Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 24 novembre 2022, n° 21/14830

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ouvrel

Conseillers :

Mme Perez, Mme Neto

Avocats :

Me Mascolo, Me Chatonnier-Ferra, Me Dersy

Jur. prox. Nice, du 6 sept. 2021, n° 21/…

6 septembre 2021

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon baux sous seing privés du 22 novembre 2019, madame [N] [C] a donné en location à monsieur [D] [Y], un logement et un garage situé résidence [Adresse 3], moyennant un loyer mensuel actuel de 1 030 € pour l'appartement et 120 € pour le garage.

Madame [N] [C] a fait délivrer des commandements de payer pour l'appartement et le garage datés du 3 novembre 2020 visant la clause résolutoire des baux.

Par ordonnance de référé en date du 6 septembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire, pôle de proximité, de Nice a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre les parties à la date du 3 janvier 2021,

rejeté la demande d'octroi de délais de paiement de monsieur [D] [Y],

* ordonné, à défaut de libération volontaire dans les 8 jours, l'expulsion de monsieur [D] [Y] et de tous occupants de son chef, avec le concours de la force publique et d'un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L 412-1 et suivants, R 411-1 et suivants, R 412-1 et suivants du code des procédures civiles d' exécution ,

* dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L433-1 et suivants et R 433-1 et suivants du code des procédures civiles d' exécution ,

* rejeté la demande de paiement d'une astreinte,

* condamné monsieur [D] [Y] à payer à madame [N] [C] à titre provisionnel une indemnité d'occupation à compter du 1er juillet 2021 et jusqu'à libération complète et effective des lieux,

* fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 1 150 €,

* condamné monsieur [D] [Y] à payer à madame [N] [C] la somme de 13 800 € à titre de provision à valoir sur les loyers et charges impayés selon décompte arrêté en juin 2021, échéance de juin incluse, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 3 novembre 2020 sur la somme de 4 600 € et à compter de la signification de la présente décision sur le surplus de la somme,

* rejeté la demande suppression du délai de deux mois suivant le commandement de quitter les lieux,

* condamné monsieur [D] [Y] à payer à madame [N] [C] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné monsieur [D] [Y] aux dépens, en ce compris le coût des commandements de payer, et des assignations,

* dit n'y avoir lieu à déroger à la répartition qui met à la charge du créancier le droit proportionnel de recouvrement de l'article A 444-32 du code de commerce.

Selon déclaration reçue au greffe le 19 octobre 2021, monsieur [D] [Y] a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions de l'ordonnance déférée dûment reprises.

Par dernières conclusions transmises le 2 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, monsieur [D] [Y] demande à la cour de :

- le déclarer recevable en sa demande d'octroi de délais de paiement,

- lui accorder un délai de paiement de sa dette sur trois ans,

- fixer la dette locative, au mois de décembre 2021, à la somme de 20 700 €,

- lui accorder un échelonnement de sa dette locative en la somme de 575 € par mois pendant 36 mois, à verser en sus du règlement du loyer pour l'appartement et le garage,

- suspendre la clause résolutoire de plein droit contenue dans le bail,

- suspendre les procédures d' exécution engagées par madame [N] [C],

- ordonner la suppression des majorations d'interjetés et pénalités dues en cas de retard,

- condamner madame [N] [C] à lui payer la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner madame [N] [C] au paiement des dépens.

Par dernières conclusions transmises le 16 septembre 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, madame [N] [C] sollicite de la cour qu'elle :

A titre liminaire :

* dise que monsieur [D] [Y] ne demande pas l'infirmation ou la réformation de la décision dans ses conclusions,

* dise en conséquence que la cour ne peut que confirmer la décision dont appel,

À titre principal, au fond :

* confirme l'ordonnance dont appel :

- en ce qu'elle a constaté l'acquisition des causes résolutoires avec tous effets et conséquences de droit,

- en ce qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement,

- en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de monsieur [D] [Y],

- en ce qu'elle a condamné monsieur [D] [Y] au paiement d'une provision de 13 800 € au titre des arriérés locatifs au 21 juin 2021,

Y ajoutant sur ce point : condamne monsieur [D] [Y] au paiement par provision des arriérés locatifs s'élevant au 8 avril 2022 à la somme de 24 150 €,

- en ce qu'elle a condamné monsieur [D] [Y] au paiement du coût des commandements de payer du 3 novembre 2020 en application de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d' exécution ,

- en ce qu'elle a condamné monsieur [D] [Y] au paiement des loyers échus et à échoir jusqu'à la constatation de l'acquisition des clause résolutoires puis, à compter de cette date, au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente aux loyers courants outre les charges et les taxes, jusqu'à libération effective des locaux,

- en ce qu'elle a condamné monsieur [D] [Y] au paiement d'une somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* réforme pour le surplus l'ordonnance,

* condamne monsieur [D] [Y] au paiement des sommes de 68,30 € et 5 664,45 € au titre du changement de serrure et remise en état de l'appartement,

* condamne monsieur [D] [Y] à supporter, dans le cadre du recouvrement forcé, le droit proportionnel dégressif mis à la charge du créancier par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance qui comprendront notamment le coût du présent acte,

* condamne monsieur [D] [Y] au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

* condamne monsieur [D] [Y] au paiement de la somme de 5 000 € sur le même fondement pour la procédure d'appel, outre les entiers dépens.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 19 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'appel principal interjeté par monsieur [D] [Y]

En vertu de l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Par application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte. La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

En l'occurrence, il résulte de la lecture des dernières conclusions récapitulatives de l'appelant, transmises les 16 décembre 2021 et de nouveau notifiées le 2 février 2022, que si monsieur [D] [Y] sollicite les prétentions récapitulées dans l'exposé du litige de la présente décision, il n'est formulé au dispositif, ni demande d'infirmation, ni de confirmation, de l'ordonnance querellée, en date du 6 septembre 2021, et l'ayant débouté de ces mêmes prétentions, étant observé que l'appel a été interjeté le 19 octobre 2021, soit postérieurement au 17 septembre 2020, cet élément étant mis en avant par l'intimée.

Or, à partir de cette date, la Cour de cassation a instauré une nouvelle obligation procédurale imposant à la partie appelante de préciser, dans le dispositif de ses conclusions, qu'elle demande l'annulation ou l'infirmation de la décision entreprise. En effet, il a été jugé qu'en application des dispositions combinées des articles 542 et 954 du code de procédure civile, lorsque l'appelant ne demande, dans le dispositif de ses conclusions, ni l'infirmation, ni l'annulation de la décision, la cour d'appel ne peut que confirmer la décision rendue.

Monsieur [D] [Y] se trouve ainsi dans cette situation, ce qu'a justement relevé madame [N] [C], de sorte que son appel doit être considéré non soutenu, et que la cour, non saisie d'une quelconque demande de sa part, ne peut que confirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Nice du 6 septembre 2021 en l'ensemble de ses dispositions à l'exception de celles qui font l'objet d'un appel incident de la part de l'intimée, ce dernier ne portant que sur la condamnation de monsieur [D] [Y] au paiement des sommes de 68,30 € et 5 664,45 € au titre du changement de serrure et de remise en état de l'appartement, sur la condamnation de monsieur [D] [Y] à supporter, dans le cadre du recouvrement forcé, le droit proportionnel dégressif mis à la charge du créancier par l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001 ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance qui comprendront notamment le coût du présent acte, et, sur les prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de la provision au titre de la dette locative, force est d'observer que madame [N] [C] n'a formé aucune demande de réformation de la décision entreprise y compris quant au montant retenu, de sorte que la décision ne pourra, là encore, qu'être confirmée.

Sur la demande de madame [N] [C] tendant à la condamnation de monsieur [D] [Y] au paiement de sommes

Par application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l' exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Madame [N] [C] soutient que monsieur [D] [Y] a quitté les lieux le 8 avril 2022 sans lui rendre les clefs, de sorte qu'elle soutient avoir dû changer le barillet de la porte, et que l'appelant a laissé l'appartement dans un état déplorable la contraignant à financer des travaux de remise en état à hauteur de 5 664,45 €.

En l'occurrence, force est de relever qu'aucun état des lieux ni d'entrée, ni de sortie n'est produit, de même que les conditions du départ de monsieur [D] [Y] ne sont pas autrement justifiées. Dès lors, l'absence de remise des clefs par le preneur au bailleur n'est pas démontrée, de sorte que la nécessité du changement de serrure n'est pas établie, étant observé que la demande présentée par madame [N] [C] n'est pas provisionnelle et excède les pouvoirs du juge des référés.

S'agissant de la demande de remise en état, madame [N] [C] produit une facture du 14 mai 2022 portant essentiellement sur des travaux de peinture alors que monsieur [D] [Y] justifie également de facture au titre de la peinture de la salle de bains, des toilettes, du couloir, du hall d'entrée et d'une chambre en date d'avril et mai 2021, photographies à l'appui. De plus, l'absence de tout état des lieux de sorties ne permet pas d'imputer des dégradations imputables au locataire, l'état antérieur du bien étant ignoré. Cette demande en paiement de la somme de 5 664,45 € ne peut donc pas prospérer, étant observé qu'elle n'est pas non plus provisionnelle et excède les pouvoirs du juge des référés.

Ces prétentions ne pourront donc qu'être écartées.

Sur la demande tendant à ce que monsieur [D] [Y] supporte les droits proportionnels

La demande de l'intimée tendant à ce que le montant des sommes retenues par l'huissier de justice, en cas d' exécution forcée, en application de l'article A 444-32 du code de commerce soit supportées par monsieur [D] [Y], ne saurait prospérer en ce que ces frais ne constituent pas des dépens mais sont compris dans les frais irrépétibles et en ce qu'aucune circonstance particulière ne permet de déroger à la répartition qui met à la charge du créancier le droit proportionnel.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée de ce chef.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens

Monsieur [D] [Y], qui succombe au litige, supportera les dépens de première instance et d'appel. En outre, l'indemnité à laquelle elle a été condamnée en première instance au titre des frais irrépétibles sera confirmée, et, une indemnité supplémentaire de 2 000 € sera mise à sa charge au bénéfice de madame [N] [C], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en considération de l'équité et de la situation économique respectives des parties.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de madame [N] [C] en paiement des sommes de 68,30 € et 5 664,45 € au titre du changement de serrure et remise en état de l'appartement,

Condamne monsieur [D] [Y] à payer à madame [N] [C] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute monsieur [D] [Y] de sa demande sur ce même fondement,

Condamne monsieur [D] [Y] au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.