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Décisions

TRIBUNAL DES CONFLITS, 18 juin 2007, n° 07-03.515

TRIBUNAL DES CONFLITS

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mazars

Rapporteur :

M. Laprade

Avocat général :

M. Duplat

Avocat(s) :

Me Odent, SCP Boulloche, Me Le Prado

TRIBUNAL DES CONFLITS n° 07-03.515

17 juin 2007

Vu l'expédition du jugement en date du 17 novembre 2005 par lequel le tribunal administratif de Melun, saisi par le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis place de la Gare, la SCI Gamma la Varenne, la SCI le Mesnil RER et la société Cendres et Métaux d'une demande tendant à ce que la société SACC Services, la société Quillery, M. Serge Y..., la société SCC, la MAAF, le bureau Veritas et la commune de Saint-Maur soit condamnés solidairement à leur verser diverses indemnités, a renvoyé au Tribunal, par application de l'article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu le jugement du 8 janvier 2002 par lequel le tribunal de grande instance de Créteil s'est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu la lettre par laquelle la commune de Saint-Maur-des-Fossés déclare s'en rapporter à la sagesse du tribunal des conflits ;

Vu le mémoire produit pour la société Quillery, qui conclut à ce que la compétence soit attribuée à la juridiction administrative pour juger ce litige ; il soutient que ce litige procède des conditions d'exécution d'un marché de travaux publics ;

Vu le mémoire produit pour la société MAAF Assurances qui conclut à ce que la compétence soit attribuée à la juridiction judiciaire pour juger ce litige ; il soutient que le propriétaire de l'ouvrage recherche la responsabilité d'un sous-traitant de l'entrepreneur titulaire du marché ou celle de son assureur ; qu'en tout état de cause l'action contre l'assureur, au titre de ses obligations de droit privé, ne peut être portée que devant le juge judiciaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bruno Martin Laprade, membre du Tribunal,
- les observations de Me Odent, avocat de la société Quillery, de la SCP Boulloche, avocat de M. Y..., et de Me Le Prado, avocat de la société MAAF ;
- les conclusions de M. Jacques Duplat, Commissaire du gouvernement ;

 

Considérant que la commune de Saint-Maur-des-Fossés a confié à la société Quillery la construction d'un ensemble immobilier place de la Gare, et a chargé, d'une part, M. Y..., architecte, de la maîtrise d'oeuvre et, d'autre part, le bureau Veritas, du contrôle technique ; qu'après la réception sans réserve de cet immeuble, le 26 septembre 1986, la commune a mis cet ensemble immobilier sous le statut de la copropriété puis en a cédé certaines parties à des personnes privées ; qu'invoquant la responsabilité décennale de l'article 1792 du code civil, le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis place de la Gare, et trois des copropriétaires, la SCI Gamma la Varenne, la SCI le Mesnil RER et la société Cendres et Métaux, ont demandé que la société Quillery, M. Y..., le bureau Veritas, la société SCC, sous-traitant de la société Quillery qui avait réalisé les travaux d'étanchéité et les menuiseries de façade, la MAAF, assureur de la société SCC, ainsi que la ville de Saint-Maur et la société SACC Services, ancien syndic de la dite copropropriété, soient solidairement condamnés à réparer certains désordres apparus en 1993 et à indemniser leurs conséquences dommageables ;

Considérant que la construction par la ville de Saint-Maur, dans un but d'intérêt général, de l'ensemble immobilier sis place de la Gare, au dessus du parking public, a constitué une opération de travaux publics ; que la responsabilité de l'architecte, du bureau d'études et de l'entrepreneur principal, qui ont contracté avec le maître de l'ouvrage pour l'exécution de ces travaux, ainsi que celle du maître de l'ouvrage, ne peuvent être engagées, à l'égard des propriétaires de cet immeuble, en application des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil, que devant la juridiction administrative, seule compétente pour connaître d'une action en responsabilité se rattachant à l'exécution d'un travail public ;

Considérant en revanche qu'aucun contrat n'a été conclu entre la ville de Saint-Maur et la société SCC, laquelle n'a participé à l'exécution des travaux qu'à raison du contrat de droit privé qu'elle a conclu avec la société Quillery ; que par suite, il appartient aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des demandes susanalysées dirigées contre la société SCC, dès lors qu'elles ne recherchent sa responsabilité quasi-délictuelle que sur le seul fondement de fautes qui seraient constituées d'éventuels manquements à ses obligations contractuelles à l'égard de l'entrepreneur principal ; qu'il en va de même pour la demande dirigée contre l'assureur de la société SCC ; que de même encore, le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur l'action en responsabilité engagée par la copropriété de l'immeuble ainsi construit et certains de ses propriétaires tendant à ce que le syndic de cette propriété répare les préjudices causés par ses fautes personnelles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur l'action en responsabilité engagée par la copropriété de l'immeuble et ses trois membres susnommés à l'encontre de la ville de Saint-Maur, de la société Quillery, de M. Serge Y... et du bureau Veritas ; qu'en revanche la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur l'action en responsabilité engagée par les mêmes à l'encontre de la société SCC et de la MAAF, assureur de cette société, ainsi qu'à l'encontre de la société SACC Services, ancien syndic de ladite copropropriété ;

D E C I D E :

Article 1er : La juridiction judiciaire est déclarée compétente pour se prononcer sur l'action en responsabilité engagée par le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis place de la Gare, la SCI Gamma la Varenne, la SCI le Mesnil RER et la société Cendres et Métaux à l'encontre de la société SCC et de la MAAF, assureur de cette société, ainsi qu'à l'encontre de la société SACC Services, ancien syndic de ladite copropriété.

Article 2 : Le jugement du tribunal de grande instance de Créteil en date du 8 janvier 2002 est déclaré nul et non avenu en ce qu'il a de contraire à l'article 1er. La cause et les parties désignées à l'article 1er sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La procédure suivie devant le tribunal administratif de Melun, en tant qu'elle concerne le litige opposant le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis place de la Gare, la SCI Gamma la Varenne, la SCI le Mesnil RER et la société Cendres et Métaux à la société SCC et à la MAAF, assureur de cette dernière société, ainsi qu'à la société SACC Services, ancien syndic de la dite copropriété est déclarée nulle et non avenue à l'exception du jugement rendu le 17 novembre 2005.

Article 4 : La juridiction administrative est déclarée compétente pour se prononcer sur l'action en responsabilité engagée par le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis place de la Gare, la SCI Gamma la Varenne, la SCI le Mesnil RER et la société Cendres et Métaux à l'encontre de la ville de Saint-Maur-des-Fossés, de la société Quillery, du bureau Veritas et de M. Serge Y....

Article 5 : La procédure suivie devant le tribunal de grande instance de Créteil, en tant qu'elle concerne le litige opposant le Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis place de la Gare, la SCI Gamma la Varenne, la SCI le Mesnil RER et la société Cendres et Métaux au bureau Veritas, à la ville de Saint-Maur-des-Fossés, à la société Quillery, et à M. Serge Y... est déclarée nulle et non avenue.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d'en assurer l'exécution.