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Décisions

CA Paris, 3e ch. B, 22 février 1991, n° 90/12664

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Restauration de Moissy Cramayel (Sté)

T. com. Corbeil Essonnes, du 11 juin 199…

11 juin 1990

Faits et procédure

Par jugement du 27 février 1989 le Tribunal de Commerce de Corbeil Essonnes a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL CARIACOU et a désigné Me HOREL comme liquidateur. Le 23 octobre 1989 cette procédure collective a été étendue à la SCI CHANTECOQ.

Le 3 avril 1990, le juge commissaire, M. ANDREOLI a rendu une ordonnance sur le fondement de l'article 156 de la loi du 25 janvier 1985 ordonnant la cession de gré à gré de l'ensemble des actifs des sociétés CARIACOU et CHANTECOQ à la société RESTAURATION MOISSY CRAMAYEL (ci-après société CRAMAYEL) pour le prix de 5.200.000 Fr.

Le juge commissaire précisait que sa décision serait notifiée à toute personne ayant manifesté son intention d'acquérir parmi lesquelles se trouvait la société BUFFALO GRILL.

Cette société a formé opposition à l'ordonnance ci-dessus mentionnée en proposant d'acquérir les biens pour la somme de 6.500.000 Fr.

La société CRAMAYEL est intervenue volontairement à cette instance pour faire déclarer irrecevable l'opposition de la société BUFFALO GRILL motif pris de ce qu'elle n'était pas partie devant le juge commissaire. Au fond, elle soutenait qu'il n'était pas possible de remettre en cause par une surenchère tardive la décision du juge commissaire.

Par le jugement déféré, le tribunal recevant l'opposition de la société BUFFALO GRILL a mis à néant l'ordonnance critiquée, pris acte de l'offre d'acquisition des biens au prix de 6.500.000 Fr par la société BUFFALO GRILL, dit que le liquidateur réalisera l'actif des sociétés défaillantes dans les conditions de l'article 154 de la loi du 25 janvier 1985, et qu'une requête de cession de gré à gré sera présentée au juge commissaire après une dernière consultation des acquéreurs potentiels dans le mois.

La société CRAMAYEL, appelante, précise tout d'abord, que son appel est un appel nullité, qu'elle a qualité pour introduire un tel recours puisque son offre avait été retenue par le juge commissaire.

Elle soutient que le jugement doit être annulé car il est entaché de deux causes graves de nullité dans la mesure où il a accueilli le recours de la société BUFFALO GRILL qui selon elle était irrecevable, cette société n'étant pas partie à l'instance devant le juge commissaire, et où il a admis des enchères qui sont normalement arrêtées après la décision du juge commissaire.

Me HOREL, intimé ès qualités, conclut à l'irrecevabilité de l'appel aucun vice grave n'affectant le jugement qui est d'après lui parfaitement valable.

Il sollicite la somme de 15.000 Fr au titre de l'article 700 du N.C.P.C.

La société BUFFALO GRILL, intimée, conclut également à l'irrecevabilité de l'appel et demande une somme de 5.000 Fr sur le fondement de l'article 700 précité.

Cela étant exposé, la Cour

Considérant qu'en autorisant par son ordonnance du 3 avril 1990 la vente de gré à gré de l'ensemble des actifs des sociétés CARIACOU et CHANTECOQ pour un prix déterminé le juge commissaire a usé du pouvoir que lui donne les articles 154 alinéa 2 ou 156 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Qu'aux termes de l'article 173 de la même loi ne sont pas susceptibles d'appel les jugements par lesquels le tribunal statue sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge commissaire dans la limite de ses attributions ;

Considérant cependant que cette dernière disposition n'interdit pas que soit constatée par la voie de l'appel, la nullité d'un jugement affecté d'un vice grave tenant aux conditions mêmes dans lesquelles il a été rendu ;

Considérant en l'espèce que la société CRAMAYEL soutient que la décision est nulle pour avoir été rendue sur une opposition irrecevable et pour avoir permis la poursuite « d’enchères » auxquelles la décision du juge commissaire avait mis fin ;

Qu'elle prétende tout d'abord que la société BUFFALO GRILL n'ayant pas été partie devant le juge commissaire n'avait pas qualité pour faire opposition à sa décision tendant ainsi à assimiler les acquéreurs potentiels dans le cadre de la liquidation judiciaire aux cessionnaires non retenus au cas de cession de l'entreprise ;

Mais considérant que les situations ne sont pas identiques que si, dans le cas de cession de l'entreprise il est normal que les voies de recours soient réduites au minimum afin qu'une trop grande instabilité dans le temps ne remette en question les délicats mécanismes de cession d'entreprises, il est au contraire souhaitable dans le cadre de la liquidation que les actifs sociaux soient réalisés au meilleur prix dans l'intérêt des créanciers ;

Qu'ainsi la désignation par le juge commissaire des personnes auxquelles son ordonnance doit être notifiée va au-delà de la simple information et a pour objet de mettre en mouvement d'éventuels recours de la part des offrants écartés qui, en améliorant leur proposition, permettent un meilleur apurement du passif ;

Considérant dans ces conditions que l'opposition faite par la société BUFFALO GRILL, dans le cadre de l'article 25 du décret du 27 décembre 1985, en sa qualité d'acquéreur potentiel spécialement désignée par le juge commissaire pour recevoir notification de sa décision, est recevable ;

Considérant que le premier vice allégué par la société CRAMAYEL doit être écarté ;

Considérant que le second grief invoqué (possibilité de surenchérir après l'ordonnance du juge commissaire) ne pourrait éventuellement servir de base qu'à un appel réformation irrecevable, cette possibilité de « surenchérir » n'ayant porté atteinte à aucun droit fondamental de la société CRAMAYEL qui, représentée devant le tribunal, conserve la possibilité de modifier elles-mêmes ses propositions ;

Considérant en définitive que l'appel nullité de la société CRAMAYEL doit être déclaré irrecevable ;

Considérant que l'équité n'impose pas de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C.

Par ces motifs

Déclare l'appel irrecevable ;

Déboute Me HOREL et la société BUFFALO GRILL de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du N.C.P.C.

Condamne la société de RESTAURATION DE MOISSY CRAMAYEL aux dépens d'appel et admet Me HUYGUE et la SCP GARRABOS ALIZARD au bénéfice de l'article 699 du N.C.P.C.