties. Cet avenant a été homologué par jugement du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon du 19 janvier 2011.

Par jugement du 14 juin 2012, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a ouvert une procédure de redressement judiciaire concernant la société Sovetol industries.

La banque a rappelé par courriers des 7 août 2012 distribués les 9 et 10 août 2012, à M. Jean-Bernard M. et à la société Groupe M. International leur engagement de caution, qu'elle les a invités à régler à hauteur d'une somme de 25 497,69 euros représentant 30 % de l'encours.

Le plan de redressement a été adopté par jugement du 18 décembre 2013 ; en l'absence de paiement des dividendes, la banque a mis en demeure les cautions en demeure de régler les sommes dues au titre de leur engagement par courriers du 7 septembre 2015 de régler une somme de 28 314,06 euros sous huitaine.

Le plan a fait l'objet d'une résolution par jugement du même tribunal du 4 mai 2016 qui a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné Me Marcel P. en qualité de liquidateur.

La Banque populaire a déclaré par courrier du 22 juin 2016 une créance de 93 080,01 euros à titre privilégié, et mis les cautions en demeure, par courriers du même jour, de régler la somme de 28 665,72 euros avant le 10 juillet 2016.

La procédure collective a été clôturée pour insuffisance d'actif le 7 mars 2018.

Par acte d'huissier en date du 19 septembre 2017, la Banque populaire Atlantique, a fait assigner M. Jean-Bernard M., devant le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon la somme de 28.665,72 €, outre intérêts, frais, indemnités et assurances à compter du 22 Juin 2016, date du dernier décompte, au titre de son engagement de caution solidaire au profit de la Société Sovetol industrie en vertu du prêt n° 7036240, outre la somme de 2.000,00 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a par jugement n°2017006094 du 27 août 2019 :

Vu les articles 2288 et 1314 du code civil,

Vu l'article L.313-22 du code monétaire et financier,

Vu les articles 695 et 700 du code de procédure civile,

Vu les articles L.611-11 et L.626-27du code de commerce,

- pris acte de ce que la Banque populaire Grand ouest est la nouvelle dénomination de la Banque populaire Atlantique sans changement de la personnalité juridique de cette dernière.

- dit n'y avoir lieu à la jonction entre la présente instance et celle enregistrée sous le numéro 2018000426, engagée par la banque contre la Société Groupe M. International.

- dit et jugé la Banque populaire Grand ouest recevable et pour partie bien fondée en ses prétentions.

- dit et jugé que M. Jean-Bernard M. n'a pas subi de préjudice résultant du défaut de déclaration de créance au titre du privilège de conciliation.

- débouté M. Jean-Bernard M. de toutes ses demandes, excepté s'agissant de ses prétentions relatives au défaut d'information annuelle de la caution.

- condamné M. Jean-Bernard M. à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 22.433,86 €, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 22 Juin 2016, et ce, jusqu'à complet paiement, au titre de son engagement de caution solidaire au profit de la société Sovetol industrie, pour le prêt n° 7036240.

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la présente décision dès lors qu'ils seront dus pour une année entière.

- dit n'y avoir lieu à l' exécution provisoire du présent jugement, ni à l' exécution forcée.

- condamné M. Jean-Bernard M. à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 1.000,00 € sur le fondement de l'Article 700 du code de procédure civile.

- l'a condamné aux entiers dépens et frais de l'instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux de Greffe liquidés à la somme de 66,70 €

M. Jean-Bernard M. a par déclaration du 16 octobre 2019 relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a pris acte de ce que la Banque populaire Grand ouest est la nouvelle dénomination de la Banque populaire Atlantique sans changement de la personnalité juridique de cette dernière.

Cet appel a été enregistré sous le numéro de répertoire général 19-03405.

Parallellèlement, par une assignation en date du 12 janvier 2018, la Banque populaire Grand ouest, venant aux droits de la Banque populaire Atlantique, a attrait devant la même juridiction la société Groupe M. International, aux fins d'obtenir sa condamnation la somme de 30.304,20 € ainsi que 2.000,00 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un jugement n° 2018000426 également prononcé le 27 août 2019, le tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon a :

Vu les articles 2288 et 1314 du code civil,

Vu l'article L.313-22 du code monétaire et financier,

Vu les articles 695 et 700 du code de procédure civile,

Vu les articles L.611-11 et L.626-27 du code de commerce,

- pris acte de ce que la Banque populaire Grand ouest est la nouvelle dénomination de la Banque populaire Atlantique sans changement de la personnalité juridique de cette dernière.

- dit n'y avoir lieu à la jonction entre la présente instance et celle enregistrée sous le numéro 2017006094, engagée par la banque contre M. Jean-Bernard M..

- dit et jugé la Banque populaire Grand ouest recevable et pour partie bien fondée en ses prétentions.

- dit et jugé que la Société Groupe M. International n'a pas subi de préjudice résultant du défaut de déclaration de créance au titre du privilège de conciliation.

- débouté la Société Groupe M. International de toutes ses demandes, excepté s'agissant de ses prétentions relatives au défaut d'information annuelle de la caution.

- condamné la Société Groupe M. International à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 22.433,86 €, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, et ce, jusqu'à complet paiement au titre de son engagement de caution solidaire au profit de la Société Sovetol industrie, pour le prêt n° 7036240.

- ordonné la capitalisation des intérêts à compter de la présente décision dès lors qu'ils seront dus pour une année entière.

- dit n'y avoir lieu à l' exécution provisoire du jugement, ni à l' exécution forcée.

- condamné la Société Groupe M. International à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 1.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- l'a condamné aux entiers dépens et frais de l'instance dans lesquels seront compris les frais et taxes y afférents, et notamment ceux de Greffe liquidés à la somme de 66,70 €.

M. Jean-Bernard M. a également par déclaration du 16 octobre 2019 relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a pris acte de ce que la Banque populaire Grand ouest est la nouvelle dénomination de la Banque populaire Atlantique sans changement de la personnalité juridique de cette dernière.

Cet appel a été enregistré sous le numéro de répertoire général 19-03405.

Par ordonnance du 23 avril 2020, le conseiller de la mise en état a :

- reçu M.Jean-Bernard M. en son incident et y faisant droit :

- ordonné la jonction des instances d'appel enrôlées sous les numéros du Répertoire Général 19-3405 et 19-3406, et dit qu'elles se poursuivront sous le numéro RG 19-3405

- réservé les dépens et les demandes relatives aux frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions du 11 décembre 2020, M. Jean-Bernard M. et la société Groupe M. International formulent les prétentions suivantes :

Vu l'article L341-2 du code de la consommation

Vu l'article 2314 du code civil et l'article L 611-11 du code de commerce

Vu l'article L. 313'22 du code monétaire et financier

Vu l'article 1353 du code civil

- réformer les jugements entrepris et :

- déclarer recevable la demande de nullité de l'engagement de caution de M. M. ;

- dire et juger nul l'engagement de caution de M. M.

- constater que la Banque populaire du Grand ouest a commis une faute en ne déclarant pas le privilège dit de « new money » empêchant la subrogation de Jean-Bernard M. et de la société Groupe M. International dans les droits de la banque,

- juger que Jean-Bernard M. et la société Groupe M. International sont déchargés de leur engagement de caution et que la Banque populaire du Grand ouest ne peut lui réclamer aucune somme à ce titre,

- en conséquence, débouter la Banque populaire Grand ouest de toutes ses demandes formées contre Jean-Bernard M. et la société Groupe M. International

A titre subsidiaire,

- constater que la Banque populaire Grand ouest n'a pas informé annuellement les cautions

- dire et juger que la Banque populaire Grand ouest est déchue de son droit aux intérêts et pénalités au titre du prêt n°07036240,

- dire et juger que la Banque ne peut prétendre à une somme supérieure à 22.433,81 €, l'engagement de Jean-Bernard M. et de la société Groupe M. International, correspondant au 30% de l'encours au titre du prêt après déchéance du droit aux intérêts, au jour où il est appelé la première fois,

- dire et juger qu'en raison de la déchéance, cette somme ne porte intérêts qu'au taux légal qu'au jour de la mise en demeure de la caution à savoir à compter du 7 août 2012,

En tout état de cause,

- dire et juger que l'engagement de caution de Jean-Bernard M. à hauteur de 30% de l'encours pour le prêt de restructuration professionnel n° 07036240 souscrit par la société Sovetol industrie ne se cumule pas avec le cautionnement de la société Groupe M. International pour le même prêt de telle sorte que toute condamnation de la société Groupe M. International ne pourra être qu'alternative à une condamnation de M. M. et non cumulative,

- condamner la Banque populaire Grand ouest à payer à Jean-Bernard M. et à la société Groupe M. International la somme de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la même aux entiers dépens.

En réponse, par des conclusions du 11 décembre 2020, la Banque populaire Grand Ouest demande à la cour de :

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu l'article 1154 du code civil

Vu l'article 2288 du code civil

Vu les articles 564 et 910-4 du code de procédure civile,

Vu les articles L 626-27 et L 622-17 du code de commerce

Vu les pièces susvisées,

Vu les jugements attaqués du tribunal de commerce de La Roche sur Yon,

- dire la Banque populaire Grand ouest recevable et bien fondée en ses demandes,

- débouter la société M. International et M. Jean-Bernard M. de l'intégralité de leurs demandes, fins et contestations,

- declarer irrecevable la demande de M. M. tendant à la nullité de son engagement de caution,

En conséquence,

A titre principal,

- confirmer le premier jugement attaqué en toutes ses branches sauf en ce qu'il a condamné M. Jean-Bernard M. à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 22.433,86 euros,

Statuer de nouveau sur ce point,

- condamner M. M. Jean-Bernard à payer à la société Banque populaire Grand ouest anciennement dénommée Banque populaire Atlantique, la somme de 23 262,49 € outre intérêts, frais, indemnités et assurances à compter du dernier décompte, au titre de son engagement de caution solidaire au profit de la société Sovetol industrie en vertu du prêt n°7036240 ;

- confirmer le second jugement attaqué en toutes ses branches sauf en ce qu'il a condamné la société Groupe M. International à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 22.433,86 euros,

Statuer de nouveau sur ce point,

- condamner la société Groupe M. International à payer à la société Banque populaire Grand ouest anciennement dénommée Banque populaire Atlantique, la somme de 23 262,49 € outre intérêts, frais, indemnités et assurances à compter du dernier décompte, au titre de son engagement de caution solidaire au profit de la société Sovetol industrie en vertu du prêt n°7036240 ;

A titre subsidiaire,

- confirmer purement et simplement les jugements attaqués,

En tout état de cause,

- condamner in solidum la société M. International et M. Jean- Bernard M. à payer à la société Banque populaire Grand ouest anciennement dénommée Banque populaire Atlantique, en cause d'appel la somme de 5.000,00 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dire que dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l' exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la société M. International et M. Jean- Bernard M. aux entiers dépens de première instance et d'appel sur le fondement des articles 695 et suivants du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du cautionnement consenti par M. Jean-Bernard M.

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 910-4 du même code dispose qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La Banque populaire soutient que la demande de M. M. est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile, s'agissant d'une nouvelle prétention qui n'avait pas été soulevée en première instance, et en application de l'article 910-4 du code de procédure civile dès lors que les premières conclusions du 10 janvier 2020 ne contenaient aucune demande à ce titre.

M. M. soutient certes à bon droit que cette demande qui vise à faire écarter les prétentions adverses peut être présentée pour la première fois en cause d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile ; toutefois, cette prétention qui repose sur l'annulation du cautionnement et non sa seule déchéance est distincte, contrairement à ce qu'il énonce, de celle visant à faire constater la décharge du cautionnement pour perte du bénéfice de subrogation, dès lors qu'elle suppose le prononcé de la nullité de l'acte. Or elle n'a pas été présentée dans les conclusions du 10 janvier 2020 correspondant aux conclusions de l'appelant en application de l'article 908 du code de procédure civile ; cette prétention est irrecevable en application de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Sur la décharge du cautionnement pour perte du bénéfice de subrogation

Selon l'article L.143-5 du code de commerce, le vendeur et le créancier gagiste inscrits sur un fonds de commerce peuvent, même en vertu de titres sous seing privé, faire ordonner la vente du fonds qui constitue leur gage, huit jours après sommation de payer faite au débiteur et au tiers détenteur, s'il y a lieu, demeurée infructueuse.

L'article L.611-11 du code de commerce énonce qu'en cas d'ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, les personnes qui avaient consenti, dans le cadre d'une procédure de conciliation ayant donné lieu à l'accord homologué mentionné au II de l'article L. 611-8, un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité, sont payées, pour le montant de cet apport, par privilège avant toutes les autres créances, selon le rang prévu au II de l'article L. 622-17 et au II de l'article L. 641-13. Les personnes qui fournissent, dans le même cadre , un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité bénéficient du même privilège pour le prix de ce bien ou de ce service.

L'article L.641-13, II du même code prévoit que lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, les créances postérieures sont payées par privilège avant toutes les autres créances, sans préjudice des droits de rétention opposables à la procédure collective, à l'exception de celles qui sont garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure, de celles qui sont garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du présent code et de celles qui sont garanties par des sûretés immobilières.

L'article L.643-2 du code de commerce dispose que les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque et le Trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances même s'ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire.

L'article 2314 du code civil énonce que la caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite.

Selon ce texte, la caution, peu important que son engagement soit simple ou solidaire, est fondée à invoquer l'article 2314 du code civil, sous réserve qu'elle dispose d'un recours subrogatoire. Il appartient à la caution de démontrer qu'elle ne peut pas, par le fait du créancier, être subrogée dans un droit préférentiel de celui-ci, mais c'est au créancier de prouver que la perte du droit préférentiel dont se plaint la caution n'a causé aucun préjudice à celle-ci. La caution n'est déchargée que dans la mesure du préjudice qu'elle subit.

Si la caution est déchargée de son obligation, lorsque la subrogation dans un droit préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement de sa créance ne peut plus, par le fait de celui-ci, s'opérer en faveur de la caution, pareil effet ne se produit que si cette dernière avait pu tirer un avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible de lui être transmis par subrogation. Ainsi, une caution peut être déchargée de ses engagements à défaut pour le créancier fautif d'établir que la subrogation n'aurait apporté aucun avantage à la caution.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le prêt du 30 août 2010, pour un montant de 100 000 euros, constituait un nouvel apport en trésorerie au débiteur en vue d'assurer la poursuite d'activité de l'entreprise et sa pérennité, dans le cadre d'une procédure de conciliation ayant donné lieu à l'accord intervenu le 19 mai 2010 et homologué par jugement du 21 mai 2010, correspondant à l'accord visé au II de l'article L. 611-8, un accord de conciliation ; ce prêt bénéficiait donc (comme le mentionne l'accord de conciliation) du privilège de l'article L.611-11 du code de commerce.

Les appelants considèrent que la banque a commis une faute en ne déclarant pas ce privilège lors de sa déclaration au passif de la société Sovetol industries. Il est en effet constant que la déclaration de créance du 22 juin 2016 produite en pièce n°5 ne faisait état que d'un nantissement. Sur ce point, c'est à tort que la banque prétend qu'elle n'était pas tenue de procéder à une déclaration de son privilège, au motif que le créancier titulaire du privilège de conciliation serait dispensé de cette formalité comme créancier postérieur en application de l'article L.626-27 du code de commerce, dès lors que le texte de l'article L.611-11 du code de commerce ne fait référence qu'au rang de l'article L.622-17, II et de l'article L.641-13 du code de commerce et n'assimile pas ces créances à des créances postérieures ; il appartenait ainsi à la banque, pour s'en prévaloir, de déclarer ce privilège conformément à l'article L.622-25 du code de commerce, comme tout privilège concernant une créance antérieure. Ainsi, cette faute entraînant la perte d'un droit préférentiel au sens de l'article 2314 du code civil est caractérisée.

Les appelants exposent subir un préjudice dès lors que les créances superprivilégiées ont, compte tenu de la clôture pour insuffisance d'actif, absorbé quasiment tout l'actif de la société cautionné, et que la banque ne rapporterait pas la preuve qui lui incombe, de ce qu'aucune distribution n'aurait pu être effectuée à son profit. Toutefois, la banque, qui supporte effectivement cette charge, démontre par la production en pièce n°21du compte-rendu de fin de mission du liquidateur, que la créance superprivilégiée des articles L. 3253-2 et L.3253-4 du code de commerce (privilège de l'assurance de garantie des salaire) qui prime le privilège de l'article L.611-11 du code de commerce, a été admise pour un montant de 90 880,77 euros, soit un montant supérieur à l'actif réalisé de 15 090,41 euros hors AGS. Elle démontre ainsi qu'elle n'aurait pu, en cas de déclaration du privilège, tirer aucun avantage effectif du droit d'être admise dans les répartitions et dividendes, susceptible d'être transmis aux cautions par subrogation.

La demande de décharge du cautionnement sur le fondement de l'article 2314 du code civil a justement été rejetée par le jugement querellé.

Sur le montant de la créance de la banque

Sur l'étendue du cautionnement

Selon l'article 2292 du code civil, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

La stipulation d'une solidarité entre cautions ne peut avoir pour effet de les rendre débitrices d'une somme excédant la limite de leur engagement tel qu'il est exprimé dans la mention manuscrite portée sur l'acte.

Les appelants soutiennent que les deux cautionnements ne sont pas cumulatifs et indépendants, dès lors que cela ne correspond ni à l'esprit, ni à la lettre des engagements, puisque l'accord de conciliation a prévu que M. M. et la société Groupe M. se portaient ensemble caution de l'engagement à hauteur de 30 % de l'encours, d'autant que la couverture Oséo couvrait 70 % de sorte que l'engagement serait couvert au total à 130 %, et que les actes mentionnent le terme « caution » au singulier pour viser les deux parties.

La cour relève que si l'accord de conciliation comporte la mention d'une caution solidaire (au singulier) de M. Jean-Bernard M. et de la société Groupe M. International à hauteur de 100 % de l'encours durant la période de carence d'Oséo ramenée à 30 % de l'encours ensuite, cette circonstance ne peut prouver contre les stipulations claires du contrat de cautionnement le caractère alternatif de la garantie accordée. Or, les actes de cautionnement de M. M. et de la SARL Groupe M. International, qui ont été formalisés par deux actes distincts, prévoient chacun expressément au point 5 que l'engagement s'ajoute aux autres cautionnements qui pourraient être recueillis par acte séparé, le contrat de prêt ne mentionnant quant à lui au titre des garanties que le fait que celles-ci seront accordées soit par actes complémentaires (comme en l'espèce), soit par insertion dans le corps du contrat, soit en utilisant ces deux mêmes possibilités, et chacun des cautionnements mentionne expressément la limite de son propre engagement dans la mention manuscrite.

En outre, et même s'il ne peut être tiré aucune conséquence de l'affirmation non étayée de la banque selon laquelle cette hypothèse serait fréquente, le dépassement par l'ensemble des garants de la totalité du montant de l'engagement n'est pas plus de nature à contredire la mention expresse précitée du caractère cumulatif du cautionnement ; la seule conséquence de ce dépassement n'est en effet pas de nature à limiter le montant de l'obligation de couverture des caution, mais le fait que les sommes totales versées par les cofidéjusseurs ne pouvant simplement, lors de l'appel des cautionnements, excéder le montant dû par le débiteur principal.

Le tribunal a ainsi à juste titre retenu le caractère cumulatif des cautionnements.

Sur l'information annuelle des cautions

Selon l'article L.313-22 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige antérieure à celle issue de l'Ordonnance n°2013-544 du 27 juin 2013, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.

Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

En application de ce texte, il incombe à l'établissement de crédit de démontrer par tous moyens qu'il a effectivement adressé à la caution l'information requise mais il n'a pas à établir que celle-ci l'a effectivement reçue ; la facturation de frais d'information de la caution et de son règlement, sans protestation, des relevés de situations informatiques ainsi qu'une lettre à laquelle est annexé un décompte détaillé des sommes dues à sa date ou encore la seule production de la copie d'une lettre ne suffit pas à justifier de son envoi et du respect, par l'établissement de crédit, de son obligation vis-à-vis de la caution. En revanche, dans son pouvoir souverain d'appréciation, une cour d'appel peut retenir que cette obligation est respectée par la production des copies de ces lettres ainsi que les procès-verbaux d'huissier de justice attestant globalement des envois annuels. L'obligation d'information prévue par ce texte doit être respectée, même lorsque le cautionnement a été souscrit par un dirigeant de l'entreprise cautionnée qui en connaissait exactement la situation. Cette information, qui doit être complète ' et porter y compris sur la faculté de révocation de son engagement - doit être donnée jusqu'à l'extinction de l'obligation garantie par le cautionnement. En outre, la déchéance du droit aux intérêts ne vaut que pour les intérêts conventionnels, et non pour les intérêts au taux légal.

Les cautions font valoir sur le fondement de l'article L.313-22 du code monétaire et financier que la la banque qui ne justifie pas d'une information annuelle conforme à ce texte jusqu'à l'extinction de la dette, alors qu'il appartient de le prouver, est déchue de son droit aux intérêts. La banque indique justifier des courriers envoyés de 2011 à 2015.

La société intimée démontre que des lettres d'information en date des 3 mars 2011 et 27 février 2012 ont été adressées à M. Jean-Bernard M. de façon effective, comme le démontrent les trois constats d'huissier relatant l'envoi groupé des lettres d'information par le mandataire du prêteur accompagnés d'un contrôle de réalité de l'envoi par sondages. Si elle ne démontre pas l'envoi du courrier du 14 mars 2013, elle prouve en revanche l'envoi de celles du 17 mars 2014 et du 20 mars 2015 par production de l'accusé de réception. Elle ne justifie pas d'une information de la société Groupe M. sur les années 2011 et 2012, faute de tout courrier produit aux débats, mais en revanche établit avoir envoyé des courriers les 14 mars 2013, 17 mars 2014 et 20 mars 2015.

Toutefois, aucun de ces courriers ne mentionne la date exacte du terme de l'engagement, qui comme le relève le juge de première instance était fixée 84 mois après l'engagement de caution soit le 26 août 2017, et non le 13 octobre 2017 comme mentionné sur les courriers du 3 mars 2011 et 9 mars 2012 (les autres courriers ne mentionnant aucune date de terme).

Dès lors à défaut de preuve d'une information conforme aux dispositions de l'article L.313-22 du code monétaire et financier, la banque a justement été déchue par les jugements entrepris de son droit aux intérêts dès la date du contrat de prêt soit le 30 août 2010.

Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.

Il résulte de la confrontation du tableau d'amortissement joint au prêt et de la déclaration de créance qui ne comporte la mention d'aucun impayé avant ouverture de la procédure de redressement que les échéances jusqu'au 1er juin 2012 ont intégralement été réglées, soit une somme de 6374,54 euros au titre des intérêts qui est réputée, dans les rapports entre le créancier et les cautions, affectée au règlement du principal de 100 000 euros.

En outre, les appelants font valoir à bon droit qu'un encaissement de la somme de 1 257,82 euros a été imputé par la banque dans son décompte du 22 juin 2016, versement qui doit également être imputé sur le principal.

Il en résulte que dans les rapports avec les cautions, la somme due était de 74 779,38 euros (soit la somme due en principal à la date d'ouverture de la procédure dont ont été déduits les intérêts versés par le débiteur principal pour 6374,54 euros, s'imputant sur le capital ainsi que le versement postérieur au jugement d'ouverture de 1257,82 euros)

Dès lors, le montant dû par chacune des cautions qui n'était engagée que dans la limite de 30 % de l'encours restant dû s'élève à 30 % de cette somme, soit la somme de 22 433,81 euros comme le retiennent à bon droit les appelants.

Chacune des cautions sera donc par infirmation des jugement entrepris condamné à payer cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2012 concernant M. M. et du 9 août 2012 concernant la SARL Groupe M. International, soit à compter de la date de distribution des mises en demeure conformément à l'article 1153 ancien du code civil, devenu 1231-6 du même code.

La capitalisation des intérêts dus pour une année entière sollicitée par la banque a été justement ordonnée par le premier juge en application de l'article 1154 du même code.

Sur la demande au titre du droit proportionnel à la charge du créancier

L'article L.111-8 du code des procédures civiles d' exécution , anciennement article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 dispose qu'à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l' exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés; les contestations sont tranchées par le juge de l' exécution .

Selon l'article L.141-6 du code de la consommation, issu de la loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010, devenu article R.631-4 du même code , lors du prononcé d'une condamnation, le juge peut, même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d' exécution , anciennement article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d' exécution .

En l'espèce, en l'absence d'application de l'article R.631-4 du code de la consommation, eu égard à la qualité des parties et à l'absence de succombance d'un professionnel dans un litige l'opposant au consommateur, le droit d'encaissement prévu par ces articles est à la charge du créancier, de sorte que rien ne justifie d'en faire supporter le coût par le débiteur en cas d’exécution forcée sur laquelle la cour n'a pas à se prononcer.

Il n'y a donc pas lieu de mettre cette somme à la charge des cautions.

Les appelants sont les principales parties perdantes en appel dès lors que leur appel n'aboutit qu'à une réduction de cinq centimes de la somme due ; ils supporteront donc tant les dépens de première instance mis à leur charge que ceux d'appel outre une indemnité pour frais irrépétibles fixée en appel à la somme globale de 3 000 euros à verser à la banque à laquelle il serait inéquitable de laisser la charge des frais engagés en appel et non compris dans les dépens, outre la somme justement fixée à 1 000 euros chacun en première instance par le premier juge dont la décision sera également confirmée sur ce point.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

- déclare irrecevables les prétentions de M. Bernard M. aux fins de nullité de l'engagement de caution :

Confirme le jugement n°2017006094 du 27 août 2019 du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon en ses dispositions contestées, sauf en ce qu'il a condamné M. Jean-Bernard M. à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 22.433,86 €, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, et ce, jusqu'à complet paiement, au titre de son engagement de caution solidaire au profit de la société Sovetol industrie, pour le prêt n° 7036240.

Statuant à nouveau de ce chef ;

- condamne M. Jean-Bernard M. à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 22.433,81 €, avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2012, au titre de son engagement de caution solidaire au profit de la société Sovetol industrie, pour le prêt n° 7036240.

Confirme le jugement n° 2018000426 du 27 août 2019 du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yonen ses dispositions contestées, sauf en ce qu'il a condamné la société Groupe M. International à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 22.433,86 €, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2016, et ce, jusqu'à complet paiement au titre de son engagement de caution solidaire au profit de la Société Sovetol industrie, pour le prêt n° 7036240.

Statuant à nouveau de ce chef ;

- condamne la société Groupe M. International à payer à la Banque populaire Grand ouest la somme de 22.433,81 €, avec intérêts au taux légal à compter du 10 août 2012, au titre de son engagement de caution solidaire au profit de la société Sovetol industrie, pour le prêt n° 7036240.

Y ajoutant ;

- rappelle que les cautionnements de M. Jean-Bernard M. et de la société Groupe M. International sont cumulatifs et non alternatifs,

- rejette la demande de condamnation à supporter le droit proportionnel de l'article A.444-32 en lieu et place du créancier ;

- condamne in solidum M. Jean-Bernard M. et la société Groupe M. International à payer à la société Banque populaire Grand ouest la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejette la demande de M. Jean-Bernard M. et de la société Groupe M. International sur ce fondement ;

- condamne in solidum M. Jean-Bernard M. et la société Groupe M. International aux dépens de la procédure d'appel.