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Décisions

CA Versailles, 15e ch., 28 octobre 2020, n° 16/04392

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Médissimo (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Capra

Conseillers :

Mme Montagne, Mme Robert

Cons. Prud’h. Poissy, du 20 sept. 2016, …

20 septembre 2016

FAITS ET PROCEDURE,

La société Medissimo, entreprise spécialisée dans la conception et la fabrication de piluliers sécurisés et la gestion par plate-forme numérique du suivi des traitements médicamenteux, a engagé à compter du 16 juin 2014 M. Pierre-Marie C. en qualité de développeur embarqué, statut cadre, position 2.3, coefficient 150, moyennant une rémunération annuelle brute fixe de 56 000 euros pour 35 heures de travail par semaine. Le salarié percevait en dernier lieu un salaire mensuel brut de 4 716,67 euros.

Les relations entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseil dite Syntec.

Après avoir été convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 avril 2015 à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 21 avril 2015, M. C. a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre adressée dans les mêmes forme le 24 avril 2015 et dispensé de l' exécution du préavis, qui lui a été rémunéré. Il lui a été versé une indemnité de licenciement de 1 042,91 euros.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, M. C. a saisi le 20 juillet 2015 le conseil de prud'hommes de Poissy de diverses demandes.

Par jugement du 20 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Poissy a :

- dit le licenciement de M. C. dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Medissimo à payer à M. C. la somme de 28 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, avec intérêts légaux à compter du prononcé de sa décision,

- fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 4 700 euros bruts,

- condamné la société Medissimo à payer à M. C. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. C. du surplus de ses demandes,

- débouté la société Medissimo de sa demande,

- condamné la société Medissimo aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d' exécution éventuels.

La société Medissimo a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 4 octobre 2016.

Par jugement du 1er juin 2017, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Medissimo et désigné la Selarl SMJ prise en la personne de Me Olivier C. de D., ès qualités de mandataire judiciaire de la société Medissimo et la Selarl Patrick P., prise en la personne de Me Patrick P., ès qualités d'administrateur judiciaire.

Par jugement du 5 avril 2018, il a arrêté le plan de continuation de l'entreprise et désigné la Selarl Patrick P., prise en la personne de Me Patrick P., ès qualités de commissaire à l' exécution du plan.

Le 13 novembre 2018, il a été procédé à la clôture de l'instruction et l'affaire a été fixée à l'audience du 19 décembre 2018.

Le 14 décembre 2018, M. C. indiquant qu'il entendait produire des pièces complémentaires, a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture.

Le 17 décembre 2018, la société Medissimo a sollicité le renvoi de l'affaire afin que le commissaire à l' exécution du plan intervienne à la cause.

Le 19 décembre 2008, l'ordonnance de clôture a été révoquée, la société Medissimo invitée à indiquer si Me P. entendait intervenir à l'instance et M. C. invité à procéder en tant que de besoin à la mise en cause de celui-ci ès qualités et l'affaire renvoyée à l'audience de mise en état du 27 mars 2019.

Par actes du 2 mai 2019, M. C. a assigné en intervention forcée l'AGS-CGEA d'IDF Ouest par acte du 2 mai 2019 et la Selarl Patrick P., prise en la personne de Me Patrick P., ès qualités de commissaire à l' exécution du plan, par acte du 6 mai 2019.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 1er juillet 2019, la société Medissimo demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. C. de ses demandes au titre d'heures supplémentaires et d'une exécution fautive du contrat de travail,

- de l'infirmer pour le surplus, de dire le licenciement de M. C. fondé et de condamner l'intéressé aux éventuels dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

À titre subsidiaire, si la cour entrait en voie de condamnation, fixer la créance au passif du redressement judiciaire.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 25 avril 2019, M. C. demande à la cour :

- de débouter la société Medissimo de ses demandes,

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et a débouté la société Medissimo de sa demande,

- de l'infirmer en ce qu'il a condamné la société Medissimo à lui la somme de 28 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, avec intérêts légaux à compter du prononcé de sa décision, en ce qu'il a fixé la moyenne mensuelle des salaires en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail à la somme de 4 700 euros bruts et en ce qu'il l'a débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires et de l' exécution fautive du contrat de travail,

- condamné la société Medissimo à payer à M. C. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. C. du surplus de ses demandes,

Et, statuant à nouveau, de :

- fixer son salaire brut mensuel à la somme de 4 716,67 euros ;

- fixer sa créance au passif de la société Medissimo aux sommes suivantes , ou subsidiairement condamner la société Medissimo à lui payer les sommes suivantes :

- 48 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3 000 euros au titre de l' exécution fautive du contrat de travail,

- 25 529 euros au titre des heures supplémentaires non payées,

- 638 euros au titre de la prime de vacances,

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-en cas de fixation de sa créance au passif du redressement judiciaire, déclarer l'arrêt à intervenir opposable au Centre de gestion et d'étude AGS (CGEA) d'IDF Ouest;

-condamner la société Medissimo au dépens.

Par conclusions déposées au greffe le 1er juillet 2019, l'Unedic, délégation AGS CGEA d'Ile-de-France Ouest, demande à la cour :

À titre principal :

- de mettre l'AGS hors de cause au titre de la présente instance, la société Medissimo étant redevenue in bonis, ou, à tout le moins, de dire qu'elle ne pourra être amenée à effectuer des avances que sur justification de l'absence de fonds disponibles ;

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. C. de ses demandes au titre d'heures supplémentaires, d'une exécution fautive du contrat de travail et de la prime de vacances,

- de l'infirmer pour le surplus, de dire le licenciement de M. C. fondé sur une cause réelle et sérieuse et de débouter l'intéressé de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement de ramener à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause de :

- mettre hors de cause l'AGS s'agissant des frais irrépétibles de la procédure.

- dire que la demande qui tend à assortir les intérêts au taux légal ne saurait prospérer postérieurement à l'ouverture de la procédure collective en vertu des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce,

- fixer l'éventuelle créance allouée au salarié au passif de la société,

- dire que le CGEA, en sa qualité de représentant de l'AGS, ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 3253-6, L. 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-19 à 21 et L. 3253-17 du code du travail,

- dire que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le Mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

La Selarl Patrick P., prise en la personne de Me Patrick P., ès qualités de commissaire à l' exécution du plan, assigné en intervention forcée par M. C. par acte du 6 mai 2019, n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 décembre 2019 et l'affaire fixée à l'audience du 14 janvier 2020.

A cette audience, l'affaire a été renvoyée à la demande de M. C., en raison de la grève des avocats, au 24 mars 2020 puis d'office, en raison des mesures sanitaires prises pour éviter la propagation du coronavirus, au 29 septembre 2020.

Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé des moyens des parties représentées à l'instance.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur les heures supplémentaires

M. C., rémunéré pour 35 heures de travail par semaine selon l'horaire collectif suivant : 9h-12h et 14-18h, prétend avoir effectué 606 heures supplémentaires entre le 16 juin 2014 et le 17 avril 2015 sans qu'elles lui ait été payées et revendique le paiement de la somme de 25 529 euros à titre de rappel de salaire de ce chef.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en apportant, le cas échéant, la preuve contraire.

Le décompte produit par le salarié indique le nombre d'heures supplémentaires qu'il prétend avoir effectuées par semaine, calculé sur la base d'un calendrier électronique mentionnant le nombre d'heures qu'il prétend avoir effectuées par jour, sans préciser ses horaires d'arrivée et de départ. Cet élément n'est pas suffisamment précis pour étayer la demande. Il est en outre expressément contredit pour les mois de janvier à mars 2015 par les fiches de procédure de fonctionnement social produites par la société Medissimo, mentionnant l'absence d'heures supplémentaires accomplies, que le salarié indique être 'prétendument signées par lui', sans en dénier toutefois formellement la signature, similaire à celle portée sur sa lettre de contestation du licenciement. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'intéressé de sa demande en paiement d'heures supplémentaires.

2- Sur la prime de vacances

L'instance ayant été introduite avant le 1er août 2016, les dispositions de l'article L. 1452-7 du code du travail résultant du décret n°2008-244 du 7 mars 2008 sont applicables au présent litige.

L'article 31 de la convention collective dispose :

'L'ensemble des salariés bénéficie d'une prime de vacances d'un montant au moins égal à 10% de la masse globale des indemnités de congés payés prévus par la convention collective de l'ensemble des salariés.

Toutes les primes ou gratifications versées en cours d'année à divers titres et quelle qu'en soit la nature peuvent être considérées comme primes de vacances à conditions qu'elles soient au moins égales aux 10% prévus à l'alinéa précédent et qu'une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.'

Cette prime est payable annuellement. La société Medissimo ne justifie, ni même n'allègue, que M. C. n'aurait pas été présent dans l'entreprise à la date de son versement.

En tout état de cause, l'intéressé, qui a perçu en 2014 un salaire brut de 30 121,52 euros et en 2015 un salaire brut de 31 996,31 euros, n'a perçu aucune prime ou gratification tant du 16 juin au 31 décembre 2014 que du 1er janvier au 24 juillet 2015, date de la fin du préavis.

Il est dès lors bien fondé à prétendre au paiement de la prime de vacances prorata temporis pour chacune des années 2014 et 2015. A défaut pour la société Medissimo de justifier de la masse globale des indemnités de congés payés dans l'entreprise et des modalités de calcul de la prime de vacances en vigueur au sein de celle-ci, il convient d'allouer à M. C. la somme totale de 638 euros qu'il revendique au titre de la prime de vacances pour les périodes du 16 juin au 31 décembre 2014 et du 1er janvier au 24 juillet 2015 et de fixer cette somme au passif du redressement judiciaire de l'entreprise.

3- Sur le licenciement

L'énoncé dans la lettre de licenciement notifiée à M. C. d'une insuffisance professionnelle constitue un motif matériellement vérifiable au sens de l'article L. 1232-6 du contrat de travail qui peut être précisé et discuté devant le juge du fond.

Le licenciement doit être fondé sur les éléments objectifs imputables au salarié.

Rattaché au directeur de l'Innovation produit, puis du directeur Technique et Innovation, M. C. avait pour mission de :

- développer et documenter des logiciels,

- rédiger les spécifications de conception avec les équipes Medissimo,

- établir les spécifications de tests et les conduire,

- participer au pilotage de prestataires de services externes,

- rédiger les rapports d'activité et proposer des recommandations de plan d'action,

- être ISO 9001.

M. C. a été classé cadre position 2.3, qui est la classification des 'Ingénieurs ou cadres ayant au moins six ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche.'

Le salarié, qui était essentiellement chargé du projet de pilulier connecté Imedipac, était intervenu également en 2014 dans le même temps sur les projets Medicup et Imedicup.

Il s'est avéré que la société Medissimo n'a pas été en mesure de procéder à la démonstration de prototypes de pilulier connecté Imedipac au CES de Las Vegas de janvier 2015, ceux-ci ne fonctionnant pas.

Il n'est pas établi cependant au vu du rapport intitulé 'Démonstrateur Imedipac utilisés pour le CES Las Vegas-janvier 2015 : analyse des dysfonctionnements, proposition d'actions d'amélioration' établi par M. P., de la société 2IM, à l'issue de la réunion du 7 janvier 2015 que les dysfonctionnements des prototypes présentés au CES de Las Vegas aient été imputables à M. C.. Il apparaît au contraire que ces dysfonctionnements ne trouvaient pas leur cause dans des manquements, des insuffisances techniques ou dans des négligences de celui-ci, mais dans le caractère irréaliste de la décision de la société Medissimo de demander à M. C. le 8 décembre 2014 de faire fabriquer des prototypes équipés de nouvelles cartes électroniques pour le 3 janvier 2015, alors que la société Sedelec qui avait conçu les précédents prototypes avait fermé, que les nouvelles cartes électroniques fabriquées en urgence par la société Neotech n'ont pu être livrées que le 28 décembre 2014 et que les cartes Sim livrées par la société Bouygues n'ont pu être testées que le 31 décembre 2014, ce qui ne laissait pas un temps suffisant au salarié pour en réaliser la mise au point.

Par mail du 20 janvier 2015, le directeur Technique et Innovation a demandé à M. C. de suspendre les actions sur l'Imedicup pour consacrer tous ses efforts au projet Imedipac et lui a demandé de lui indiquer, parmi les actions prioritaires à conduire qu'il énonçait, celles qu'il proposait de prendre en main :

1- remettre en marche les 5 'prototypes CES' avec un fonctionnement effectif avec la plate-forme Siapda de démo ;

2- définir (ou piloter la définition par Viveris de) l'interface entre Imedipac et la plate-forme Siapda (messages, protocole...) ;

3- consolider Asap (ou faire consolider par Viveris) le macro-planning Imedipac intégrant les phases démo/pilotes/production industrielle ;

4- développer le logiciel embarqué pour démo sur les prototypes P1 (faisable par toi'),

5- piloter le projet 'produit Imedipac' côté Medissimo : coordination de BSE et Viveris, suivi des actions Medissimo, suivi des actions BSE et Viveris, alertes sur le planning, gestion des risques, reporting management, ...,

6- suivre très étroitement les tests du mécanisme de détection avec une présence chez Viveris.

M. C. lui a répondu le 21 janvier qu'il prenait en charge toutes ces actions, que sa première priorité était la mise en fonctionnement des 5 cartes de démo, qu'il envisageait deux hypothèses pour le développement du logiciel sur les prototypes P1 et qu'il allait voir laquelle des deux était la plus judicieuse en terme de planning.

Par mail du 26 mars 2015, le directeur Technique et Innovation a répondu à M. C. qui s'interrogeait sur son rôle et son positionnement dans l'équipe suite à l'intégration dans l'organisation d'un chef de projet, M. F., que celle-ci répondait au besoin d'un pilotage strict du projet Imedipac et de l'ensemble des actions techniques qui s'y rapportent. Devant l'insistance de M. C., qui lui demandait s'il s'agissait de la fin de sa propre mission sur Imedipac, il a répliqué le 31 mars 2015 en soutenant que M. C. n'avait pas tenu les engagements pris le 21 janvier, qu'il ne s'était pas mobilisé et était resté attentiste et qu'il avait dû en conséquence piloter lui-même le projet Imedipac et initier, relancer et suivre lui-même les tâches 2), 3), 5) et 6), et confier la tâche 4), le développement du logiciel embarqué pour démo sur les prototypes P1, à la société Viveris, tandis que M. C. réalisait la tâche 1), la remise en marche des 5 'prototypes CES' avec un fonctionnement effectif avec la plate-forme Siapda de démo, mais très tardivement, le changement des buzzers n'étant effectif que depuis une dizaine de jours et le briefing de la présidente de la société sur ses nouveaux prototypes corrigés n'ayant pas été fait, ce qui a empêché celle-ci de réaliser des démonstrations auprès de clients stratégiques.

Par mail du 1er avril 2015, le directeur Technique et Innovation a répondu à M. C. qui indiquait n'avoir eu aucune communication avec lui sur le manque de pilotage du projet, qu'ils faisaient une réunion tous les vendredis avec leurs partenaires et quasi quotidiennement en interne sur l'état d'avancement des projets, et a rejeté sa proposition de lui adresser un mail détaillé de ses actions.

Ces mails du directeur Technique et Innovation, adressés au salarié quelques jours seulement avant son propre départ de l'entreprise, qui ne sont corroborés par aucun élément objectif, ni même par une attestation précise et circonstanciée, ne suffisent pas à justifier d'une réelle insuffisance du salarié dans l' exécution de ses tâches.

Il est constant que M. C., grâce à ses compétences techniques, a mené à bien la remise en marche des 5 prototypes Imedipac et a réussi à augmenter l'autonomie de leur batterie. Il a fait la preuve de leur fonctionnement lors d'une réunion de présentation le 18 février 2015, même s'il a procédé ensuite à la mi-mars 2015 au changement des buzzers et il ne ressort d'aucun élément objectif qu'il lui ait été imparti pour la réalisation de cette tâche des délais impératifs qu'il n'aurait pas respectés.

Il apparaît qu'aucune alerte n'a été adressée à M. C. par quiconque sur un manque de pilotage au cours des trois mois séparant le mail du 21 janvier de son licenciement, alors même qu'il a établi des comptes-rendus de ses démarches et actions et participait chaque semaine à une réunion avec le directeur Technique et de l'Innovation.

La société Medissimo reproche à M. C. de ne pas avoir mis en place la coopération technique nécessaire entre les prestataires clés (Viveris, BSE et NXP) pour cadrer et valider la pertinence de leurs choix techniques pour assurer la sortie du produit Imedipac dans les temps, ce qui aurait permis que Viveris développe l'algorithme de détection optique sur le microprocesseur central M4 de NXP au lieu de le faire sur les micro-processeurs M0+ de NXP positionnés sur les cartes filles de l'Imedipac, de ne pas avoir orienté les choix de Viveris et, a minima, de ne pas avoir alerté son employeur sur les choix de celle-ci, alors qu'il était le seul à disposer de la compétence technique nécessaire en interne et à connaître l'historique de la conception matérielle de l'Imedipac par BSE.

Cependant s'il entrait dans les missions de M. C. de participer au pilotage des prestataires de services externes et s'il avait accepté, le 21 janvier 2015, de piloter le projet 'produit Imedipac' côté Medissimo, d'assurer la coordination de BSE et de Viveris, le suivi des actions Medissimo, le suivi des actions de BSE et de Viveris, les alertes sur le planning, la gestion des risques et le reporting management, il ressort des pièces produites qu'il ne lui a pas été donné l'autorité nécessaire pour mener cette tâche à bien.

Il est établi en effet par l'attestation de M. R., directeur administratif et financier de la société Medissimo de février 2015 à avril 2017 que la relation entre la société Medissimo et la société Viveris était essentiellement gérée par la présidente de la société Medissimo et le dirigeant du groupe Viveris, que cette relation plaçait la société Viveris dans une situation de cogestion du projet Imedipac, que la présidente de la société Medissimo n'admettait pas que ses équipes demande des comptes à la société Viveris, que les équipes techniques des deux sociétés n'avaient pas la main sur les choix à effectuer et étaient informés en dernière minute et sans pouvoir en discuter des changements d'orientation et de planning décidés par les dirigeants.

Il y a lieu de relever en outre qu'alors que M. C. travaillait sous la supervision du directeur Technique et Innovation, à la demande de qui le développement de l'algorithme de détection optique avait été confié à la société Viveris, celui-ci, tenu informé de l'avancement des travaux, n'a émis aucune réserve, alors qu'il n'est pas établi qu'il ne disposait pas de la compétence technique nécessaire et n'avait pas été en mesure de prendre connaissance de l'historique du projet.

La société Medissimo est en conséquence mal fondée à imputer à M. C. le manque de coordination entre la société Viveris et BSE ayant affecté le développement de l'algorithme de détection optique.

Le fait que la présidente de la société ait décidé d'intervenir personnellement auprès des dirigeants de chacune des sociétés pour convenir d'une solution pour tenir les délais et minimiser les coûts supplémentaires engendrés ne révèle aucune insuffisance de M. C..

Il est établi que le mail adressé par M. C. à M. F. de la société Viveris le 8 avril 2015 était le suivant :

'Bonjour Jacques,

Je fais suite à la réunion sur l'architecture logicielle du jeudi 2/04 ;

Pourriez-vous mettre par écrit les éléments échangés lors de la réunion:

-principe de mesure de l'algo implémenté sur les silabs

-données temporelles/taille des échantillons stockés,

-temps de calcul

-occupation mémoire du code dans l'état actuel de l'algorithme (data/programme)

-présentation de l'évolution possible de l'algorithme dans le domaine fréquentiel,

Bien cordialement' .

M. B., responsable d'activité-logiciels embarqués de la société Viveris, lui a répondu qu'on allait lui envoyer de premiers éléments de réponse en attendant le retour de Jacques, en congés pour plusieurs semaines, et que celui-ci pourra ensuite préciser certains points si nécessaire.

Le mail de M. C., légitime pour clarifier les choix de développement de la société Viveris, ne caractérise aucune maladresse de sa part et aucun élément ne vient corroborer les allégations de la société Medissimo selon lesquelles ce mail aurait ébranlé la direction de Viveris qui lui aurait fait part de son insatisfaction.

Le manque de compétences dans le pilotage des prestataires extérieurs et la coordination de projet, les négligences, le non-respect des délais, les difficultés à communiquer en interne et avec les prestataires, et plus généralement l'incapacité à assumer ses responsabilités professionnelles, reprochés par la société Medissimo à M. C., ne sont pas établis.

En l'absence d'insufffisance professionnelle avérée du salariée, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit le licenciement de M. C.dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Au moment de son licenciement, M. C. avait moins de deux ans d'ancienneté. En application de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il peut prétendre à une indemnité en fonction du préjudice subi.

En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, 50 ans, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi ainsi que du justificatif produit établissant qu'au 31 décembre 2015 il n'avait pas retrouvé d'emploi, il convient d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Medissimo à payer à M. C. la somme de 28 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'allouer au salarié, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi du fait de la perte injustifiée de son emploi, la somme de 23 000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail et de fixer cette créance au passif du redressement judiciaire de la société Medissimo.

4- Sur l' exécution fautive du contrat de travail

M. C. sollicité l'allocation de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par l'employeur. A l'appui de sa demande, il invoque un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté caractérisé par les faits suivants :

- l'absence d'entretien annuel d'évaluation des performances ;

- la réalisation en janvier 2015 d'un audit sans qu'il en soit informé et sans que le rapport d'audit lui soit communiqué ;

- le fait de ne pas avoir été informé des manifestations de promotion prévues, puis de l'annulation de ces évènements.

Il sera relevé que la société Medissimo n'avait pas l'obligation de procéder à un entretien annuel d'évaluation des performances des salariés et qu'il s'est en tout état de cause écoulé moins d'un an entre l'embauche de M. C. le 16 juin 2014 et son licenciement le 24 avril 2015.

A supposer qu'il n'ait pas été informé que la réunion organisée par M. P. de la société 2IM à laquelle il a participé le 7 janvier 2015 était destinée à faire l'objet d'un rapport et s'il n'est effectivement pas établi qu'il ait été destinataire de ce rapport distribué uniquement à la présidente et au directeur Technique et Innovation de la société Medissimo et qu'il ait été informé des manifestations de promotion prévues par la présidente, puis de leur annulation, M. C. ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte injustifiée de son emploi, déjà ci-dessus réparé. Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.

5- Sur la garantie de l'AGS

Les sommes dues par l'employeur en exécution du contrat de travail antérieurement au jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire restent soumises, même après un plan de redressement par cession ou par continuation, au régime de la procédure collective et la garantie de l'AGS doit intervenir selon les principes énoncés par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail.

Le présent arrêt sera en conséquence opposable à l'AGS (CGEA IDF Ouest) dans la limite des dispositions des articles précités et de l'article D. 3253-5 du code du travail, lesquelles excluent en particulier l'indemnité de procédure.

Cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement.

6- Sur les intérêts

En application des dispositions combinées des articles L. 622-28 et L. 631-14 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce de Versailles en date du 1er juin 2017, qui a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Medissimo, a définitivement arrêté le cours des intérêts légaux. La créance indemnitaire reconnue à M. C. fixée par le présent arrêt ne produira donc pas intérêts.

7- Sur la fixation du salaire brut mensuel

Il ressort des bulletins de paie produits que M. C. a perçu au cours des trois derniers mois un salaire mensuel brut de 4 716,67 euros et non de 4 700 euros, comme mentionné par le conseil de prd'hommes dans le jugement, étant précisé que les dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail sur l' exécution provisoire de droit n'étaient pas applicables à la créance indemnitaire reconnue au salarié par les premiers juges, de sorte que cette mention était sans objet.

8- Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure

La société Medissimo, qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens et sera déboutée de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. Il y a lieu d'allouer à M. C. pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1 000 euros en sus de celle qui a été allouée à celui-ci en première instance.

S'il peut être rappelé qu'en application de l'article L 111-8 du code des procédures civiles d' exécution , à l'exception des droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans les conditions fixées en Conseil d'Etat, les frais de l' exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés, la demande présentée à ce titre par l'appelant est irrecevable, faute d'intérêt à agir, en l'absence de litige né de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME partiellement le jugement du conseil de prud'hommes de Poissy du 20 septembre 2016 et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

FIXE la créance de M. C. au passif du redressement judiciaire de la société Medissimo à la somme de 23 000 euros à titre de dommages-intérêts de M. C.pour rupture abusive de son contrat de travail,

DIT que cette somme ne produit pas intérêts,

DIT n'y avoir lieu de fixer, en application des dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne mensuelle des salaires de M. C.,

CONFIRME pour le surplus les dispositions non contraires du jugement entrepris,

Y ajoutant,

FIXE la créance de M. C. au passif du redressement judiciaire de la société Medissimo à la somme de 638 euros au titre du montant total de la prime de vacances afférente aux périodes du 16 juin au 31 décembre 2014 et du 1er janvier au 24 juillet 2015,

DÉCLARE le présent arrêt opposable à l'AGS (Cgea d'IDF Ouest) dans les limites de sa garantie légale, laquelle ne comprend pas l'indemnité de procédure, et dit que cet organisme ne devra faire l'avance de la somme représentant les créances garanties que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à son paiement,

FIXE la créance de M. C. au passif du redressement judiciaire de la société Medissimo à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société Medissimo de sa demande d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Medissimo aux dépens d'appel.

- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.